L'ENLEVEMENT - Le film Rapito du réalisateur italien Marco Bellocchio a été projeté à la 76ème édition du Festival de Cannes, plongeant le public au c��ur de l'affaire Mortara. Il offre une immersion captivante dans l'Italie du XIXe siècle et soulève des questionnements profonds sur la liberté religieuse, l'identité et la tolérance.
Le film retrace le destin extraordinaire d'Edgardo Mortara qui a suscité une vive émotion dans toute l'Italie du XIXe siècle. Les autorités sont venues chez ses parents un soir de juin 1858 et leur ont donné vingt-quatre heures pour leur remettre leur enfant. Cette intervention a été réalisée sur ordre du pape, après la révélation du baptême secret de l'enfant.
Face à cette décision implacable, les parents d'Edgardo ont tenté de comprendre et de faire valoir leurs arguments. Ils ont rapidement découvert qu’une ancienne servante catholique était à l'origine de cette trahison. Malheureusement, dans l'État pontifical de Bologne, toute discussion était vaine et les autorités ne laissaient place à aucun compromis.
En raison de son baptême, Edgardo est considéré comme un apostat et il lui est donc impossible de vivre au sein d'une famille juive. Selon les croyances de l'époque, seule l'Église peut le sauver et le protéger spirituellement. L'inquisiteur de Bologne organise donc son placement dans une maison des catéchumènes, un institut fermé destiné à la conversion au catholicisme des jeunes juifs, musulmans et chrétiens non catholiques.
L'affaire Mortara, bien qu'exceptionnelle, n'est pas un cas isolé. Lors de la conférence de presse qui a suivi la première du film, le réalisateur a révélé que de nombreux autres enlèvements et conversions forcées ont eu lieu depuis le XVIe siècle. En effet, les familles juives étaient contraintes d'employer des servantes catholiques pendant le shabbat et celles-ci se chargeaient secrètement de baptiser les petits enfants juifs dans le but de les "sauver". Cette pratique était soutenue par les autorités religieuses catholiques au nom de Dieu. Au cours du procès, la servante a d’ailleurs affirmé avoir baptisé le petit Edgardo alors qu'il était malade et qu'elle le croyait mourant, dans l'espoir de le sauver des limbes, conformément à la croyance répandue à l'époque.
Ces conversions secrètes étaient utilisées comme moyen de pression par les autorités pour inciter les familles juives à se convertir au catholicisme afin de récupérer leurs enfants. Une alternative farouchement rejetée par la famille Mortara, qui refusait de choisir entre leur enfant et leur religion.
Rapito va bien au-delà d'un simple drame historique, il rappelle l'importance de la liberté religieuse et soulève des questions profondes sur l'identité, la foi et la tolérance.
Rapito explore avec minutie le thème de l'emprise à travers l'histoire bouleversante de ce jeune enfant soudain plongé dans les préceptes de la religion catholique. Dès son arrivée dans sa nouvelle demeure, Edgardo reçoit un conseil d'un autre garçon, lui indiquant qu'il doit se comporter de manière exemplaire s'il souhaite rapidement retrouver sa famille. Cependant, ce conseil se révèle être un piège, donnant l'illusion d'une conversion heureuse, alors qu'en réalité, il renforce la décision des autorités papales de le tenir éloigné de sa famille. Parallèlement, un processus d'endoctrinement se met en place, basé sur l'enfermement et la culpabilisation.
Un autre élément remarquable de cette histoire est la trajectoire d'Edgardo Mortara lui-même. Malgré l'épreuve incommensurable qu'il a vécue, il deviendra prêtre et restera un fervent catholique jusqu'à sa mort, restant à distance de sa famille, essayant même de la convertir au catholicisme. Marco Bellocchio a mis en évidence les contradictions d'Edgardo Mortara et la souffrance qui en découle. Il utilise habilement le mystère qui entoure la psychologie du personnage tout au long du film.
Est-ce qu'il fait semblant ? Est-ce qu'il agit par réflexe de protection ou est-il victime du syndrome de Stockholm ? Tout au long du récit, le personnage fascine et suscite des questionnements.
L'histoire d'Edgardo Mortara est exceptionnelle à bien des égards, notamment par sa médiatisation. Ses parents ont lutté sans relâche contre les autorités pontificales pour récupérer leur enfant, mobilisant la presse libérale qui en a fait un scandale national. Elle est devenue un symbole de résistance face à l'inquisition, renforçant ainsi la position inflexible du pape Pie IX, déterminé à appliquer strictement les dogmes religieux et à préserver son pouvoir. Marco Bellocchio souligne que cette affaire a pris une dimension "politique", en soulignant son lien avec la "dislocation de l'État pontifical" à l'époque.
Ce contexte historique, étroitement lié à l'affaire Mortara, se reflète dans la structure du film, qui s'appuie sur trois moments clés : l'enlèvement en 1858, le procès en 1860 rendu possible par l'arrivée des nationalistes au pouvoir à Bologne, et enfin, la conquête de Rome en 1870.
L'affaire Mortara est devenue célèbre et a posé un casse-tête pour le pape Pie IX et son principal conseiller, le cardinal Antonelli. Face à la pression publique et aux pétitions incessantes de la communauté juive réclamant le retour d'Edgardo, le pape, a simplement publié son édit : "Non possumus" (Nous ne pouvons pas).
Ce n'est qu'en 1859, lorsque l'armée italienne renverse la domination papale à Bologne, qu'un nouvel espoir surgit avec un procès contre Felletti, l’inquisiteur. Malheureusement, il est disculpé et l'avocat répond sèchement à Momolo, désespéré de ramener Edgardo à la maison, que cela ne sera possible que lorsque Rome sera prise.
Marco Bellocchio a découvert le destin d'Edgardo Mortara dans un livre de Vittorio Messori, un auteur catholique et conservateur qui défendait les raisons justifiant la séparation de l'enfant de sa famille par le pape. Cette affaire hautement médiatisée a suscité des passions déchaînées et a donné lieu à de nombreux récits, parfois contradictoires, parmi lesquels il a fallu faire le tri. Lors de la conférence de presse, Marco Bellocchio, le réalisateur, et Susanna Nicchiarelli, la coscénariste ont déclaré avoir eu la chance de travailler sur les sources directes de l'affaire Mortara, notamment les dépositions du procès, dont celle de Mariana Mortara, la mère, qui a décrit en détail les événements relatés dans la première partie du film, tels que l'arrivée des policiers et leur demande du nom des enfants. Cette richesse d'informations a permis de sélectionner parmi de nombreux éléments réels. Cependant, il restait à imaginer l'intimité des personnages, un aspect pour lequel très peu d'informations étaient disponibles.
Le film documente de près les circonstances de l'enlèvement d'Edgardo et les premiers efforts pour le ramener. Malgré son jeune âge, Sala a brillamment incarné le personnage, même s'il n'a probablement pas pleinement saisi l'importance du film en raison de sa jeune expérience de vie. Le réalisateur estime avoir fait un choix judicieux en sélectionnant cet acteur très jeune, qui a su apporter une profondeur émotionnelle remarquable à son interprétation. Il souligne également que Sala, n'ayant jamais mis les pieds dans une église et étant dépourvu des contraintes d’une éducation catholique, sans être non plus juif, et a pu puiser dans une profondeur intérieure pour incarner le personnage.
Marco Bellocchio a révélé que Steven Spielberg avait également prévu de réaliser un film sur l'affaire Mortara et avait même commencé à repérer des lieux en Italie. Cependant, il a finalement abandonné le projet, ouvrant ainsi la voie à Bellocchio et son équipe, ce qui est préférable, le film devant être tourné par des italiens et en langue italienne.
NOTE 17/20 - En plus de susciter une réflexion intense et captivante sur l'univers des religieux, la croyance et ses modalités d'adhésion, Rapito plonge le public au cœur d'un épisode bouleversant de l'histoire italienne.
Les performances exceptionnelles des acteurs donnent vie aux personnages avec une intensité émotionnelle palpable. L'esthétique soignée du film s'inspire des grands maîtres de la peinture pré-impressionniste italienne et française, tel Eugène Delacroix.
Les décors minutieusement reconstitués, les costumes somptueux et les couleurs vives et contrastées créent une atmosphère visuelle captivante, transportant le spectateur dans un univers saisissant de réalité.
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"Ainsi que je l’ai dit, Guénon, partant de la prémisse selon laquelle l’Europe n’avait connu un ordre traditionnel que grâce à l’Eglise catholique, avait pensé que le retour de l’Europe à un catholicisme traditionnellement intégré […] représenterait le seul appui pour une renaissance de l’Occident, pour le dépassement de la crise du monde moderne, et il avait adressé en ce sens un appel plus ou moins explicite aux représentants de cette tradition (dans la correspondance que j’eus avec lui, Guénon devait pourtant avouer textuellement qu’il avait ressenti comme étant son devoir de lancer cet appel, mais qu’il savait déjà au départ que cet appel ne donnerait rien – et il en fut ainsi)."
Julius Evola, Le Chemin du Cinabre, trad. Philippe Baillet, 1963.
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Stop
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La religion, c'est la mort de l'autre.
La religion de paix tue.
La religion assassine.
La religion, de Jérusalem à Gaza,
du Vatican à Chicago,
de Kaboul à Paris a toujours une raison
de tuer
par pseudo supériorité
par choix, par volonté.
Le XXIe siècle sera spirituel
ou ne sera pas, disait Malraux.
Il avait tort.
Le XXIe siècle sera un massacre
si on ne se bat pas
contre toutes les religions
dont chaque Dieu est supérieur à l'autre.
Depuis la nuit des temps,
il en est ainsi.
La religion est ce que les hommes en font.
Et ils font de la merde
avec toujours les mêmes excuses,
les mêmes arguments bidons.
La religion tue.
Tous les jours.
Encore.
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