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information-2-0 · 7 months
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le-blog-du-poisson · 1 year
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Algérie 07 // Sac en plastique
Je sors. Avec quelques centaines de dinars, je rentre dans l’épicerie. 4 mètres de profondeur sur 2 de large, tous les articles de la boutique apparaissent, empilés les uns sur les autres. Le commerçant sait parfaitement où trouver tout ce que je cherche : du beurre dans la vitrine réfrigérée, un soda dans le frigo vitré, des œufs dans leur carton derrière son siège, des olives dans un bac plastique rempli d’eau vinaigrée. Quelques autres articles secs dans les étagères. Pour les fruits et les légumes, il m’invite à choisir moi-même, sur son étal dehors, et me tend une poignée de sacs plastiques pour y répartir mes achats. Des sacs de 5 litres, bleus ou roses.
Des épiceries comme celle-ci, on en trouve dans toutes les rues, plusieurs fois par rue. En Algérie, le milieu commerçant n’a encore laissé aucune place aux grands temples de consommation que nous avons construit dans nos zones périphériques françaises : les « hyper » marchés. Dans ces « alimentations générales », on se retrouve, on papote, on y boit le café, servi par le bar voisin. On achète de quoi goûter, grignoter, cuisiner le soir. On y trouve parfois son pain, déposé l’heure d’avant par le boulanger du coin de la rue. Pour les viandes, on ira chez le boucher juste à côté. Et ainsi de suite. Chacun et chacune a ses habitudes, chez un tel ou un autre, qui vendent pourtant tous les mêmes articles.
Avec ce dénominateur commun : tout sera servi dans un sac en plastique aux proportions minimales et à la prolifération épidémique. Sac en plastique. Impensé d’une société en pleine transition, il passe de main en main et personne ne semble s’intéresser à son impact terrifiant sur l’environnement.
Je rentre avec mes petites courses, divisée dans 6 sacs plastiques dont je me débarrasserai aussitôt rentré. Dans une poubelle qui sera ensuite déposée dans la rue, à la merci des chats, des chiens, des oiseaux. Et dont j’ignore alors tout de la trajectoire future.
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Champs de pastèques étouffées de sachets bleus en bord de route.
Forêt infestée d’inertes bouteilles de sodas et d’eau minérale vides.
Buissons du littoral qui retiennent dans leurs branches, comme d’inquiétants fruits dégénérés, ces emballages aux couleurs vives.
Sentier côtier jalonné de verre brisé, d’odeurs de putréfaction, de sacs poubelles éventrés.
Fumée noire et puante d’hydrocarbures, racontant la combustion d’un tas d’ordures.
Une décharge monstrueuse à quelques kilomètres du Parc National du Gouraya, fierté touristique de la ville de Béjaïa... Juste derrière un pan de montagne, à 15 minutes de bus de la ville, pelleteuses et tombereaux organisent le ravage d’un milieu naturel en entassant et enterrant les déchets d’une ville entière, faute de savoir quoi en faire. La route passe à quelques mètre de ce pan de roche aplani et une odeur de décomposition prend chaque passager du bus à la gorge. On ferme les narines, on ferme les yeux et on va à la plage.
Plus loin, en descendant à l’arrêt de bus, un sanglier énorme pourrit en plein soleil, au milieu d’un tas de bouteilles plastiques, sur la route des plages idylliques.
Le panorama merveilleux narré par Camus n’existe plus, ravagé.
Mon regard fait son travelling, par la vitre d’une voiture, sur l’Algérie de 2022 en proie à un mal aux conséquences encore difficile à prévoir : la prolifération non-régulée et irréfléchie d’un plastique, dont les dangers semblent désintéresser presque tout le monde ici.
Plus tard, exaspéré et déprimé par l’immensité de cette tâche que devra surmonter l’Algérie... j’erre sur la toile, en quête de recherche, d’initiatives, de lanceurs et lanceuses d’alerte. Je découvre un article de 2009, qui déjà, à l’époque racontait l’horreur écologique qui ronge la côte algérienne. Abordant frontalement la question et mêlant considérations historiques et interrogations religieuses au service d’une question simple “à quand un éveil écologique citoyen en Algérie ?”, je vous invite à le consulter ici :
https://www.elwatan.com/archives/idees-debats/a-quand-un-eveil-ecologique-citoyen-en-algerie-1re-partie-03-02-2009
https://www.elwatan.com/archives/idees-debats/a-quand-un-eveil-ecologique-citoyen-en-algerie-2e-partie-et-fin-04-02-2009
- posté le 08/11/2022
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godysseus · 11 months
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La petite étudiante en alternance dans ma boîte qui me sort aujourd'hui "la première fois que je t'ai vu j'ai hésité sur si tu votais Le Pen ou Zemmour" je 😭😭😭
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rusticpotatoes · 2 years
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j'avais passé un très bon weekend et puis l'ex est apparu dans l'équation et je suis très très énervée et flippée maintenant.
je voulais juste coucher ça par écrit pour évacuer, je me concentrerai sur le positif pour le prochain post.
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johnkalapo · 1 year
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Les enfants construisent leur avenir dans les décharges. . #tombouctou🇲🇱 #enfants #construction #avenir #unicef #mali #johnkalapophotographer #johnkalapophotography #johnkalapo #visualstorytelling #décharges #education #educationpourtous #serieengagée #sensibilisation (à Timbuktu : Land of Peace and Culture) https://www.instagram.com/p/CkYI6Xqo0-p/?igshid=NGJjMDIxMWI=
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helshades · 5 months
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interludebloom · 1 year
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le truc c'est que sa colère elle est justifiable. et je la comprends, moi aussi je suis en colère? mais de toutes les personnes autour de toi c'est vraiment sur moi qu'il veut la passer? fuck off. c'est fini d'être le punching ball et le paillasson de tout le monde dans cette famille
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prosedumonde · 3 months
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Vous allez certainement me trouver bien changé. Ce que j’éprouve est même si étrange que je vais vous le raconter. Figurez-vous que depuis quelque jours, je ne vis plus que des parcelles de mon existence d’autrefois. Des souvenirs surgissent en moi, des souvenirs de toutes sortes, incessants, lointains et si rapides que je n’ai plus le temps de les saisir. Il me semble que je fais tout éveillé le rêve de mon passé. Et c’est comme si, ce passé, après s’être élevé très haut, très haut, retombait maintenant en pluie sur mon coeur, en une pluie de sons, d’images et de parfums de jadis, en un émiettement d’événements disparus.  Et il m’énerve jusqu’à la douleur, il m’exalte jusqu’à l’affolement, ce bourdonnement des jours finis ; et, sous ce tas de choses mortes,  puis reparues, sous ce jaillissement de mélodies anciennes et de visages effacés, qui volent, qui volètent l’un après l’autre, sans se rejoindre, sans se trouver, sans se préciser jamais, je suis comme une de ces pauvres larves que le fourmilion guette au fond de son entonnoir et qui, aveuglées, étourdies sous les décharges de sable que leur lance coup sur coup leur ennemi, glissent, puis dégringolent jusqu’au bas de sa tanière, sa terrible tanière.  Je suis haletant de fatigue et écoeuré d’inaction ; car je ne pense à rien, je ne décide rien, je ne peux rien avec cette hantise au bout de tous mes actes. 
Lettre de Maupassant à Hermine Lecombe de Noüy, in Maupassant, Frédéric Martinez
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th3lost4uthor · 2 months
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Les nouvelles expériences d’une vie sans fin (9.1/15)
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« Aoutch… !
- Q-qilby ? Est-ce que tout va bien ? »
Le nom sonnait presque étrange dans la bouche du jeune Éliatrope. Comme s’il n’avait toujours pas le droit de le prononcer, ce, du moins, sans subir les remontrances de Phaéris ou les colères d’Adamaï. Ce-dernier, toutefois, avait également relevé la tête de son livre à l’exclamation du plus âgé, intrigué par la commotion.
« Oui, oui… » Répondit l’intéressé, qui massait à présent mécaniquement son flanc gauche. « Un faux mouvement, c’est tout.
- Oh ! On pourrait… peut-être faire une pause dans ce cas ?
- Bonne idée ! » S’exclama le dragonnet, délaissant ses lectures runiques. « Le dernier aux cuisines est un Tofu mouillé ! »
Sans attendre de réponse, Adamaï décolla alors à la vitesse de l’éclair en direction des basses-branches, dans l’espoir d’atteindre avant son frère les brioches fourrées au miel qu’il appréciait tant. Il fallait bien lui reconnaître que trois longues heures passées à réviser les écrits de vos ancêtres avaient de quoi vous ouvrir l’appétit. Préférant prendre son temps pour s’extirper du lourd fauteuil de cuir où il s’était laissé absorber, le scientifique pris soin d’étirer une à une chacune de ses vertèbres avant de songer à se relever. Le temps et des chaises d’études bien trop rudes avaient marqué son corps plus qu’il ne l’aurait voulu dans cette existence-ci, mais il n’écartait pas non plus l’hypothèse que ses… « séjours » dans la Dimension Blanche avaient également leur part d’importance. Un dernier craquement sec se fit entendre et il sentit sa nuque libérée d’un poids invisible : il ne devait pas avoir dépassé les 400 ou 450 cycles, et pourtant, il avait l’impression d’en avoir entretenu le double !
Tss… Foutu collier.
« Hey... » Ses yeux tombèrent alors sur ceux de son cadet. Il semblait soucieux. « Tu es sûr que ça va ? »
La question était simple. La réponse qui devait lui succéder, elle, l’était beaucoup moins. Il aurait été aisé de rassurer, de maintenir ce statu quo qu’il avait mis tant de temps et d’énergie à construire au fil de ces derniers jours où la disparition de Phaéris lui avait permis de se rapprocher davantage des deux jeunes âmes. Cependant, il aurait également été hypocrite de sa part d’affirmer qu’il ne se sentait pas lui-même concerné par la situation. Et comme si son corps craignait qu’il ne l’oublie (-ha !), voilà qu’il avait désormais l’impression que chaque douleur, aussi insignifiante soit-elle, se voyait amplifiée… démesurée… Une mise en garde contre celle, bien plus sévère qui menaçait chacun de ses nerfs à chaque perturbation du Wakfu environnant. L’équivalent des bourrasques venant ronger sa patience, vague après vague, décharge après décharge… avant que le cœur de la tempête ne s’abatte.
Yugo n’avait pas bougé de son coussin de laine verte, qu’il semblait favoriser à n’importe laquelle des places qu’offrait la minuscule cellule. Il aimait clamer que celle-ci était particulièrement bien située, à bonne distance qu’elle était de la table où trônait continuellement plateaux de pâtisseries et bols de fruits secs, de la lucarne d’où provenait un léger courant d’air, même en étant fermée (Qilby songeait sérieusement à interroger ses hôtes quant à l’isolation de cette souche percée qu’ils osaient appeler « Palais ») ainsi qu’unique source de lumière naturelle. Que cette place se trouve exactement au pied du large fauteuil que son aîné avait fini par faire sien n’était, toujours selon ses dires qu’une « heureuse coïncidence », qui lui permettait d’ailleurs de « mieux suivre ses leçons ». Le vieil Éliatrope n’en était pas dupe pour autant…
Il s’inquiète.
.
Il a toujours été plus « collant » dans
ces moments-là, mais s’il en vient à rechercher ma présence
plutôt que celle des autres, alors soit je suis
parvenu à regagner sa confiance plus vite que prévu, soit il
est vraiment désespéré.
Hum…
.
Deuxième option. Définitivement.
« Je te remercie de ta bienveillance, Yugo, mais je t’assure… » Les mouvements apaisants cessèrent, comme pour appuyer son propos. « … ce n’est rien de grave.
- C’est peut-être l’humidité ? » S’enquit alors le benjamin. « Je sais que ses articulations font parfois souffrir Papa lorsqu’il pleut… ou ses vieilles blessures de quand il était aventurier. »
La phrase fut laissée en suspens. Une invitation à, qui sait, prolonger l’échange vers un ailleurs commun ; oublié de l’un et porté par l’autre.
« Ah, ce cher Alibert était donc un aventurier ? » Le second ne semblait pas disposé à entretenir les espoirs du premier. « Il faut croire qu’il a su te transmettre sa vocation alors, hum ?
- Oui, je suppose qu’on peut dire ça, hé-hé ! »
C’était mal connaître la détermination tout comme la curiosité sans bornes de la petite coiffe turquoise. Particulièrement après ces après-midis dédiés à l’étude des peuples éliatropes et draconiques sensés tromper l’ennui… et l’attente de nouvelles.
« Mais dis… Avant que je ne sois déposé par Grougaloragran, o-ou même bien avant notre réincarnation avec Adamaï… Qui… ? »
Ses sourcils s’étaient froncés derrière les épaisses mèches blondes, les yeux, perdus dans les reliefs que dessinaient les franges du tapis rugueux. Qilby ne put empêcher un soupir de s’échapper : il savait quelle question torturait l’esprit de son cadet à l’instant même. Après réflexion, il se dit qu’il aurait finalement préféré devoir s’occuper de la discussion sur « le miel et les abeilles ». Au moins celle-ci avait-elle le mérite d’être courte…
« Hum, eh bien… Je suppose que tu as déjà entendu parler de « La Grande Déesse » ainsi que du « Grand Dragon » ? Ne serait-ce que de nom ? »
Yugo hocha à l’affirmative. Il préféra garder pour lui le fait que, plus récemment, les rares fois où il avait pu en avoir un écho, étaient par les jurons du savant lui-même.
« Dans la tradition de nos peuples, ces deux figures sont vénérées comme des Dieux. Les premières générations, ignorantes du Krosmoz et de sa diversité, commencèrent à les vénérer en tant que figures protectrices et, par extension, comme nos parents…
- E-et toi… ? » S’aventura le plus jeune. « Je veux dire… Au début ?
- Au début ? Qu’est-ce qui te fait croire que je les considère autrement ? »
La petite coiffe turquoise le dévisagea, visiblement peu convaincue par cette remarque. Il y avait tant de raisons : le ton, les termes employés, le passif qu’il lui connaissait… L’autre se rendit bien vite compte que son acte ne prenait pas :
« Humpf… Je n’arriverai pas à te faire croire le contraire, hein ? » Sourire malicieux et las. « Non, je… J’y ai cru au début, comme tout le monde, mais… Mais au bout d’un moment, je pense que je… je n’en ai plus été capable.
- Pourquoi ? » Il s’empressa de reformuler. « Enfin, qu’est-ce qui… Il y a quelque chose de précis ? »
Il ne répondit pas. Son regard s’était perdu…
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Une nouvelle addition à la fratrie, c’est incroyable non, Shinonomé ?
Pourquoi…
Nous allons devoir agrandir le dortoir. Oh et puis- !
Pourquoi… ?
Mais- ?! Pourquoi est-ce que la coquille se fissure-t-elle ainsi ?!
Shin’, aide-moi à- !
Pourquoi ?
I-ils… Ils ne seront pas capables de se réincarner. Qu’est-ce que…
Est-ce que c’est moi qui… ?
Pour-
Ils ne reviendront pas, Qilby… C’est terminé.
-QUOI ?!?
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« Je ne sais pas. C’est… une accumulation.
- Tu… Tu leur en veux ? » La voix était timide, les yeux à peine visibles derrière les rebords turquoise. « Pour ton… enfin, tu sais. Tu leur en veux de… t’avoir fait différent de nous ? »
Il dut se retenir. De quoi ? Là non plus, il ne savait pas. Ces derniers temps, son champ d’expertise semblait s’être considérablement réduit. À moins que cela ne soit l’univers qui se soit agrandit ? Difficile à dire.
Il n’a jamais… Pas comme ça en tous cas.
« Non. » Finit-il par déclarer en voyant que l’autre attendait sa réponse, toujours dans ce calme imperturbable. Respectueux même. « Peut-être ? Je… Pour moi, nous ne sommes que le fruit d’un, disons, « heureux hasard ». La rencontre entre deux forces cosmiques… Si nous avons pu leur donner des traits, des noms, personnalités et que sais-je, c’était par manque de repères.
- Hum, oui. » Approuva soudainement Yugo. « Je vois !
- Ah ! Vrai- ?
- Oui ! » S’exclama-t-il, presque enjoué devant la réplique sarcastique. « C’est un peu comme Xav’ le boulanger qui remerciait la terre et la pluie pour lui offrir un pain aussi délicieux ! O-ou encore les singes de l’île de Moon qui adoraient un mulou comme grand Dieu ! Tout ça c’est pour… donner un sens à leur existence ? Pour appartenir à quelque chose de plus grand ? »
Il avait pris le ton de l’élève qui tendait à son professeur sa réflexion dans l’attente anxieuse que celui-ci ne la juge. Qilby en était proprement… ébahi. Il n’avait pas la moindre idée de qui pouvait bien être ce fameux « Xav’ », ni quelle place il avait pu tenir dans les péripéties de son cadet, voire ce que des primates pouvaient vouer à un canidé, cependant, jamais son frère n’avait-il, en ces millénaires d’existence, fait preuve d’autant d’écoute, ni même de… sagesse ?
« Oui, c’est une… une très bonne analyse. » Deux doigts vinrent écraser sa tempe gauche. Le script- « Je pense que l’on peut en effet comparer tes… « expériences » à ce qui a pu survenir à nos débuts. D’ailleurs, il s’agit là d’une réaction assez courante à la naissance de toute civilisation, du moins, pour des espèces dotées de la conscience de la mort.
- Ha-hum, c’est… logique je suppose ? Après tout, comprendre d’où l’on vient, c’est ce qui nous permet de mieux savoir qui l’on est. C’est pour ça que j’ai commencé à voyager ! »
Qilby n’avait pas les mots. Son frère avait déjà pu tenir de tels discours, mais ces-derniers n’apparaissaient généralement qu’au crépuscule de ses existences, lorsque l’Éliatrope fasciné par les voyages et dont la soif d’aventure n’avait d’égal que son penchant pour le danger, avait fini par s’assagir. Le temps, comme à son habitude, faisant son œuvre… Pourtant, là il se tenait, le visage encore rond d’un enfant, les mains à peine usées par le Wakfu, mais les yeux déjà teintés par la noirceur que pouvait contenir cet univers.
Et j’en suis également responsable…
La pensée lui était intolérable. Certes, éduquer les nouvelles générations avait toujours été l’une de ses missions, bien que les leçons de Glip étaient plus célèbres que les siennes, et sa pédagogie s’éloignait d’ailleurs bien assez de celle « humaniste » de ce dernier… Cependant, il n’avait jamais pensé qu’il deviendrait lui-même un jour ce « mauvais exemple », cette antithèse… Cette exception à la règle. N’y avait-il donc pas une once de discernement dans la question du plus jeune ? N’était-ce pas à cause de sa propre « condition » qu’il avait été forcé de s’éloigner du chemin suivi par l’ensemble de ses frères et sœurs ? Avait-il été condamné, et ce dès le départ, par leurs parents ? Si chacun d’entre eux avait été conçu avec un rôle bien précis afin de servir au mieux leur peuple et famille, alors que dire du sien… ? Être le porteur des temps anciens ? L’historien à la mémoire insondable ? Les livres et autres encyclopédies ne pouvaient-ils pas déjà remplir ce poste… ? Scientifique alors ? Après tout, sans ses inventions et ses connaissances médicales, les siens auraient enduré de bien lourdes épreuves ; pour certaines, avec une fin plus funeste que celle rencontrée. Mais… Chibi aurait bien fini par se laisser tenter par les équations et les éprouvettes après avoir épuisé le vaste champ de la technologie, si ce n'est Glip souhaitant peaufiner son enseignement ! De même pour la médecine, pour laquelle Nora et Efrim parvenaient toujours à maîtriser les rudiments avant leur centième cycle… Mais alors… Si jamais tous ses accomplissements auraient pu être ceux d’autres que lui…
À quoi… ?
Quelle est mon utilité ?
Un mot s’imposa à son esprit. Il le détestait.
Traître.
Était-ce… ? Était-ce donc vraiment cela ? Ce que leurs… « parents »… lui avaient réservé comme seul avenir ? Tout comme Yugo était le chevalier blanc, le preux aventurier ne cessant de repousser les limites du monde connu pour en offrir les richesses à son peuple loyal et admirateur, le sauveur… Le « roi légitime » … Lui serait…
« Et après ? Tu… Tu as réussi à t’en défaire ?
- H-hein ? » L’interpellation le sortit de ses pensées macabres. Il lui en serait presque reconnaissant. « Comment ça ?
- Cela ne doit pas être un sentiment facile – Enfin, je ne veux pas dire que je… comprends ce que tu ressens, mais juste que… Je compatis ? » Il attendit le hochement de tête de son aîné pour poursuivre. « Donc… Quand toi aussi tu as eu des enfants, comment… ? Comment tu t’y es pris ?
- Oh. » Évidemment. « Eh bien c’est assez facile, je-…
- Hey-mpf !!! »
Alors que les deux Éliatropes s’étaient perdus dans un échange qu’ils n’avaient plus eu depuis des millénaires, Adamaï fit irruption dans la chambre, pris dans un dangereux équilibre avec un plateau chargé de victuailles et une tartine entre ses crocs.
« Quand je disais « le dernier aux cuisines », c’est parce que je m’attendais à ce qu’au moins l’un d’entre vous me suive ! » Grommela le dragon en rattrapant un écart de justesse.
« Attends, Ad’, laisse-moi… ! » Aussitôt rentré, son frère vint lui prêter assistance en le délivrant d’une partie de sa charge. « D-désolé, on était en train de discuter et…
- Oui, ça je l’imagine bien ! Et de quoi parliez-vous de si intéressant pour ne pas m’accompagner trouver de quoi manger, s’il-te-plaît ?
- Ah, e-eh bien… » Avec un regard pour le scientifique, qui lui renvoya un haussement d’épaule permissif : « Je demandais à Qilby comment il s’y prenait avec ses enf-
- Quoiiii ?! » Le dragonnet pris une expression alliant surprise et colère de manière presque élégante. « Tu veux dire que t’allais oser aborder des questions gênantes sans que ton frère préféré soit présent pour profiter du spectacle ?! »
La coiffe crème laissa échapper un discret pouffement de rire devant les facéties des jumeaux ; Adamaï en éternel contestataire, tandis que Yugo lui, cherchait inlassablement le compromis.
Chacun son rô- ~
Assez.
« Doonc… ?
- Donc ? » Répéta le savant, un air sarcastique dans la voix.
« Moi aussi je veux savoir ! » Adamaï repris sa place sur l’un des tabourets surmontés d’une épaisse couverture, les griffes décortiquant méticuleusement un feuilleté aux raisins. « Comment on élève un dragon ? À quel âge il peut commencer à voler ? Et comment un Dofus éclot avec deux créatures à l’intérieur : l’un des deux vient en premier, ou alors tous les deux en même temps ? Oh-oh ! Attends, ça veut dire que tu as dû changer des couches, non ? Ha-ha-ha ! Je vois bien le grand Qil-… !
- Je n’ai pas de descendance. »
Le silence tomba aussi rapidement que la pâtisserie contre le tapis.
« Tu… ? » Yugo tenta de rationnaliser. « Tu n’as jamais eu d’enfants ?
- En effet. » Soupira l’aîné. « Chibi, Mina, Glip, Nora et toi-même êtes les seuls de la première, disons, « portée » à avoir contribuer à l’accroissement de notre famille.
- Pour- ?
- Première portée ?! » Adamaï interjecta. « Comment ça ? Tu veux dire que tous les Éliatropes et tous les Dragons ne viennent pas de nos premières existences ? Grougal’ disait pourtant que-…
« Avec tout le respect que j’ai pour Grougaloragran… » Mitiger les tempéraments. « Il ne devait pas avoir grand souvenir de cette époque. Moi, oui. » Le ton se fit presque sévère. « Le fait est que… Après avoir créé les Douze Primordiaux – dont nous faisons partis – la Grande Déesse et le Grand Dragon ont donné naissance à d’autres Dofus. Il faut dire que lors de votre première incarnation, le lien familial était encore extrêmement fort entre vous : il était peu probable qu’en l’absence d’individus extérieurs, vous vous soyez aventurés à… eh bien disons, « essayer la chose » avec les autres. » Il fut récompensé de son explication par des moues dégoutées. « Il est également probable qu’ils aient voulu éviter un trop fort risque de consanguinité dès les premières unions, bien que j’avouerai ne pas m’être trop penché en détails sur ce point lors de mes études… Je n’en ai… jamais eu le besoin après tout. »
Je vous ai toujours considéré comme ma famille.
« D’accord, ça… ça se tient, je suppose. » En déduit le dragonnet, toujours sur la défensive. « Mais ça n’explique pas pourquoi tu n’as pas cherché à avoir d’enfants toi aussi. Toi qui aimes toujours autant « expérimenter », tu n’as jamais voulu savoir ce que cela faisait ? Rien que pour voir ? »
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… Vraiment ? Cela ne t’ait jamais venu à l’esprit ?
Si. Bien sûr… Me prendrais-tu pour un insensible, Adamaï ?
Non, non, bien sûr que non !
Ha, ha ! Calme-toi, tu veux ? Ce n’était qu’une plaisanterie.
Tout de même. Quand je te vois interagir avec Izios, Bahl ou même le petit Ogur… Je me dis que tu ne ferais pas un si mauvais travail.
Hum, je vais prendre ça comme un compliment.
Après tout, toi et Shinonomé vous êtes bien occupé de Mina et Phaéris pour leur dernière réincarnation. On aurait presque dit que vous aviez fait ça toute votre vie !
C’est simplement que…
Laisse-moi deviner, tu te fais du souci pour le pauvre rat de laboratoire que je suis, c’est ça ?
Tss, et je ne suis pas le seul figure-toi !
Oui, je sais, je sais… Chibi m’a encore tenu un discours paternaliste pas plus tard qu’il y a deux jours…
Et qu’en as-tu retenu ?
Que si vous voulez procréer, grand bien vous fasse, mais que personnellement, je préfère m’en passer ! De toutes manières, je trouve la position « d’oncle » bien plus confortable si tu veux mon avis : j’ai tous les avantages de la relation sans avoir à en porter les responsabilités – Ha, ha, ha !
Hum… Ce n’est pas moi qui te contredirais sur ce point. Je jure qu’Erzan est une enfant brillante, mais quand je vois comment Yugo la laisse monter Malakath… Il va la laisser se tuer un de ces jours !
Je comprends tes inquiétudes, frère de mon frère, mais rassure-toi : Yugo a beau être intrépide, il tient la sécurité de ceux qu’il aime en point d’honneur. Erzan ne risque rien. Du moins pas plus que quelques bleus et égratignures…
Tss ! On en rediscutera quand ils reviendront de leur future session de vol.
Avec plaisir ~
.
.
Mais plus sérieusement…
… Hum… ?
Shinonomé est d’accord ?
Et maintenant, voilà que tu m’accuses de ne pas prendre en considération les sentiments de ma très chère sœur…
Non, mais c’est simplement qu’elle-
Attention, Adamaï. Je n’aime pas où cette discussion nous mène actuellement. J’apprécierai que tu mesures tes paroles s’il-te-plaît.
Tss ! Pas besoin de prendre la mouche non plus.
.
Et cela ne te pèse pas trop ?
Quoi donc ?
La sol-
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« Tu ne t’es jamais senti seul ? »
Yugo le regardait comme ces casse-têtes dont on cherche à percer le secret des rouages. Que devait-il répondre ?
Sois honnête pour une fois ?
Ça changera.
« Le prix à payer aurait été trop élevé. » L’attention des deux frères était rivée sur lui. « Vous… Vous devez comprendre de quoi je veux parler, non ?
- Hein ? Tu- ?
- Oui. » Coupa la coiffe turquoise. « Je crois que c’est clair. »
Et si le dragonnet ivoire lançait des regards interrogateurs à son jumeau, n’ayant pas encore saisi l’implication des propos du scientifique, le jeune Éliatrope, quant à lui, se souvenait parfaitement de leur précédent échange :
Imagine te lever un jour pour découvrir un monde identique à celui de la veille…
Les mêmes personnes
Les mêmes discussions
Les mêmes parfums
Les mêmes couleurs
Rien n’a changé.
Et pourtant, rien n’est pareil…
Car la seule chose qui n’est plus la même…
.
C’est toi.
« Merci… »
Être séparé de sa moitié pendant plusieurs siècles jusqu’à la prochaine réincarnation était une épreuve douloureuse. Se voir arracher ceux que vous chérissiez pour l’éternité, sans avoir ne serait-ce que l’espoir de les retrouver dans un ailleurs meilleur… C’était de la torture.
Il était terrible pour Yugo que d’en venir à questionner des parents qu’il n’avait jamais eu la chance de connaître, et il savait à présent qu’il ne pouvait se contenter que d’une seule des faces de l’Histoire pour se permettre d’émettre un quelconque jugement envers eux… Toutefois, plus il y pensait et plus il éprouvait de l’empathie pour l’homme qui se tenait en face de lui. Pas de cette compassion mielleuse et bourrée de naïveté, non. Juste… Il comprenait. Et ça faisait mal. Comprendre faisait mal. Ce qui l’amena à une nouvelle réflexion : si comprendre autrui pouvait faire autant souffrir, alors… alors il n’était pas si étonnant que certaines personnes ne cherchent pas à essayer, trop prises qu’elles étaient dans leur propre douleur. Attendant elles-aussi qu’un autre leur tende main, oreille, épaule ou cœur. Le problème étant que, dans le cas où la souffrance de chacun viendrait à les submerger, plus aucune âme ne souhaiterait faire le premier pas vers celles autour d’elle.
« Bon, les garçons, ce n’est pas que votre présence m’importune… » Qilby annonça, souhaitant visiblement mettre un terme à la séance d’étude de manière prématurée. « … mais il me faut encore revoir quelques équations, et- »
Alors pour éviter cela, même si cela était difficile, il fallait oser le faire… Ce premier pas.
« Et des élèves ? »
Qilby haussa un sourcil, visiblement surpris par ce changement de sujet.
« Des élèves ?
- O-oui ! Est-ce que tu as eu… d’autres apprentis, un peu comme Ad’ et moi ? » Tenta d’amadouer le plus jeune. « Est-ce qu’il y en a qui t’ont… marqué ? Est-ce que tu les partageais forcément avec Glip ? J-j’ai cru comprendre que c’était lui qui… s’occupait plutôt de ce genre de chose – enfin, c’est ce que nous a raconté Balthazar !»
L’aîné sentait que le plus jeune cherchait à gagner davantage de temps en sa compagnie. Il fallait dire que depuis quelques jours, l’occupation venait cruellement à manquer, la plupart des résidents du Palais ayant préféré se consacrer à leurs obligations quotidiennes plutôt qu’à celles de groupe ; il fallait bien avouer que ces dernières ramenaient à l’inévitable constat… Quelqu’un manquait autours de la table. S’il pouvait leur éviter d’errer à nouveau dans les couloirs dans l’attente d’une distraction… et s’il pouvait se soustraire à ce maudit silence… Reprenant place contre l’inconfortable dossier, ce sans faire craquer quelques vertèbres au passage, il redressa les lunettes qui avaient fini par glisser sur son nez :
« Glip a toujours possédé un don pour l’enseignement, mais cela ne signifie pas qu’il avait la prérogative sur le fait d’avoir des « élèves ». » Commença-t-il. « Pour être tout à fait exact, chacun des Six Primordiaux avait le devoir de prendre sous son aile, et ce à chaque existence, un de nos… un autre Éliatrope, ce en tant que disciple. »
« Tout Premier né devra, au cours de son cent-cinquantième cycle d'existence,
porter son dévolu sur un membre de son peuple pour lui transmettre
ses connaissances, sa philosophie et son savoir-faire…
« Hein ? Mais pour quoi faire au juste ? » S’enquit Adamaï. « Vous n’étiez pas capables de gérer les problèmes par vous-mêmes ?
- Dans la plupart des situations rencontrées, nous l’étions. Toutefois… »
… Ainsi, malgré la mort de ses gardiens,
le peuple Éliatrope saura être à l'abri de tout malheur, attendant sereinement leur retour... »
« … il est déjà arrivé que nous ne soyons pas « disponibles ». Les cycles de régénération entre deux incarnations peuvent grandement varier en fonction des flux de Wakfu environnant nos Dofus… » Son regard quitta furtivement les deux frères. « … et de la manière dont leurs porteurs ont trouvé la mort. »
Cette déclaration sembla particulièrement résonner chez Yugo, dont la coiffe se releva. Grougaloragran ne leur avait-il pas dit que leur retour sur l’actuel Monde des Douze avait été retardé en raison d’un terrible combat… ? Balthazar avait secondé, en précisant plus tard qu’il avait bien été celui à ouvrir la Dim-… le Portail. Comme s’il avait pu lire dans ses pensées, Qilby redonna quelques frictions vigoureuses à son flanc gauche.
« Ah ! C’est vrai que c’est une bonne idée. On devrait peut-être reprendre ce genre de rituel une fois que les autres seront revenus d’Emrub : qu’est-ce que tu en dis Yugo ?
- O-oui, en effet Ad’… »
Mais si jamais nous sommes autorisés à transmettre…
Alors, par principe, il faudra aussi que…
Le savant ne disait rien, attendant visiblement de pouvoir reprendre la discussion où elle avait été laissée par cette énième interruption.
Jamais Balthazar n’acceptera ça.
Il faut dire que derrière les deux cercles de verre et d’acier jauni, c’était un tout autre dilemme qui avait accaparé son esprit. Un problème qu’il aurait dû résoudre…
Tu vois ?! Tu souffres comme n'importe quel mortel, alors cesse de te croire supérieur !
Cela va faire trois ans que je suis votre élève attitrée : me croyez-vous incapable de reconnaître les traits de celui qui m'a tout appris ?
Se prétendre martyr ne t'autorise pas à agir comme tel !
.
.
Qilby...
Professeur !
.
Ta tendance au sacrifice est néfaste...
Vous n'étiez pas disponible pendant un long moment... Mais je ne vous en veux pas : vous deviez avoir vos raisons, et puis...
Pour les autres, comme pour toi-même...
.
Surtout pour toi-même...
Pourquoi, Professeur ? Pourquoi a-t-il fallu que cela soit cette… cette chose ?!
C'est pour cela que je t'accompagnerai aux Rocheuses Incarnates.
.
.
.
Et ceci n'était pas une proposition.
… il y a de cela des millénaires.
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La matinée était resplendissante. Derrière les larges vitres du laboratoire, la forêt primaire s’étendait à perte de vue, et le ciel n’était rompu que par quelques nuages vagabonds. L’air était frais, il faisait bon. Le tintement cristallin des fioles suivait un rythme mécanique, une danse qui ne connaissait aucun faux-pas, tandis que les alambics sifflaient en cœur. Cela faisait exactement une semaine aujourd’hui.
Qilby fixait l’étrange mélange contenu dans l’éprouvette qu’il maniait d’une main experte. Inlassablement, l’épais liquide aux âcres relents pouvant néanmoins évoquer la prune venait se heurter contre les parois. Cela allait bien faire une dizaine de minutes que la transe avait débuté, mais depuis son poste d’observation près des fenêtres, l’Énutrof, alors désigné pour monter la garde ce jour, demeurait perplexe. Il n’y connaissait pas plus à la chimie qu’à ces histoires de potions (trop proches d’une sorte de magie noire à son goût), toutefois, cela ne l’empêchait pas d’être observateur… Et le temps passé à cette ridicule émulsion était beaucoup trop long. Tout comme les cernes du scientifique étaient bien trop profondes…
« Dites doc’, vous allez finir par la poser cette fiole ?
- Hum ? » Grommela l’intéressé. « Pas tant que la décoction n’aura pas pris des tons orangés, non… Pourquoi cette question ? »
Ruel aurait bien aimé lui rétorquer, ce sur le même ton dédaigneux, que sa foutue fiole avait, depuis bien longtemps viré orange-carotte, et que s’il continuait à la secouer ainsi dans tous les sens, elle ne tarderait pas à devenir citrouille… ! Cependant, il se souvenait de la discussion qu’il avait tenu avec Yugo après le déjeuner de la veille.
« Simple curiosité : pas besoin de vous énerver ainsi voyons ! J’sais bien qu’tout n’est pas pardonné entre vous et… eh bien disons le reste, mais j’me disais que nous étions plutôt en bons termes.
- Ah oui ? » Ses yeux n’avaient pas dévié d’un millimètre. « Vous m’en voyez vraiment ra- »
Le scientifique dû ravaler son ironie maussade, car bientôt, le souffle lui manqua. Soudain, il y eut l’étincelle.
Non… !
Il eut à peine le temps de reposer l’instrument en verre, qui manqua d’ailleurs de se briser tant il fut placer de force dans son support de bois, que les contractions se firent ressentir. Sa vision se troubla, les sons s’étouffèrent pour ne laisser qu’un magma informe. À un moment, l’autre homme avait dû le rejoindre, car il était toujours debout malgré la sensation de vertige qui avait commencé à le submerger. Sa main droite tenait fermement les pans de sa tunique blanche, pourtant repassée avec tant de soins par les lavandières la veille. Il avait envie de l’enfoncer dans son torse jusqu’à cet organe rouge et brûlant qui battait bien trop vite, bien trop fort. Lentement, il avait crû sentir qu’il changeait de position : on l’avait fait s’asseoir à même le sol et on le tenait par les épaules comme pour l’empêcher de s’effondrer davantage.
Non… Pas…
Il… !
Ses poumons se contractaient. S’affaissaient. Il ne respirait pas : il inspirait… expirait. C’était déjà ça. Les points qui avaient envahi son champ de vision reculaient à présent. Une migraine tiraillait ses tempes et lorsqu’il tenta de l’en chasser, le contact de sa propre peau fut aussi violent qu’une décharge du collier. Peut-être celui-ci s’était-il, lui aussi, déclenché à un moment donné ; difficile à dire dans son état.
« Hey- ‘oc ? … Endez ? R- ec- moi ! »
La voix éraillée de l’Énutrof atteint finalement les rives de sa conscience. Le poids qu’il sentait peser sur ces entrailles comme du plomb quelques instants auparavant s’était lui aussi fait plus supportable… et il bougeait nerveusement. Junior, le jeune Phorreur, semblait aussi alarmé que son Maître et compagnon. Sa petite truffe humide ne cessait d’inspecter le vieil Éliatrope dans l’espoir de trouver l’origine du mal qui l’avait foudroyé.
« -oc’ ? Vous ê- là ? » Le son se faisait à présent plus distinct, la scène également. « Doc’ ! Par les Douze, mais qu’est-ce qui vous a- ?
- Il… Il est…
- Quoi ? Qui ça « il » ? » On releva une mèche empoissée de sueur de son front. « Parlez pas trop, v-vous avez dû faire un malaise ou que’que chose du genre ! J-j’vais aller chercher un Eniripsa royal, d’accord ? Bougez surtout pas ! Junior : tu gardes un œil sur lui ! »
Mais alors qu’il s’apprêtait à franchir le seuil du laboratoire dans l’espoir de quérir du secours, le vieil Éliatrope parvint à rassembler les quelques forces qui lui restaient, et, les yeux étrangement humides, finit par murmurer :
« Pha-é-ris - il - Pha-éris est… Phaéris est mort… »
~ Fin de la partie 1/2 du chapitre 9
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jeanchrisosme · 3 months
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La neige est le plus beau symbole du silence. Même les oiseaux se taisent quand elle tombe. On hésite à crier tant ce silence est un cadeau du ciel. La neige est la gratuité pure. Elle tombe, elle transforme, elle égalise, elle pacifie, pare et habille le moindre objet. La pire décharge prend une éphémère beauté. La neige incite à la lenteur. Une lenteur merveilleuse. Les chauffards ralentissent, les stressés de la ville réapprennent les gestes précautionneux. Elle fait redécouvrir le jeu, la joie enfantine, l'esprit d'enfance, le gosse loin derrière soi, même à quatre-vingt-dix ans... Le désir de solitude peut offrir ce que la neige nous offre gratuitement : une redécouverte du temps, du silence, de la beauté des choses.
Guy Gilbert
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information-2-0 · 7 months
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Le vendeur de roses
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© Photographie de Steve McCurry
Il y a ce vendeur de roses qui traîne tout le temps dans le quartier, avec des fleurs plein les bras. Il arpente les terrasses de restaurant à la recherche d’amoureux transis dînant aux chandelles.
Mais Ravi – c’est son prénom, enfin, c’est celui que je lui ai inventé, en espérant qu’il le soit un jour parce qu’il fait tout le temps la tête. Comme si le flot d’amour qu’il tenait contre son corps à longueur de journée, manquait à sa vie. Est-ce qu’il offre des roses à sa femme, Ravi ? Est-ce qu’il a une femme, Ravi ? J’imagine que non, autrement, il aurait un peu plus de soleil sur le visage.
Mais il est fort, Ravi, parce qu’il arrive quand même à fabriquer une lumière artificielle lorsqu’il se poste devant des clients potentiels. « Rose, 2 euros. Rose, 2 euros. » Et souvent, sa lumière halogène fait illusion auprès des touristes – déjà éblouis par les lumières clinquantes d’un Paris qui n’aurait pour atouts que la Tour Eiffel et les Champs-Élysées.
Après avoir fait sa vente, Ravi s’éteint de nouveau. Son regard est sombre, et de toute évidence, si l’on criait « Âllo, y a quelqu’un ? », au fond de la cavité de son cœur, l’écho de notre voix nous reviendrait en plus triste, en plus désespérée.
Je me suis souvent demandé : « C’est quoi son histoire à Ravi ? » Mais Ravi ne parle pas français. Il maîtrise tout juste les quelques mots qui lui servent à présenter ses roses sur les terrasses. Je crois qu’il sait aussi baragouiner quelques mots en anglais. Mais comme c’est une langue que je ne sais moi-même pas baragouiner, c’est pas demain qu’on va pouvoir se parler. On peut pas aller bien loin avec Hello, Thank you et I love you, quoi que, on peut quand même aller quelque part : saluer, remercier, et dire l’amour. Tu m’diras, c’est un peu la base.
La base, mais pas assez pour raconter toute une vie. Alors, comme nous n’avions pas les mots pour nous parler, avec Ravi, je me suis mis à imaginer son histoire.
*
Ravi n’a pas toujours vendu des roses. Quand il avait 20 ans, dans son pays, au Pakistan, il vendait des oranges. Il était pauvre et vivait dans un bidonville avec ses parents et ses deux frères.
Dans une décharge, il avait dégoté une carcasse de voiture toute rouillée dont il ne restait quasiment rien, sinon le squelette décharné, simple et piteux. Mais c’était tout ce qu’il fallait à Ravi, qui avait accès à la beauté de cette épave, invisible aux yeux de tous. Avec son grand frère, ils ont ramené le trésor jusqu’à leur bidonville. Ravi savait déjà ce qu’il allait en faire. Il avait déjà tout imaginé et, dès le lendemain, il mettrait en place son projet. Il irait au grand marché acheter des oranges, négociées au meilleur prix. (Ravi était le plus grand négociateur de tous les temps : il négociait sans parler. Son sourire adoucissait tous les prix). Il viendrait ensuite revendre les oranges dans le quartier. La carcasse de voiture serait le meilleur des présentoirs.
C’est comme ça que le commerce florissant de Ravi a commencé, et qu’il a gagné en peu de temps le titre de : « Vendeur d’orange à la carcasse ».
Un jour, une jeune fille est venue près de son étal pour admirer ses oranges. Elle les regardait avec un émerveillement inconnu pour Ravi, comme s’ils étaient des petits soleils rangés dans un écrin d’obscurité. Alors, lui, regardait ses yeux à elle, et un nouvel émerveillement naissait encore. Il la trouvait belle comme le jour. Comme un jour prodigieux qui annonce le monde. Mystérieuse aussi, comme la nuit. Comme une nuit majestueuse qui promet l’infini.
Que faisait-elle là ? Qui était-elle ? Est-ce qu’elle venait lui murmurer un secret ? Qu’elle avait trouvé la clé du mystère des rêves ? Les mains de Ravi étaient moites tout à coup, sa gorge sèche, et son corps tremblant. Il ne comprenait pas grand-chose à ce qui était en train de lui arriver. Il ne savait pas comment s’appelait ce sentiment qu’il observait s’épanouir en lui. Il souriait. C’est ce qu’il savait faire de mieux, de toute façon. Et elle lui souriait en retour. Elle faisait ça encore mieux que lui, pensa-t-il. Et cela lui réchauffa le cœur. Elle a pris une orange. Il a refusé sa pièce.
Elle est revenue le lendemain, avec son mystère et ses yeux qui nourrissent toutes les misères. Il a osé lui demander son prénom. Elle a osé lui donner. Shala. Il était heureux de pouvoir la prononcer. Shala. Cette fois il aurait voulu la retenir, sauf que les mains moites, la gorge sèche et le corps tremblant. Il l’a regardée partir avec son orange. Il aurait voulu lui donner toutes les oranges du monde.
Ravi a sursauté de bonheur lorsqu’elle est revenue le troisième jour. Elle avait une question. Une de celle qui marque sans qu’on le remarque. Une de celle qu’on ne pose jamais à un inconnu, parce qu’à la fois trop banale et trop intime, trop légère et trop profonde, trop drôle et trop sérieuse. Une de celle qui fait mine de rien, mais qui a le pouvoir de faire jaillir de la poésie.
« Pourquoi vends-tu des oranges ? Et pas des fraises ou des bananes ? »
Et Ravi avait répondu, sans trop réfléchir : « Parce que l’orange de l’orange flatte ma carcasse, comme nul autre fruit. L’orange rend les choses belles et magiques. »
Shala avait aimé la réponse de Ravi, et elle était repartie avec son orange belle et magique. Ravi aurait voulu la retenir, encore, mais elle s’était éclipsée comme une lune trop pressée de rejoindre sa nuit.
Il a espéré qu’elle revienne le lendemain. Une quatrième fois. Et cette fois, « je la retiendrai » s’était dit Ravi, pour de bon. Je lui dirai combien elle est belle, je lui dirai que je veux la connaître, que je veux passer mes journées près d’elle, à admirer au fond de ses yeux, toutes les beautés cachées de ses ombres, qu’elle est un grand soleil, et surtout, il lui dirait, qu’il voudrait l’embrasser. Oui, il s’était dit que cette fois, il oserait lui dire qu’il rêve de l’embrasser. Qu’il se ficherait d’avoir les mains moites, la gorge serrée et le corps tremblant, qu’il arrêterait d’avoir peur et qu’il lui dirait tous les jolis mots qui lui sortent du cœur.
Mais Shala n’est pas revenue le lendemain, ni le jour d’après, ni les autres jours, ni aucun autre jour. Shala n’est jamais revenue. Et Ravi a arrêté de vendre des oranges. Le cœur n’y était plus.
Peut-être que Shala n’aimait pas les oranges, après tout. Peut-être qu’elle préférait les fraises ou les bananes. Oui, c’est ça qu’il aurait dû lui demander. Peut-être qu’elle préférait les fraises, qu’elle préférait les bananes. Peut-être qu’elle n’aimait pas les fruits ? Peut-être qu’elle rêvait de roses.
Alors, quand son grand frère lui a parlé du business de vente de roses à Paris, Ravi s’est tout de suite dit : « Mais oui, les roses ! Shala rêve de roses ! » Et peut-être qu’en vendant des roses à Paris, il la recroiserait de nouveau… et il pourrait enfin lui dire tous les jolis mots qu’il n’a pas su lui dire. Il lui offrirait des roses, par milliers. Et ils pourraient enfin s’embrasser. Ils pourraient enfin s’aimer.
*
Mais bien sûr, c’est pas du tout ça l’histoire de Ravi. Sa vraie histoire est moins jolie, moins tristement jolie. Plus dur. La carcasse, les oranges, Shala, et tout et tout, très loin de la réalité. La réalité c’est que Ravi est parti loin de sa famille, se fait exploiter parce qu’il n’a pas de papier, partage une minable chambre de bonne avec 8 autres colocataires dans la même situation que lui. La réalité, c’est que Ravi travaille comme un acharné pour un salaire de misère. C’est Sofiane qui m’a raconté tout ça un jour, et il m’a même donné le vrai prénom de Ravi. À une lettre prêt, j’y étais. Mais il faut croire qu’une lettre change tout. Avec une lettre, on passe du conte féerique à la réalité sordide.
Quoi qu’il en soit, je souhaite toujours qu’il soit ravi, le vendeur de roses, qui s’appelle Raki.
// Dédé ANYOH //
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perduedansmatete · 17 days
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sinon mon médoc commence à faire vite fait effet dans le sens où je suis un peu défoncée mais où j’ai toujours l’impression qu’on creuse mon dos à la pelle en tapant bien fort et que mon corps n’est qu’un circuit électrique traversé de décharges en continu puis comme tous les autres bientôt il ne me fera plus rien dans le sens où je ne serai même pas un peu défoncée 👎👎👎👎
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johnkalapo · 2 years
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Exposition à la Fondation CDG Rabat . . #rencontres #rabat #catalogue #exposition #fondationcdg #photographier #malianphotographer #journalisme #terreplastique #johnkalapophotographer #johnkalapophotography #resilience #avenir #décharges #Mali (at Rabat-Salé) https://www.instagram.com/p/CjJaMeiIEpT/?igshid=NGJjMDIxMWI=
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luma-az · 8 months
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Des milliers de bouteilles à la mer
Défi d’écriture 30 jours pour écrire, 30 août 
Thème : au revoir/écrire
. .
Chaque jour, elle allait jeter une bouteille à la mer. Une bouteille en verre, soigneusement scellée, contenant une feuille de papier chargée de mots.
Personne n’était censé les lire.
Ecrire, pour elle, c’était une décharge. Un moyen de se défouler, de se sortir de la tête des idées qui y trainaient trop, des pensées qui sentaient le rance, des rancunes et des regrets. C’était aussi un moyen de parler sans être interrompue. Et même si au final elle les destinait au grand large, elle se sentait écoutée, en écrivant ses messages, comme jamais elle ne l’était dans sa vie de tous les jours.
Au quotidien, c’était une gentille fille. Toujours positive. Toujours prête à aider. Un soutien, une oreille, une main secourable, un pilier.
Et elle aimait ça. Elle n’avait pas envie de le gâcher. Elle parlait, oui, et elle était même sincère, parfois. Mais elle ne disait jamais tout. Le reste, elle le gardait pour elle, dans un coin de sa tête, au fond de son cœur, elle le ruminait, le ressassait, avant de le régurgiter sur la feuille. L’acte d’écrire lui a toujours paru salutaire, jamais élégant. Peu importe. Les vagues ne s’en sont jamais plaintes.
Aujourd’hui, elle n’a écrit que deux mots sur sa feuille : Au revoir.
Je sais que personne n’était censé lire. Sauf que depuis tout ce temps, moi j’ai lu. Et j’hésite. J’angoisse. Que faire ? En réalité, je n’ai aucune idée de ce qu’elle compte faire, de ce que veulent vraiment dire ces mots. Sauf qu’au fond de moi, après avoir dévoré tous ses messages, je sais très bien ce qu’ils veulent dire. Je sais ce que voulait dire le geste, depuis le début, de jeter une bouteille à la mer. Ça a toujours été un appel à l’aide désespéré.
Ça me terrifie, mais j’ai pris ma décision. Tant pis pour elle, je suis trop inquiet pour ne pas m’en mêler.
Par contre, me rencontrer risque de lui faire un sacré choc.
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disease · 2 years
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“DÉCHARGE” @ FONDATION PERNOD RICARD MORGAN COURTOIS // PARIS, 2022
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