Tumgik
#lecture du moment
xhyenada · 14 days
Text
Tumblr media
Achat du jour
"Tu es jeune diplômé, en fin d'études, à la recherche d'un stage ou d'une alternance ? Tu es en début de carrière, en reconversion ou tu recherches un premier emploi et tu ne sais pas par où commencer ? Tu es au bon endroit ! Chloé Ngassa te donne toutes les clés pour trouver un poste rapidement, même sans expérience. Grâce à sa méthode testée et approuvée, elle facilite ta recherche d'emploi et t'explique comment :
DÉFINIR clairement ton projet professionnel ; COMPRENDRE les codes du marché et les attentes des recruteurs ; VALORISER ton CV et rédiger des lettres de motivation convaincantes ; CONSTRUIRE ton réseau, notamment à l'aide de LinkedIn ; DÉVELOPPER ta confiance en toi pour briller en entretien d'embauche ; VALIDER ta période d'essai. Tu trouveras des astuces pour sortir du lot et des conseils concrets pour booster tes candidatures et négocier ton salaire. La maîtrise de ces techniques fera de ton manque d'expérience une force et sera la pierre angulaire de ta future vie professionnelle épanouie."
Mes insomnies me coûtent cher ! J'ai découvert le compte instagram de Chloé cette nuit, et il tombe à pic, car je suis en projet de reconversion. Et comme je n'ai pas confiance en moi et que je ne sais pas me vendre, je me suis empressée ce matin d'aller acheter son livre pour m'aider dans mon projet !! Je l'ai un peu feuilleté et il est vraiment bien fait. Je vais me pencher sur sa lecture tout à l'heure 🙏
1 note · View note
mikagee · 3 months
Text
Tumblr media
0 notes
bernieshoot · 3 months
Link
0 notes
virnalorentz · 5 months
Text
1 note · View note
we-used-to-be-friend · 6 months
Text
Tumblr media
🚔
0 notes
lilias42 · 6 months
Text
Acte 5 de “Tout ce que je veux, c'est te revoir…”
Bon, retour à l'histoire des Fraldarius avec la suite de cette histoire... et retour du running gag "j'avais dis dans le dernier billet que le prochain serait le dernier mais en fait non", il va encore avoir un autre billet car cette histoire fait maintenant 600 pages alors qu'elle était censée être courte. Je sais, moi aussi.
Enfin bon ! On reprend juste après les derniers évènements du dernier billet : Lambert est de plus en plus isolé avec Gautier qui s'allie à Sreng et fait sécession, Ivy et Oswald qui prennent les choses en main de leur côté tout comme Ludovic et les habitants de Fhirdiad, Lambert qui a ce qu'il mérite, et Félix qui a enfin retrouvé Rodrigue et Alix.
Comme toujours avec cette histoire, fans de Lambert, Rufus et Gustave, ou ceux qui voient le Royaume comme un gros bloc monolithique avec tout le monde qui suit le roi sans réfléchir, passez votre chemin. Ils sont très clairement antagonistes dans cette histoire, et Lambert va tomber encore plus bas dans la partie 6 alors, ne vous faites pas de mal en lisant cette histoire. Il y en a plein d'autres qui vous correspondront surement mieux ailleurs sur Tumblr et AO3.
Et comme toujours, coucou à @ladyniniane ! J'espère que ça te plaira !
Lachésis fit craquer sa nuque sur sa monture, épuisée alors que le soleil se couchait derrière Fhirdiad. Sa sœur et elle avaient passé des semaines à courir dans tout le domaine royal pour récupérer les ordinaires, et elles avaient dû arracher les sommes réclamées pièce de cuivre par pièce de cuivre !
« Déesse ! Quelle plaie ! Heureusement que nous étions en mission pour les Blaiddyd sinon, le nom de notre famille aurait été terni à jamais… encore plus chez les nobles qui ne veulent même pas mettre la main à la bourse… râla Thècle, épuisée. Et Déesse ! Quelle mauvaise gestion !
– Nous sommes d’accord, nos petits gèrent mieux leur argent de poche, marmonna Lachésis. Pour les baillis qui ont été nommé par Sa Majesté Ludovic ou quand Nitsa était encore là pour éviter les catastrophes, pas de problème, c’était propre, mais pour ceux nommés par Lambert, je préfère éviter de commenter de peur d’être impolie.
– C’était gérer avec les pieds oui… Nitsa serait morte de honte… comment elle a pu tomber amoureuse d’un homme pareil ? Maman n’avait pas tort quand elle disait qu’avoir donné Héléna en mariage à Lambert, c’était comme donner de la confiture à un cochon, sauf que le cochon à l’excuse d’être un cochon pour mettre ce qui est bon pour lui partout, pas Lambert.
– Fallait surtout demander à Myrina vu qu’elles ne se cachaient rien toutes les deux mais, si j’ai bien compris de mon côté, c’était surtout grâce à l’année à Garreg Mach où ils se sont beaucoup rapprochés… et puis, sur la fin, ça sentait mauvais leur mariage, même elle commençait à se détacher… elle lui a même interdit d’entrer dans sa chambre alors qu’elle accouchait, c’est Myrina qui lui a tenu les mains avec Effrosyni alors qu’elle mettait son fils au monde, ça veut tout dire…
– Ça aurait été mieux si Sa Majesté Ludovic avait pu mettre en œuvre son idée de monarchie élective… et si Nitsa avait eu le temps d’envoyer les papiers du divorce dans sa tête d’ahuri…
– Tout ce qu’il méritait si tu veux mon avis. Il l’a épuisée jusqu’à l’os, » gronda l’ainée, les mauvais souvenirs et la peur pour sa sœur refaisant surface, la voyant perdre des forces de jour en jour, comme une chandelle n’ayant plus ni cire ni mèche. « Nitsa avait toujours eu la santé de maman… je m’en souviens, elle n’était jamais tombée malade… pas une seule fois… mais quand elle s’est mariée… je ne sais pas, c’était comme si Lambert était un vampire et lui aspirait la moindre goutte de sang et de vitalité… elle était épuisée et affaiblie tout le temps… enfin, normal quand elle avait son travail et celui de son mari à faire car, elle devait toujours passé derrière lui…
– Quand on sait ça, ce n’est pas étonnant qu’elle ait eu autant de mal à mettre le petit prince au monde… elle qui voulait tant avoir un enfant…
– Et encore, il ne serait peut-être jamais né si Dame Félicia n’avait pas été aussi prévenante avec elle et Sa Majesté Ludovic aussi soucieux d’elle… enfin, on en reparlera plus tard, on doit retourner supporter « l’ahuri en chef » directement à Fhirdiad… les ramena à la réalité Lachésis.
– Je m’étais contenté de l’appeler « l’ahuri » mais, ça lui va bien aussi. En tout cas, je plains Rodrigue qui a dû le supporter tout ce temps ! Surtout qu’on ne peut pas l’ouvrir avec Rufus ! Râla Thècle.
– S’il croit que je vais la boucler sur la gestion de leurs comptes, il se met le doigt dans l’œil jusqu’au coude et continue à s’enfoncer, grogna l’ainée de la fratrie. C’est un gosse immature et irresponsable mais, il va falloir le faire grandir à coup de pied au cul à ce stade. Autant l’un que l’autre.
– Si toi, tu commences à devenir grossière, c’est qu’ils sont fichus. Enfin bon, je propose qu’on passe à la taverne avant d’aller au palais, histoire de voir comment les choses ont évoluées à la capitale. En plus, il est tard, les enfants se couchent tôt.
– Hum… tu as raison, faisons ça, » accepta Lachésis. « Les citoyens de Fhirdiad seront surement plus bavards loin des larbins de Rufus. »
Les deux sœurs se turent en entrant à la capitale, se faisant discrètes, même si les gardes des portes les reconnurent tout de suite. Cependant, ils acceptèrent très vite de ne pas les annoncer – même trop vite – et les encouragèrent plutôt à aller à la taverne dit du père Mercier ce soir.
« On vous jure ! Si vous voulez avoir l’avis de la personne la plus lucide de tout Fhirdiad sur la situation du Royaume, il faut aller là-bas ! Lui assura le soldat avec un gros accent de Dominic, surement un qui avait été levé en masse par Rufus. Vous ne serez pas déçues, croyez-nous ! Et il faut que vous entendiez tout ce qui s’est passé ici ! C’est juste à peine croyable ! »
Les deux sœurs esquivèrent son insistance en jurant qu’elles allaient y réfléchir, même si elles se méfiaient de cette proposition. Vu les antécédents de Rufus, cela pouvait être un guet-apens… mais d’un autre côté, cette taverne était très fréquentée par des soldats de Fraldarius et de Charon, et le propriétaire serait fiable alors, peut-être… elles iraient peut-être avec quelques gardes… surtout qu’elles savaient se défendre, en particulier dans des espaces confinés… et quand elles virent l’état de la capitale, elles se dirent qu’elles n’avaient rien à perdre à connaitre l’avis des habitants…
Les rues étaient sombres et mal entretenues, avec des ordures qui bouchaient les égouts et transformaient la chaussée en mare de boue putride. Les seules personnes bien nourries étaient les rats festoyant au milieu des immondices, et les ratiers chargés de les chasser, même s’ils manquaient très clairement de chat pour tous les exterminer. Sinon, les faces étaient émaciées, creusées par la faim et la fatigue, les yeux vides d’usure après tout ce qui s’était passé ces dernières semaines… le terrain parfait pour le développement d’une épidémie…
« Un seul malade… un seul… et la peste est de retour… c’est pas vrai ! Enragea Lachésis. On avait dit et répété que la somme qu’on laissait à l’entretien des égouts ne devaient pas être utiliser pour autre chose ! On court à la catastrophe ! »
Les deux sœurs passèrent sur la place principale pour voir si rien n’y était placardé, n’espérant même plus que Rufus n’y fasse pas étalage de sa cruauté et de son incompétence. Une grande affiche s’y trouvait bien, juste à côté du gibet où se balançait un corps balloté par le vent, se décomposant déjà. Il aurait dû être dans une fosse commune depuis longtemps… même pas par compassion envers un criminel (et les Charon seraient curieuses de savoir si ce crime en était un aux yeux de la loi ou de ceux de Rufus), juste par mesure de salubrité public histoire que la pourriture ne contamine par l’eau ou les personnes qui passaient à côté… et à la lecture du placard, cela les étonna presque qu’il n’y ait pas plus de monde pendu au gibet… Déesse, Rufus était allé jusqu’à ressortir la réglementation de Clovis ! Heureusement que les juges ne devaient pas la respecter sinon, ce serait une véritable boucherie ! Comment Rodrigue avait pu laisser passer ça ?! Enfin, connaissant Rufus… et si…
« On y va ce soir ? Proposa Thècle.
– Ça me semble plus que nécessaire… » marmonna Lachésis.
S’équipant tout de même d’une armure sous leur manteau et leurs habits de fonctionnaires, ainsi que de gantelets rapides à mettre, les deux sœurs se rendirent à la taverne du père Mercier en compagnie de quelques gardes de confiance. L’établissement était plein à craquer, toutes les tables discutant vivement entre elles, même si le ton se fit plus bas quand leur groupe passaient à portée de voix. Le soldat de la porte les vit passer depuis sa table, sauta de sa chaise et les conduisit au bar où se trouvait le patron de l’établissement, le hélant sans hésiter.
« Eh ! Mercier ! Elles sont là !
– Ah ! Bonsoir mes dames. Je vous sers un verre d’eau ? Leur proposa-t-il simplement. Je n’ai plus rien d’autre.
– Bonsoir, et ne vous en faites pas pour cela, lui assura Lachésis. On aimerait surtout vous poser des questions sur ce qui a bien pu se passer à Fhirdiad, et ce n’est surement pas Rufus qui nous dira la vérité alors, on aimerait avoir la version des citoyens de la ville.
– Elle pourrait parler à l’albinois, il sait de quoi il parle. Et c’est les Charon, elles crachaient aussi sur le Lambert et le connard.
– Hum… je sais pas, il a pas mal toussé… et imagine si…
– Non, c’est bon, ne t’en fais pas, ça ira. C’est juste mes poumons qui sont fragiles… et l’air ambiant en ville ne m’aide pas…
Un jeune homme d’un peu moins de vingt ans sortit de l’arrière-boutique, enveloppé dans une couverture mais, la main qui la tenait était couverte d’encre. Au nom de la Déesse… c’était fou à quel point il pouvait ressembler à Sa Majesté Ludovic dans sa jeunesse ! Lachésis était petite à l’époque du coup d’État contre le roi Clovis mais, elle était sûr que ce jeune albinois aurait pu se faire passer pour le roi à cette époque… le père Mercier se tourna vers lui, le soutenant doucement, prévenant avec inquiétude.
– Fait tout de même attention Ludovic, l’air de Fhirdiad semble être encore plus mauvais pour toi que pour nous autres… ça doit te changer de celui d’Albinéa…
– Oui, il est bien meilleur là où je vivais avant mais, ne t’en fais pas, je peux tenir. On m’a prévenu de votre arrivée, j’imagine que vous êtes les filles de la matriarche Catherine Charon, Lachésis et Thècle, les salua-t-il. Ludovic Hange, albinois et scribe au palais, on m’a beaucoup parlé de vous.
– Enchanté Citoyen Hange, le salua Lachésis à la manière charonis. Nous aurions des questions à vous poser sur l’état de la capitale. Que s’est-il passé pendant notre absence ? On se croirait de retour à l’époque de Clovis ou d’avant les grands travaux d’assainissement.
– Une décision de Rufus, les sommes allouées à l’entretien des canalisations et des égouts ont été redirigés vers le maintien de l’unité du Royaume, et la future expédition punitive contre Gautier… déclara-t-il en s’asseyant face aux deux sœurs, ajoutant en les voyant écarquiller les yeux, elles n’avaient pas dû avoir de nouvelles de la capitale pendant plusieurs semaines. Enfin, commençons par le commencement avec ce qui s’est passé après votre départ…
Ludovic et les fhirdiadais résumèrent les derniers évènements aux charonis, détaillant seulement les éléments les plus importants. À la fin de leur histoire, Thècle passa sa main sur son visage, fatiguée rien qu’à entendre tout ceci…
– Déesse… quelle honte pour Faerghus… il est tellement incompétent qu’il vaut mieux être transformé en loup que de le subir ! Et pauvre Félix quand il va voir son père et son oncle arrivés devant lui en étant des loups ! Et ces méthodes de gouvernement… c’est pas le fils de son père, mais de son grand-père… autant pour Rufus que pour Lambert… c’est une honte d’aussi mal géré ses caisses et son Royaume… qu’est-ce que je dis, il ne doit même pas savoir ce qu’il se passe dans son propre palais alors, dans tout Faerghus, n’y pensons même pas ! Tu m’étonnes que les Gautier se soient barrés chez les srengs ! Et bien en plus si le nouveau margrave a accepté d’espionner le roi pour que leurs émissaires puissent mesurer à quel point il est incompétent ! Et pour qu’il admette nous avoir espionner, il ne doit plus en avoir rien à cirer de Faerghus ! On se retrouve avec le garde-frontière du côté ennemi à cause des conneries de Lambert et Rufus !
– Nous sommes bien d’accord… déclara Ludovic en hochant la tête. J’imagine que la situation dans le domaine royal n’est guère plus reluisante.
– Non… pour résumer rapidement, il n’a plus un sou en caisse dans une bonne partie du domaine royal et on a dû arracher la moindre pièce de cuivre à tous les commerçants et bourgeois vu que Rufus veut des espèces sonnantes et trébuchantes, pas des paiements en nature, sauf si c’est des fournitures militaires. Au moins, on a pu épargner les paysans les plus pauvres qui n’ont pratiquement jamais vu une pièce de monnaie de leur vie mais sinon, on a fait raquer tout le monde, du bailli au commerçant en passant par le curé. Autant vous dire que cela a encore plus sali l’image du roi…
– Et encore Lachésis, ça, c’est pour les ordinaires, image ce que cela aurait été si on avait dû récolter les extraordinaires dans tout le Royaume, lui rappela sa sœur. Là, c’est bon, tout le monde ressortait encore plus les fourches qu’ils ne le font déjà avec les levées en masses d’hommes et de vivres, et on reviendrait à l’époque des Grandes Jacqueries d’avant l’indépendance. On se dirige vers ça de toute manière… enfin, on devait déjà engueuler Lambert mais, on va encore plus lui arracher le crâne…
– Il invoque Héléna pour nous dire de nous calmer comme il l’aurait fait avec Sylvain, je ne réponds plus de rien… ajouta l’ainée. Tenter de le convaincre de parler en invoquant son ami Félix, alors que c’est Lambert lui-même qui a mis la famille de ce gosse en miettes. On va avoir du boulot pour relever le niveau de la capitale… au moins pour éviter que notre sœur soit la femme de l’homme qui a mené Faerghus à sa perte, il a déjà assez souillé sa tombe comme ça…
– Hum… si je puis me permettre, je crois que ce n’est pas la peine de vous démenez pour cette raison…
Les deux sœurs se tournèrent vers une femme de l’âge de Lachésis, proche de la cinquantaine, accoudée au bar alors qu’elle serrait son verre dans ses mains. Un jeune bucheron blessé à la tête s’approcha d’elle, posant sa main sur ses épaules.
– Que veux-tu dire maman ? Tu sais quelque chose en rapport avec la reine ?
– La question, c’est plutôt quelle reine… la femme tourna la tête vers les sœurs et Ludovic, l’air sombre et blasé quand elle annonça. Le roi s’est remarié, ça fait déjà des années à présent. Le petit prince avait trois ans quand c’est arrivé…
Lachésis et Thècle n’en crurent pas leurs oreilles quand cette femme leur annonça une nouvelle pareille. Non… c’était pas possible… leur famille gérait tous les papiers et l’administration du Royaume, ils étaient les gratte-papiers de la couronne depuis des générations ! Ils auraient forcément dû voir les papiers d’un maudit mariage ! Même morganatique !
– Quoi… ne put s’empêcher de lâcher la cadette avant de demander. Comment pourriez-vous être au courant ? Nous n’avons jamais rien vu qui allait dans ce sens ! Avez-vous une preuve de ce que vous avancez ?
– C’est parce que la Dame numéro deux vivait en recluse, même si elle apparaissait parfois officiellement. C’était Patricia Arnim, la « sœur » de Cornélia Arnim, marmonna-t-elle en faisant des guillemets autour du mot sœur. Hein… connerie, elles sont aussi sœurs que vous et moi. Tout ce qui existe dans le Royaume sur cette femme est faux. Je suis bien placé pour le savoir, j’étais une de ses servantes, et croyez-moi que si la paye était suffisamment généreuse pour que je ne révèle jamais son secret, vu le tempérament de chien de cette femme et comment le roi mène sa barque en ce moment, j’en ai plus rien à cirer. Et comme preuve, je dirais simplement qu’une nourrice normale n’a pas un carrosse attitré pour un voyage dans un autre pays, alors que toutes les autres s’entassent avec les autres domestiques. Elle avait eu le droit à une voiture pour elle toute seule car, elle a tanné le roi pour en avoir une afin de voyager avec plus de confort, et en privé, elle disait que c’était également pour donner plus de travail aux ducs de Fraldarius. Sa Majesté les avait mis dans la confidence pour avoir leur avis apparemment. Ils étaient contre mais, Lambert ne les a pas écoutés, évidemment… Patricia et eux ne s’appréciaient pas de base d’ailleurs, avant que cela tourne à la guerre ouverte après ce qui est arrivé au louveteau de la famille, quand il a failli être brûlé vif par Volkhard von Arundel.
– Patricia Arnim… marmonna Lachésis, pesant les arguments et informations qui arrivaient en essayant de ne pas se laisser influencer par son propre ressenti envers Lambert. Je voie de qui il s’agit et certes, le mariage avec une adrestienne de rang aussi modeste aurait pu être l’objet de contestation. Nous n’ignorons pas que nombre de grandes familles ont voulu succéder à notre sœur mais, malgré cette différence de rang, le mariage avec une roturière n’est pas interdit pour le roi. Cela aurait été d’un ridicule consommé quand le roi Loog lui-même était un fils bâtard ayant passé tout le début de sa vie à gagner sa pitance comme laboureur, et quand la quasi-totalité de ses proches alliés étaient également des enfants illégitimes ayant vécu comme des roturiers et étaient mariés à des roturiers. Même si nos relations avec l’Empire sont tendues, si cette Patricia Arnim a coupé tous les liens avec Adrestia et qu’elle a épousé tous les intérêts de Faerghus, il n’y aurait eu aucun problème à ce qu’elle convole avec le roi, surtout si elle est roturière, ce n’est pas la haute noblesse adrestienne, et Cornélia a rendu de grands services à la capitale et a une position considérable. Ils se seraient mariés de manière morganatique, certes, au moins pour éviter des problèmes de succession avec notre neveu mais, Dimitri restera toujours le premier-né du roi, avec un emblème et sa mère est la fille de la quatrième famille du Royaume en importance, et à octante-quatorze voix près, ça aurait été notre ancêtre Sybille qui aurait été élu reine à l’indépendance. Sa position d’héritier est donc complètement inattaquable, sauf si la nouvelle reine était une fille d’empereur, de roi ou de shah, ce qui ne semble pas être le cas, et qu’elle aurait eu un enfant avec un emblème majeur, ce qui n’est jamais arrivé, la Déesse soit louée. Quel intérêt a autant caché cette union ? Nous l’aurions certes mal pris sur le coup dans notre famille mais, la période de deuil était passé et si elle était digne de succéder à Héléna, nous l’aurions accepté, même si je doute qu’elle le soit si même les ducs de Fraldarius ne l’appréciaient guère. Et vous avez également dit qu’elle n’était pas vraiment la sœur de Cornélia Arnim, c’est exact ?
– Oui Dame Charon, elle prétend être sa sœur pour se cacher, et c’est justement là le problème, c’est qu’elle est une membre de la famille impériale d’Adrestia mais, pas par le sang, par alliance. C’était une ancienne concubine de l’empereur Ionius, Anselma von Arundel, ainsi que la mère d’une de ses héritières, la princesse Eldegard qui a l’emblème de Seiros. Cependant, Anselma a fui l’Empire suite à une crise et des tensions au sein du harem et elle est venue se réfugier auprès du roi. Ils se sont rapprochés et sont tombés amoureux l’un de l’autre, ce qui les a amenés à convoler ensemble. C’est pour ça qu’elle a défendu Arundel bec et ongle alors qu’il a failli brûlé vif un gosse, d’un parce que c’était son grand frère, et de deux parce qu’il avait ramené dans ses bagages la fille d’Anselma, Eldegard, pour la protéger d’une autre période de crise à Embarr et la ramener à sa mère. Sans cette sombre affaire, Sa Majesté aurait même souhaité qu’Eldegard reste indéfiniment à Fhirdiad pour faire plaisir à sa femme.
– Attendez… la coupa Thècle. Vous voulez dire que non seulement, Lambert est marié à une épouse de l’empereur et donc, c’est de la bigamie vue que ses concubines sont attachées à lui à vie, qui est aussi la mère d’une potentielle future impératrice… cinquième dans l’ordre de succession mais quand même, c’est tout à fait possible qu’elle le devienne étant donné que les empoisonnement sont monnaie courante dans le harem… qu’elle est la sœur d’un noble frontalier qui a été exilé à vie de Faerghus après une tentative d’homicide sur mineur avec circonstances aggravantes… qu’elle est ici sous un faux nom et avec de faux papiers, ce qui est complètement illégal… le tout pour la cacher de son premier mari, ce qui est compréhensible aux demeurants vu ce qu’elle a dû vivre mais, on n’aurait jamais pu nier être au courant de sa situation si sa véritable identité était découverte un jour, ce qui aurait été un casus belli de premier choix pour Ionius, encore plus si Lambert refusait de la renvoyer de l’autre côté de la frontière… et en plus, il voulait garder la propre fille d’Ionius, qui a les dents longues comme pas possible, qui ne nous a pas attaqué à son arrivée sur le trône uniquement parce qu’il avait peur de Sa Majesté Ludovic même s’il avait la tuberculose et a dû très vite faire face à de grandes oppositions en interne, dans le Royaume ? Dans son propre palais auprès de son fils qui plus est alors, si Ionius décide dans sa grande mansuétude de ne pas nous attaquer pour retenir sa fille en otage, il se contente de l’enlever, il pourrait enlever le fils de notre sœur au passage ? C’est bien ce que vous venez de nous dire ?!
– Oui, même si tout est au passé, elle est morte dans la Tragédie de Duscur… enfin, c’était bien mérité, elle poussait le roi à y aller… elle s’était éloignée de lui après qu’il ait exilé son frère pour tentative de meurtre…
– …Après qu’on lui ait mis la décision de justice dans les mains pour le forcer à prendre une décision vous voulez dire, la corrigea Lachésis en maugréant, comprenant mieux le bourbier où c’était enfoncé Lambert quatre ans auparavant. On ne l’aurait pas forcé à se décider, il serait encore en train de réfléchir si oui ou non, il fallait exiler un homme qui a tenté de tuer un gosse de neuf ans sans raison. Enfin, si c’était le frère de sa… de sa femme… pas étonnant qu’il ait autant hésité à le bannir, même si c’était une sentence extrêmement clémente pour son cas… nous qui croyons que c’était à cause de son habitude de détester mettre les mains dans la boue et se les salir, c’est encore plus pathétique qu’on ne le pensait… il délègue toujours ce genre de jugement, que ce soit aux Fraldarius ou nous… Déesse, Nitsa doit se retourner dans sa tombe ! Arundel mettait même son fils en danger ! Il aurait très bien pu recommencer et brûler vif Dimitri après avoir été à deux doigts de tuer Félix ! Tout ça pour les beaux yeux de cette femme ?! Et c’était quoi son rapport avec Duscur qu’on en finisse ?
– Et bien, elle a dit qu’elle voulait le suivre en Duscur, et que ce serait l’occasion de renouer ensemble pendant ce voyage… si j’ai bien compris, le seigneur Alix est venu lui voler dans les plumes à ce sujet et le seigneur Rodrigue a aussi tenté de le faire revenir à la raison concernant Son Altesse mais, rien à faire, le roi n’écoutait que Patricia et son frère… alors…
Le bruit du poing de Thècle qui s’abattit sur le comptoir la fit taire, son visage furieux éclairé par son emblème. Elle était hors d’elle… tout… tout…
– Tous ces morts… ma grande sœur… mon petit frère… ma propre fille… mes neveux et nièces, mes beaux-frères et belles-sœurs… nos citoyens… tous ces gens… tous ces gens sont morts parce que cet abruti voulait absolument renouer avec sa femme, femme qui est un risque pour la sécurité nationale au passage, qui a eu le culot de le pousser dans cette direction parce qu’elle n’était pas contente car pour une fois, Lambert a agi en roi et banni quelqu’un de dangereux et encore, uniquement parce que notre famille était sur ces talons avec une Myrina furieuse derrière l’épaule ! C’est ce que vous êtes en train de nous dire ?!
La servante hocha la tête, provoquant encore plus l’ire des deux sœurs. Se reprenant un peu, Lachésis demanda, même si elle ne se faisait guère d’illusion là-dessus, histoire de voir à quel point Lambert avait craché sur tout, autant son rôle de roi, de père et de mari.
– Au moins… est-ce qu’au moins, elle était digne d’Héléna ? Lambert, je n’en parle pas, seule une truie est digne de lui, et se serait insulté la truie de lui imposer un mari pareil mais, est-ce qu’au moins humainement, cette Patricia ou Anselma était digne de la grande reine qu’était ma sœur ? Est-ce qu’elle était digne d’être la belle-mère du fils d’Héléna et a été une aussi bonne mère pour lui que notre Nitsa l’aurait été ?
– Hélas non… au début, ça allait mais, je pense qu’elle était un peu intimidée et encore choquée par ce qu’elle avait fui, elle tentait même de se lier d’amitié avec les Fraldarius. Mais assez vite, sa vraie nature est ressortie… elle était capricieuse, il fallait sans cesse que tout ce qu’on faisait corresponde exactement à ce qu’elle voulait, même si c’était impossible à réaliser. Ça devait être pile ce à quoi elle pensait et ce qu’elle voulait sinon, elle n’acceptait rien, que ce soit sa nourriture, ses vêtements, la décoration de ses appartements ou même la réalité. Les Fraldarius lui disaient souvent non et la ramenaient sur le sol de Fodlan alors, elle ne les aimait pas, point. Et elle était aussi extrêmement jalouse, même des gens qui ne peuvent plus rien lui prendre… je pense que c’est une habitude qu’elle a pris au harem impérial mais, elle ne supportait pas que Lambert parle de sa première femme devant elle, même si c’était au prince, alors que Sa Majesté Héléna est sa mère. Un autre point de friction avec les Fraldarius d’ailleurs, ils ne se gênaient pas pour parler de Dame Héléna devant elle. Donc non, elle n’était pas digne de lui succéder à la place d’épouse de roi… c’est pour ça que j’en ai plus rien à secouer de balancer tout ça, j’ai été chassé sans salaire maintenant qu’elle est morte, c’était une patronne horrible et Lambert fait n’importe quoi, il ne mérite pas que je me taise !
– Cette femme est jalouse au point d’envier une morte ? Et au point d’interdire à son mari de parler à son enfant de sa mère qui ne l’a jamais connu ? Mais achevez-nous à ce stade d’indignité !
– J’ignorais également tout cela, marmonna Ludovic après Thècle, attentif sans rien laisser transparaitre. Enfin, en cherchant un peu, on devrait retrouver ce qui est lié à cette Patricia, Anselma ou peu importe. En tout cas, Lambert prouve une fois de plus qu’il pense plus à ce qu’il veut lui et son entourage proche, qu’à ce dont le Royaume a besoin. Il y a eu un conflit avec l’Empire autour du plateau de Brionnic, n’est-ce pas ? Alors, autant éviter un maximum de donner plus d’argument à Ionius pour convaincre son ministre des armées de nous attaquer, encore moins pour « sauver » une personne ou deux au détriment de milliers d’autres.
– Dans les deux cas, il aura de nos nouvelles dès demain, croyez-nous sur parole, menacèrent les deux sœurs, furieuses et humiliées.
Elles descendirent d’une traite leur verre qu’avait rerempli le père Mercier pour se calmer, puis les remercièrent pour ses informations et de repartirent, elles avaient une longue nuit qui les attendaient, surtout qu’elles avaient bien l’intention de prendre Lambert au saut du lit. L’élément crucial d’une embuscade était l’effet de surprise qui empêchait de s’organiser correctement et de se défendre, faute de renseignement ou de préparation insuffisante.
Cette caricature de roi avait envoyé leur famille à la mort dans une embuscade à cause de sa stupidité, il méritait de se prendre un retour de bâton équivalent.
De son côté, le père Mercier regarda Ludovic poser encore quelques questions à la femme, tout en prenant des nouvelles du bucheron avec qui il avait combattu au marché noir, Tristan, même s’il lui passa une tisane avec un peu de menthe forte trouvée à l’orée de la forêt. L’odeur fraiche lui débouchait bien les bronches, même si c’était mettre un bandage sur une jambe de bois. L’air même de la ville attaquait ses poumons sans pitié, comme s’il les pourrissait à l’intérieur même de son corps… ça devait le faire souffrir horriblement mais, Ludovic ne montrait rien et gardait la tête haute malgré tout…
« Le drame de Ludovic, c’est d’avoir un corps aussi fragile et d’être mal-né malgré son emblème… songea-t-il en lui donnant le breuvage tout chaud. Il serait né dans une grande famille, il aurait fait un excellent seigneur, même s’il aurait eu un règne court si sa santé ne suivait pas… »
Le jeune homme prit le verre en le remerciant, le tavernier décryptant son sourire si discret mais reconnaissant.
« Je vous rendrais votre gentillesse, je vous le promets, » souffla Ludovic une fois ses bronches dégagées.
Le connaissant, le père Mercier n’en doutait pas une seconde.
*
Quand il ouvrit les yeux, Lambert mit un peu de temps à comprendre où et quand il était. Il faisait sombre, la nuit ne devrait pas tarder à tomber et des nuages recouvraient le soleil, plongeant le ciel dans l’obscurité profonde et dans un torrent de pluie démentielle… on se croirait en plein milieu de la nuit…
Une petite flamme s’alluma dans le coin de ses yeux, éclairant tout son monde alors qu’il se rendait compte qu’il était dans la grande salle de Garreg Mach… Héléna la tenait dans sa main, illuminant une table où était assis Rodrigue et Alix côte à côte en se partageant un livre, faisant face à sa première épouse et Félicia ainsi qu’Ivy qui était assis à l’envers sur une chaise, les bras croisé sur le dossier et la tête dessus… c’était à la fois si proche et si lointain… à peine vingt ans pourtant et tant de chose avait changé… Lambert se souvient alors de ce jour-là, à l’académie des officiers… un orage de tous les diables les avaient obligés à passer leur dimanche à l’intérieur alors, en se perdant dans la bibliothèque en cherchant de quoi lire pour passer le temps, les jumeaux étaient tombés sur un recueil de chant de Faerghus. Ils s’étaient donc amusés à chanter les différents airs du recueil une bonne partie de l’après-midi pour tout le monde, une petite troupe finissant par se former autour d’eux pour les écouter. Leur voix avait toujours été magnifique…
La lumière de la flamme éclaira le visage halé d’Héléna, faisant revivre ses yeux d’aigue-marine et sa longue chevelure blonde tressée, notant avec nostalgie et regret qu’elle partageait sa crinière indomptable avec leur fils… son visage était à la fois si semblable et si différent de celui de Patricia… comme éclairé par une chandelle, on ne pouvait que voir son calme, son sérieux et son doux sourire à la fois si rare et si précieux… elle rayonnait force et de santé dans chaque morceau de son être…
« Héléna… »
Le veuf leva la main, la tendit vers sa première épouse, cherchant à se rapprocher de sa douce chandelle qui lui avait réchauffé les mains tant de fois, le guidant sur le bon chemin avec sa lumière rassurante…
Les jumeaux changèrent alors d’air, se mettant à entamer la « Supplique de Fraldarius », même si aucun des deux n’aimaient les hypothèses autour de cette chanson. Ils appréciaient la chanter pour toutes les émotions à l’intérieur mais, trouvait que l’interprétation des érudits autour ne collait vraiment pas à ce qu’ils ressentaient dans les paroles…
« Dans la nuit sans étoile, le vent mugit dans le noir,
Les ronces m’écorchent et m’enserrent en riant,
Les chaines cruelles boivent sans soif mon sang,
Ô dieux, à la lune je ne peux que hurler mon désespoir, »
La voix des jumeaux s’immisça dans ses pensées, les parasitant avec leurs paroles étranges et inquiétantes alors que la flamme dans les mains d’Héléna faiblissait…
Deux yeux bleus d’eau percèrent la pénombre, avant qu’en n’émerge une silhouette longiligne, forte et presque invisible dans l’obscurité, avant qu’il ouvre une gueule écarlate, remplie de longs crocs comme d’immenses croissants de lune, coupants comme des sabres… Lambert s’écria alors, même s’il le reconnut tout de suite, mort de peur pour son épouse.
« Héléna ! Attention ! »
« Dans le froid de l’hiver, la bise se moque de moi,
Tous mes os se figent un par un,
Ils se pétrifient jusqu’à la fin,
Ô dieux, à la lune je ne peux que hurler mon effroi,
Cependant, le loup se contenta de lui donner un petit coup de truffe à la jeune femme, attirant son attention avant de lui montrer un chemin. Sans hésiter malgré sa méfiance naturelle, peut-être parce qu’elle reconnaissait ses yeux d’eau, Héléna le suivit sans hésiter, s’enfonçant dans un couloir sombre avec lui.
Fou d’inquiétude et de peur que ça dégénère après sa crise de colère, Lambert les suivit en courant, essayant de les rattraper mais, quand il sortit du boyau, il n’était plus à Garreg Mach… non… non… il était de nouveau entouré des corps Duscur…
Héléna portait à présent sa longue robe blanche et bordeaux, brodé de son emblème et de l’astre céruléen, ses longs cheveux dénoués battant en silence dans le vent à la fois brûlant et glaciale, portant ses mots étranglés alors qu’elle se baissait vers les morts…
« Nia… Momon… »
Elle se releva, ses gestes saccadés faisant penser à ceux d’une poupée désarticulée, choquée en découvrant d’autres corps portant leur emblème, des visages d’adultes qu’elle n’avait connu que pendant leur enfance, des gardes et des fidèles de sa famille…
« Tous… tout le monde… »
Sa voix s’étrangla d’un coup alors qu’elle s’élançait vers la dernière personne que Lambert aurait voulu qu’elle voie, n’arrivant pas à la rejoindre avant qu’elle ne trouve la tâche bleu roi dans cet océan de blanc et de brun-rouge…
« Oh non ! Dimitri ! »
Héléna se précipita vers lui en enjambant les corps comme elle pouvait, le prenant tout de suite dans ses bras en utilisant la magie de soin, murmurant à leur fils, même s’il ne pouvait pas l’entendre, brûlé et étranglé de fumée…
« Dimitri… tient bon… tient bon… je vais te soigner… Mitsos… »
« Dans le noir des ténèbres, même le soleil cruel est ennemi,
Mes yeux déjà asséchés de larmes brûlent,
À sa vue dont ils ne supportent plus la férule,
Ô dieux, à la belle lune j’hurle, elle est ici ma seule amie. »
Le loup réapparut, s’asseyant à ses côtés en passant sa truffe sur les cheveux calcinés du blessé… Héléna se tourna vers lui, le fixant droit dans les yeux, telle qu’elle était avant sa mort. Sa peau semblait livide malgré son teint halé, des cernes sombres et profondes balafrant son visage, ses longs cheveux hirsutes et cassants comme de la paille… tel que la peste l’avait laissé…
« Tel que toi, tu l’as épuisée… susurra le loup sans qu’Héléna semble l’entendre, cette dernière lui demandant sans hésiter.
– Qui… qui a fait ça à mon fils ?
Sans un mot, le loup tourna alors son regard vers Lambert, retroussant ses babines dans un sourire satisfait quand Héléna se redressa, fixant son mari alors que son visage choqué changeait, s’enflammait de colère, le criblant du regard avec fureur.
« Ô Lune, grande lune si belle qui m’écoute toujours chaque nuit,
Ce soir, malgré les ronces qui m’étranglent et toujours me lacèrent,
Je te hurle mon désespoir, je te hurle ma rage, je te hurle ma prière,
Ô Lune, entend mon sort hurler au fond de cette prison de suie ! »
– Lambert… comment as-tu pu… comment as-tu pu emmener notre fils ici… comment as-tu pu emmener mon fils dans une expédition aussi dangereuse ?! Tu aurais dû le laisser au palais en sécurité ! Il n’avait rien à faire dans une expédition pareille !
– Héléna… je… je te jure que je ne pensais pas que ce serait aussi dangereux pour lui… lui promit-il en essayant de s’approcher d’elle, ouvrant ses bras. J’aurais su, jamais je ne l’aurais…
– Tout le monde t’a prévenu, le coupa-t-elle en se fermant, se mettant entre Lambert et Dimitri, comme pour le protéger. Myrina t’a dit et répété que ce passage était très dangereux et qu’il ne fallait surtout pas t’attarder dans ce piège à rat. Kimon t’a dit que tes lettres étaient mal faites et tes promesses irréalistes alors, il fallait travailler à nouveau avec les ambassadeurs pour trouver des accords plus réalistes mais que dans tous les cas, cela allait abimer nos relations avec Duscur, ce qui incitait à encore plus de vigilance. Lachésis t’a dit plusieurs fois qu’il fallait faire arrêter Kleiman et le mettre sous les verrous afin d’éviter qu’il n’aggrave encore plus la situation, et Thècle qu’elle avait besoin de plus de temps pour examiner son cas pour le juger. Tu as refusé et résultat, il continue à massacrer d’autres êtres humains sur la frontière sans que tu ne remarques rien et avec l’accord de Rufus. Rodrigue t’a répété plusieurs fois à quel point c’était dangereux pour Dimitri de l’emmener, et à quel point ils n’avaient pas le temps de tout préparer correctement pour assurer au maximum la sécurité de tout le convoi, Alix aussi te l’a encore répété avec force. Mais tu n’as écouté personne et maintenant, tout le monde est mort par ta faute ! Tu as le sang de notre propre enfant sur les mains !
– Héléna… je… je…
« Même si je suis prisonnier, je m’évaderai !
Même si je ne suis plus que mon désespoir, je m’en servirai !
Même couvert de chaines, jusqu’à la dernière je les lacérerai !
Ô lune ! Au pire des maléfices je me sacrifierai ! »
Il tenta encore de s’approcher malgré tout mais, sa première épouse enflamma ses mains avant de les serrer en poing, prête à frapper pour défendre Dimitri derrière elle, tout semblable à plusieurs représentations de la Flamme Passionnée, protégeant les siens en s’enflammant elle-même. La douce chandelle semblait être tombé dans l’huile, se propageant partout autour d’eux pour plonger la vallée étroite dans des flammes bleues, embrasant un grand bûcher funéraire pour les morts et un cocon protecteur pour Dimitri.
Lambert paniqua, sentit ses doigts fondre dans cette fournaise de plus en plus infernal, emportant Héléna à qui Dimitri s’accrochait à présent, le laissant seul. Il crut entendre la voix de Patricia au loin, l’appelant vers elle mais, ses appels ne firent que rendre les flammes encore plus fortes, plus cruelles, creusant sa peau alors qu’il tentait en vain de trouver une issue, un passage, une échappatoire… n’importe quoi qui pouvait le faire sortir d’ici !
« Que les dieux qui m’abandonnent me haïssent aujourd’hui,
Car moi la pauvre créature enfermée sort ses crocs acérés,
Même si devenir une bête est le pire des sorts à redouter,
Je suis prêt à en être une pour sortir de cette prison honnie ! »
En levant les yeux, suivant l’origine du chant qui résonnait tout autour de lui, l’homme vit à nouveau le loup le fixer depuis le sommet des ravins, la tête sur ses pattes, souriant toujours à pleines dents en le voyant se débattre, se tortiller dans les flammes en essayant en vain de s’échapper.
« Toi… ! »
Emporté par sa propre colère de la farce grotesque que lui imposait le loup qui avait remplacé son ami, Lambert arriva à trouver assez d’élan pour sauter, attraper le rebord de la falaise et à se hisser là où était la bête cruelle, rien que pour lui faire ravaler son sourire après avoir monté Héléna contre lui. C’était sa faute s’il cauchemardait à ce point ! C’était sa faute si elle était aussi en colère et fatiguée !
Cependant, quand il arriva à se hisser au sommet battu par le blizzard, le loup s’était un peu éloigné, riant toujours à la manière de Foa alors qu’il se relevait, un rire saccadé et malade, comme s’il se moquait de lui, le trouvait pathétique de tenter de l’attraper.
« Reviens ! Reviens et rends sa place à…
– Seulement si tu arrives à me rattraper ! Ghia ! Ghihi ! Ghihihi ! Que la Lune voie qui gagne ! »
Il repartit en riant, tâchant la blancheur éclatante des lieux avec sa noirceur de ténèbres, le forçant à s’enfoncer dans le blizzard. Lambert le suivit comme il pouvait mais, il était bien plus lourd que lui, ses pas s’enfonçant dans la neige épaisse, le noyant presque dans la poudreuse tranchante, alors que le loup courrait à vive allure sur le manteau neigeux et craquant, seules de légères traces de pattes vite recouvertes par le blizzard marquant son passage alors qu’il chantait à nouveau.
« La roue du destin tourne et tourne,
Les routes se mêlent et s’entremêlent,
Les saisons passent et vite trépassent,
On ne reconnait plus rien du tout !
Je cherche mon chemin ! S’écria le pauvre fol,
De quel chemin parles-tu ? Répondit la Lune
Le glorieux chemin que m’a destiné la fortune !
Qu’il est orgueilleux ! Ce pauvre fol est frivole !
Car notre chemin n’est jamais par un autre tracé,
Il est toujours fait de milles et milliers de pas bien décidés,
Il est toujours soigneusement pavé par notre seule volonté,
Tu as toi-même décidé par tes choix de te blesser !
Mon pauvre fol orgueilleux ! Ta pitoyable errance…
…n’est que le résultat de ta propre ignorance ! »
« Tais-toi ! C’est faux et tu le sais ! Je n’ai jamais décidé que tout tournerait ainsi ! Jamais je ne voulais que…
– Mais tu as tout de même décidé que tu mènerais le Royaume à sa perte.
Lambert s’arrêta net, figé en découvrant son père au sommet de la montagne, Areadbhar luisant dans ses mains, en grand habit de monarque, la couronne d’or de Loog ceignant son front, illuminé par la Lune… après avoir rencontré Blaiddyd en personne, Lambert ne pouvait que voir que Ludovic avait exactement les mêmes yeux que leur ancêtre… le loup était là aussi, allongé aux côtés de l’ancien roi, toujours aussi satisfait de lui-même, le narguant toujours… c’était encore plus cruel de sa part en sachant ce que son père allait lui faire remarquer…
– Regarde Lambert, lui ordonna son père en montrant la vallée en contrebas. Regarde le résultat de ton indécision et de tes décisions. Regarde les conséquences de tes actes.
Bien obligé d’avancer, l’homme obéit et regarda au bas de la colline. Tout était sombre, tout était plongé dans le noir sans aucun soleil à l’horizon… comme sans lendemain… il n’y avait personne aux alentours, juste des ombres indéfinis, comme vidé de toute vie…
– Non… il y a encore de la vie en Faerghus… on arrivera à se relever… on…
– Tu répares ce que tu as brisé toi-même, répliqua Ludovic avec sa voix froide, serrant Areadbhar entre ses mains. J’avais laissé derrière moi un Royaume sain, prospère après tant d’année de guerre et de terreur… toute ma vie, j’ai travaillé afin que le règne de mon père ne se répète pas… que tant de personnes ne subissent pas à nouveau de telles atrocités…
– Mais je n’ai jamais voulu faire le moindre mal à mes sujets ! Je ne les ai jamais entrainés dans des guerres sanglantes !
– Non, en effet. Mais tu méprises leurs vies tout autant que lui, bien que ce soit de manière différente. Clovis se moquait éperdument de la vie des autres, seule la sienne comptait, et il les envoyait à l’abattoir sans hésiter ou remord. Toi, à cause de ton inconscience et de ta naïveté, tu agis sans prendre en considération les risques qu’encours tout le monde, car tu es persuadé que tout se passera bien et que sinon, ce sera possible de réparer ce que tu as brisé, alors que rien ne peut rendre une vie perdue ou réparer cette absence… le tout en écoutant de moins en moins les voix qui s’élevaient contre toi et te conseillaient d’être plus prudent, et en n’écoutant que les personnes qui ne cherchaient qu’à profiter de la situation… souffla-t-il en passant sa main sur la tête du loup, avant de le fixer droit dans les yeux. Et vois où tout ceci t’a mené… mon plus grand regret est d’être mort aussi tôt, trop vite pour t’empêcher d’accéder au pouvoir. Tu n’as pas les épaules pour être roi, tu n’es pas fait ni digne d’une telle tâche, » sanctionna-t-il alors que du sang tuberculeux coulait de sa bouche, comme quand il retenait ses toux avant de mourir, mais il restait malgré tout droit et ferme, seuls ses poings tremblant de colère. « À cause de ma propre faiblesse, j’ai laissé le Royaume entre les mains d’un inconscient qui a tout détruit sur son passage en étant persuadé de bien agir, et cela l’a conduit à sa ruine. Le Royaume est meurtri par le deuil, la colère et le ressentiment, la faim le gangrène, la maladie guette dans la pénombre, attend son heure pour tourmenter encore plus notre peuple… il se délite même, Gautier est déjà en train de faire sécession vers Sreng où ils ne seront plus obligés d’obéir à tes ordres lunaires, et que crois-tu qui se passera quand Fraldarius apprendra ce que tu as fait à ses ducs ? Quand ils verront Rodrigue et Alix revenir sous la forme de loups tourmentés par le désespoir ? Que pensera Galatéa en voyant que Rufus les a déjà abandonnés ? Charon en voyant ta mauvaise gestion et quand ils apprendront l’affront que tu as fait à leur sœur ? Que penses-tu ce qui va arriver à Faerghus après tout ce que tu as fait et laissé faire ?
Lambert ne répondit pas, regardant son père sans savoir quoi dire… à part pour le fait que les Charon n’apprendront jamais pour Patricia, encore plus maintenant que… il avala sa salive en repoussant tout ce qui avait pu lui arriver…
– Et elle, elle est partie volontairement dans un voyage qu’elle a voulu. Elle n’a pas été arraché de force à ses proches.
L’homme jeta un regard au loup, à présent debout en regardant au loin, semblant chercher quelque chose dans les flammes. De près, on voyait ses côtes saillantes, des blessures sanguinolentes tachant sa fourrure de nuit, que ses grands yeux de chat étaient rougis de larmes… Ludovic se baissa vers le loup pour passer ses mains sur la tête du loup, doux et calme, moins froid avec lui qu’il ne l’avait jamais été avec presque personne d’autre… même si Lambert savait en son for intérieur que son père avait été chaleureux avec lui, souvent même avant que la politique et la question de la succession n’envenime leur relation, il ne put empêcher la jalousie de ronger son cœur, sachant à quel point Ludovic aurait préféré que ce soit ce loup son héritier plutôt que lui…
– Que de vies perdues et ruinées à cause de ton inconscience et de ma propre faiblesse…
Le loup passa un coup de langue sur la joue de Ludovic, avant que l’ancien roi ne se relève et le regarde dans les yeux, sa colère gelant Lambert sur place.
– Que pensais-tu accomplir en te comportant en tyran n’écoutant que ses ennemis ?
Lambert n’eut pas le temps de répondre, Ludovic disparut dans un tourbillon de neige, le lacérant de toute part alors que tout devenait de plus en plus sombre tout autour de lui… le plongeant dans les ténèbres les plus froides et terrifiantes…
Un fredonnement incompréhensible grouilla dans l’obscurité humide, le glaçant malgré sa familiarité…
Les ténèbres se dissipèrent à peine, alors que Lambert échouait dans une forêt noueuse et sombre… il faisait tellement humide, on se serait cru dans l’eau tellement l’air en était saturé… ces bois n’étaient pas éclairés par le soleil, seule la lune, l’Astre Céruléen et les étoiles tâchaient la nuit, éclaboussant les branches noires et emmêlées les unes les autres de leur lueur blafarde… ce n’était même pas ce qui illuminait vraiment sa vision, mais une forme blanche au fond du chemin, appelant encore et encore quelque chose mais, Lambert ne comprenait pas un seul mot de ce que disait la silhouette, floue comme un reflet dans une flaque… il s’approcha, hésitant avant de vraiment de retrouver le loup qui reprenait forme humaine en chantant toujours…
« Au clair de la lune, le vent chante,
Tu pleures dans cette forêt de cendres,
Les nuages vont alors tous descendre,
Pour que plus jamais, le mal te hante.
Au clair de la lune, les loups murmurent,
Sans un bruit, ils s’approchent de tes blessures,
Ils t’entourent, te réchauffent avec leur fourrure,
Cette protection si douce te rassure.
Au clair de la lune, la forêt te protègera toujours ici,
Aux hurlements des loups, la brise te réconforte,
Tous pansent tes blessures et au loin les emporte,
Dans leur rassurante étreinte, enfin tu t’endors guéri. »
Rodrigue était apparu face à lui, tout différent de celui qu’il était avant de se transformer. Ses joues étaient de nouveau pleines, ses gestes plus assurés et précis, ses pas bien plus stables, son dos bien droit, son maintien fier et royal… il semblait à nouveau en pleine santé, comme avant… une grande peau du loup recouvrait ses épaules comme une grande cape, cachant un peu son habit sarcelle et blanc pur, le rendant presque lumineux au milieu des ténèbres. Son chapelet était autour de son cou plutôt que sur son poignet droit, l’emblème de Fraldarius reposant sur son cœur, de nouveau en bon état alors qu’avec le temps, l’homme l’avait tout abimé à force de faire rouler les perles et de serrer les breloques dans ses prières… Un cercle d’argent orné de pierres de lune ceignait ses boucles noires, vibrant presque avec sa peau si pale… il avait l’air d’un meneur de loup, comme un être de légende sorti tout droit d’une chanson de geste… le roi de la forêt et de la nuit venant voir en personne qui avait osé franchir la frontière de son Royaume…
Ses yeux de chat se posèrent sur Lambert, profond comme le lac, illisibles… ce n’est qu’à ce moment-là que l’homme se rendit compte que le loup… l’homme face à lui… Rodrigue… peut-être… avait un foulard autour de lui, fait pour porter un enfant, vide, ainsi qu’une besace surement remplie de quoi soigner… il devait encore le chercher partout…
« Que… que veux-tu ? Demanda Lambert. C’est toi qui as provoqué tout ceci, n’est-ce pas… ?
– Quoi donc ?
– Tout ce qui vient de se passer ! Héléna ! Ludovic ! Duscur ! Dimitri ! Même la voix de Patricia ! C’est toi qui me les as montrés ! C’est toi qui les as amenés ici et les monter contre moi !
– Toi ou moi ?
– Qu’est-ce que tu veux dire ? Explique-toi à la fin ! Et pourquoi tu te riais de moi tout à l’heure ?!
– Est-ce tes actions ou les miennes qui les ont rendus furieux ? Personnellement, j’ai ma réponse, se moqua-t-il avec un sourire qu’il n’avait jamais vu sur le visage de Rodrigue. Dans tous les cas, c’est bien mérité. Ce mépris et ce rejet sont tout ce que tu mérites.
Lambert eut un mouvement de recul face à son ami. Même s’il était redevenu humain, tout son comportement ressemblait à celui d’un loup tournant autour de sa proie, l’épuisant avant de sauter sur elle et lui rompre le cou pour la dévorer…
Rodrigue voulait le dévorer… il attendait le moindre signe de faiblesse pour lui sauter dessus et finir de le décapiter, il en était sûr… !
– Comment as-tu pu changer comme ça… osa demander Lambert. Nous… nous étions amis…
– Amis… répéta-t-il en posant sa main sur son menton, l’étudiant avec un mélange de mépris et de sarcasme, jouant encore avec lui en le faisant attendre. Amis ou outils… tu n’as fait que m’utiliser pour faire ton travail à ta place, tout comme Rufus… m’épuiser jusqu’à la dernière goutte de force et d’espoir… comme tu l’as fait pour Héléna… puis tu m’as tout pris… tout… tu m’as pris tout ce qui comptait pour moi, le tout en souriant tout le temps et en étant persuadé de le faire pour le bien de tous, alors que tu ne faisais que satisfaire tes propres désirs et ton égocentrisme…
– Tu sais bien que je ne pensais pas à mal… marmonna encore Lambert en détournant le regard, ne pouvant pas supporter de voir ce qu’était devenu son ami, ce regard froid et cruel sur son visage d’habitude si gentil et chaleureux. Je ne pensais pas que je te faisais souffrir au point de te… !
– Allons, relève la tête, lui ordonna-t-il sur un ton amical et enjoué, encore plus terrifiant que tout le reste ici, comme si tout ceci n’était qu’un jeu pour lui. Ait au moins le courage de regarder tes victimes en face quand elle vienne te demander des comptes. Et tu ne savais pas que tu me faisais souffrir ? Répéta-t-il. Tu ne savais pas qu’emmener mon enfant et mon compère de force dans un voyage aussi dangereux me faisait souffrir ?
Il fit un premier pas de loup dans sa direction.
– Tu ne savais pas que nous forcer à tous la main d’envoyer nos sujets et nos proches à la mort nous faisait souffrir ?
Un autre pas.
– Tu ne savais pas à quel point être obligé de te laisser autant de pouvoir sur Glenn me faisait souffrir ?
Encore un autre pas.
– Tu ne savais pas qu’agir comme si la mort de son père n’était pas importante pour Dimitri, que tu traites la mort aussi à la légère me faisait souffrir ?
Malgré la menace, Lambert était incapable de bouger, happé par le tourbillon de question de l’entité face à lui, harponné par ses yeux si bleu posés sur lui.
– Tu ne savais pas que devoir tout faire pour encore réparer tes erreurs à ta place me faisait souffrir ?
Rodrigue était maintenant face à lui, posant encore et encore des questions avec ce sourire de loup, de plus en plus sombre et menaçant, semblant immense malgré sa plus petite taille.
– Tu ne savais pas que travailler pour l’homme qui a tué mon fils et mon compère me faisait souffrir ?
Rodrigue leva ses mains, armées de longs ongles semblables à des griffes, souriant toujours, la lune se reflétant sur ses crocs blancs.
– Tu ne savais pas que m’arracher mon louveteau et mon frère me faisait souffrir ?
Il enroula ses doigts griffus autour de sa gorge, le tirant jusqu’à ce qu’il soit front contre front en crachant la dernière question.
– Tu ne savais pas à quel point je te hais pour m’avoir tout prit ? À quel point je te hais de toute mon âme depuis ce jour où tu es rentré sans eux ? Que tu es naïf… c’est à vomir…
Il serra en grognant, son sourire et son masque abandonné, ne laissant qu’une émotion brute de haine, de dégout et de détestation gravé au plus profond de sa voix et de son être.
– Rends-les-moi… rends-les-moi ! Rends-moi tout ce que tu m’as volé !
– Rodrigue ! » Protesta Lambert en tentant de se libérer, accrochant ses propres mains à celles de l’homme en échouant à le faire lâcher prise malgré sa force… est-ce qu’il était vraiment devenu un être surnaturel pendant qu’il s’était transformé ?! Il semblait sortir d’un autre monde ! « Je t’en supplie ! Calme-toi !
– Rends-les-moi ! Je veux mes enfants ! Je veux ma famille ! » S’écria-t-il, tout croc dehors, en serrant encore plus fort, assez pour le griffer… du sang coulait le long de sa gorge… il était sur le point de l’égorger ! « Tu as répandu le sang de Glenn et de Nicola pour survivre comme le vampire que tu es ! C’est à cause de toi qu’ils sont morts ! Rends-les-moi tous les deux !
– Je ne peux pas ramener les morts !
– Il fallait y penser avant ! Tu nous demandes l’impossible alors, fait-le aussi ! C’est leur sang qui te permet de vivre aujourd’hui ! Rends-le-leur ! Rends-leurs tout le sang que tu leur as volé !
– Rodrigue… tu m’étrangles !
– Rends-moi Glenn ! Rends-moi Nicola ! Et surtout, rends-moi Félix ! Rends-moi mon louveteau ! Tu es allé jusqu’à me prendre mon seul enfant qui me restait ! La dernière personne que Félicia a rencontrée et aimée plus que sa vie avec Glenn ! Tu nous as pris notre dernier petit ! La personne que j’aime le plus au monde ! Tu as même osé m’arracher Félix par caprice après avoir tué Glenn par inconscience ! Je veux retrouver mon louveteau ! Rends-le-moi !
– Rodrigue ! Je… Lambert haleta, ayant du mal à parler, perdant de plus en plus d’air. Je ne peux pas le récupérer comme ça… Dimitri doit vou…
– Rends-moi mes fils ! Rends-moi le seul fils qui t’a échappé ! Rends-moi Félix ! Arrête de te comporter comme un enfant gâté et rends-moi Félix ! Je veux ma famille ! Lui, tu ne pourras pas me le voler ! Pas lui aussi ! Je ferais tout pour récupérer mon enfant ! Tout ! » Lui jura-t-il en serrant encore plus fort ! Il allait finir par faire sauter sa tête en déchirant son cou ! « Alors, rends-le-moi ! Maintenant !
– Rodrigue ! Par pitié ! Arrête ! »
Lambert se réveilla d’un coup en hurlant, reprenant son souffle à grandes bouffées sans pouvoir s’empêcher de presser ses mains contre sa gorge, s’attendant pratiquement à sentir du sang et des entailles profondes sous ses doigts… il sentait encore les mains de son ami la saisir et serrer… lui hurler de lui rendre sa famille… lui hurler sa haine… non… ce n’était pas possible… Rodrigue ne pouvait pas le considérer ainsi… le haïr avec autant de force… ce n’était qu’un cauchemar… rien qu’un cauchemar… rien de plus…
Pourtant, il entendait encore le cri, le hurlement du loup résonné dans la nuit alors qu’il s’échappait enfin de ce rêve étrange…
« Je te hais ! »
L’homme fit tout pour repousser ce mensonge… c’était un mensonge, c’était forcé… Rodrigue ne pouvait pas…
Malgré tout, le rêve continua à le hanter une bonne partie de la matinée, tellement qu’il finit par se résoudre par aller voir Rufus pour en parler malgré tout… il avait beau jurer qu’il n’avait rien à voir avec les exactions de Kleiman, que c’était juste un appui de circonstance pour une situation très tendue qui demandait tous les bras disponibles pour s’en sortir, Lambert ne pouvait s’empêcher de ressentir une certaine appréhension avec lui… comme si quelque chose dans ses mots sonnaient faux… cependant, Rufus restait son grand frère… son grand frère à qui il pouvait tout dire et tout partager, même les choses les plus inavouables ou gênantes… son grand frère qui l’avait toujours mis en confiance, pour le meilleur comme pour le pire mais, c’était déjà beaucoup quand on passait derrière un roi de la stature de Ludovic… il ne pouvait pas s’empêcher de lui faire confiance pour quelque chose d’aussi étrange qu’un rêve pareil… même si ça concernait Rodrigue et qu’il n’ignorait pas leur antipathie réciproque…
Lambert alla dans le bureau de son frère mais, en voyant qu’il n’était pas là, il décida de l’attendre, il ne devrait pas s’absenter bien longtemps… Rufus travaillait bien plus qu’avant la Tragédie, il avait aussi droit de prendre une pause de temps en temps…
« Même s’il aurait pu en accorder aussi à Rodrigue… enfin, c’est fait maintenant… »
Une petite cassette dans un coin du bureau attira l’attention de l’homme. Elle était tout simple, décoré de quelques vrilles végétales mais, il la reconnaitrait entre mille… Rufus y tenait beaucoup… la seule fois où il avait disputé Dimitri, c’était quand il avait voulu la récupérer pour qu’elle soit le coffre au trésor d’un roi maléfique dans un de ses jeux… même Lambert n’avait jamais vu ce qui avait à l’intérieur… il s’était toujours imaginé qu’il s’agissait de la correspondance intime de son frère, d’où son angoisse que qui que ce soit voit le contenu de cette cassette… même si Rufus avait aussi promis avec aplomb de lui montrer son contenu quand il reviendrait triomphant de Duscur… bon, pour le triomphant, c’était raté mais…
« Non… c’est à lui… c’est sa vie privée… il me le montrera quand il voudra… »
Mais c’était si tentant… et Rufus lui avait dit qu’il lui montrerait en plus…
Il ne perdait rien à juste la manipuler un peu…
La première chose qui étonna Lambert en la prenant dans ses mains était le poids de la boite. Elle semblait pleine à ras bord s’il se fiait à son poids, alors qu’elle semblait plus légère quand Rufus lui avait montré la dernière fois…
« Qu’est-ce qui a bien pu… »
Il ne put résister et força la boite, l’ouvrant sans souci avec sa force.
La cassette ne contenait que du papier, des lettres mêmes à première vue mais, ce qui étonna Lambert, c’était qu’il ne s’agissait pas de l’écriture soignée de Rufus… non… elle était bien plus biscornu, comme écrite par quelqu’un de plus jeune ou un gaucher étalant l’encre avec sa main en rédigeant… et il y avait plusieurs scriptes…
Même s’il se força à penser qu’il s’agissait des lettres de ses amants, des soupçons empoisonnèrent le cœur de Lambert alors qu’il dépliait une missive au sceau déjà cassé…
« Papa, pourquoi tu ne m’écris plus ?! J’ai plus de nouvelles de toi depuis des semaines ! Qu’est-ce qui se passe ?! »
« C’est l’écriture de Félix ! Mais qu’est-ce qu’une de ses lettres pour son père fait là ?! »
Lambert en sortit une autre, reconnaissant l’écriture d’Alix, le début de la lettre étant dans le même ton que la précédente.
« Rodrigue, je sais que tu ne vas pas bien, je le sens, je sens que tu es mal et que ça ne s’améliore pas… je ne sais pas pourquoi je n’ai plus de lettre de toi, est-ce que c’est à cause de ça ? »
Son sang se gelant de plus en plus, Lambert en sortit deux autres, portant cette fois l’écriture de Rodrigue, destinées à son fils et à son frère, également décachetées comme si elles avaient déjà été lues. Son ami parlait de ses mêmes inquiétudes, des lettres qui n’arrivaient pas et de son inquiétude… Même demande, même inquiétude… Déesse ! Qu’est-ce qu’elles faisaient là ?!
« Non ! On m’a volé mes lettres ! Alix a demandé à Ivy de lui faire passer une lettre de sa part où il disait qu’il n’en recevait plus de ma part, alors que je lui écris tous les jours et lui aussi ! Quelqu’un vole les siennes et celles de Félix ! C’est pour ça que je n’ai plus de nouvelles ! »
Il entendait encore le gémissement paniqué de Rodrigue, tout le désespoir qu’il n’avait pas perçu au départ dans sa voix, toute l’inquiétude et la peur qui se mêlaient ensemble à l’intérieur…
« Rufus ne peut tout de même pas être… »
Cependant, malgré tous ses efforts pour trouver des excuses à son frère, Lambert dut se rendre à l’évidence en se rendant compte que toute la correspondance volée de Rodrigue était là… les lettres qu’il avait envoyées, celles qu’il avait reçu… tout… tout était là ! Tout était ouvert ! Rufus n’avait tout de même pas tout lu ?!
Aucun doute, c’était lui le voleur de leur correspondance… mais… mais pourquoi ? Pourquoi faire ça ? Pourquoi faire quelque chose d’aussi cruel ?! Rufus détestait Rodrigue et Alix de toute son âme à cause de Ludovic mais, pas à ce point tout de même !
Lambert pensait ne pas pouvoir être plus horrifié mais, quand il vit des papiers roulés tout au fond de la cassette, semblant plus anciens et usés, même tâchés de sang pour certains, un doute noir lui dévora le cœur… non… non… non…
Il attrapa un rouleau et le déroula en tremblant…
« À mon Royaume, que j’ai toujours désiré servir au mieux… »
L’homme ne put que reconnaitre l’écriture de son père, la plume tremblante de Ludovic… le parchemin était même tâché de ses crachats de sang à cause de sa tuberculose…
Comme happé par le rouleau, Lambert ne put s’empêcher de continuer à lire les mots, même s’il se doutait du contenu… voir même le redoutait plus encore que les fantômes et les cauchemars…
« Malgré l’horreur, je n’ai jamais oublié le règne de mon père. Toute ma vie durant, je n’ai jamais oublié ces rues couvertes de sang, la terreur et la faim mais, ce qui me marqua le plus était son aplomb. Clovis était persuadé d’être dans son bon droit et ne le cachait pas. Même si ces actes étaient immoraux, il s’appuyait sur la loi en la détournant à son profit, devenant inarrêtable dans sa position de roi pour commettre toutes ses exactions. Dès lors, mon seul objectif fut de mettre Faerghus à l’abri d’un autre souverain tel que lui. « Protéger et servir le peuple du Saint-Royaume de Faerghus », tel a été la devise qui a guidé chacun de mes pas avec l’aide de mes proches pour que jamais, je n’en dévie un seul instant…
Lambert sentir son cœur battre à toute vitesse dans sa poitrine. Ce… ce parchemin… c’était le testament de son père… c’était le testament de Ludovic ! C’était Rufus qui l’avait pendant toutes ses années ?!
Cependant, une grande crainte demeurait : comment empêcher un autre Clovis d’arriver ? Comment empêcher qu’un autre souverain tel que lui ne monte sur le trône ? Ne soit imposer par le hasard cruel de la naissance ? Clovis était le fils ainé de sa mère et malheureusement pour l’orgueil de notre lignée, elle n’était guère plus recommandable que son fils. Elle était seulement qu’un peu plus discrète que lui mais, possédait les mêmes torts, centrant de plus en plus de pouvoir sur elle-même au détriment de ses contradicteurs mais, par ce geste, elle détruisait de précieux garde-fous qui pouvaient endiguer les exactions du pouvoir royal, soigneusement construit par Loog le Lion et sa fille Sophie la Sage. Ces deux souverains ont été élus avec peu d’avance, savaient qu’ils devaient composer avec l’ensemble de leur royaume et de leur peuple pour faire grandir Faerghus sans plus de violence après la guerre, que des contradicteurs n’étaient point des ennemis à anéantir mais, des personnes nécessaires à toute remise en question de chaque action, afin de peser le pour et le contre puis, changer d’avis ou camper sur ses positions une fois que nous ayons entendu tous les arguments.
Le passage à la succession filiale nous a assené un coup majeur, nous avons commencé à nous croire tel les Hresvelg, choisis par la Déesse pour régner et le pouvoir nous ait monté à la tête. Notre objectif n’était plus de servir notre peuple comme l’avait voulu le roi Loog, mais que notre peuple nous serve afin de gagner de plus en plus de pouvoir, centralisant toujours plus les fonctions de commandement sur notre propre personne et dépouillant nos adversaires des armes qui leur permettait de nous arrêter quand nos actions devenaient dangereuses pour notre peuple. Au comble de notre hubris, nous avons même commencé à traiter toute une lignée comme des objets jetables, des boucliers qui ne servent qu’à prendre les coups à notre place pour que nous puissions survivre, pendant que cette famille portait perpétuellement le deuil de tous ses membres sacrifiés aux Blaiddyd… Nos ancêtres doivent rougir de honte devant notre décadence…
J’aimerais dire que tout ceci s’est arrêté avec la mort de mon père mais, je ne me fais guère d’illusion. Le hasard fait qu’à chaque fois, à chaque naissance, à chaque génération, il y aura toujours un risque qu’à nouveau, un autre Clovis naisse. Je n’ai échappé à la décadence de ma famille que grâce à mon corps faible malgré mon emblème, inapte à la guerre et facilement malade, ce qui m’a permis de vivre au sein d’une famille aimante et normale, pour qui je ne ressent que de l’affection, et que je ne remercierais jamais assez pour leur accueil et leur amour, même si je les ai à mon tour meurtri d’un deuil dont je porte la responsabilité et la culpabilité chaque jour.
J’ai tout fait pour bien éduquer mes enfants, pour les emmener au plus loin des conceptions de leur grand-père et leur inculquer que ce n’est pas le peuple qui doit servir le roi, mais le roi qui doit toujours servir son peuple en premier lieu. Cependant, je me suis rendu compte que cela ne faisait pas tout… Mon fils Lambert est un homme au grand cœur, gentil et chaleureux, ainsi qu’un guerrier accompli à la force extraordinaire. Je suis fier de ses prouesses au combat et heureux d’être son père malgré notre relation compliquée. Il reste mon fils et je l’aime de tout mon cœur mais, cette amour ne peut masquer l’ampleur de ses défauts moraux.
Il est chaleureux mais, également négligent et naïf. Malgré tous mes efforts, jamais je ne suis arrivé à lui faire comprendre qu’on ne peut aider tout le monde, qu’il fallait choisir qui aider car, tout le monde n’a pas besoin d’aide de la même manière et qu’il fallait concentrer le soutien au plus faible mais, dans une vision naïve de l’égalité, il reste persuadé que le mieux à faire est d’aider tout le monde à part égale, sans se soucier du contexte de départ, ce qui le rend très inefficace et indécis dans des situations où il doit justement trancher un conflit sans pouvoir satisfaire tout le monde. Sa négligence envers ses proches combinée à cette naïveté et son entêtement pousse ces derniers à devoir ajuster tout ce qu’il fait, rattrapant avec les quelques pouvoirs que nous leurs avons laissés ou rendus ce qu’ils peuvent pour éviter de léser le Royaume.
La première victime de cette situation est malheureusement ma belle-fille, Héléna. C’est une femme brillante, avec un grand avenir devant elle, sachant convaincre même les plus entêtés comme son mari mais, cela est se fait au prix de grands efforts et de longues négociations qui ont malheureusement eu raison de sa santé. Puisse-t-elle me pardonner un jour de lui avoir imposer un tel époux, elle qui méritait de pouvoir monter bien plus haut que de se contenter d’être l’ombre balayant derrière le roi. Elle attend à présent leur enfant, et j’espère pouvoir vivre assez longtemps pour pouvoir rencontrer ce petit être que mon cœur sait déjà être exceptionnel, que j’aimerais de tout l’amour qu’il reste dans ma carcasse rongée par la tuberculose, mais mon esprit ne cesse de me rappeler à l’ordre, de me demander s’il ne risquerait pas d’avoir hérité des défauts de son père plutôt que des qualités de sa mère… et dans le même souffle, m’excuser envers lui et sa mère de leur imposer un père que je sais être aussi négligent. Je prie pour que la paternité le rende au moins responsable et prudent avec la santé de son enfant pour que jamais, il ne le mette en danger.
Au fil du temps, il s’est imposé à moi une chose : jamais mon fils ne doit monter sur le trône. Cette nouvelle position peut autant le rendre plus responsable, enfin lui faire prendre conscience des choses mais, je sais que cet optimisme n’est nourri que par mon affection, et je ne puis m’appuyer uniquement sur elle pour confier le destin de Faerghus à qui que ce soit. Ma raison ne peut que me rappeler à quel point le risque qu’il prenne encore plus confiance en lui ne le mène sur une pente glissante, une pente où il n’écoutera plus personne, même ses amis les plus chers à son cœur et ne se fassent manipuler par des ennemis qui sauront profiter de ses failles. Héléna s’épuise bien assez chaque jour pour éviter que cela arrive, je ne veux pas lui causer encore plus de tort.
Aussi trouverez-vous dans les papiers accompagnant ce testament la procédure complète à suivre pour que le prochain souverain soit élu, à la manière de Loog le Lion et de sa fille Sophie. C’est un projet qui me tient à cœur depuis des années et que je voulais mettre en place depuis mon accession au trône mais, mon corps me trahit avant que je ne puit l’organiser moi-même. Il est à peine fini mais, mes poumons me tuent lentement, rongent ma vie et l’absorbent pour nourrir la tuberculose qu’ils abritent. Je vous prie de pardonner mon inconscience et mon retard, tout le temps que j’ai mis avec mes proches à conclure ce système et de ne pouvoir le mettre en place moi-même. Ainsi, ce sera aux citoyens de Faerghus de choisir eux-mêmes le souverain qui leur convient, et ainsi, ils échapperont aux cruels hasards de la naissance, ainsi que de nouveaux garde-fous pour éviter tout débordement tel que le pays en a connu sous trop de mes ancêtres.
Ainsi, en mon âme et conscience, je me dois de l’admettre et reconnaitre que dans la situation actuelle, si je devais voter pour élire le prochain roi, ma voix irait aux jumeaux Rodrigue Achille Fraldarius et Alix Persée Fraldarius. Selon mon expérience, mon esprit et ma propre réflexion, ainsi que l’observation de leurs parcours et décisions antérieurs, ils sont les plus à même de prendre soin du Royaume pour le mener vers un jour meilleur.
Quant à mes fils, je me doute que Rufus ne me pardonnera surement jamais de refuser le trône à son frère. Lambert est de loin la personne qu’il aime le plus au monde, et je remercie la Déesse que mes fils s’entendent si bien mais, la raison doit l’emporter sur l’affection. Bien que je ne puisse pas arracher notre domaine à son contrôle, il sera au moins entouré par des conseillers et des baillis dont la fidélité est acquise à notre peuple et non à notre famille, et je ne doute point que les Charon sauront fournir des personnes compétentes et fidèles à Héléna. Je ne puis qu’espérer qu’elle trouvera quelqu’un qui l’aidera à échapper à tout ceci et si la situation s’empirerait encore, la force de quitter une personne ne lui apportant rien d’autre que de l’épuisement malgré ses sentiments pour Lambert.
Beaucoup diront sans doute que ces lignes ne sont que folies, nourries par la tuberculose qui me rongerait l’esprit mais, je jure devant la Déesse avoir encore toute ma tête. Toute ma vie, j’ai travaillé pour être digne des habitants du Saint-Royaume de Faerghus, digne de ce peuple fort et courageux qui s’est révolté contre l’injustice et la cruauté de l’empereur pour faire nation et vivre selon ses propres aspiration, digne de ce hasard qui m’avait élu roi d’un si grand peuple. Je suis conscient que l’élection du roi ne règlera pas tous les problèmes de notre pays, beaucoup de travail doit encore être fait avant que les sujets… que dis-je, les citoyens de Faerghus vivent dans un pays sain et absout des difficultés que nous connaissons à présent. J’ai commencé à tracer cette voie tout en reconstruisant le Royaume à partir des décombres qu’a laissé Clovis dans son sillage, je regrette de ne pouvoir plus avancer alors que mon corps me trahit. Je garde cependant l’espoir que les prochains souverains qui me suivront sauront tous avancer dans cette direction. Si tel que je l’espère, Rodrigue Achille et Alix Persée Fraldarius, sont élus, j’ai peu de doute sur le fait qu’ils sauront être dignes de cette mission.
Je vous souhaite une vie longue, heureuse et en sécurité à tous. J’espère de tout mon cœur que mes fils continueront à grandir et s’amélioreront avec le temps, bien malgré tous mes doutes. On dirait bien que ma raison ne peut pas complètement prendre le pas sur mon affection, et me pousse à croire à un avenir radieux pour eux. Je prie également pour que mon successeur connaisse un long règne de paix, une paix que mérite ce Royaume si résilient malgré toutes les difficultés qu’il a vécues.
En mon âme et conscience.
Ludovic le Troisième Clodomir Blaiddyd, dit le Prudent. »
Lambert se laissa tomber sur la chaise au fur et à mesure de la lecture, ne pouvant s’empêcher de relire plusieurs fois tout le rouleau. L’écriture était tremblante, saccadé comme si Ludovic s’était arrêté plusieurs fois à cause de ses toux, le parchemin tâché de sang témoignant qu’il avait encore dû en cracher, rendant la fin pratiquement illisible sous le sang, les tâches et l’encre baveuse, comme si on avait roulé le testament avant qu’elle n’ait fini de sécher…
« Ainsi, en mon âme et conscience, je me dois de l’admettre et reconnaitre que dans la situation actuelle, si je devais voter pour élire le prochain roi, ma voix irait aux jumeaux Rodrigue Achille Fraldarius et Alix Persée Fraldarius. Selon mon expérience, mon esprit et ma propre réflexion, ainsi que l’observation de leurs parcours et décisions antérieurs, ils sont les plus à même de prendre soin du Royaume pour le mener vers un jour meilleur. »
L’homme ne pouvait s’empêcher de relire ce passage encore et encore. Les noms étaient recouverts d’une énorme tâche de sang assez épaisse, ce serait surement illisible dans quelques années quand le parchemin aura encore vieilli mais, malgré tout, Lambert ne pouvait que les décrypter, les relisant encore et encore.
Son père l’avait complètement déshérité au profit de Rodrigue et Alix.
Des souvenirs parasites refaisaient surface, rappelant des séances de travail les réunissant tous, autant Héléna que les jumeaux. Lambert parlait beaucoup mais, se faisait souvent rappeler à l’ordre et réexpliquer les choses. Face à lui, Rodrigue analysait les situations en a rien de temps, devinant facilement l’origine des tensions, pendant qu’Alix proposait des solutions et Héléna le cadre pour les mettre en place. L’impression d’être à la traine malgré toutes les explications… le regard fier de son père qui couvait les jumeaux en disant qu’ils ressemblaient à leurs parents… même si Lambert n’avait jamais voulu ressembler à Ludovic à cause de leurs différences de caractère, encore moins à sa mère assoiffée de sang, il ne put s’empêcher de les envier… de vouloir entendre le même compliment sur son travail… comme eux deux… voir son père être fier de lui ainsi…
Ludovic lui faisait si peu confiance qu’il aurait préféré confier aux jumeaux de Fraldarius son précieux royaume, ce à quoi il tenait le plus au monde et pour lequel il s’était battu comme un lion depuis toujours… disait même qu’il s’excusait envers Héléna de l’avoir marié à lui… qu’elle aurait mérité mieux que balayer derrière lui…
À cette lecture, plusieurs souvenirs prirent une teinte différente, même les plus anodins. Même si Ludovic l’avait enlacé plusieurs fois pendant son mariage, Lambert ne put que noter qu’il l’avait aussi fait une fois avec Rodrigue et Félicia, leur souhaitant quelque chose qu’il n’avait pas entendu, même si le sourire de Rodrigue trahissait que c’était des vœux plutôt que des recommandations… sa proximité bien plus calme avec les jumeaux, ainsi qu’avec Héléna, les longues heures où ils pouvaient discuter tous les deux, alors que Lambert avait du mal à lui parler longtemps, cela finissait souvent en dialogue de sourd des deux côtés… même des souvenirs d’enfance prenaient un gout amer, les fois où son père se penchait vers eux pour leur parler, son regard attentionné…
Est-ce que… est-ce que Ludovic… est-ce que son propre père…
« Non… faut que je me reprenne… c’est la tuberculose… elle lui a fait perdre tous ses sens… Ludovic m’aimait aussi… il le dit dans son testament alors qu’il n’a aucun sens… et quand nous étions petit, c’était surtout de la culpabilité pour les jumeaux… Ludovic ne s’est jamais pardonné la mort de Guillaume. Il en a toujours pris la responsabilité… même ici, il le dit… ce qu’il ressentait, c’était surement de l’affection, mais aussi de la pitié et de la culpabilité… il s’en voulait pour la mort de leur père… »
« C’est ma faute… j’aurais dû être plus prudent et mieux anticipé les risques… Guillaume aurait survécu et les Fraldarius n’auraient pas été encore endeuillé par notre faute… à cause de mon inconscience, Guillaume est mort… lui avait déjà dit Ludovic sur la fin de sa vie, le visage encore plus sombre que d’habitude, son deuil ressortant encore vingt ans plus tard. J’espère que tu n’auras jamais à porter une telle responsabilité… autant ce deuil que la mort d’un de tes sujets. »
« Porter une telle responsabilité… le deuil d’un Fraldarius et d’un de mes sujets… si tu savais père… si tu savais ce que j’ai fait… »
Lambert relisait encore et encore le testament, ainsi que les autres travaux cachés dans cette cassette, presque compulsivement pour tenter de comprendre son père, l’entendre peut-être le sermonner pour ce qu’il avait fait, vouloir le faire parler même depuis sa tombe pour savoir quoi faire de ce testament dans une situation pareille, s’il devait le révéler et l’appliquer dès maintenant même si c’était évident que tout avait été écrit sous la dicté de la tuberculose mais, est-ce que cela ne ferait pas exploser le Royaume à un moment pareil ?! Enfer ! Il ne savait même pas s’il voulait que Rodrigue, Alix ou Héléna soient là pour en discuter vu comment Ludovic parlait d’eux ! Mais il avait tellement besoin de leurs bons conseils !
Cependant, la seule personne qui passa la porte n’était ni le Rodrigue qu’il connaissait qui saurait gérer la situation, ni Alix prêt à lui remettre les pendules à l’heure, ou Héléna lui présenter les différents chemins possibles en le conseillant pour le pousser vers le bon, mais c’était Rufus. Rufus qui avait…
Récupérant plus d’énergie que jamais depuis la Tragédie, Lambert se redressa d’un coup en montrant les lettres et le testament, fou de rage et de trahison.
« Rufus ! Tu peux m’expliquer ?! Qu’est-ce que ça faisait dans ta cassette ?!
– Tu l’as ouverte ?! Couina pratiquement son frère, pris au dépourvu par la question furieuse.
– Tu m’avais dit que tu me la montrerais après le voyage ! Et n’essaye pas d’esquiver la question ! Qu’est-ce que la correspondance de Rodrigue, Alix et Félix fait dans ta cassette ?! Et pourquoi le testament de notre père et ses travaux sur la monarchie élective y sont aussi ?! C’est toi qui as appelé les secours quand Ludovic s’est effondré à cause de sa tuberculose ! Est-ce que tu en as profité pour voler son testament et ses travaux ?!
– Calme-toi Lambert, je peux t’expliquer. Ludovic ne m’a pas laissé le choix… il ne savait plus ce qu’il faisait…
– Comment ça ? En quoi ? Et ça ne me dit pas pourquoi tu as cette correspondance ! Rodrigue l’a cherché partout !
– Ludovic allait te déshériter pour donner le pouvoir aux fils de Guillaume ! Il allait détruire notre famille pour préférer celle de son soi-disant grand frère ! Il n’avait aucun respect pour toi ! Il ne pensait qu’à ces foutus jumeaux qu’ils mettaient sur un piédestal en te dénigrant, car il aurait voulu qu’ils soient à ta place ! C’était pour te protéger !
Rufus l’avait pratiquement craché avec tout le venin, toute la haine qu’il ressentait pour Ludovic et pour les jumeaux. Il continua, incontrôlable.
– Ludovic te détestait ! Tu viens de le lire non ?! Il n’avait aucune confiance en toi ! Il te crache dessus dans tout ce foutu papier ! Tu es roi ! C’est toi qui devais devenir roi ! C’est ton héritage ! ça nous appartient ! Notre famille est la famille royale de Faerghus depuis le début du Royaume ! C’est Loog qui a mené la révolte des Bâtards et en a fait la guerre du Lion et de l’Aigle ! C’est lui qui a gagné ! C’est lui qui a été acclamé vainqueur ! Personne d’autre ! Et lui, parce qu’il a rencontré un mauvais roi dans toute sa vie, il en fait une généralité et il a voulu tout détruire sur son passage ! Et il a voulu donner le pouvoir à ces foutus jumeaux car c’était les fils de Guillaume ! Il se cachait derrière son petit doigt en disant qu’ils étaient plus compétents que toi mais, c’est de la connerie ! Il ne voyait que les fils de Guillaume en eux ! Rien d’autre ! C’était les fils de son grand frère alors, tout devait leur revenir ! Il ose même cracher sur ton mariage ! Soi-disant que tu avais épuisé Héléna et fait perdre la santé ! Il était malade et il a perdu l’esprit ! Tu n’as jamais fait ça ! Tu y tenais à Héléna même si elle était trop bien pour toi ! C’était juste la petite créature de Ludovic et de la matriarche Catherine là pour te faire faire ce qu’eux voulaient ! Et même si c’était sa créature, tu ne lui aurais jamais fait de mal ! Il délirait ! Et il a osé me dire de faire ce qui est bon pour le Royaume et pas pour moi-même ! C’était lui qui faisait tout avoir ce que lui voulait au dépend du Royaume ! Tout ce que j’ai fait, c’était pour te protéger ! …
Lambert le fit taire en posant ses mains sur les épaules, le regardant droit dans les yeux en lui demandant.
– D’accord pour le testament. Je veux bien comprendre ton raisonnement, même s’il est complètement faux. Notre père appréciait les jumeaux mais, pas plus que nous. On était ses fils et il nous aimait tous les deux, je le sais. Pour les jumeaux… c’était compliqué… tu sais bien qu’il s’est toujours senti coupable de la mort de Guillaume alors, il tentait de compenser envers eux mais, ce n’était pas de l’affection… juste de la culpabilité… rien de plus, j’en suis sûr… tout comme Héléna, il pensait juste qu’elle ferait une bonne reine pour Faerghus et il a vu juste, pas la peine d’en faire sa créature… mais, je te comprends aussi. Tu es mon grand frère, tu pensais que Ludovic voulait me faire du mal en me déshéritant, même s’il avait sans doute ses raisons à lui et que tu n’avais pas à voler son testament. J’aurais voulu le lire honnêtement, même si ça m’a fait très mal de voir à quel point il ne me faisait pas confiance vis-à-vis du Royaume, encore plus maintenant… je ne sais même pas si je l’aurais appliqué, c’est évident que c’est la tuberculose qui lui a fait écrire tout ça… je veux dire, regarde un peu l’état du parchemin ! Il est couvert de crachat de sang ! Il ne savait plus du tout ce qu’il faisait ! ça aurait été facile de le faire casser… Mais ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi tu as volé la correspondance de Rodrigue, Alix et Félix ? Pourquoi tu as fait ça ? Elle est même ouverte alors, tu l’as surement lu… pourquoi ? C’était inutile et cruel…
Le visage de Rufus s’assombrit, essayant d’éviter le regard de Lambert alors qu’il marmonnait.
– Il te conseillait mal et te poussait à prendre de mauvaises décisions, comme quand tu as envoyé Dimitri à Charon. Il aurait dû rester ici. Je pensais qu’il finirait par partir si je le fatiguais assez alors, je lui ai pris ces lettres, pour le motiver encore plus à rentrer chez lui.
– C’était mon idée d’envoyer Dimitri à Charon, et on a bien fait, il guérit bien mieux avec le bon air de la montagne qu’ici. Et si tu voulais le faire partir, pourquoi tu as dit que c’était une bonne idée qu’il se soigne ici ? Tu aurais plutôt dû l’encourager à partir, non ? Rufus… il soupira, n’en pouvant plus de tout ceci, trop de question tournant dans sa tête et voulant juste une réponse. Écoute… je t’ai toujours fait confiance et ta parole est vraiment très importante pour moi. Tu es mon grand frère et je sais que je peux toujours compter sur toi. C’est pour ça que je suis très souvent ce que tu me conseilles de faire, car je sais que je peux te faire confiance mais… mais en ce moment, j’ai l’impression que… que c’est plus compliqué. D’abord, il y a la manière dont tu as traité Rodrigue, puis tu as remis des peines de Clovis pour la justice, puis il y a Kleiman qui arrive au palais et prend part à tout alors que c’est lui qui a commencé toute cette histoire, puis on retrouve un sac rempli de têtes humaines dans leurs appartements et ils repartent en trombe, et maintenant, je retrouve la correspondance volée de mon meilleur ami et le testament de notre père dans ta cassette. Par pitié Rufus, dit moi la vérité, qu’est-ce qui se passe dans ta tête ? L’implora-t-il en redoutant le pire. J’aimerais te faire confiance mais, ça devient très difficile avec tout ça !
– Tu ne voyais pas le vrai visage Rodrigue… marmonna-t-il.
– C’est-à-dire ? Explique-toi à la fin !
– C’était un enragé lui aussi ! Toujours à faire ce qu’il voulait et à avantager son fief, toujours à te dire non, toujours à nous mettre des bâtons dans les roues, toujours à être apprécié de tous et de Ludovic le premier ! Je ne sais pas par quel maléfice il réussissait, autant lui qu’Alix mais, ils ont toujours eu la faveur de tous, ils ont toujours réussi partout et charmé tout le monde à tes dépends ! Alors qu’ils ont toujours été plus faible que toi et ce ne sont que des ducs ! Ce ne sont que des ducs et que fait cet imbécile de Jacque quand il leur demande de les prendre à leur service, pour réparer sa « faute » d’avoir laissé Félix seul avec Arundel sans imaginer qu’il pourrait l’attaquer ? Il s’agenouille devant eux en leur demandant à rentrer dans leur garde pour rattraper son erreur, alors qu’il est à ton service ! Ils se comportaient quasiment comme des rois ! C’est pas qu’ils sont devenus des loups, c’est que leur apparence ressemble enfin à ce qu’ils sont vraiment ! C’était tout ce qu’il méritait !
Lambert eu alors un mouvement de recul, comme si son grand frère c’était transformé d’un coup en monstre, comprenant d’un coup tout ce qui était arrivé à son ami et pourquoi il avait dû subir tout ceci, tout son corps fondant d’un coup comme neige au soleil.
– Tu leur as volé leurs lettres par haine… tu voulais le faire souffrir… c’est ça ? Tout ce que tu voulais, c’est faire souffrir Rodrigue… tout ça car… car…
Sans attendre de réponse et un nouveau mensonge de la part de Rufus, Lambert partit sans se retourner, ne voulant pas en entendre plus, serrant la cassette et son contenu contre lui, s’y accrochant presque comme à une ancre, même si elle le noyait par sa simple existence. Comment… comment son frère avait-il pu… comment avait-il pu être aussi ignoble juste parce que… parce que leur père appréciait beaucoup les jumeaux ? Tout ça pour ça ?! Pour un ressentiment envers quelqu’un de mort depuis quatorze ans et alors le Royaume était au plus mal ?! Toute cette souffrance pour ça ? Par haine ?! Qu’il ait vu ça comme une petite mesquinerie ne l’étonnerait même plus à ce stade !
« Alors, même mon propre frère peut me trahir… Rufus… alors qui… qui est encore… »
« Est… ta… faute… ! »
« Tu n’as écouté personne et maintenant, tout le monde est mort par ta faute ! Tu as le sang de notre propre enfant sur les mains ! »
« Que pensais-tu accomplir en te comportant en tyran n’écoutant que ses ennemis ? »
« Je te hais ! »
Seuls les cris et le jugement lui répondirent… les doigts des fantômes finissant le travail de cette hache en l’étranglant encore et encore…
En arrivant dans son bureau avec l’espoir de pouvoir se poser une seconde et réfléchir à tout ce qui c’était passé, il trouva Lachésis et Thècle, visiblement furieuses malgré la façade de froideur.
L’homme avait l’impression d’observer la scène de loin, comme s’il n’en faisait pas partie, spectateur de cette farce qu’il avait écrit lui-même.
Les deux sœurs l’informèrent que l’état des comptes était catastrophique et que les baillis qu’il avait choisis lui-même étaient des incompétents.
« Je comprends… je ferais plus attention…
– Il fallait le faire avant… »
Lachésis lui apprit qu’elles savaient tout ce qui s’était passé à la capitale pendant leur absence, à quel point c’était une honte pour tout Faerghus et qu’elles avaient donc décidé de retourner dans leur famille.
« Ce serait préférable pour le Royaume que vous restiez…
– Pour finir transformer en loup nous aussi et user jusqu’à la corde par votre incompétence ? Il en est hors de question. »
Thècle ajouta que comme le voulait la coutume pour les magistrats en fin de carrière, elles rapporteraient à Charon tous leurs documents, leurs notes et leurs archives de la capitale, ainsi que leurs hommes et une grande partie de leur vivre selon le précédent instauré par Sylvain le Renard.
« Les Gautier en ont eu le droit, je me voie mal vous le refuser…
– Bien. »
Et enfin, elles enfoncèrent un dernier clou dans son cercueil en lui crachant au visage qu’elles savaient pour Patricia, qu’elles savaient ce qu’il avait osé donner comme belle-mère à leur neveu, tous les dangers auxquels il avait exposé le Royaume en l’épousant, et que les Charon n’oublieraient pas cette insulte envers deux d’entre eux.
« Pourquoi ? Finit par demander Thècle, essayant de comprendre. Pourquoi avoir exposé le Royaume à de tels danger pour une seule femme indigne de succéder à notre sœur ?
– Je l’aimais… répondit l’homme dans un souffle sans énergie.
– Si vous l’avez traité comme Héléna, pauvre femme, cracha Lachésis. Et ce n’est guère une raison suffisante pour faire planer un risque d’invasion sur la tête de tous vos sujets. Notre sœur rougirait de honte en voyant votre déchéance. »
Et qu’est-ce qu’il pouvait bien répondre à ça ? Qu’est-ce qu’il pouvait bien répondre d’autre ? Comment il pouvait se justifier ? Toutes ses décisions lui semblaient faciles, bancales et inutiles maintenant qu’on lui demandait des comptes sur chacune d’entre elles…
Devant son silence, les deux sœurs lui jetèrent à nouveau un regard mauvais avant de se détourner, partant en claquant la porte.
Lambert leva les yeux vers la chaise face à lui, même s’il savait qu’elle était complètement vide, espérant trouver quelqu’un, une âme bienveillante, un peu d’aide comme il en avait toujours trouvé à ses côtés.
Seul le Rodrigue de son cauchemar répondit à sa supplique, le toisant de haut avant de lui grogner au visage, le lacérant de ses griffes, gravant ses mots dans sa peau avec ses crocs à chaque souffle, chaque morsure…
« Il fallait y penser avant. »
Pour la première fois de sa vie, Lambert se sentit terriblement seul…
*
Rodrigue passa sa main sur sa fourrure, l’approchant pour la première fois depuis qu’ils s’étaient retransformés quelques jours auparavant. Alix et lui s’étaient reposé et avaient recommencé à prendre en main le duché, reconnaissant envers l’excellent travail de Loréa qui avait su le maintenir et résister aux insistances de Rufus. Mais depuis cette nuit, il ne l’avait toujours pas touché à nouveau, contrairement à son frère… ni même se regarder dans un miroir sans col, son cou à présent recouvert d’une grande marque sarcelle, l’entourant tout entier comme un collier… il n’avait pas trop de séquelle à part ses sens plus forts, surtout sa vue de nuit, son gout pour la viande encore plus prononcé, et il était encore plus dans la tête de son jumeau, plus souvent, même s’ils n’étaient pas sûr que c’était à cause de leur état d’esprit actuel ou si ce serait permanent… pour ce qui était positif…
La fourrure était douce sous ses doigts, épaisse et moelleuse, comme pour accueillir un petit voulant faire sa sieste dans un endroit chaud où il serait en sécurité… bien plus rassurante que ce collier gravé dans son cou, apparut un jour après qu’il ait retrouvé sa forme humaine… en regardant au niveau de la gorge de sa fourrure, il arrivait à distinguer le même motif que sur sa propre peau…
« Tu peux attendre encore un peu si tu ne te sens pas près, lui assura Alix, comme toujours à ses côtés. Ça n’a eu aucun effet sur moi mais, c’est toi le magicien et la source de la transformation. Tu es resté en loup bien plus longtemps que moi. On ne sait pas comment tu vas réagir avec ta magie…
– …je ne préfère pas… j’ai peur de la fuir si je repousse trop… les semaines qui ont passé sont déjà flous, je ne veux pas avoir l’impression que l’avenir le sera aussi à cause de cette fourrure… au moins, on sait comment me ramener si je me transforme à nouveau en l’ayant sur les épaules…
– Dans tous les cas, on va mettre un moment avant de se remettre complètement de tout ça mais, si c’est ce que tu veux, c’est toi qui te sens.
Le père lui serra la main en réponse, comme quand ils étaient petits pour ne pas se séparer, cherchant de la force dans sa présence avant de draper la fourrure noire sur ses épaules. Elle n’était pas très lourde malgré son ampleur, l’enveloppant complètement des pieds à la tête… malgré ses craintes, il y avait un côté… apaisant à ce poids, comme un bouclier qui le protégeait… mais, rien ne se passait, rien d’étrange, il restait bien humain… au moins, cela confirmait que cela ne ferait pas comme avec celle des selkies, il ne se transformerait pas dès qu’il mettait cette peau…
– Il n’y a rien… souffla-t-il de soulagement. Il n’y a rien…
– C’est déjà un bon début, lui assura Alix.
Voulant en finir aussi avec cette crainte, Rodrigue fit craquer un éclair dans sa main, faisant un exercice simple en le passant d’une paume à l’autre, avant de le faire disparaitre et de le remplacer par un sort de foi, le nosferatu brillant entre ses doigts avant qu’il ne l’étouffe. Rien non plus pour la magie de base… et il ne pourrait pas tester la magie de plus haut niveau aujourd’hui, Pierrick lui interdisait encore et son corps sortait d’une rude épreuve, il ne devait pas le maltraiter encore plus…
Ses épaules retombant de soulagement, l’homme s’autorisa un instant de répit, se laissant tomber sur son lit avec la fourrure. Alix mit aussi la sienne sur ses épaules, avant d’en mettre un pan sur celle de son frère, ce dernier faisant exactement la même chose avant de se laisser tomber épaule contre épaule côte à côte.
– Il ne s’est rien passé… la Déesse soit louée… il ne s’est rien passé…
– Ouais, on va rester humains pendant un bon moment on dirait… tant qu’on est tous les trois, on le restera…
– Oui… arriva à sourire une seconde l’ainé avant d’avouer, redevenant plus sombre. Je ne me souviens presque rien de ces dernières semaines… juste de quand je t’ai retrouvé, quand on a retrouvé Félix et mon envie de le revoir… de tous vous revoir… tous… souffla-t-il, le cadet comprenant que trop bien le « tous ». Le reste… impossible de le voir correctement…
– …Comme si c’était baigné de brume… compléta Alix. C’est pas bien plus net de mon côté… aucune idée si c’est une bonne ou une mauvaise chose… d’un côté, j’aimais courir partout avec toi mais, je n’ai pas envie de me souvenir de tout ce que j’ai déchiré avec les dents… bon, baffer Rufus, c’est pas mal comme souvenir mais, d’avoir le gout de son sang dans la bouche quand je lui déchiquetais le bras, moins … ni de quand je t’entendais pleurer et chanter tous les soirs en suppliant car, tu étais seul et qu’on voulait se revoir…
– Ça, c’est difficile à oublier… surtout tout ce qui s’est passé avant qu’on se transforme… Rodrigue se recroquevilla dans sa fourrure, comme si elle le protégerait à nouveau de cet homme. Ô Déesse et Lune… cela faisait si mal… je… c’était comme si cela les amusait tous de me déchiqueter le cœur… je n’en pouvais plus… cette transformation… c’était plus une cachette et un échappatoire qu’une vraie solution… juste pour ne plus souffrir…
– C’est normal… tout depuis des mois… c’était juste un cauchemar éveillé, autant en tant qu’humain que loup… enfin, c’est fini maintenant… on ne les reverra pas de sitôt… je ne les laisserais plus te faire plus de mal, c’est promis, lui jura Alix sans hésiter.
– Moi aussi, je te protégerais… d’eux tous et de leurs ordres absurdes… autant toi que Félix… plus rien ne vous arrivera… pas tant que je serais là…
Ils restèrent encore quelques instants l’un contre l’autre, quand ils flairèrent l’odeur du louveteau, arrivant à grands pas, une bonne odeur de groseilles fraiches avec lui… c’était la saison après tout et ils aimaient tous ces fruits dans la famille…
« Papa ? Alix ? Vous êtes là ? Demanda Félix en passant la tête dans la chambre de son père.
– Oui, entre Félix, » l’autorisa en souriant Rodrigue, toujours soulagé de le voir, son instinct lui répétant encore et encore de le garder auprès de lui, lui rappelant à quel point il avait été proche de le perdre, encore plus renforcé par la perte de Glenn si peu de temps auparavant… leur famille avait subi trop de chose en trop peu de temps…
« Il y a encore plein de groseilles dans la forêt, même si vous avez surement déjà deviné, anticipa-t-il, avant de se refermer un peu en voyant les jumeaux dans leur fourrure. Tu l’as mise ?
– Oui… je devais le faire… pour savoir… et pour le moment, rien n’a changé et cela n’a aucun effet sur moi, même quand j’utilise de la magie faible, ne t’en fais pas, lui jura-t-il. Pour le moment, je la contrôle…
– D’accord… mais fait attention quand même. »
Il les rejoignit et Rodrigue ne put s’empêcher de le tirer sur ses genoux, voulant juste rester au plus près de son fils… même s’il faisait tout pour ne pas devenir envahissant, il était devenu très collant une fois redevenu humain, cherchant toujours une trace récente du passage de ses proches, le simple fait de les savoir près de lui, qu’il pourrait arriver rapidement pour les aider et les protéger… heureusement que ses sens étaient devenus aussi aiguisés que ceux des loups, cela aidait dans ce genre de situation… pas plus tard que la semaine dernière, il n’avait pas vu Félix de toute la matinée alors, le père s’était mis à paniquer en l’appelant de toutes ses forces et à retourner toute la pièce où il était afin de trouver une trace de son petit… heureusement que Loréa avait pu vite lui remettre les idées en place, Rodrigue priant pour que Félix n’ait pas vent de ce qui s’était passé… il avait trop peur que son petit culpabilise comme quand il l’avait retrouvé… mais Félix avait senti que quelque chose n’allait pas et avait fait si attention au moindre de ses faits et gestes que Rodrigue lui avait avoué… tout le monde portait des pommes de senteurs avec un parfum spécifique à présent, histoire que l’odeur soit plus présente et que les jumeaux ne fassent pas une autre crise… c’était presque une obsession à ce stade, encore plus que pour Alix… d’après Pierrick, c’était à cause de la séparation trop violente avec sa famille, surtout aussi peu de temps après la mort de Glenn… il les avait déjà perdu une fois alors, son esprit refusait et craignait plus que tout que cela recommence…
« Là aussi, seul le temps vous permettra à tous les deux de guérir… »
Rodrigue priait pour que le médecin dise vrai… au moins, les pommes de senteur les avait un peu aidés, c’était un début…
Pour oublier son angoisse et plus profiter de la présence de son fils, le père croqua dans une des baies fraichement cueillies et passé à l’eau du lac, souriant en retrouvant le gout acide qu’ils aimaient tous.
« Elles sont très bonnes, merci beaucoup Félix.
– Avec tout ça, on avait manqué le début des fruits rouges ! On a du retard à rattraper ! En plus, depuis qu’on envoie plus rien à Fhridiad, étrangement, on a des rations plus grosses pour manger, qui l’eut cru ? Se moqua un peu Alix.
– Tout le monde, et tout le monde mange mieux maintenant, c’est mieux, répliqua Félix en avalant une baie. On est allé en chercher avec Cassandra avant qu’elle n’aille aider la patrouille aérienne…
Cependant, malgré tout, Rodrigue ne pouvait que voir l’air sombre sur le visage de son fils, un peu ailleurs.
– Il y a quelque chose qui ne va pas Félix ? Lui demanda-t-il alors, sachant que le laisser tout seul avec des pensées sombres n’apporterait rien de bon.
– C’est rien… c’est juste que… d’habitude… il fit une pause, cherchant ses mots avant de dire, ces mots si simples qui étaient aussi les plus difficiles. C’est avec Glenn…
Les jumeaux ne comprirent que trop bien, entendant presque l’ainé des deux louveteaux dire à quel point son petit frère était adorable de leur apporter des baies, juste pour le voir s’énerver à cause des taquineries, puis de le remercier en appréciant les fruits avec eux, même tous les jours… encore plus une fois revenu alors que du côté de Fraldarius, les choses commençaient à se tasser après la Tragédie, les gens étaient surtout remonté contre les dernières exactions de la capitale et tournaient toute leur rage contre la famille royale rendu responsable de tous les deuils, et même s’ils étaient dans une situation périlleuse de quasi révolte contre le pouvoir royal, les choses allaient mieux en interne. La disette s’éloignait de plus en plus de leurs foyers mais, les fantômes demeuraient, plus présent que jamais après le choc et les semaines mouvementés pour survivre… il devait encore plus hanté Félix… c’était la première fois qu’il vivait le deuil de quelqu’un d’aussi proche de lui… il était trop petit pour celui de Félicia… il l’était encore… la mort arrivait toujours trop tôt…
Rodrigue posa alors sa main dans son dos, protecteur, alors qu’il murmurait.
– Oui… il devrait y avoir Glenn…
– C’est pas juste… il devrait être là… pourquoi c’est sa chambre à lui qui est vide ?
– C’est toujours injuste, encore plus dans une situation comme celle-ci, souffla-t-il en lui frottant le dos, sentant que ses larmes n’étaient pas loin. C’est toujours dur et ça fait mal… il n’y a que le temps et le soutien qui peuvent guérir ce genre de plaie, même si elle reste toujours…
– Combien de temps ?
– Cela dépends des gens… et tu n’as pas besoin de ne plus avoir mal tout de suite… il faut que tu prennes le temps qu’il te faut pour guérir… pour ne pas être obsédé par la mort de la personne, et arriver à se raccrocher aux bons souvenirs…
– Mais ça fait mal… je veux Glenn… je veux qu’il revienne… mais je ne veux pas avoir mal… marmonna Félix en se serrant un peu plus contre son père, se cachant dans son étreinte, comme si la tristesse et le deuil ne le trouveraient pas à l’intérieur.
– Mais si tu bouches tes émotions ou fait tout pour ne pas être triste, ça va exploser un jour ou l’autre, ajouta Alix en passant sa main sur la tête de son neveu. On a mis un an avant d’accepter que notre père ne reviendrait pas, ça pourrait prendre plus de temps, et c’est pas grave. Le tout, c’est que tu ne te noies pas tout seul dedans, et que tu ne t’isoles pas sinon, ça va te dévorer aussi. Le tout, c’est que ton deuil ne te tire pas vers le bas et que tu arrives à aller mieux.
– Le principal, c’est de ne pas rester seul avec sa propre souffrance et sa tristesse, c’est le meilleur moyen pour sombrer. Tant que nous restons tous ensemble, nous arriverons à surmonter cette épreuve… qu’en penses-tu louveteau ?
– D’accord… moi aussi, je resterais avec toi papa… et avec toi aussi Alix… leur jura Félix, restant encore dans l’étreinte rassurante. « La meute est forte ensemble »… c’est ce que disait Glenn…
– Il avait bien raison, » sourit un peu Rodrigue malgré la tristesse, essayant de s’accrocher aux souvenirs de son fils ainé souriant alors qu’ils étaient en famille.
Ils passèrent un peu de temps ensemble, les jumeaux n’ayant pas encore retrouver assez de force pour travailler toute la journée, même s’ils avaient repris. Ils ne pouvaient pas laisser tout le travail de gestion du duché uniquement à Loréa, ils devaient le reprendre en main mais, Pierrick les mettait en garde contre le risque de rechute. Mieux valait éviter de trop forcer pour le moment.
Félix continuait de leur montrer les leçons qu’il avait pu faire pendant ces dernières semaines. Rodrigue sourit en voyant tout le travail de son fils, fier de voir qu’il s’était accroché malgré tout pour continuer à être assidu dans ses études. Tout ceci lui serait très utile quand il serait grand…
Ils entendirent tous un grondement sortir de sa poitrine.
Sur le coup, l’homme ne comprit pas trop, commençant à s’inquiéter de ce que cela voulait dire qu’il pouvait faire ce bruit et comment il avait pu le faire physiquement, jusqu’à ce qu’après avoir été étonné comme eux, son louveteau se mette à sourire en déclarant.
« Tu ronronnes comme un chat !
Il sourit alors, passant sa main sur la tête de son petit en soufflant, moins anxieux que tout à l’heure à cause de ce grondement.
– C’est parce que je suis très fier de toi… »
*
Quand les côtes de Kleiman sortirent de l’horizon, Ivy regarda tout autour d’elle, tentant d’évaluer encore une fois les forces en présence. Il y avait son navire autant fait pour le commerce que pour les combats maritimes, mais aussi tout un tas d’embarcations diverses et variées, autant de pêche en haute mer que de cabotage, de grands commerces ou fluviales qui avaient osé les suivre sur des eaux bien plus houleuses. Tout le monde savait que Kleiman était dangereux, c’était évident, et plus personne ne pouvait entrer dans sa ville sans que plusieurs marins ne disparaissent alors, entre ça, la colère générale contre l’inaction du pouvoir royal, et les talents d’orateur d’Oswald, les marins de toute la côte nord-ouest de Faerghus les avaient rejoints. Plusieurs langskips srengs glissaient à toutes vitesses devant eux, ayant même eu le temps de se rendre en Duscur pour rendre les têtes des morts à leurs frères afin qu’ils puissent avoir les hommages funéraires, mais aussi les informer de l’objectif de cet escadron de marine hétéroclite, autant pour avoir des renforts que pour éviter qu’ils ne croient à une autre invasion. Bon, officiellement, les duscuriens n’avaient rien répondu pour ne pas encore plus compliqué leurs relations avec Faerghus mais, plusieurs navires de grandes guildes commerçantes avaient pris la mer avec des cargaisons diverses pour les rejoindre, avec la complaisance discrète d’un chef local.
Même après une vie entière à parcourir toutes les mers, Ivy avait rarement vu une compagnie aussi hétérogène, une bonne partie parlant mal la langue des autres mais, le langage des ports permettait de se comprendre entre eux afin de manœuvrer efficacement tous ensemble.
Tout ce monde acceptait de coopérer dans un seul but : arrêter Kleiman et sa soif de sang, autant duscurien que des simples passants dans sa ville.
« Qui aurait pu croire que tout ceci pourrait arriver et qu’on serait entrainé dans une histoire pareille… marmonna Ivy.
– Recommencer est un meilleur mot qu’arriver…
Elle regarda Oswald, son regard sombre braqué vers la côte. Il était en habit simple d’archer, bien protéger par son armure, son carquois rempli de flèche, comme un soldat ordinaire, à l’exception de la capuche tout autour de sa tête pour éviter qu’on le reconnaisse. Elle ne l’avait jamais vu aussi renfermé sur lui-même, même si ses yeux restaient déterminés.
– Les cinq messagers ne sont pas revenus. Ils auraient dû revenir depuis au moins trois jours alors qu’on demandait juste à Kleiman de s’expliquer sur la disparition de vingt-sept personnes. Ma main au feu, nous retrouverons leur tête sur une pique au-dessus des portes du port… ou alors, il va nous les renvoyer couper en morceaux… c’était dans les « bonnes » habitudes de Clovis… j’espérais que tout ceci se serait terminé une fois que Clovis a été décapité et envoyé dans le caveau des criminels… Justine aussi disait que c’était terminé… qu’on aurait pu se dire que nos enfants ne vivraient jamais des choses pareilles, mais tout recommence encore… il serra le poing sur son carquois. Ludovic doit se retourner dans sa tombe en voyant la déchéance de son sang.
Ivy hocha la tête, comprenant le tourment qui l’habitait. Oswald avait surement vu plus de choses dans sa vie que bien des gens avec qui il avait grandi, leur avait même survécu pour la plupart, et il avait survécu au règne de Clovis sans que l’Alliance ne soit envahi avec Justine von Daphnel. Il aurait surement préféré finir sa longue vie sans devoir affronter tout ça.
– On a ça maintenant alors, mieux vaut le régler maintenant avant que ça n’empire et tant qu’on le peut encore. En plus, les espions srengs ne se sont pas fait repérer depuis qu’ils sont infiltrés et ils ont pu saboter les chaines qui protègent l’entrée du port. On est aussi arrivé à avoir une bonne idée d’à quoi ressemble l’intérieur des murailles avec les corbeaux des srengs, et comme vous l’avez dit, on voit d’ici que Kleiman est un seigneur mineur avec juste une grosse maison qui n’est pas construite comme une forteresse, ça devrait nous simplifier la tâche, même si on doit faire attention à ce qu’il nous réserve.
Oswald hocha la tête, arrivant à fendre un léger sourire.
– Vous avez raison. Si les messagers ne reviennent pas, raison de plus pour se dépêcher avant que les espions n’y passent aussi. Nous devons arrêter tout ceci, au moins en coupant la tête du pire, et je fais confiance aux faerghiens pour finir d’arracher les racines du mal. Pour le moment, concentrons-nous sur la bataille qui nous attend. Merci capitaine.
– C’est normal.
– Eh ! Les leicesters !
Oswald baissa la tête vers le navire duscurien juste en-dessous de lui, la capitaine leur hurlant que c’était l’heure. Ivy répondit qu’ils étaient prêts.
Les navires se mirent alors en ordre de bataille comme ils pouvaient malgré leurs différences de structures et d’expérience, celui d’Ivy et des quelques corsaires expérimentés menant les autres afin de les protéger, leur coque étant faite pour résister à des assauts. Entre eux, les navires srengs avaient rangé leurs voiles afin d’être plus discrets, se cachant pour que les défenseurs ne les voient pas foncer vers les chaines sabotées. Derrière, en seconde ligne, les navires plus fragiles se tenaient prêts. Dotés de rames, ils seraient chargés de tous les emmener dans le port, plus rapide et maniable que les grosses caravelles à voiles. Leur objectif était au moins d’atteindre le port, puis s’enfoncer en ville jusqu’à la maison seigneuriale. Une fois là-bas, il faudrait capturer Kleiman et ses hommes de confiances au plus vite et le mettre aux arrêts avant qu’ils ne puissent s’enfuir.
Ils devaient être rapide, précis et tout faire pour éviter de trop grosses pertes à cause de leurs forces limitées et très diverses. Il n’aurait droit qu’à un seul essai sinon, la corde tendue qui les tenait tous ensemble cèderait et ils se disperseraient surement sur le champ…
« Comme quand on a une proie qui ne nous a pas repérés dans notre ligne de mire… »
Oswald empoigna plus fermement son arc, faisant une prière aux Braves et à sa bonne amie Justine. Il ne louperait pas sa cible.
Les navires s’étaient approchés à portée de voix quand un homme leur hurla depuis le haut des remparts.
« Halte-là navires ! Que faites-vous ici !
– Nous sommes de la corporation des marchands de Faerghus et des navigateurs venus d’autres horizons ! S’écria la capitaine qui avait été élue pour les représenter, une pure faerghienne, afin de mettre les gardes plus en confiance que si c’était des étrangers qui arrivaient en masse sans aucun représentant faerghien. Nous avons envoyé cinq messagers auprès de votre seigneur afin de lui demander pourquoi des matelots et des civils disparaissaient aussi souvent dans ce port ! Etant donné qu’ils ne sont pas revenus depuis trois jours, nous sommes venus en masse lui demander de répondre à nos questions et de faire en sorte que ces disparitions cessent !
– Et notre seigneur les a envoyés paitre ! Nous n’avons à répondre que devant son seigneur Mateus et le roi !
– Mais un seigneur, aussi petit soit-il, se doit aussi d’assurer la sécurité sur ses terres ! S’il ne remplit pas ce devoir, nous pouvons venir directement lui demander des comptes ! En vertu de ce droit, nous voulons lui parler tous autant que nous sommes ! Et s’il les a repoussés, où sont passées ces cinq personnes ?!
– Ce n’est pas notre problème ! Foutez le camp maintenant ! Ou nous emploieront la force contre vous ! Que vous soyez faerghiens, leicesters, ou des meurtriers de duscuriens ! Nous sommes déjà très cléments de ne pas avoir incendié les navires qui transportent les assassins de nos frères !
Il eut quelques minutes de concertations entre les bateaux, autant pour vérifier que tous étaient prêt discrètement, que pour éviter que les défenseurs se méfient, ainsi que pour donner un peu plus de temps aux espions à l’intérieur de finir leur travail. La femme finit par hurler, en cœur avec tous les autres navires qui hurlèrent dans leur langue respective.
– Nous refusons !!! Nous rentrerons !!! Et nous libérerons nos camarades !!!
– Vous choisissez donc de finir par le fond ! Arbalétriers ! En position !
– Navigateurs du Midgard ! Cria Oswald en sreng. À vous !
– On a vu ! Que Thor combatte à nos côtés ! RAMEZ !!!
Tous les capitaines srengs abattirent le dos de leurs armes sur le tambour des rameurs, donnant le signal de départ.
Les navires cachés filèrent tout de suite vers les portes, glissant à toutes vitesses sur les eaux vers les dessous de la porte, s’attaquant tout de suite à la chaine qui le fermait. Normalement, des assommoirs étaient placés juste au-dessus des chaines pour contrer ce genre d’attaque sans devoir passer la tête au-dessus des créneaux mais…
– Les assommoirs ont été bouchés ! On a été saboté !
« Les espions srengs n’ont pas volé leur réputation d’être plus redoutables à dix qu’une armée de dix mille soldats ! »
Un énorme trait passa tout près d’eux, endommageant le bastingage. Le prochain tir atteindrait leur coque, c’était sûr ! Oswald repéra aussi vite qu’il put la meurtrière où devait être caché une arbalète de tour, prête à enfoncer leur pont. Il leva tout de suite son arc, se concentra sur la trajectoire qu’avait emprunté le trait, et tira sans hésiter. La flèche arriva à passer la meurtrière et étant donné qu’aucun carreau d’arbalète ne suivit le premier, il avait dû toucher le responsable de l’arme. Kleiman était officiellement un seigneur sans beaucoup de ressource, il ne devait pas avoir les moyens d’avoir plusieurs engins de guerre aussi puissant et couteux qu’une arbalète de tour, ni beaucoup d’homme aptes à la manier. Les assaillants devraient être tranquilles un moment avant que les défenseurs n’arrivent à trouver quelqu’un d’autre pour la réarmer et l’utiliser.
Au bout de quelques minutes, le cri rauque d’un cor se fit entendre.
– Le signal ! Aux navires à rames ! S’époumonna Ivy en quittant son poste en rassemblant ses hommes, Noce répétant ses ordres en volant de partout.
Oswald obéit, sautant lui-même dans le premier navire qui arriva avec la capitaine. Une fois la chaloupe pleine, les marins se mirent tous sur les rames, ramant au rythme du tambour pour s’harmoniser entre eux. Les minutes sans pouvoir rien faire d’autres qu’attendre paraissaient interminables, à la fois dans l’attente d’arriver et prêt à contre-attaquer dès qu’un ennemi était à portée de flèche.
Une fois les portes et les chaines passées, l’archer put mieux voir l’aspect de la ville. Effectivement, petite ville sans trop de moyens et avec des voisins pas trop agressifs… il n’y avait même pas de quais pour débarquer, seulement une jetée où s’échouaient les bateaux de pêche mais, ça les arrangeait.
Les marins attendirent à peine que la coque des chaloupes soient à terre, sautant sans hésiter au sol pour continuer à avancer vers la maison seigneuriale.
« Navires srengs ! Navires duscuriens ! Occupez-vous de tenir les rues ! » Leur rappela Oswald avant de descendre à terre. Les habitants sortiraient moins pour se défendre en voyant des ennemis occuper le terrain, ce qui éviteraient des heurts avec la population de la cité.
Suivant Ivy qu’il couvrait avec ses flèches et remerciant son emblème de l’empêcher d’être trop fatigué malgré ses os qui vieillissaient, Oswald et les autres fodlans s’élancèrent dans la rue principale avant d’entrer dans la maison seigneuriale, peu empêcher par la garde déjà occupée sur le port, et la quelque vingtaine d’hommes restant n’était guère suffisante pour arrêter une grosse centaine de marins déterminés.
Une odeur de cadavre et de corruption piqua les narines des assaillants dès qu’ils rentrèrent dans la cour.
« Cette odeur… Attention ! Les mages noirs sont ici ! Restez sur vos gardes ! Rappela le grand-duc alors que son emblème se calmait une seconde, ayant déjà prévenu tous les navires que Kleiman pourrait utiliser une magie interdite.
– Oswald ! Là-haut !
L’archer regarda dans la direction qu’Ivy lui disait, réagit au quart de tour quand il vit un éclat de magie noire se former et décocha une flèche dessus, la faisant exploser au-dessus d’eux avant que le sort ne touche qui que ce soit. Dans le même temps, Ivy passa sur le côté de l’archer, embrochant un ennemi fonçant sur lui sur le fil de son épée, surveillant derrière son épaule pendant qu’Oswald surveillait le ciel en ordonnant.
– Par ici ! Vite ! Ils sont surement à l’intérieur !
Après avoir enfoncé la porte, les marins entrèrent en trombe dans la grande salle où ils trouvèrent Kleiman, entouré de ses conseillers et de plusieurs mages étranges, avec des motifs qui disaient quelque chose à Oswald…
« Les mages noirs de l’époque de la guerre du Lion et de l’Aigle ! Ils portaient ses motifs-là ! Méfiez-vous des gens en noir ! C’est les plus dangereux ! »
Comme pour souligner ce qu’il venait de dire, une magicienne commença à charger un sort et le lança en vitesse, balayant un marin en un instant, puis un autre qui tentait de l’attaquer par derrière. Le sort ne toucha qu’eux mais, il ne laissa que des sortes de momie complètement desséchées, comme vidées d’eau, de sang et d’énergie vitale, tombant au sol dans un fracas d’os morbide, provoquant la panique et la fuite d’une partie d’entre eux pour éviter d’être le suivant.
Ivy tira Oswald derrière un escalier pour se protéger des sorts, l’aidant alors que la fatigue retenue par l’emblème commençait à l’engourdir et brûler ses muscles vieillissants… C’était pas vrai ! Pile au pire moment ! Sans l’Infaillible pour continuer à le stimuler même pendant un temps calme de la bataille, il disparaissait de plus en plus vite ! Il ne devait pas lâcher maintenant ! La magicienne noire s’approcha comme si elle ne craignait pas de se prendre une flèche ou un projectile, observant tout autour d’elle avec un petit sourire vicieux, les provoquant sans vergogne. Elle empestait la magie noire…
« Les insectes tentent de se débattre à ce que je voie… susurra-t-elle avant d’ajouter en regardant dans leur direction. Enfin, on a aussi un insecte plutôt rare… ça fait longtemps que je n’avais pas eu l’occasion d’attraper un emblème majeur… allons petit emblème majeur… montre toi… »
« Merde ! C’est quoi cette femme ?! Enragea à mi-mot Ivy. Votre emblème a disparu avant qu’on entre ! Et elle a fait quoi à ces gars ?! C’est ça les effets de la magie noire ?!
– Elle porte les mêmes motifs que ceux du bataillon puant… haleta Oswald. Et c’est bien elle qui sent la magie noire…
– Ah ça pour puer, elle pue… elle comme tous les autres qui ont ce motif d’œil… »
« Allons… lequel d’entre vous est l’emblème majeur ? Honnêtement, il m’intéresse plus que vous tous réunis alors, on peut faire deux choses. Soit, je vous attrape un par un et je vous transforme tous comme les deux insectes qui tombent en poussière sur le plancher pour faire le tri, l’emblème majeur résistera mieux à mes sorts, soit vous me livrez et je vous laisse tous partir en vie.
Un silence retentissant tomba dans la pièce, juste occupée par Kleiman et ses hommes en train de se débattre contre la porte de la trappe qui devait leur servir à s’enfuir, bloquée par une hache qui avait volé quand les assaillants étaient entrés. Ivy et Oswald échangèrent un regard lourd alors que la femme continua, s’échangeant la même question ainsi que la même réponse.
– Cela me semble un marché correct. De toute façon, de misérables insectes tel que vous ne pourrez jamais battre un être qui vous est aussi supérieur tel que moi, vous venez de le voir par vous-mêmes alors, saisissez donc votre chance de survivre et de continuer votre pitoyable existence. Il suffit juste de me donner l’emblème majeur. Vous avez la parole de Bias, la Meneuse Érudite…
Elle fut exaucée quand Ivy poussa aussi violemment qu’elle put Oswald hors de leur cachette, le plus loin possible d’elle. Le vieil homme se recroquevilla sur lui-même, la face tournée vers le sol, sa capuche défaite laissant voir ses cheveux gris et sa fatigue rendant le moindre de ses mouvements tremblants et incertains, se tenant la poitrine comme si son cœur était sur le point de lâcher à cause de toutes ses émotions.
La femme eut un sourire carnassier, s’approchant du vieillard en déclarant.
– Évidemment, vous préférez vivre, c’est bien. Vous avez un minimum d’instinct de survie mais bon, c’est la base pour les bêtes. Et dommage, l’emblème majeur est décrépit et ancien, il ne va plus survivre longtemps et n’a sans doute plus la force de sa jeunesse… les bêtes de votre genre vieillisse si vite… marmonna-t-elle en se baissant vers lui. Enfin, c’est devenu si rare les majeurs à présent, on fera avec… vient donc…
Avant qu’elle n’ait pu finir sa phrase, Oswald se retourna d’un coup et lui envoya le pot minuscule autour de son cou en plein visage, libérant toute la poudre urticante qu’elle contenait, puis l’homme enfonça la pointe d’une de ses flèches en plein dans l’œil, lui transperçant surement le crâne. Bias siffla de douleur en se redressant mais, avant qu’elle n’ait pu s’en débarrasser ou attaquer à nouveau, une épée lui traversa tout le dos pour ressortir de sa poitrine.
– Pour un être supérieur, t’es aussi fragile que les « insectes » qu’on est, marmonna Ivy.
Elle serra le manche de son épée puis, la ressortit d’un coup du corps de la magicienne, laissa un sang rouge très sombre, presque noir s’écouler sur le sol alors que Bias s’effondrait, morte comme tout le monde le serait après une blessure pareille. Les autres mages avec les mêmes motifs qu’elles se mirent tous à paniquer, laissant le temps aux autres assaillants de les maitriser avec Kleiman et le reste de ses sbires.
Reprenant son souffle, Ivy s’approcha Oswald en lui demandant.
« Tout va bien ?
– Oui, ça va, même si ce genre de cabriole n’est plus de mon âge, répondit-il en cherchant un peu son équilibre à cause de la fatigue.
– Bah, pour un gars de quatre-vingts balais, vous vous en sortez plutôt bien, lui assura-t-elle en l’aidant à se rester debout avant d’avouer, même si j’ai eu peur que vous ne vous repreniez pas assez vite.
– J’ai encore quelques ressources on dirait… il eut un sourire en voyant Kleiman ligoté avec ses sous-fifres, alignés le long du mur et désarmés. Au moins, nous les avons attrapé… J’ai bien fait de vous faire confiance. »
*
Une fois Kleiman capturé, la plupart des gardes s’étaient rendus sans trop de difficultés, épuisés par les derniers évènements, même si une partie s’était battue jusqu’au bout en visant particulièrement les duscuriens ou toutes personnes avec une peau un peu sombre, soit à peu près n’importe qui qui passait son temps dehors. Ceux-là avaient refusé de se rendre et avaient préféré se faire tuer plutôt que capturer. Bon, au moins, c’était déjà un problème de régler pour le coup, aussi sordide la conclusion pouvait l’être. Leur patron était tout aussi loquace qu’eux, refusant de dire quoi que ce soit quand Oswald, Ivy et tous les autres le pressèrent de question, se murant dans le silence. On le menacerait de lui arracher la langue qu’il ne parlerait pas, même au sujet de cette Bias.
Et enfin, il restait le groupe de mages étranges avec ce motif d’œil sur eux, rendus inoffensif grâce à des menottes duscuriennes bloquant leur magie. Au début, Ivy crut qu’il faisait partie d’un peuple vivant à Morfis à cause de leur peau extrêmement pale, pratiquement cadavérique, combinée à leur couleur d’yeux et de cheveux très rares mais, ils ne parlaient pas la même langue qu’eux. Enfin, ils semblaient comprendre le fodlan mais, pas moyen de les faire parler eux aussi.
« Rrrrhhhaaaa… ! Pas moyen de les faire passer à table ! Enragea Ivy après une nouvelle tentative de les interroger. Soit ils restent muets comme des carpes, soit ils nous insultent en nous traitant d’insecte !
– C’est vrai qu’ils n’ont pas l’air de vouloir parler mais, restons patient, une partie semble plus se taire par peur que par défi. Ils sont tout maigre et dès qu’on les approche ou élève un peu la voix, ils se recroquevillent sur eux-mêmes quand on arrive comme des personnes battues, fit remarquer Oswald. Les deux qui nous insultent constamment semblent être les sous-chefs après cette Bias et encadrer les autres. Tant qu’ils seront là, ils ne diront rien.
– Hum… alors, autant les séparer et tous les séparer, au moins les chefs de file. Les langues devraient se délier un peu sans eux.
– Oui, et il faut également bien les traiter, cela les mettra en confiance pour qu’ils nous expliquent ce qui se passe ici et nous ouvrent les portes qui nous résistent encore… avec ce genre de personne, un bon repas et de l’attention est le meilleur moyen de les faire parler… »
Sans hésiter, ils isolèrent les chefs de file, puis firent attendre un peu les autres en leur donnant un repas maigre pour le midi. Ce temps seuls avec eux-mêmes et sans nouvelle les angoisseraient sans doute, ils se demanderaient ce qui allait arriver à leurs chefs d’un côté et à eux de l’autre, ce qui rendraient tout geste bienveillant à leur égard plus fort.
Le soir, Oswald leur fit apporter une miche de pain chacun, un grand bol de soupe et une pomme, tout en précisant à ceux qui leur donnerait d’être agréables avec eux. Le petit groupe de sept personnes se tenaient recroquevillés dans un coin, évitant la lumière du soleil couchant, fuyant même la lumière de la bougie en mettant leurs mains sur leurs yeux. Après tout ce qu’il avait vu ces dernières semaines, Oswald devait avouer qu’il serait presque prêt à croire qu’ils étaient comme les vampires des légendes craignant la lumière mais, s’il se fiait à leur réaction quand ils avaient été emmenés ici, c’était plus qu’ils étaient très sensibles à la lumière, comme des créatures des cavernes.
« Veuillez m’excuser, je ne voulais pas vous faire mal, s’excusa-t-il en soufflant sa chandelle, la remplaçant par une petite boule lumineuse plus tamisée. Cela vous convient mieux ?
– … oui… c’est pour nous ? Demanda un homme en montrant les plateaux avec méfiance.
– Oui, c’est votre repas pour ce soir. Vous pouvez manger à votre saoul, leur assura-t-il, ne vous gêner pas.
– De la nourriture d’inférieur, marmonna une femme, le nez retroussé de dégout.
– C’est ça ou vous sautez à la corde alors, fait pas la fine bouche, grogna Ivy, son poignard et son épée à sa hanche afin de dissuader le moindre soupçon d’attaque sur Oswald.
– Une bête qui n’a même pas d’emblème n’est qu’un insecte, rétorqua-t-elle avec bravache.
Cependant, à part ses deux-là, les autres prirent leur propre assiette, tremblant un peu d’appréhension avant de gouter leur soupe. Une d’entre elle eut l’air étonné, regardant son simple bol de brouet comme si elle tenait le plus grand festin de tout Fodlan entre ses mains, avant d’en reprendre une cuillère sans hésiter.
– Vous appréciez on dirait, lui sourit Oswald, affable. C’est encore meilleur si vous mettez du pain avec.
Elle le regarda avec des yeux ronds, se recroquevillant à nouveau quand il lui adressa la parole mais, elle l’écouta, plongeant sa miche dans sa soupe avant de le croquer, ayant à son tour un grand sourire en disant quelque chose dans sa langue qui devait se traduire par « c’est bon », avant de déclarer en fodlan.
– C’est bon.
Elle se fit cependant tout de suite reprendre par la femme qui avait traité Ivy d’insecte, la réprimandant sévèrement à son ton mais, l’homme à côté de celle qui appréciait son repas dû la défendre car, l’orgueilleuse se tut et se résigna à manger son propre repas en ronchonnant. Ils parlaient entre eux une langue étrange… ça ne ressemblait ni au fodlan, ni à l’almyrois, ni au sreng, ni au duscurien, ni à aucune langue qu’Oswald avait entendu pendant sa vie. Soit ils venaient vraiment de contrées reculées, soit ils avaient développé leur propre langage pour communiquer discrètement ensemble.
Celle qui les avait remerciés finit la première en savourant sa pomme après avoir demandé ce que c’était, puis déclara.
– Merci pour ce repas. C’était très bon…
– C’est normal. Je suis content que cela vous ait plu… est-ce que je peux vous demander votre nom ?
– … matricule 456.
– Un matricule ? Vous n’avez pas de prénom à vous ?
– Non, l’Agastya et les grands Meneurs nous interdisent de dire notre nom.
– Ah ? Et pourquoi donc ?
– C’est ainsi, ils nous l’interdisent. Ils sont les seuls à avoir le privilège d’en porter un. Les ouvriers comme nous ne portent qu’un matricule. C’est déjà un grand honneur pour des inférieurs tel que nous d’avoir un numéro attribué par le Grand Agastya…
– C’est débile, ça vous réduit à un numéro alors que vous êtes des humains, comme eux, marmonna la capitaine. Y a que les bagnards et les criminels qui ont des matricules, et c’est pour bien leur rappeler que leurs actes sont tellement horribles qu’ils sont à peine humains.
– Un insecte ne peut pas comprendre que l’on doit le respect aux esprits supérieurs tel que les grands Meneurs et surtout envers l’Agastya, grogna l’orgueilleuse en faisant mine de les regarder de haut, même si Ivy la reprit à nouveau.
– Alors, si nous, on vous appelle par votre matricule, on vous est supérieur étant donné que c’est les « esprits supérieurs » qui vous appelle par des numéros et on est leur ait supérieur car en plus d’avoir un prénom avec un titre, on a en plus un nom de famille alors qu’eux n’en ont pas. Si on est des insectes à ce point, on peut vous appeler par un prénom, et c’est plus agréable pour tout le monde.
– De plus, chez nous, c’est très impoli d’appeler quelqu’un par un numéro, c’est comme ça qu’on parle des criminels comme vient de le dire le capitaine Drake. Par exemple, je m’appelle Oswald, enchanté de faire votre connaissance, déclara-t-il en levant sa main droite. Et vous ?
L’orgueilleuse foudroya la plus bavarde du regard, lui interdisant de parler mais, au bout de quelques secondes et hésitations, elle leva à son tour sa main pour la poser sur son front en déclarant, avant de serrer celle de l’homme.
– Alors… Pomme… ou Soupe… c’est bon… enchanté de faire votre connaissance Oswald.
– Moi de même. Et Pomme est un joli prénom.
L’homme qui l’avait défendu écarquilla les yeux en la voyant serrer la main d’Oswald, lui demandant quelque chose dans leur langue en paniquant, même si Pomme répondit en lui montrant sa paume.
– Bah non… y a rien, tu voies ?
Il eut l’air étonné, puis demanda, visiblement sans voix par cette simple poignée de main.
– Je… je peux aussi ?
– Bien sûr. Enchanté… ?
– Je ne sais pas… Ivy ? C’est joli… si deux personnes ont le droit de porter le même prénom…
– Bien sûr, on ne s’en sortirait plus sinon mais, c’est plus un prénom de femme mais, tu pourrais t’appeler Vivian ? Lui proposa la capitaine. On reste dans les mêmes sonorités comme ça.
Il hocha la tête avant de serrer à son tour la main d’Oswald avec appréhension, avant de la retirer avec étonnement en voyant qu’elle était toujours comme avant. Les trois qui n’avaient rien dit suivirent aussi en se présentant en utilisant apparemment des mots de leur langue, qui eurent la même réaction.
– On… on nous avait toujours dit que pour des ouvriers tels que nous, toucher une bête avec un emblème majeur nous brûlerait… surtout les tarés comme moi et matri… Vivian… avoua Pomme en regardant leurs mains à tous. Que le sang des enfants de la Noyeuse nous dévorerait les mains si on le faisait… quand c’est l’emblème mineur, ça piquerait comme du salpêtre mais, que les emblèmes majeurs brûleraient comme le soleil… que seuls les esprits supérieurs comme les grands Meneurs et l’Agastya étaient assez forts pour résister…
– Et bien, je dois avouer que c’est la première fois que j’entends une telle histoire ! Je vous rassure, je n’ai jamais brûlé personne en leur serrant la main ! » S’esclaffa Oswald, riant à moitié noir. Ces personnes avaient été maintenus dans l’ignorance, surement pendant des années afin de mieux les contrôler, comme dans les sectes les plus dangereuses. Qu’ils ne se rendent même pas compte de ce qu’ils faisaient ne l’étonnerait même pas vu ce qu’il avait devant le nez. Enfin, ça les rendrait plus facile à manipuler maintenant qu’ils voyaient de leurs yeux des preuves de ces mensonges.
Ils finirent tous de manger, le remerciant dans leur langue et en fodlan, avant que le grand-duc ne leur avoue, l’air sombre.
« Merci pour votre confiance. Je dois être honnête avec vous, l’heure en ville est très grave. Énormément de marins ont disparus dans ce port et nous avons des raisons de penser que votre employeur, Kleiman, est à l’origine de ses disparitions. À l’origine, nous sommes venus ici pour retrouver ces disparus et éviter qu’il y en ait d’autres. Après la démonstration de force de cette femme, Bias, nous sommes tous très inquiets pour eux. Étant donné que vous étiez en train de vous enfuir avec lui, nous avons toutes les raisons de penser que vous êtes leurs complices, et vous risquez d’être punis de la même façon qu’eux, même si vous n’étiez que des exécutants… leur apprit-il, voyant leurs joues blêmir de plus en plus au fil de ses mots. Cependant, si vous acceptez de nous aider, on pourra s’arranger pour vous éviter de finir comme lui. Par contre, il va falloir nous aider à retrouver les disparus et nous dire tout ce que vous savez.
Oswald les observa, voyant toute l’hésitation se peindre sur leurs visages anxieux. Pomme finit par ouvrir la bouche, tremblante comme une feuille.
– D’acc…
– Non !!! …
Celle qui les avait traités d’insecte s’énerva, reprenant violemment la jeune fille qui se décomposa, morte de peur mais, Oswald intervient, alors qu’Ivy faisait reculer la femme en colère.
– Cause correct aux tiens, c’est pas des chiens.
– La capitaine Drake a raison, on ne parle pas comme ça aux autres. Écoutez, je voie que vous avez peur et qu’elle vient de vous menacer mais, si vous nous aider et nous avouez tout ce qui s’est passé ici, nous vous aiderons et vous ne serez pas en danger, vous avez ma parole.
Pomme le dévisagea, demandant en tremblant, Vivian se tenant à elle en serrant leurs mains ensemble.
– Même contre l’Agastya ? Même contre l’être le plus puissant ? L’Agastya est l’Agastya, l’incarnation de la connaissance et de la puissance sur terre, le chef suprême des terres de la Grande Sphygi qu’il dirige… per… personne ne doit lui désobéir, le questionner ou lui résister…
– Oui, même contre lui s’il veut vous faire du mal ou vous forcer à faire des choses que vous ne voulez pas. C’est lui qui vous a raconté l’histoire que si vous touchiez quelqu’un avec un emblème mineur, vous serez brûlé ?
Pomme se mordit la lèvre avant d’hocher la tête.
– Pour quelqu’un qui sait tout, il vous a dit de sacrés mensonges, leur fit remarquer Ivy avec un air narquois après Oswald. Et s’il est aussi fort que cette Bias, on devrait s’en sortir, on a eu qu’à lui balancer de la poudre urticante dans la gueule et à l’embrocher avec une épée pour la battre. Même si votre Agastya est plus fort, on devrait arriver à le battre en faisant fonctionner nos neurones. Alors, faites ce que vous pensez être juste selon vous, pas selon votre Grand Con si génial qu’il est obligé de mentir en permanence pour se faire obéir car, un peuple qui réfléchit, c’est chiant à gérer.
– Agastya… crrrrétin… marmonna Noce sur son épaule.
La jeune femme finit par craquer, hochant la tête alors qu’elle prenait peut-être une des premières décisions de sa vie.
– Je vous montrerais et vous dirais tout… maintenant que la Meneuse Érudite est morte, sa magie ne devrait plus rien verrouiller… Juste… juste je ne veux pas retourner à Shambhala.
– Moi aussi, je veux bien vous aider, ajouta Vivian. Mais par pitié, ne nous renvoyez pas là-bas… ils nous tueront pour vous avoir parlés…
– Cela devrait pouvoir se faire, leur assura Oswald.
Les deux mages se levèrent, sous le regard effrayé des trois qui avaient serré la main du descendant de Riegan, et celui désapprobateur des deux derniers mais, ils restèrent fermes sur leur décision et les suivirent hors de la pièce. Les deux amis – peut-être… ça ressemblait à de l’amitié selon le grand-duc mais, il n’était pas sûr qu’ils sachent même ce que c’était… – les ramenèrent dans la grande pièce centrale, leur disant que leur « laboratoire » était sous la grosse dalle par où Kleiman et eux-mêmes avaient tenté de s’enfuir. Avec l’aide de plusieurs forgerons et tailleurs de pierre de la ville, ils arrivèrent à la forcer malgré les déformations, puis des hommes en armes descendirent les premier, suivit d’Ivy, Oswald, Pomme et Vivian.
Le boyau était assez étroit, à peine large comme un chevalier en armure, mais pour des personnes aussi maigres et de petite taille que les deux mages, cela restait praticable. Aucune torche n’éclairait l’endroit, remplacé par des sortes de longs rubans luisant, encastrés de chaque côté du couloir, indiquant le chemin dans la pénombre. Si c’était les lumières auxquels ils étaient habitués et qu’ils passaient beaucoup de temps sous terre, ce n'était pas très étonnant qu’une flamme leur fasse mal aux yeux, manque d’habitude… une odeur de plus en plus nauséabonde envahissait leurs narines alors que les deux mages baissaient la tête, gagnés par la honte… une odeur de cadavre et de fumée… de magie noire…
Le groupe marchait depuis quelques minutes quand Oswald commença à entendre les hoquets de stupeurs des hommes d’armes devant eux, avant qu’il ne voie le laboratoire de lui-même, ne pouvant contenir son incompréhension mêlée d’horreur à son tour. Le boyau débouchait dans une énorme cavité éclairée par des pierres semblables aux veines luisantes, éclairant un ensemble de table semblable à celle des chirurgiens mais, avec d’énormes attaches pour tenir les membres, l’odeur de sang séché et de chair putrifié rendant l’air pratiquement irrespirables prenant tout son sens en les voyant. Plus au fond, il y avait un couloir avec deux côtés bien distincts : à leur gauche, il y avait des rangées de dizaine de tubes transparentes comme du verre où flottaient des sortes de boules, et à droite, un damier de pressoirs énormes, de sorte de cuves surplombés de cheminé, et de grands casiers entre les deux.
C’était ordonné au cordeau… presque scientifiquement…
« Qu’est-ce qu’il y a dans les cuves et les casiers ? Osa demander Oswald, son sang se gelant de plus en plus en devinant ce qu’ils contenaient.
– Vos semblables qu’on a récupéré encore vivant au projet Delta qui a eu lieu quelques lieux plus à l’ouest, et des personnes sur le port, dont je m’occupe, répondit Pomme avec une toute petite voix, les yeux baissés, serrant sa tresse rose vif dans ses mains. Dans les casiers, c’est les corps des morts dont s’occupe Vivian. On est deux défaillants alors, on a la tâche de s’occuper de vos semblables, que ce soit pour les maintenir en vie pour moi ou se débarrasser des restes pour Vivian… c’est ce qui est le plus dégradant.
– Et qu’est-ce qui est pas dégradant pour vous ? » Demanda un soldat duscurien en regardant la scène avec horreur, conscient que plusieurs de ses frères et sœurs avaient dû passer par cette sale macabre. Au nom des Braves, heureusement que les murs ne pouvaient pas parler, même si le simple fait d’imaginer tout ce qui avait pu se produire ici rendait ce silence encore plus insupportable et dérangeant… c’était presque… bien trop calme…
« Assister la Meneuse Érudite… répondit difficilement Vivian.
– C’est-à-dire ? Demanda Ivy, tenant quelques minutes Noce contre sa poitrine pour qu’il se calme malgré l’odeur atroce et le manque de lumière.
– Projet Alpha… continua le mage. Endurcissement des corps et transformation des métabolismes… étude de sujets vivants pour comprendre leur fonctionnement interne et l’utiliser afin de faciliter les expérimentations des Meneurs…
– Attendez… vous êtes en train de nous dire que vous découpiez des gens vivants ?! Mais quel être humain peut être assez tordu pour faire une chose pareille à ses semblables ?! S’énerva-t-elle, Noce contre elle.
– Nous ne sommes pas humains… pas comme vous en tout cas…
– Oui, esprits supérieurs, inférieurs, insectes… tout ça, on connait, vos copains nous l’ont dit tout à l’heure, les coupa Ivy, furieuse et dégoutée, regardant de partout autour d’elle comme si elle cherchait quelque chose. Mais personne ne se sent mal de juste découper des gens encore en vie ?! Vous n’avez pas d’empathie pour eux ?!
– C’est quoi l’empathie ?
Ivy dévisagea Pomme, ne sachant pas si elle devait être en colère ou compréhensive. Aux yeux de cette mage, c’était une question parfaitement normale, elle la posait presque en toute innocence, ne sachant même pas ce que c’était alors que pour la plupart des gens, c’était tout de même la base les émotions et les sentiments. Vu le niveau, c’était même limite énorme qu’elle ait juste osée la poser sa question…
– L’empathie, c’est la capacité à se mettre à la place des autres pour les comprendre et agir en conséquence, expliqua-t-elle lentement en laissant Noce regagner son épaule. Par exemple, quand quelqu’un a mal, tu comprends ce que ça fait et tu tentes de l’aider normalement.
– Ah, c’est comme pour les défaillants comme nous deux alors, comprit Vivian. C’est pour ça qu’on s’occupe des… des « stocks »… c’est pour corriger nos défaillances et nos tares à force…
– Vous voulez dire que l’empathie, c’est pas normal chez vous ? Demanda une guerrière sreng, sans voix.
– Non, c’est les défaillants et les insectes qui s’en font pour les autres. Quand des ouvriers comme nous tombent, tu les laisses par terre, ils n’étaient pas dignes du Grand Plan de l’Agastya… même les Meneurs… nous avons échoué, on sera juste remplacés par d’autres matricules… en particulier ceux comme nous qui sont tarés…
– C’est-à-dire ? Vous avez des problèmes physiques ou mentaux ?
– Non, on serait inepte au travail, on serait déjà mort depuis longtemps, on ne servirait à rien à la cause, c’est notre âme notre problème… on ne sait pas pourquoi… juste… ça fait mal de voir tout ça… marmonna Vivian, complètement perdu, tordant ses longs doigts blancs ensemble alors qu’il secouait la tête, agitant ses boucles orange qui cachait ses yeux de la même couleur perdus dans le vague. On ne sait pas… on ne sait pas… mais, on ne peut pas s’en empêcher… c’est comme si on avait des épingles dans la poitrine… ça fait un peu moins mal quand on leur ferme les yeux et on les met correctement mais, ça fait toujours mal de les entendre… même quand on les entend depuis toujours… et on arrive pas à se concentrer uniquement sur le Grand Plan selon le désir de l’Agastya… on ne sait pas ce qui ne va pas chez nous… on est comme le Traitre Abominable dont on doit taire le nom… on arrive pas à être ce qu’on nous demande être…
– C’est pas une tare alors, c’est juste que vous n’avez pas été cassé par cet Agastya, répliqua Oswald sans hésiter. C’est normal de ressentir de l’empathie pour les autres et d’être mal quand des choses horribles leur arrivent comme… comme tout ce qui a pu se passer ici. Ce Traitre Abominable devait être comme vous et être capable de ressentir de l’empathie malgré tout ce qui lui était arrivé… au contraire, soyez fier de lui ressembler.
Pomme et Vivian échangèrent un regard, perdus, mêmes s’ils firent un signe de tête qui ressemblait à un acquiescement pour eux. Déesse… des êtres vivants incapables de ressentir de l’empathie ou faisant tout pour l’éliminer… c’était la première fois qu’il voyait une telle chose…
Une fois à peu près remis de ce qu’ils venaient d’apprendre, ils se mirent à prendre possession des lieux et à s’organiser pour sortir les rescapés de cet enfer au plus vite. D’après Pomme, le liquide où ils étaient les maintenait en vie et évitait que leurs blessures s’aggravent mais, elle comprit à peu près pourquoi c’était important pour eux de les extirper de ces bocaux.
« Quel était le but de ce « plan Delta » dont viennent toutes ses personnes ? Lui demanda Oswald pendant qu’Ivy et un soldat tiraient une des messagers qu’ils avaient envoyés auprès de Kleiman de sa cuve, étalant lui-même une couverture où l’allonger.
– Je ne connais pas les détails mais, si j’ai bien entendu ce que disait la Meneuse Érudite, ce n’était pas pour nous faire des stocks de cobaye… d’après elle, c’était pour plonger cette partie des protégés de la Noyeuse dans la discorde et le chaos, afin de mieux les infiltrer et de pouvoir faire avancer le Grand Plan. Une autre meneuse est dans votre capitale à vous alors, le chaos l’aidera à avoir plus d’influence… expliqua Pomme en déplaçant des pierres sur une surface rocheuse, semblant actionner des mécanismes par ses quelques gestes alors qu’elle ne pouvait toujours pas utiliser de magie.
– Et vous connaissez le nom de cette meneuse ? Son vrai nom je veux dire, comme Bias.
– … nous, nous l’appelons « Grande Savante » et son prénom, c’est Périandre mais, ce n’est pas sous ce nom que vous la connaissez… et qu’elle a pris la place de quelqu’un d’important… on peut prendre l’apparence des autres de… je vous expliquerait après mais, vous la prenez pour quelqu’un d’autre dont elle a volé le visage et l’identité… je n’en sais pas plus, je n’ai jamais été sous ces ordres, cela fait des années que je suis dévouée au service de Bias… la Meneuse Érudite ! La Meneuse Érudite ! Pardon !
– Allons, ne vous en faites pas, elle est morte à présent, elle ne pourra plus vous faire de mal car, vous l’appeler par son prénom. Et merci, c’est déjà beaucoup d’informations qui nous seront très utiles, » lui assura Oswald, déjà bien content d’avoir trouvé quelqu’un d’un peu plus bavard que Kleiman.
Ils continuèrent à avancer et à tirer les rescapés de Duscur et des enlèvements à Kleiman, quand Ivy se figea, regardant une cuve un peu plus loin.
« Ivyyyy… appela Noce, solidement accroché à l’épaule de son amie.
Elle courut alors d’un coup vers cette cuve, appelant tout de suite Pomme qui arriva sur ses talons avec Oswald.
– Il est en vie ? Par pitié, dit-moi qu’il est en vie et qu’il va vivre… déclara-t-elle, entre le grognement et la supplique, jetant des regards angoissés à celui qui dormait dans ce bocal.
Il s’agissait d’un jeune homme recroquevillé sur lui-même, ses bras forts entourant ses jambes pour les tenir contre sa poitrine pale et couverte de cicatrice de brûlures, surement mortelles si la technologie des « agarthans » – soit le nom de leur peuple ou de leur secte si Oswald avait bien compris – ne l’avait pas sauvé. Sa peau était très pale, contrastant avec ses longs cheveux noirs et bouclés, retenus dans une épaisse tresse qui flottait autour de lui. En le voyant, il comprit tout de suite la raison de la panique d’Ivy…
« C’est fou ce qu’il ressemble à son père… »
– Oui, il l’est. De peu mais, il vivra. Périandre et Myson avaient dit qu’on aurait bientôt d’autres membres de la même famille avec un emblème mineur et un emblème majeur alors, il fallait le laisser de côté pour comparer les trois alors, je l’ai mis au fond…
– D’accord, tu m’expliqueras en détail tout ce que tu sais après mais avant, il faut qu’on le tire de là !
– Bien sûr.
Pomme répéta la même série de mouvements sur la plaque que tout à l’heure, pendant qu’Ivy et l’autre soldat tiraient l’homme inconscient de sa prison de verre, enlevant dans un ordre bien précis les tubes qui le reliaient à sa cuve en trouvant heureusement une respiration qui agitait encore sa poitrine.
La capitaine l’allongea délicatement sur la couverture qu’avait étendu Oswald, l’installant bien avant de lui tourner la tête, comme un noyé pour éviter qu’il ne recrache le liquide de la cuve sur lui ou qu’il reste bloqué dans ses poumons. Puis, tout doucement, les deux leicesters le tournèrent sur l’épaule, l’aidant à vomir.
– Allez… grogna Ivy, tendu comme un cordage de navire. Crache…
– … k… kof ! Kof ! Kreuf !!! Kra…
Le jeune homme rendit tous le liquide bleu luisant présent en lui, crachotant encore alors qu’il essayait de parler.
– Attention, te presse pas trop, t’étouffe pas alors que tu as encore de l’eau dans les poumons…
– I… Ivy… c’est… mais que… les yeux de chat du jeune homme s’écarquillèrent encre plus, même si leurs iris bleu d’eau restaient encore floues, s’affolant à cause des dernières choses qu’il avait vu, surement induit en erreur par l’odeur de sang omniprésente. Non… non… tu dois… les flammes… le sort… Dimitri… tout… ce… krreeeuufff… ! Kof ! Kof !
– Eh ! Je t’ai dit de ne pas t’étouffer ! Le rappela-t-elle à l’ordre alors qu’il crachait encore. Déjà que t’es une vraie pierre, va pas t’étouffer même à terre ! Pour résumer très vite, même si ça c’est mal fini, Dimitri va bien, et même si t’as dû en voir, tu es en sécurité maintenant.
– En… mais… mais comment… ? Je… qu’est-ce… qu’est-ce qui s’est passé… ? Où… où est-ce qu’on est ? Mon… mon père est là ? Et… et Félix ? Tu sais s’ils vont bien… ? Et Alix…
– Là aussi, très longue histoire mais, on va tout te raconter mais pour l’instant, tu dois te reposer. Je te raconterais tout quand tu te seras un peu remis. D’accord Glenn ?
Les yeux du jeune homme rencontrèrent ceux de la meilleure amie de sa mère, cherchant quelque chose de familier et de rassurant… il voulait presque l’entendre raconter ces dernières anecdotes de voyage, leur décrire ses mésaventures dont elle se tirait toujours et si tout c’était passé comme ça l’arrangeait à Almyra… juste pour retrouver quelque chose de normal… tout était tellement flou dans sa tête… la dernière chose dont il se souvenait, c’était des flammes de partout, des cris, et des mages étranges qui le tiraient du mélange de boue, de suie et de sa propre mare de sang… de la sorte de potion immonde qu’ils lui firent boire… puis, plus rien, un grand noir vide et glaçant… il avait tellement de questions… mais Glenn n’arriva qu’à supplier Ivy avant de s’évanouir à nouveau…
– Je veux rentrer chez moi… je veux mon père… Félix… et Alix… je veux retrouver… ma famille…
– Bien sûr, je te ramènerais chez toi, je te le promets, lui jura Ivy en passant sa main sur sa tête.
Glenn se laissa alors happer à nouveau par le sommeil, assez confiant en Ivy pour savoir qu’elle tiendrait parole…
#fe3h#écriture de curieuse#route cf + divergente canon#plus ou moins#j'espère que ça vous plait surtout !#on reprend en douceur après la FE OC Week !#C'étais prêt depuis un moment mais je voulais faire que 5 billets à la base jusqu'à voir le nombre de page et oui...#mieux vaut faire ça en un billet supplémentaire... ce sera mieux et moins condensé en reblog#La distribution de claque recommence ! J'ai beaucoup aimé écrire la scène de rêve ! J'espère qu'elle vous plaira !#(c'est les scènes que je préfère en général : les scènes de rêve ou irréalistes où les persos sont en plein trip#On peut mettre la réalité au placard et y aller à fond sur les symboles et les choses irréalistes tout en gardant la logique propre des rêv#diatribe des avertissements inspirée par une conversation avec un ami hors Tumblr qui a passé +30 minutes à cracher sur un jeu#auquel il n'a pas joué depuis 20 ans et qu'il déteste mais qu'il ne peut pas s'empêcher de cracher dessus en disant que c'est de la m*#avec quelqu'un -moi- qui aime ce jeu vu que c'est sa série de coeur alors pas très agréable à vivre et ça donne envie de rappeler :#Eh... [nom censuré]... ou le dernier jeu est mal fichu. Et si tu n'aime pas cette licence on peut parler d'autre chose...#donc bref : vous aimez pas un truc ou vous n'adhérer pas à un truc soit ne lisez pas soit évitez de le tartiner à la figure de gens l'aiman#ou alors assumez que vous avez donné une chance à quelque chose que vous doutez ne pas aimer pour voir#Enfin fin du négatif bonne lecture à tous !
6 notes · View notes
ohtobeleah · 1 year
Note
Iris is giving Jake head under the desk in an office when Mav walks in, almost busting them in the act but Jake plays it off and thankfully the desk is solid to the floor so Mav can’t see under it.
Even better, Iris giving Jake head at Mavericks desk after Mav asked Jake to do some administrative stuff for him while he was out at an appointment.
I.R.I.S Masterlist
P.S: I got so carried away with this one.
Warnings: Blowjob under desk. Male receiving. 
***~***~***~***~***~***~***~***~***~***~***~
Maybe it’s during that limbo period where you’ve just come back from a lecture and don’t have anything until after lunch so you’re sauntering through the halls just looking for trouble.
“Rebounds been chatting mad shit about the fact he almost had you in that last run.” You barged into your father’s office, having spotted Jake sitting at his desk. Rebound – He’d been in so many rebound relationships that the name just stuck. As a double entendre, it is believed that his F18 must have made of rubber, since he couldn’t figure out landing…till graduation day at flight school. “You seemed a little distracted up there? What gives?”
Jake knew he was catching feelings. He had to act fast. Make sure that wasn’t a possibility. That couldn’t even be in the realm of probability, ever. Not with you. Not with Mavericks kid. 
Jake wasn’t in the mood for your antics. He was stressed. He was trying to focus on the admin crap that made no sense to him and he couldn’t for the life of him understand why Mav asked him of all people to do it for him. Bob seemed like a great candidate, he just looks like the kinda guy who knows how to use excel. 
“Do you need something?” You just stared at Jake blankly, not having expected such a shape and monotone answer. Hell, Jake didn’t even look up from the computer to look at you. He just frowned as he rubbed his chin and leaned a little closer to the monitor because, well, was that a speck of dirt or a decimal point?
“I may have been told a time or two that I need an attitude adjustment but besides that? Nothing really, just thought I’d come hang.” 
“You and I don’t hang, Iris—“ Jake took a second to peel his eyes away from the monitor in front of him to finally look your way. “You’re Mavs daughter.”
“You don’t have to remind me.” You let out a gruff as you slumped in the chair across from your dads desk. Jake looked a little too fucking good in his service tans. 
“Well it’s probably time you start acting like it.” Jake just replied, again—as sharp as ever. You frowned at him, really trying to read the expression on his face. He had little frown lines running across the expanse of his forehead, worry in his eyes. Jake Seresin was stressed and for once it wasn’t about you. It was about his work. “I really need to focus, I can’t have you in here doing whatever it is that you do.” 
“Lieutenant Commander, I think you need a little stress reliever.” As you rose to your feet, biting your bottom lip, Jake rolled back on the office chair, pointing a finger at you. 
“Don’t you come anywhere near me.” It was all bark no bite. “I’m not in the mood for this shit.” 
“So—“ You began, stalking closer and closer to your dads desk. “If I told you that I had some time to kill and that I’d be pretty willing to give you head under this nice, sturdy oak desk, you’d say no?” Jake thought about it for a moment as you leaned over the desk. He was debating if he should, he knew his moral compass had been a little off lately since he’d first spilt those beers on you, three weeks ago. You were still here for another ten and Jake had to start being the bigger person at some point. 
“Damn don’t have an aneurysm thinking of an answer.” You scoffed, pushing off the table when Jake didn’t respond. “There’s Advil in the top draw, for the looming headache.” 
“Iris, wait.” Jake sighed, running his hands through his hair as he held onto whatever shred of decency he had left. “We just can’t keep doing this, alright?” 
“Doing what?” You played dump, you wanted Jake to say exactly what he meant. Something was eating at him, you could tell. Something had changed, something shifted in Jake but you just couldn’t figure it out. 
“You know what I mean, this—“ Jake sighed as he tried to get back to his work, he didn’t have time for games or impressionable honry Mitchell’s who can’t take no for an answer to anything. 
“No.” You chuckled softly, you knew what this was. It was casual sex. There was nothing to it. No emotion, no connection, just pure sex. But despite that you felt a little hurt, a little used. Jake knew who you were because you’d told him who you were. He was the one who started this. He was the one who still took you back to his and fucked you sensless knowing exactly who’d you’d be to him. 
You’d always just be Pete Mitchell’s daughter. Mirimars resident Nepotism baby. 
“No say what you actually mean, Hangman.” You challenged Jake as your emotions began to bubble, crossing your arms over your chest as you stared at him with a blank gaze. “You mean that you can’t keep doing, me.” 
“You’re gonna cost me everything!” Jake hissed through gritted teeth as he watched the way your usually overly confident self slumped at his statement. “My job, my whole career Iris, everything I’ve ever worked towards, gone because you’ve got daddy issues and decided to use me as a pawn in whatever fucking therapy technique fucking your TopGun Instructors is!” Jake didn’t mean what he was saying, but if there was a chance he felt a deeper connection to you then just a quiet fuck he knew that it was possible for you to. “Think about it, you came in here, with every intention to cause trouble.” 
“Maybe I did, maybe I didn't.” You had, but Jake didn’t need to know that trouble also meant you’d brought an extra Gatorade from the vending machine because you knew that blue razz was his flavour of choice and that the vending machine guy took forever to restock it when it ran out. So you got him the last one. “If you really think that about me then why did you fuck me that night? You know, after I told you who I was?” Jake just looked at you, there was a look in your eye he’d never seen before. You were usually so confident, so effortlessly in control of everything happening around you. So much like Mav in his ability to be a shit stirring little shit that Jake forgot that you had feelings besides a labido. “Why did you let this go on so long?” 
“I don’t know what you expect me to say or what you wanna hear?” Jake groaned, you’d called him out and he didn’t have an answer to give. “This just isn’t normal Iris!” It wasn’t normal to catch feelings for your mentor's daughter, that's what wasn’t normal about this. You knew this had to be about more than just the risks. Risks be damned, you and Jake were having fun. There were no strings attached. You were both consenting adults, your dad and his opinions didn’t scare you. They never had. 
“Yeah, well just because you’re struggling with your moral compass doesn’t mean you have to project that shit onto me.” You snapped, scoffing as you shook your head and bit back the lump in the back of your throat. “Nice knowing you asshat.” 
Jake should’ve left it at that. He should’ve let you walk away then and there, he should’ve kept his mouth shut but he didn’t. He watched as you stormed off towards the door and a pain slung in his chest. 
Fuck.
“I’m still your superior officer, you can’t talk to me like that.” Jake stood from the chair he’d been sitting on. He squared his shoulders and pointed directly at you. “Remember your rank when you’re addressing me, Lieutenant Mitchell.” Stunned, you paused in your tracks, what the hell had he just said to you? 
“Oh so you wanna play that way huh?” You chuckled to yourself, Jake looked so stupid up on moral outrage hill. “I’m still your student, yet you fucked my ass two nights ago! Now you’re telling me that you’ve had a change of heart?” You hissed back. “Fuck you Seresin, you wanna take the moral high ground be my fucking guest but don’t piss on my parade because you don’t have the guts to admit you’re fucking obsessed with me!” 
“That’s not what this is about!” It was. It was all this was about. Jake could feel the heat in his cheeks rising. Surely his face was red by now. 
“Bullshit! You’re falling in love with me around you, you fucking sap.” It was a rush, you could feel the adrenaline pumping through your veins. “God I should’ve known, but I’m not interested in marrying old men—“ That was a lie if there ever was one. “I just like to fuck them.” 
“Enough!” Jake growled, he hated that he was straining against his slacks, pre cum was just oozing into the fabric of his boxer briefs. He hated that he loved this, this fire and lust and anger. It was infatuating, you were infatuating. “Shut your mouth, before I shut it for you.” Oh, oh there it was. You took the bait willingly and took one step forward toward where Hangman stood, sending steam out of his ears and nose. Red in the face. “Don’t be a brat Iris, it doesn’t look good on you.” 
“Or what!” The way you asked? The way you challenged Jake? It kinda scared him. He knew you were a ticking time bomb. A hot headed inferno, so when he saw the fire in your eyes he backed up. You could still tell any of the admirals about any of this and it would be Jake's head on the chopping block. 
“Okay, you know what? We got off on the wrong foot here—“
“That’s all you got Jake! two wrong feet and fucking ugly shoes to match.” Jake was speechless as you kept stalking towards him. He was bigger, stronger, had a hell of a lot more pull around here than you do if you considered the ranks you both had—but as you backed him up into the corner of your dads office? Jake Deadman Seresin nearly came in his slacks. 
“You can’t stand to look at yourself in the mirror because you’re infatuated with someone you’ll never have!” Jake had had a gutful of your attitude as he bit his tongue, watching through hooded eyes as you backed him into the nearest wall. “You caught feelings and that’s supposed to be my problem? No—!” You weren’t going to let Jake treat you like someone lesser than. “I hope I ruin every other woman for you.” 
“You have!” Jake admitted as he finally snapped back. Finally reached out to cup your face and pull you close into his chest. Hot and lusty lips on yours in seconds of his admission. “That’s my fucking problem here Iris! You’re off limits! Nothing good comes of this entanglement or whatever you wanna sugar coat it as.” Your hands worked to undo Jake's belt as he pulled away from your lips. “All you do is cause trouble for me.” 
“And yet all you do is crave me more?” Oh how Jake loved and hated you at the same time. Because even if you wouldn’t admit it? He knew you and him drank the poison from the same vine. Trying to hide all of your sins from the light of day would be far harder than he ever thought it would be, because as he leaned in to take your lips hostage, leading you back towards the desk, Jake let you undo his belt, unzip his fly, and palm him off through his boxer briefs. “Tell me to stop and I will.” You mumbled into Jake's mouth. All he did was moan in response as you pulled the elastic of his boxer briefs back and snapped it against his lower abdomen. “Hangman—“ 
“Under the desk.” Jake managed to get out as his chest tightened, leading you back and down to the floor. “Just do what your told for once in your life Iris, get under the fucking desk.” You did as you were told and got under your dads desk. Giggling wildly as you did so with adrenaline pumping through your veins and nectar soaking into the panties you wore under your flight suit. 
“Gonna shut me up?” You asked as Jake sat down and fished himself from his slacks. He was throbbing, it nearly hurt how hard he was. No other woman had ever affected him the way you could. The way you did. Jerking himself off for a few seconds as he rolled forward. “Fuck my mouth—“ 
“I was going to.” Jake growled as he cupped your chin, rolling closer so you could take him in your open and awaiting mouth. “I’m sick of the shit that’s coming out of it.” 
It was on from there on in. Jake sighed in relief as you worked him over, expertly sucking his length under your fathers desk. Jake couldn’t control the way he wanted to buck his hips up to meet your lips or how he wanted to push your head further and further down on him.
“Oh fucking Christ your mouth is perfection—“ Jake moved your head up and down his length as you hollowed your cheeks, looking up at him through hooded eyes as you sucked him off from under the desk. “Ohhh—ahuuggh, fuck that’s it Iris—“ Jake had you sipping on his soul like wine, trading glances like you were both loaded. “Tell me if you taste my motive baby, fuck.” 
You would have answered except Jake pushed you down, held you down until you gagged around his tip and gasped for air as you pushed off him. There was a trail of spit connecting your plump bottom lip to his tip. The sight alone made Jake want to cum them and there. He was a fucking goner. 
“I think you like me out of focus.” You pointed out. All it took was a little head and Jake was putty in your hands, his guard was down and suddenly that stoic broad shouldered ass that brought up your daddy issues, was gone. Replaced by a man sick in love with you.
“I think I like you in the moment.” Jake replied as you went back to work, know exactly how to move your mouth on Jake’s length to get him where you wanted him, just on the edge but not close enough to fall. “Fuck Iris, keep doing that baby, just like that.” It was Jake's hand on the back of your head, coaxing you up and down at a rhythm he couldn’t get enough of, that had you giving some of the best head you’d ever given. You were determined to ruin Jake for any other woman. “Feels so fucking good.” 
It was at that moment, that all important moment where you were just about to kick things up a notch and deep throat the ever living shit out of Jacob Seresin, that the door to your fathers office opened. You felt Jake stiffen and roll the chair further up the desk, pushing you back and further under. 
No, it couldn’t be. 
“Mav!” Jake acknowledged Pete’s presence. “What’s got you back so soon?” You froze, trying to get a read on the situation.
Holy shit, yes—yes it was. 
“Have you seen Iris anywhere? I gotta have a chat with her.” Mav asked as he walked into his office, sitting in the chair across from Jake as he went back to working on the computer. You knew there was no possible way that your dad could see you, so what better way to rile Jake up than to keep sucking him off. 
“N-no!” Jake tried to keep a level head as he felt you take him in your mouth again, spreading his legs under the desk as much as he could to give you more room. 
“You right?” Pete just asked, all Jake did was nod with his lips pressed together in a line. Because how do you say: yeah, I’m good man, your daughters just sucking the ever living Christ from my cock as we speak, without having your head caved in?
“Yeah, I just hit my knee.” You couldn’t help but to smirk around Jake cock as he twitched in your mouth. He tasted of self loathing and denial. “But no, I haven’t seen Iris since this morning's training session.” Mav just nodded, he was angry, Jake could see it written clear as day in the lines on his face. “What’s up?” 
“I just got back from an appointment—“ Pete scoffed. “Or a meeting really, with the Admirals because apparently six of the recruits complained to Admiral Simpson.” Pete sighed, he hated every minute of this. “They threatened that if Iris placed at the top of the class they’d call for an internal review.” Immediately as if you’d been shot in the chest you stopped what you were doing. 
“You’re kidding?” Jake frowned, his voice dropped into an octave of concern you didn’t recognise. “Why would they do that?” You pulled away and just sat on your knees, listening in on the conversation you were trapped under the desk listening to. 
“Wish I was, something about favouritism, nepotism.” Mav explained as he leaned forward, letting his elbows rest on his knees. “If anything she’s had to work twice as hard to prove herself, because she was never gonna get a free ride from me, the kid always knew and respected that.” 
“Well it’s not her fault she’s the best in the bunch.” Jake felt your hand come up to rest on his knee, he moved his hand over yours under the desk as he played it off on the surface that the only two people in the room were him and Mav. 
“No, but it’s our problem because we’ve been told to pull her point.” 
“That’s bullshit Mav, how’s that fair on her?” Jake argued. “Why do these guys get to cry about the fact they suck ass? Now they’re taking the easy way out and blaming their incompetence on the fact Y/n is this generation's Maverick.” You felt your heart skip a beat at the compliment. 
Fuck. 
“They’re jealous sir, I want names—“ Pete just shook his head in response. 
“Cyclone wouldn’t give me names, but hey, I’ve gotta go chat to Bradley about this too—he’s basically her brother so it won’t look good if he keeps grading her name off at the top of his list after every class.” With that? Mav stood. “I was gonna tell her, but now I’m not so sure if I will.” 
Your dad left soon after he questioned if he should tell you or not, he was defeated—but not as defeated as you when Jake rolled out and offered to help you out from under the desk. An offer you didn’t take as you crawled out and stood up with a soullum look.
“Iris—“
You just shook your head. Humming as you pressed your lips together. You hated this, being here in this stupid office with your guard down and your emotions all out of sorts. 
“You’re worried about what getting involved with me will do to your career?” You just asked as you wiped the corner of your mouth clean. Jake could see the tears in your eyes as you tried your best to not let him see how much you hated yourself right now. “Least you have a chance to end things between us Lieutenant Commander, cut the cord, quit while you’re ahead and I really wouldn’t blame you for wanting to.” You had to pause, hold your breath and count to three. “Because at least you can do that, I can’t run from myself can I?” 
“Iris—“ Jake tried again but you just turned around and made a beeline straight for the door, making your way out of the room before Jake Seresin saw a side to you that you never let anyone see. 
“At least you have a career to worry about Hangman, mine was over before it even began.” You turned, looking at Jake over your shoulder.
He didn’t recognise you, the look on your face was something he’d never seen in you before. “You were right, we shouldn’t do this anymore.”
***~***~***~***~***~***~***~***~***~***~***~***~**
719 notes · View notes
pollenallergie · 9 months
Text
Best friend!Eddie Headcanon(s) ft. Reefer Rick
aka Eddisms: The Reefmix
Tumblr media
Reefer Rick doesn’t just supply Eddie with drugs to deal, he also offers Eddie his illegal bootleg copies of movies that are only out in theaters to Eddie for a discounted price.
Rick calls it the “employee discount,” but, considering Eddie is his only dealer at the moment, it might as well just be the “Eddie discount.”
You and Eddie have weekly movie nights. Typically, you rent movies from Family Video for these movie nights like good, morally upstanding citizens. However, once a month, you two indulge in the contraband and have a bootleg movie night wherein you watch whatever new, pirated flicks Rick has to offer.
On these nights, you forgo your weekly trip to family video but still head to the closest convenience store to get snacks because junk food is a necessity for movie nights.
Then, Eddie heads to Reefer Rick’s place to “rent” the flicks from him, leaving you back at the trailer to get everything set up for your movie night, much to your chagrin. You kinda hate that Eddie never brings you along with him to run his “errands,” mostly because you hate being left out. It’s not like you actually want to be involved in his illicit activities, but it still sucks to be excluded. Nevertheless, you prepare the spread of junk food, order the pizza, and transform the Munsons’ living room into the ultimate, cozy movie night cove.
Meanwhile, Eddie’s at Rick’s, buying the films and some weed for personal consumption, a movie night must-have. Unfortunately, such an exchange also involves shooting the shit with Rick for about an hour because he’s the only man who can out-chatterbox Eddie. These conversations usually involve Rick, who thinks of himself as Eddie’s mentor, giving the youngest Munson life advice that he definitely didn’t ask for and ranting about whatever sociopolitical issues he’s been hyper-focusing on lately, such as the military-industrial complex, the bullshit War on Drugs, really, any mostly-valid-yet-still-a-bit crackpot anti-establishment rhetoric you can think of, Ricks probably spewing it at Eddie. Honestly, these conversations are more like scatterbrained lectures; the kind filled with lots of ‘um’s and long pauses, the kind where Rick forgets what he’s talking about after a while and jarringly switches topics, starting a new lecture entirely without giving poor Eddie so much as a subtle verbal cue.
After retrieving the films and robotically nodding along to these scatterbrained lectures, Eddie returns to the trailer and is immediately accosted by your incessant complaining about the fact that he never lets you go with him to pick up stuff from Rick’s. At this point, your grumbling is part of the routine.
Of course, Eddie’s always quick to remind you that it’s not about wanting you to “sit at home and play housewife” for him (your go-to accusation, you little feminist you), but that he simply doesn’t trust Rick around you because, in Eddie’s words, Rick’s “sketchy” and “a total perv.”
In all honesty, Rick’s harmless; a drug dealer/supplier who has no qualms with dealing to minors, but otherwise harmless. Rick’s nothing more than a stoner punk with access to semi-decent weed that is somehow both a genius and a being that completely lacks common sense, hence why Eddie’s unofficial PoliSci professor has been caught by Hawkin’s PD a few times.
The real reason Eddie doesn’t want you around Rick is that he’s intimidated by him. More specifically, Rick is a fucking hot, with his various tattoos and anti-establishment ideals. He’s about ten years your senior, though the way he somehow balances tranquil maturity with enough oddball immaturity makes him seem five or six years younger than he actually is. Not to mention, he’s just educated enough to have some semi-intellectual conversations (Rick went to college at Purdue and flunked out during his junior year because he spent too much time partying and doing drugs), but he’s also somehow dumb enough for it to be sort of endearing, likely as a result of all the hard drugs killing his brain cells or whatever. Truthfully, Rick’s oddly charming in ways that Eddie doesn’t think he ever could be (little does Eddie know, he’s his own brand of oddly charming, and his type of charm has already made you fall for him), and, well, that scares the shit out of Eddie because, in his eyes, Rick is exactly the type of guy that could steal you away from him before he ever even gets the chance to tell you, his best friend, how hopelessly in love with you he is. No, no way, not happening. Therefore, Eddie’s decided that you can never ever find out who Reefer Rick actually is and you can certainly never meet him. Eddie can’t prevent the two of you from crossing paths in the grocery store, but he can prevent you two from ever properly meeting and talking to each other.
Anyways… Once Eddie has amply reassured you that you didn’t miss out on anything and that he’s not leaving you behind because you’re not a dude, he pops in one of the flicks, coaxes you onto the couch, and snuggles up with you as the two of you prepare to watch a really shitty quality version of a movie that you two are honestly indifferent to (hence why you two aren’t going to see it in theaters) and that, for some reason, has large, bold, poorly-translated Turkish subtitles on it.
149 notes · View notes
andthesunrisesagain · 5 months
Text
Conseils accessibilité graphique
Je me dis que c'est le bon moment pour re-poster ce post de 2021 qui trainait dans mon ordi, suite au message de @petrichorpg !
Point à noter :
L'accessibilité, ce n'est pas tout ou rien. On peut améliorer beaucoup de choses et d'autres seront plus difficiles car nous n'avons pas les connaissances, les compétences, le temps ou l'énergie. Le plus important, c'est de s'y mettre.
Même si je suis un fervent admirateur du design dit universel (bon pour tout le monde), l'accessibilité a aussi ses besoins de personnalisation. Certains handicaps, maladies, neuroatypies requièrent des aménagements précis et qui n'iront pas à tout le monde. -> Exemple : des personnes liront mieux en grand, d'autres en petit (vision tubulaire) ; un dark mode hyper contrasté conviendra bien à quelqu'un mais sera trop "bright" pour d'autres (c'est mon cas, j'adore le dark mode mais souvent, les textes sont trop lumineux pour moi).
Mais globalement, les conseils ci-dessous répondent à beaucoup de besoins et permettent d'améliorer l'accessibilité globalement. Ils sont majoritairement issus des recommandations internationales (et sinon, à travers mon expérience de graphiste).
J'ai encore pleins d'idées sous le coude mais bon, là j'ai déjà corrigé certains éléments de cette liste partagée en 2021. On verra pour le reste un jour aha
Je suis ouvert à toute question, clarification et correction en commentaire !
“Mais souvenez-vous que vous ne faites pas ce design pour des designers. Vous concevez un site pour des utilisateurices varié·es aux besoins divers, et avec différents outils pour y accéder.”
(terminologie : user -> utilisateur·trice / dys’ -> raccourci pour évoquer une partie ou l'ensemble des troubles d'apprentissage dont le préfixe est « dys »)
Typographies :
Textes tout en uppercase/capitales :  À éviter sur tout un paragraphe, à garder pour de court mot ou court texte (1 ligne) -> Pourquoi ? Globalement, les textes tout en capitales manquent de lisibilité à cause de l’absence des repères de lectures comme les lettres qui montent (l,d,k) et qui descendent (p,j).En majuscules, toutes les lettres sont à la même hauteur.
Textes tout en lowercase/minuscules : À éviter aussi, les majuscules servent de repère de lecture pour savoir quand une phrase débute ;).
Texte centré : Éviter les textes centrés quand ils sont trop longs (longues lignes ou beaucoup de lignes). -> Pourquoi ? Les lignes d'un texte centré ne débutent pas aux mêmes endroits et la lecture en est impactée. À garder pour de très courts textes type 2 lignes (citation, titre et sous-titre court...)
Texte justifié : Éviter globalement (oui je sais, 98% des forums ont leurs textes justifiés aha....) -> Pourquoi ? Sur le web, on peut difficilement gérer les espaces entre les mots. Un texte justifié va donc créer des espaces + ou - grands entre chaque mot pour combler l'espace et rentrer dans une largeur fixe, ce qui peut complexifier la lecture (l'oeil va plus difficilement sauter d'un mot à l'autre en gros).
Texte aligné sur la gauche : À privilégier au max, surtout les longs textes ! Je sais que le justifié rend plus "esthétique" car tout est aligné. Si on veut les garder, plutôt pour les textes de catégories et privilégier le texte aligné à gauche (dans le jargon on parle de ferré à gauche) pour la majorité des textes type annexes, rp...
Line-height (espace entre les lignes) : Pour les paragraphe, il est recommandé d'avoir un line-height de x1.5 de la taille du texte.  -> Exemple : paragraphe en 16px → 16x1.5 = votre line-height. Pour les grands titres, j'ai tendance à descendre à x1.3 généralement car normalement les titres sont courts et grands.
Letter-spacing (espace entre les lettres) : Éviter de changer les espacements de lettres, surtout sur ce qui est titre et paragraphes. Normalement une typographie a des espaces précis pour faciliter sa lisibilité. En ajouter peut créer des difficultés de lecture.
Niveaux de titres (ce qu'on nomme H1, H2, H3) : Choisir plusieurs niveaux de titres et s'y tenir. Il faut que chaque élément ayant le même niveau d’informations soit dans le même style graphique à chaque fois pour aider à comprendre la structure :) -> Exemple : tous les titres d’annexes = tel css / tous les boutons = tel css / tous les sous-titres = tel css.   -> Partage d'infos en plus : les Hr ont aussi un rôle de structure pour les lecteurs d'écran (logiciel qui restitue vocalement ou en braille l'information écrite. Ils sont utilisés par certaines personnes aveugles, malvoyantes, qui ont des troubles cognitifs...).Je n'en parlerai pas dans cette liste car je n'ai pas de connaissance sur la facilité d'usage de Forumactif avec un lecteur d'écran.
Taille de texte : Sur le web, il est recommandé d'écrire en 16px minimum pour les paragraphes.
Accent et texte : Garder les accents sur les majuscules (À, É) facilite aussi la compréhension des textes.
Largeur de textes : Normalement sur FA, on n'a pas ce soucis, mais on conseille globalement d'avoir entre 50 et 70 caractères, espaces compris, par ligne pour une bonne lisibilité. Le but n'est pas de calculer chaque ligne mais de se rendre compte de ce que ça signifie visuellement ( j'utilise le site compteursdelettres).
Mise en valeur :
Changement de typographie : Éviter les changements de typographies dans des paragraphes pour mettre en valeur des éléments ! Plutôt utiliser le gras, une couleur différente ou un surlignement en couleur discrète (mais visible, faut juste pas que ça soit TROP visible).
Nombre de mises en valeur : normalement, une mise en valeur ne devrait pas être trop présente car sinon...ça voudrait dire que tout le texte est important aha. Restons utile et efficace : un peu de gras, un surlignement si besoin d'avoir 2 CSS de mises en valeur mais ne faisons pas un sapin de noël.
Italique : Utiliser l'italique avec parcimonie (manque de lisibilité sur certaines typographies). En général, l’italique sert pour des citations courtes, des mots en langue étrangère à celle du texte, des noms propres ou d’ouvrages, pas juste pour “faire joli”.
Soulignement : Éviter d’utiliser le soulignement pour des éléments non-cliquable. C'est un code connu et reconnu dans le web pour visibiliser les liens alors autant l'utiliser comme le cerveau s’y attend :)
Liens et infos :
Élément cliquable (bouton, lien, flèche...) : pas trop petit et éviter des éléments cliquables trop proches les uns des autres.   -> Pourquoi ? Une personne qui a des troubles de la vision ou de la motricité pourrait galérer à cliquer au bon endroit si c'est trop petit / trop proche d'un autre élément cliquable !
Lien et css : je conseille toujours de garder le soulignement pour les liens, c'est un code connu du web alors autant de ne pas réinventer la roue. On peut ne pas avoir de soulignement pour ce qui est "logique" (genre les menus, on sait globalement que c'est cliquable) mais un lien dans un texte, on garde le soulignement ! -> Note : Un lien en couleur seule n'est souvent pas suffisant, surtout si on utilise déjà la couleur et/ou le gras pour mettre en valeur (il y a des cas à la marge mais j'essaye de rester efficace).
Cacher du contenu : Éviter de trop dissimuler du texte dans des collapses/accordéons. Plus les textes seront cachés, plus ça créer un sentiment de “mauvaise” surprise chez les users qui se retrouvent à lire 4x plus de texte que ce qu'iels pensaient.
Renseigner ce qu'on va trouver : Sur de longues annexes, ne pas hésiter à préciser le contenu avec une introduction courte qui résume ou avec un mini sommaire. Pourquoi pas y ajouter des ancres (html) pour faciliter la navigation dans l’annexe.Liens entre les informations : Ne pas hésiter en fin d’annexe/contexte à mettre des liens vers d’autres sujets qui serviront à mieux comprendre ce que les membres ont lu juste avant. Pas tous les liens, juste ceux autour des informations évoquées au dessus. En gros, aider les users à mieux comprendre en leur indiquant où se rendre ensuite !
Plan de forum : Sur un site, on conseille d'avoir une page "Plan du site", qui récapitule toutes les pages. Je me dis qu'un post "plan du forum", spécifiquement pour la partie annexe, peut-être très cool.
Couleurs :
Contraste général : Ni trop fort, ni trop faible. Dans les recommandations officielles d'accessibilité, on parle de ratio de contraste. Il existe des outils pour tester les couleurs de texte sur les couleurs de fonds pour voir si on est dans les clous. -> Comment s'y prendre ? Je vous recommande l'outil Color Contrast Analyser qui est un logiciel sur Mac et Windows : vous entrez la couleur de texte (1er plan) et la couleur de fond (2e plan) pour obtenir un ratio de contraste. L'objectif est de viser la conformité sur "texte normal" et "texte grand" du niveau "AA" (je conseille toujours le niveau AA car sinon on rentre dans des choses plus précises type si texte plus de 24px, on peut être moins contrasté etc...)
D'autres site de contraste (si besoin, je serais ravi de faire une vidéo pour montrer comment les utiliser) :  Colorsafe.co ou Contrast-finder
Couleurs pures ou vives : Éviter les couleurs dites pures (noir #000 sur blanc #FFF, etc) ou très vives. Privilégier des nuances comme un noir coloré, grisé ou un blanc cassé, une couleur descendue et pas flashy, surtout pour ce qui est texte ! Même si le contraste sera bon, certaines couleurs trop vives peuvent entrainer des migraines ou autre sensibilité à la lumière.
Gifs : Éviter les gifs avec flash de couleurs ( type spot de soirées) ou flash trop rapides / répétition. Ça peut entrainer une crise d’épilepsie photosensible chez les personnes épileptiques (et aussi des migraines). Ou alors prévenir en amont. Donc à éviter sur des headers, à un moment c'était assez tendance. -
Éléments animés : Toujours laisser la possibilité d'arrêter une animation (ex : un fond de forum qui bouge pour donner un côté grain de vieux film -> on a un bouton qui permet de stopper cette animation.) Ça peut être plus complexe à faire mais une animation qui tourne en boucle, niveau concentration, c'est chaud :/
Information et couleurs : Ne pas signaler une information uniquement par la couleur -> Exemple : "info importante en rouge" ou pour diviser une liste d'info "en rouge les malus, en vert les bonus".  -> Pourquoi ? Les personnes daltoniennes verront le rouge jaune/marron ou rose (il existe plusieurs types de daltonisme). -> Comment ? En plus d'une couleur, on peut accompagner d'un pictogramme, d'un symbole (triangle rouge = telle info ; carré vert = telle info), ou d'un mot, tout simplement. Ne pas oublier la légende ;) En plus, c'est top pour apporter un peu plus d'identité graphique !
Récurrence d'usage des couleurs : Utiliser chaque couleurs pour les mêmes éléments au fil des pages. -> Exemple : Une palette avec du bleu doux , du gris perle et du bleu marine : le bleu doux pour tous les boutons et liens, le bleu marine pour tous les titres, le gris perle pour les separateurs....
Autres :
Poids des visuels : L'accessibilité concerne aussi l'accès à l'information quel que soit notre matériel ou notre type de connexion. Tout le monde n'a pas la fibre et des headers de 3 mo (oui j'a déjà vu :/) peuvent être très pénibles à charger. -> Conseils : N'oublions pas de diminuer le poids de nos images en passant par des logiciels de compression (compress jpg ; compress png ; compress gif). Il est toujours possible de trouver le juste milieu entre qualité et poids !
Laisser la parole : que ce soit dans un post dédié, un questionnaire en ligne et anonyme, par MP au staff ou dans la fiche de présentation (le forum Maybe this time le propose par exemple), on peut intégrer la possibilité de faire des retours d'accessibilité ou préciser des besoins précis. On ne peut pas penser à tout et peut-être qu'un besoin remonté par un·e membre aidera d'autres qui n'ont pas osé en parlé !
Pour aller plus loin :
En anglais : conseils sur les couleurs pour les personnes avec des handicaps visuels
Designing-for-color-blind-users
Colour-accessibility
En français : accessibilité, design, webdesign
Le site design accessible
74 notes · View notes
ernestinee · 1 month
Text
"On est toujours des singes essayant d'exprimer nos pensées avec des grognements, alors que l'essentiel de ce que l'on aimerait communiquer reste coincé dans notre cerveau."
J'ai terminé "Là où les arbres rencontrent les étoiles", de Glendy Vanderah.
On dirait un livre feel good en lisant le résumé: C'est l'histoire d'une doctorante en ornithologie, Jo, qui rencontre un jour une jeune demoiselle, Ursa, lui annonçant qu'elle est une extraterrestre, qu'elle a emprunté le corps d'une enfant qui venait de décéder et qu'elle cherche 5 miracles, après quoi elle retournera sur sa planète. Jo, plutôt habituée à être une ermite dans la forêt, dans ses recherches et dans sa méfiance va voir son quotidien s'enchanter petit à petit. Les personnages : Jo, Ursa et Gabe (le voisin) sont aussi attachants qu'ils sont cabossés.
Joli pitch, lecture chill du dimanche aprèm ? Sur Babelio, les critiques les moins sympas parlent d'un style trop simple, d'une fin attendue et un peu trop naïve mais c'est précisément ce qu'on attend d'un livre feel good, non ?
Ce sera un peu plus profond que ça, puisque l'histoire abordera sans filtre des sujets plus graves comme notamment le cancer, la dépression, le pardon, l'amour et la résilience.
J'ai passé un moment agréable, la plus grande partie de l'histoire se déroule dans la forêt, j'ai trouvé les descriptions immersives et je ressentais comme un apaisement quand les personnages revenaient de la ville, prenaient des routes de plus en plus isolées pour ensuite se retrouver parmi les arbres. Je me suis moi aussi attachée à Ursa, sans savoir avant la fin de l'histoire si elle venait effectivement d'une autre planète ou si elle s'était inventé une histoire pour remplacer son passé douloureux.
Bon, il y a une histoire d'amour entre Jo et le voisin, ça n'apporte pas grand chose à l'histoire mais ça complexifie les personnages.
⭐⭐⭐⭐⭐ (encore 5 étoiles, ça va devenir une habitude de lire des pépites !)
19 notes · View notes
th3lost4uthor · 2 months
Text
Les nouvelles expériences d’une vie sans fin (9.1/15)
Tumblr media
« Aoutch… !
- Q-qilby ? Est-ce que tout va bien ? »
Le nom sonnait presque étrange dans la bouche du jeune Éliatrope. Comme s’il n’avait toujours pas le droit de le prononcer, ce, du moins, sans subir les remontrances de Phaéris ou les colères d’Adamaï. Ce-dernier, toutefois, avait également relevé la tête de son livre à l’exclamation du plus âgé, intrigué par la commotion.
« Oui, oui… » Répondit l’intéressé, qui massait à présent mécaniquement son flanc gauche. « Un faux mouvement, c’est tout.
- Oh ! On pourrait… peut-être faire une pause dans ce cas ?
- Bonne idée ! » S’exclama le dragonnet, délaissant ses lectures runiques. « Le dernier aux cuisines est un Tofu mouillé ! »
Sans attendre de réponse, Adamaï décolla alors à la vitesse de l’éclair en direction des basses-branches, dans l’espoir d’atteindre avant son frère les brioches fourrées au miel qu’il appréciait tant. Il fallait bien lui reconnaître que trois longues heures passées à réviser les écrits de vos ancêtres avaient de quoi vous ouvrir l’appétit. Préférant prendre son temps pour s’extirper du lourd fauteuil de cuir où il s’était laissé absorber, le scientifique pris soin d’étirer une à une chacune de ses vertèbres avant de songer à se relever. Le temps et des chaises d’études bien trop rudes avaient marqué son corps plus qu’il ne l’aurait voulu dans cette existence-ci, mais il n’écartait pas non plus l’hypothèse que ses… « séjours » dans la Dimension Blanche avaient également leur part d’importance. Un dernier craquement sec se fit entendre et il sentit sa nuque libérée d’un poids invisible : il ne devait pas avoir dépassé les 400 ou 450 cycles, et pourtant, il avait l’impression d’en avoir entretenu le double !
Tss… Foutu collier.
« Hey... » Ses yeux tombèrent alors sur ceux de son cadet. Il semblait soucieux. « Tu es sûr que ça va ? »
La question était simple. La réponse qui devait lui succéder, elle, l’était beaucoup moins. Il aurait été aisé de rassurer, de maintenir ce statu quo qu’il avait mis tant de temps et d’énergie à construire au fil de ces derniers jours où la disparition de Phaéris lui avait permis de se rapprocher davantage des deux jeunes âmes. Cependant, il aurait également été hypocrite de sa part d’affirmer qu’il ne se sentait pas lui-même concerné par la situation. Et comme si son corps craignait qu’il ne l’oublie (-ha !), voilà qu’il avait désormais l’impression que chaque douleur, aussi insignifiante soit-elle, se voyait amplifiée… démesurée… Une mise en garde contre celle, bien plus sévère qui menaçait chacun de ses nerfs à chaque perturbation du Wakfu environnant. L’équivalent des bourrasques venant ronger sa patience, vague après vague, décharge après décharge… avant que le cœur de la tempête ne s’abatte.
Yugo n’avait pas bougé de son coussin de laine verte, qu’il semblait favoriser à n’importe laquelle des places qu’offrait la minuscule cellule. Il aimait clamer que celle-ci était particulièrement bien située, à bonne distance qu’elle était de la table où trônait continuellement plateaux de pâtisseries et bols de fruits secs, de la lucarne d’où provenait un léger courant d’air, même en étant fermée (Qilby songeait sérieusement à interroger ses hôtes quant à l’isolation de cette souche percée qu’ils osaient appeler « Palais ») ainsi qu’unique source de lumière naturelle. Que cette place se trouve exactement au pied du large fauteuil que son aîné avait fini par faire sien n’était, toujours selon ses dires qu’une « heureuse coïncidence », qui lui permettait d’ailleurs de « mieux suivre ses leçons ». Le vieil Éliatrope n’en était pas dupe pour autant…
Il s’inquiète.
.
Il a toujours été plus « collant » dans
ces moments-là, mais s’il en vient à rechercher ma présence
plutôt que celle des autres, alors soit je suis
parvenu à regagner sa confiance plus vite que prévu, soit il
est vraiment désespéré.
Hum…
.
Deuxième option. Définitivement.
« Je te remercie de ta bienveillance, Yugo, mais je t’assure… » Les mouvements apaisants cessèrent, comme pour appuyer son propos. « … ce n’est rien de grave.
- C’est peut-être l’humidité ? » S’enquit alors le benjamin. « Je sais que ses articulations font parfois souffrir Papa lorsqu’il pleut… ou ses vieilles blessures de quand il était aventurier. »
La phrase fut laissée en suspens. Une invitation à, qui sait, prolonger l’échange vers un ailleurs commun ; oublié de l’un et porté par l’autre.
« Ah, ce cher Alibert était donc un aventurier ? » Le second ne semblait pas disposé à entretenir les espoirs du premier. « Il faut croire qu’il a su te transmettre sa vocation alors, hum ?
- Oui, je suppose qu’on peut dire ça, hé-hé ! »
C’était mal connaître la détermination tout comme la curiosité sans bornes de la petite coiffe turquoise. Particulièrement après ces après-midis dédiés à l’étude des peuples éliatropes et draconiques sensés tromper l’ennui… et l’attente de nouvelles.
« Mais dis… Avant que je ne sois déposé par Grougaloragran, o-ou même bien avant notre réincarnation avec Adamaï… Qui… ? »
Ses sourcils s’étaient froncés derrière les épaisses mèches blondes, les yeux, perdus dans les reliefs que dessinaient les franges du tapis rugueux. Qilby ne put empêcher un soupir de s’échapper : il savait quelle question torturait l’esprit de son cadet à l’instant même. Après réflexion, il se dit qu’il aurait finalement préféré devoir s’occuper de la discussion sur « le miel et les abeilles ». Au moins celle-ci avait-elle le mérite d’être courte…
« Hum, eh bien… Je suppose que tu as déjà entendu parler de « La Grande Déesse » ainsi que du « Grand Dragon » ? Ne serait-ce que de nom ? »
Yugo hocha à l’affirmative. Il préféra garder pour lui le fait que, plus récemment, les rares fois où il avait pu en avoir un écho, étaient par les jurons du savant lui-même.
« Dans la tradition de nos peuples, ces deux figures sont vénérées comme des Dieux. Les premières générations, ignorantes du Krosmoz et de sa diversité, commencèrent à les vénérer en tant que figures protectrices et, par extension, comme nos parents…
- E-et toi… ? » S’aventura le plus jeune. « Je veux dire… Au début ?
- Au début ? Qu’est-ce qui te fait croire que je les considère autrement ? »
La petite coiffe turquoise le dévisagea, visiblement peu convaincue par cette remarque. Il y avait tant de raisons : le ton, les termes employés, le passif qu’il lui connaissait… L’autre se rendit bien vite compte que son acte ne prenait pas :
« Humpf… Je n’arriverai pas à te faire croire le contraire, hein ? » Sourire malicieux et las. « Non, je… J’y ai cru au début, comme tout le monde, mais… Mais au bout d’un moment, je pense que je… je n’en ai plus été capable.
- Pourquoi ? » Il s’empressa de reformuler. « Enfin, qu’est-ce qui… Il y a quelque chose de précis ? »
Il ne répondit pas. Son regard s’était perdu…
Tumblr media
Une nouvelle addition à la fratrie, c’est incroyable non, Shinonomé ?
Pourquoi…
Nous allons devoir agrandir le dortoir. Oh et puis- !
Pourquoi… ?
Mais- ?! Pourquoi est-ce que la coquille se fissure-t-elle ainsi ?!
Shin’, aide-moi à- !
Pourquoi ?
I-ils… Ils ne seront pas capables de se réincarner. Qu’est-ce que…
Est-ce que c’est moi qui… ?
Pour-
Ils ne reviendront pas, Qilby… C’est terminé.
-QUOI ?!?
Tumblr media
« Je ne sais pas. C’est… une accumulation.
- Tu… Tu leur en veux ? » La voix était timide, les yeux à peine visibles derrière les rebords turquoise. « Pour ton… enfin, tu sais. Tu leur en veux de… t’avoir fait différent de nous ? »
Il dut se retenir. De quoi ? Là non plus, il ne savait pas. Ces derniers temps, son champ d’expertise semblait s’être considérablement réduit. À moins que cela ne soit l’univers qui se soit agrandit ? Difficile à dire.
Il n’a jamais… Pas comme ça en tous cas.
« Non. » Finit-il par déclarer en voyant que l’autre attendait sa réponse, toujours dans ce calme imperturbable. Respectueux même. « Peut-être ? Je… Pour moi, nous ne sommes que le fruit d’un, disons, « heureux hasard ». La rencontre entre deux forces cosmiques… Si nous avons pu leur donner des traits, des noms, personnalités et que sais-je, c’était par manque de repères.
- Hum, oui. » Approuva soudainement Yugo. « Je vois !
- Ah ! Vrai- ?
- Oui ! » S’exclama-t-il, presque enjoué devant la réplique sarcastique. « C’est un peu comme Xav’ le boulanger qui remerciait la terre et la pluie pour lui offrir un pain aussi délicieux ! O-ou encore les singes de l’île de Moon qui adoraient un mulou comme grand Dieu ! Tout ça c’est pour… donner un sens à leur existence ? Pour appartenir à quelque chose de plus grand ? »
Il avait pris le ton de l’élève qui tendait à son professeur sa réflexion dans l’attente anxieuse que celui-ci ne la juge. Qilby en était proprement… ébahi. Il n’avait pas la moindre idée de qui pouvait bien être ce fameux « Xav’ », ni quelle place il avait pu tenir dans les péripéties de son cadet, voire ce que des primates pouvaient vouer à un canidé, cependant, jamais son frère n’avait-il, en ces millénaires d’existence, fait preuve d’autant d’écoute, ni même de… sagesse ?
« Oui, c’est une… une très bonne analyse. » Deux doigts vinrent écraser sa tempe gauche. Le script- « Je pense que l’on peut en effet comparer tes… « expériences » à ce qui a pu survenir à nos débuts. D’ailleurs, il s’agit là d’une réaction assez courante à la naissance de toute civilisation, du moins, pour des espèces dotées de la conscience de la mort.
- Ha-hum, c’est… logique je suppose ? Après tout, comprendre d’où l’on vient, c’est ce qui nous permet de mieux savoir qui l’on est. C’est pour ça que j’ai commencé à voyager ! »
Qilby n’avait pas les mots. Son frère avait déjà pu tenir de tels discours, mais ces-derniers n’apparaissaient généralement qu’au crépuscule de ses existences, lorsque l’Éliatrope fasciné par les voyages et dont la soif d’aventure n’avait d’égal que son penchant pour le danger, avait fini par s’assagir. Le temps, comme à son habitude, faisant son œuvre… Pourtant, là il se tenait, le visage encore rond d’un enfant, les mains à peine usées par le Wakfu, mais les yeux déjà teintés par la noirceur que pouvait contenir cet univers.
Et j’en suis également responsable…
La pensée lui était intolérable. Certes, éduquer les nouvelles générations avait toujours été l’une de ses missions, bien que les leçons de Glip étaient plus célèbres que les siennes, et sa pédagogie s’éloignait d’ailleurs bien assez de celle « humaniste » de ce dernier… Cependant, il n’avait jamais pensé qu’il deviendrait lui-même un jour ce « mauvais exemple », cette antithèse… Cette exception à la règle. N’y avait-il donc pas une once de discernement dans la question du plus jeune ? N’était-ce pas à cause de sa propre « condition » qu’il avait été forcé de s’éloigner du chemin suivi par l’ensemble de ses frères et sœurs ? Avait-il été condamné, et ce dès le départ, par leurs parents ? Si chacun d’entre eux avait été conçu avec un rôle bien précis afin de servir au mieux leur peuple et famille, alors que dire du sien… ? Être le porteur des temps anciens ? L’historien à la mémoire insondable ? Les livres et autres encyclopédies ne pouvaient-ils pas déjà remplir ce poste… ? Scientifique alors ? Après tout, sans ses inventions et ses connaissances médicales, les siens auraient enduré de bien lourdes épreuves ; pour certaines, avec une fin plus funeste que celle rencontrée. Mais… Chibi aurait bien fini par se laisser tenter par les équations et les éprouvettes après avoir épuisé le vaste champ de la technologie, si ce n'est Glip souhaitant peaufiner son enseignement ! De même pour la médecine, pour laquelle Nora et Efrim parvenaient toujours à maîtriser les rudiments avant leur centième cycle… Mais alors… Si jamais tous ses accomplissements auraient pu être ceux d’autres que lui…
À quoi… ?
Quelle est mon utilité ?
Un mot s’imposa à son esprit. Il le détestait.
Traître.
Était-ce… ? Était-ce donc vraiment cela ? Ce que leurs… « parents »… lui avaient réservé comme seul avenir ? Tout comme Yugo était le chevalier blanc, le preux aventurier ne cessant de repousser les limites du monde connu pour en offrir les richesses à son peuple loyal et admirateur, le sauveur… Le « roi légitime » … Lui serait…
« Et après ? Tu… Tu as réussi à t’en défaire ?
- H-hein ? » L’interpellation le sortit de ses pensées macabres. Il lui en serait presque reconnaissant. « Comment ça ?
- Cela ne doit pas être un sentiment facile – Enfin, je ne veux pas dire que je… comprends ce que tu ressens, mais juste que… Je compatis ? » Il attendit le hochement de tête de son aîné pour poursuivre. « Donc… Quand toi aussi tu as eu des enfants, comment… ? Comment tu t’y es pris ?
- Oh. » Évidemment. « Eh bien c’est assez facile, je-…
- Hey-mpf !!! »
Alors que les deux Éliatropes s’étaient perdus dans un échange qu’ils n’avaient plus eu depuis des millénaires, Adamaï fit irruption dans la chambre, pris dans un dangereux équilibre avec un plateau chargé de victuailles et une tartine entre ses crocs.
« Quand je disais « le dernier aux cuisines », c’est parce que je m’attendais à ce qu’au moins l’un d’entre vous me suive ! » Grommela le dragon en rattrapant un écart de justesse.
« Attends, Ad’, laisse-moi… ! » Aussitôt rentré, son frère vint lui prêter assistance en le délivrant d’une partie de sa charge. « D-désolé, on était en train de discuter et…
- Oui, ça je l’imagine bien ! Et de quoi parliez-vous de si intéressant pour ne pas m’accompagner trouver de quoi manger, s’il-te-plaît ?
- Ah, e-eh bien… » Avec un regard pour le scientifique, qui lui renvoya un haussement d’épaule permissif : « Je demandais à Qilby comment il s’y prenait avec ses enf-
- Quoiiii ?! » Le dragonnet pris une expression alliant surprise et colère de manière presque élégante. « Tu veux dire que t’allais oser aborder des questions gênantes sans que ton frère préféré soit présent pour profiter du spectacle ?! »
La coiffe crème laissa échapper un discret pouffement de rire devant les facéties des jumeaux ; Adamaï en éternel contestataire, tandis que Yugo lui, cherchait inlassablement le compromis.
Chacun son rô- ~
Assez.
« Doonc… ?
- Donc ? » Répéta le savant, un air sarcastique dans la voix.
« Moi aussi je veux savoir ! » Adamaï repris sa place sur l’un des tabourets surmontés d’une épaisse couverture, les griffes décortiquant méticuleusement un feuilleté aux raisins. « Comment on élève un dragon ? À quel âge il peut commencer à voler ? Et comment un Dofus éclot avec deux créatures à l’intérieur : l’un des deux vient en premier, ou alors tous les deux en même temps ? Oh-oh ! Attends, ça veut dire que tu as dû changer des couches, non ? Ha-ha-ha ! Je vois bien le grand Qil-… !
- Je n’ai pas de descendance. »
Le silence tomba aussi rapidement que la pâtisserie contre le tapis.
« Tu… ? » Yugo tenta de rationnaliser. « Tu n’as jamais eu d’enfants ?
- En effet. » Soupira l’aîné. « Chibi, Mina, Glip, Nora et toi-même êtes les seuls de la première, disons, « portée » à avoir contribuer à l’accroissement de notre famille.
- Pour- ?
- Première portée ?! » Adamaï interjecta. « Comment ça ? Tu veux dire que tous les Éliatropes et tous les Dragons ne viennent pas de nos premières existences ? Grougal’ disait pourtant que-…
« Avec tout le respect que j’ai pour Grougaloragran… » Mitiger les tempéraments. « Il ne devait pas avoir grand souvenir de cette époque. Moi, oui. » Le ton se fit presque sévère. « Le fait est que… Après avoir créé les Douze Primordiaux – dont nous faisons partis – la Grande Déesse et le Grand Dragon ont donné naissance à d’autres Dofus. Il faut dire que lors de votre première incarnation, le lien familial était encore extrêmement fort entre vous : il était peu probable qu’en l’absence d’individus extérieurs, vous vous soyez aventurés à… eh bien disons, « essayer la chose » avec les autres. » Il fut récompensé de son explication par des moues dégoutées. « Il est également probable qu’ils aient voulu éviter un trop fort risque de consanguinité dès les premières unions, bien que j’avouerai ne pas m’être trop penché en détails sur ce point lors de mes études… Je n’en ai… jamais eu le besoin après tout. »
Je vous ai toujours considéré comme ma famille.
« D’accord, ça… ça se tient, je suppose. » En déduit le dragonnet, toujours sur la défensive. « Mais ça n’explique pas pourquoi tu n’as pas cherché à avoir d’enfants toi aussi. Toi qui aimes toujours autant « expérimenter », tu n’as jamais voulu savoir ce que cela faisait ? Rien que pour voir ? »
Tumblr media
… Vraiment ? Cela ne t’ait jamais venu à l’esprit ?
Si. Bien sûr… Me prendrais-tu pour un insensible, Adamaï ?
Non, non, bien sûr que non !
Ha, ha ! Calme-toi, tu veux ? Ce n’était qu’une plaisanterie.
Tout de même. Quand je te vois interagir avec Izios, Bahl ou même le petit Ogur… Je me dis que tu ne ferais pas un si mauvais travail.
Hum, je vais prendre ça comme un compliment.
Après tout, toi et Shinonomé vous êtes bien occupé de Mina et Phaéris pour leur dernière réincarnation. On aurait presque dit que vous aviez fait ça toute votre vie !
C’est simplement que…
Laisse-moi deviner, tu te fais du souci pour le pauvre rat de laboratoire que je suis, c’est ça ?
Tss, et je ne suis pas le seul figure-toi !
Oui, je sais, je sais… Chibi m’a encore tenu un discours paternaliste pas plus tard qu’il y a deux jours…
Et qu’en as-tu retenu ?
Que si vous voulez procréer, grand bien vous fasse, mais que personnellement, je préfère m’en passer ! De toutes manières, je trouve la position « d’oncle » bien plus confortable si tu veux mon avis : j’ai tous les avantages de la relation sans avoir à en porter les responsabilités – Ha, ha, ha !
Hum… Ce n’est pas moi qui te contredirais sur ce point. Je jure qu’Erzan est une enfant brillante, mais quand je vois comment Yugo la laisse monter Malakath… Il va la laisser se tuer un de ces jours !
Je comprends tes inquiétudes, frère de mon frère, mais rassure-toi : Yugo a beau être intrépide, il tient la sécurité de ceux qu’il aime en point d’honneur. Erzan ne risque rien. Du moins pas plus que quelques bleus et égratignures…
Tss ! On en rediscutera quand ils reviendront de leur future session de vol.
Avec plaisir ~
.
.
Mais plus sérieusement…
… Hum… ?
Shinonomé est d’accord ?
Et maintenant, voilà que tu m’accuses de ne pas prendre en considération les sentiments de ma très chère sœur…
Non, mais c’est simplement qu’elle-
Attention, Adamaï. Je n’aime pas où cette discussion nous mène actuellement. J’apprécierai que tu mesures tes paroles s’il-te-plaît.
Tss ! Pas besoin de prendre la mouche non plus.
.
Et cela ne te pèse pas trop ?
Quoi donc ?
La sol-
Tumblr media
« Tu ne t’es jamais senti seul ? »
Yugo le regardait comme ces casse-têtes dont on cherche à percer le secret des rouages. Que devait-il répondre ?
Sois honnête pour une fois ?
Ça changera.
« Le prix à payer aurait été trop élevé. » L’attention des deux frères était rivée sur lui. « Vous… Vous devez comprendre de quoi je veux parler, non ?
- Hein ? Tu- ?
- Oui. » Coupa la coiffe turquoise. « Je crois que c’est clair. »
Et si le dragonnet ivoire lançait des regards interrogateurs à son jumeau, n’ayant pas encore saisi l’implication des propos du scientifique, le jeune Éliatrope, quant à lui, se souvenait parfaitement de leur précédent échange :
Imagine te lever un jour pour découvrir un monde identique à celui de la veille…
Les mêmes personnes
Les mêmes discussions
Les mêmes parfums
Les mêmes couleurs
Rien n’a changé.
Et pourtant, rien n’est pareil…
Car la seule chose qui n’est plus la même…
.
C’est toi.
« Merci… »
Être séparé de sa moitié pendant plusieurs siècles jusqu’à la prochaine réincarnation était une épreuve douloureuse. Se voir arracher ceux que vous chérissiez pour l’éternité, sans avoir ne serait-ce que l’espoir de les retrouver dans un ailleurs meilleur… C’était de la torture.
Il était terrible pour Yugo que d’en venir à questionner des parents qu’il n’avait jamais eu la chance de connaître, et il savait à présent qu’il ne pouvait se contenter que d’une seule des faces de l’Histoire pour se permettre d’émettre un quelconque jugement envers eux… Toutefois, plus il y pensait et plus il éprouvait de l’empathie pour l’homme qui se tenait en face de lui. Pas de cette compassion mielleuse et bourrée de naïveté, non. Juste… Il comprenait. Et ça faisait mal. Comprendre faisait mal. Ce qui l’amena à une nouvelle réflexion : si comprendre autrui pouvait faire autant souffrir, alors… alors il n’était pas si étonnant que certaines personnes ne cherchent pas à essayer, trop prises qu’elles étaient dans leur propre douleur. Attendant elles-aussi qu’un autre leur tende main, oreille, épaule ou cœur. Le problème étant que, dans le cas où la souffrance de chacun viendrait à les submerger, plus aucune âme ne souhaiterait faire le premier pas vers celles autour d’elle.
« Bon, les garçons, ce n’est pas que votre présence m’importune… » Qilby annonça, souhaitant visiblement mettre un terme à la séance d’étude de manière prématurée. « … mais il me faut encore revoir quelques équations, et- »
Alors pour éviter cela, même si cela était difficile, il fallait oser le faire… Ce premier pas.
« Et des élèves ? »
Qilby haussa un sourcil, visiblement surpris par ce changement de sujet.
« Des élèves ?
- O-oui ! Est-ce que tu as eu… d’autres apprentis, un peu comme Ad’ et moi ? » Tenta d’amadouer le plus jeune. « Est-ce qu’il y en a qui t’ont… marqué ? Est-ce que tu les partageais forcément avec Glip ? J-j’ai cru comprendre que c’était lui qui… s’occupait plutôt de ce genre de chose – enfin, c’est ce que nous a raconté Balthazar !»
L’aîné sentait que le plus jeune cherchait à gagner davantage de temps en sa compagnie. Il fallait dire que depuis quelques jours, l’occupation venait cruellement à manquer, la plupart des résidents du Palais ayant préféré se consacrer à leurs obligations quotidiennes plutôt qu’à celles de groupe ; il fallait bien avouer que ces dernières ramenaient à l’inévitable constat… Quelqu’un manquait autours de la table. S’il pouvait leur éviter d’errer à nouveau dans les couloirs dans l’attente d’une distraction… et s’il pouvait se soustraire à ce maudit silence… Reprenant place contre l’inconfortable dossier, ce sans faire craquer quelques vertèbres au passage, il redressa les lunettes qui avaient fini par glisser sur son nez :
« Glip a toujours possédé un don pour l’enseignement, mais cela ne signifie pas qu’il avait la prérogative sur le fait d’avoir des « élèves ». » Commença-t-il. « Pour être tout à fait exact, chacun des Six Primordiaux avait le devoir de prendre sous son aile, et ce à chaque existence, un de nos… un autre Éliatrope, ce en tant que disciple. »
« Tout Premier né devra, au cours de son cent-cinquantième cycle d'existence,
porter son dévolu sur un membre de son peuple pour lui transmettre
ses connaissances, sa philosophie et son savoir-faire…
« Hein ? Mais pour quoi faire au juste ? » S’enquit Adamaï. « Vous n’étiez pas capables de gérer les problèmes par vous-mêmes ?
- Dans la plupart des situations rencontrées, nous l’étions. Toutefois… »
… Ainsi, malgré la mort de ses gardiens,
le peuple Éliatrope saura être à l'abri de tout malheur, attendant sereinement leur retour... »
« … il est déjà arrivé que nous ne soyons pas « disponibles ». Les cycles de régénération entre deux incarnations peuvent grandement varier en fonction des flux de Wakfu environnant nos Dofus… » Son regard quitta furtivement les deux frères. « … et de la manière dont leurs porteurs ont trouvé la mort. »
Cette déclaration sembla particulièrement résonner chez Yugo, dont la coiffe se releva. Grougaloragran ne leur avait-il pas dit que leur retour sur l’actuel Monde des Douze avait été retardé en raison d’un terrible combat… ? Balthazar avait secondé, en précisant plus tard qu’il avait bien été celui à ouvrir la Dim-… le Portail. Comme s’il avait pu lire dans ses pensées, Qilby redonna quelques frictions vigoureuses à son flanc gauche.
« Ah ! C’est vrai que c’est une bonne idée. On devrait peut-être reprendre ce genre de rituel une fois que les autres seront revenus d’Emrub : qu’est-ce que tu en dis Yugo ?
- O-oui, en effet Ad’… »
Mais si jamais nous sommes autorisés à transmettre…
Alors, par principe, il faudra aussi que…
Le savant ne disait rien, attendant visiblement de pouvoir reprendre la discussion où elle avait été laissée par cette énième interruption.
Jamais Balthazar n’acceptera ça.
Il faut dire que derrière les deux cercles de verre et d’acier jauni, c’était un tout autre dilemme qui avait accaparé son esprit. Un problème qu’il aurait dû résoudre…
Tu vois ?! Tu souffres comme n'importe quel mortel, alors cesse de te croire supérieur !
Cela va faire trois ans que je suis votre élève attitrée : me croyez-vous incapable de reconnaître les traits de celui qui m'a tout appris ?
Se prétendre martyr ne t'autorise pas à agir comme tel !
.
.
Qilby...
Professeur !
.
Ta tendance au sacrifice est néfaste...
Vous n'étiez pas disponible pendant un long moment... Mais je ne vous en veux pas : vous deviez avoir vos raisons, et puis...
Pour les autres, comme pour toi-même...
.
Surtout pour toi-même...
Pourquoi, Professeur ? Pourquoi a-t-il fallu que cela soit cette… cette chose ?!
C'est pour cela que je t'accompagnerai aux Rocheuses Incarnates.
.
.
.
Et ceci n'était pas une proposition.
… il y a de cela des millénaires.
Tumblr media
La matinée était resplendissante. Derrière les larges vitres du laboratoire, la forêt primaire s’étendait à perte de vue, et le ciel n’était rompu que par quelques nuages vagabonds. L’air était frais, il faisait bon. Le tintement cristallin des fioles suivait un rythme mécanique, une danse qui ne connaissait aucun faux-pas, tandis que les alambics sifflaient en cœur. Cela faisait exactement une semaine aujourd’hui.
Qilby fixait l’étrange mélange contenu dans l’éprouvette qu’il maniait d’une main experte. Inlassablement, l’épais liquide aux âcres relents pouvant néanmoins évoquer la prune venait se heurter contre les parois. Cela allait bien faire une dizaine de minutes que la transe avait débuté, mais depuis son poste d’observation près des fenêtres, l’Énutrof, alors désigné pour monter la garde ce jour, demeurait perplexe. Il n’y connaissait pas plus à la chimie qu’à ces histoires de potions (trop proches d’une sorte de magie noire à son goût), toutefois, cela ne l’empêchait pas d’être observateur… Et le temps passé à cette ridicule émulsion était beaucoup trop long. Tout comme les cernes du scientifique étaient bien trop profondes…
« Dites doc’, vous allez finir par la poser cette fiole ?
- Hum ? » Grommela l’intéressé. « Pas tant que la décoction n’aura pas pris des tons orangés, non… Pourquoi cette question ? »
Ruel aurait bien aimé lui rétorquer, ce sur le même ton dédaigneux, que sa foutue fiole avait, depuis bien longtemps viré orange-carotte, et que s’il continuait à la secouer ainsi dans tous les sens, elle ne tarderait pas à devenir citrouille… ! Cependant, il se souvenait de la discussion qu’il avait tenu avec Yugo après le déjeuner de la veille.
« Simple curiosité : pas besoin de vous énerver ainsi voyons ! J’sais bien qu’tout n’est pas pardonné entre vous et… eh bien disons le reste, mais j’me disais que nous étions plutôt en bons termes.
- Ah oui ? » Ses yeux n’avaient pas dévié d’un millimètre. « Vous m’en voyez vraiment ra- »
Le scientifique dû ravaler son ironie maussade, car bientôt, le souffle lui manqua. Soudain, il y eut l’étincelle.
Non… !
Il eut à peine le temps de reposer l’instrument en verre, qui manqua d’ailleurs de se briser tant il fut placer de force dans son support de bois, que les contractions se firent ressentir. Sa vision se troubla, les sons s’étouffèrent pour ne laisser qu’un magma informe. À un moment, l’autre homme avait dû le rejoindre, car il était toujours debout malgré la sensation de vertige qui avait commencé à le submerger. Sa main droite tenait fermement les pans de sa tunique blanche, pourtant repassée avec tant de soins par les lavandières la veille. Il avait envie de l’enfoncer dans son torse jusqu’à cet organe rouge et brûlant qui battait bien trop vite, bien trop fort. Lentement, il avait crû sentir qu’il changeait de position : on l’avait fait s’asseoir à même le sol et on le tenait par les épaules comme pour l’empêcher de s’effondrer davantage.
Non… Pas…
Il… !
Ses poumons se contractaient. S’affaissaient. Il ne respirait pas : il inspirait… expirait. C’était déjà ça. Les points qui avaient envahi son champ de vision reculaient à présent. Une migraine tiraillait ses tempes et lorsqu’il tenta de l’en chasser, le contact de sa propre peau fut aussi violent qu’une décharge du collier. Peut-être celui-ci s’était-il, lui aussi, déclenché à un moment donné ; difficile à dire dans son état.
« Hey- ‘oc ? … Endez ? R- ec- moi ! »
La voix éraillée de l’Énutrof atteint finalement les rives de sa conscience. Le poids qu’il sentait peser sur ces entrailles comme du plomb quelques instants auparavant s’était lui aussi fait plus supportable… et il bougeait nerveusement. Junior, le jeune Phorreur, semblait aussi alarmé que son Maître et compagnon. Sa petite truffe humide ne cessait d’inspecter le vieil Éliatrope dans l’espoir de trouver l’origine du mal qui l’avait foudroyé.
« -oc’ ? Vous ê- là ? » Le son se faisait à présent plus distinct, la scène également. « Doc’ ! Par les Douze, mais qu’est-ce qui vous a- ?
- Il… Il est…
- Quoi ? Qui ça « il » ? » On releva une mèche empoissée de sueur de son front. « Parlez pas trop, v-vous avez dû faire un malaise ou que’que chose du genre ! J-j’vais aller chercher un Eniripsa royal, d’accord ? Bougez surtout pas ! Junior : tu gardes un œil sur lui ! »
Mais alors qu’il s’apprêtait à franchir le seuil du laboratoire dans l’espoir de quérir du secours, le vieil Éliatrope parvint à rassembler les quelques forces qui lui restaient, et, les yeux étrangement humides, finit par murmurer :
« Pha-é-ris - il - Pha-éris est… Phaéris est mort… »
~ Fin de la partie 1/2 du chapitre 9
26 notes · View notes
raisongardee · 3 months
Text
Tumblr media
"Le stoïcien est comparable à un conducteur qui ne doit pas quitter la route des yeux un seul instant, parce qu’à tout moment peut apparaître un panneau de signalisation ou qu’un incident peut surgir qui menacera sa sécurité ; le conducteur ne doit laisser son attention se relâcher à aucune minute, il doit faire attention sans cesse. Le grand mot est prononcé, celui d’attention, de mise sous tension ou tonus. La première lettre à Lucilius a pour but de mettre tout de suite le disciple en un état d’attention qui ne laissera aucune minute lui échapper distraitement. Le temps n’est pas un fluide gratuit, semble-t-elle dire ; le laisser fuir goutte à goutte par irréflexion, c’est saper le principe d’un emploi du temps planifié. Il faut avoir "l’âme toujours prête et tendue comme celle des athlètes pendant les combats de boxe". Le principe de planification étant posé, la seconde lettre à Lucilius commence à dresser l’emploi du temps : il faudra chaque jour s’habituer à l’idée que la pauvreté et la mort ne sont rien, en s’imprégnant des lectures que l’on fera en ce sens. Une minute de perdue est plus qu’une perte de temps, c’est un début de déshabituation à l’attention. Si l’on décide d’aller faire un tour de promenade, on fera là un acte pleinement vertueux, dès lors que la décision aura été prise avec "prudence", avec discernement. Ne pas perdre son temps veut dire l’employer à n’être plus le jouet des incidents et se tenir ainsi au-dessus du temps. On peut soupçonner sans trop de malice qu’un stoïcien faisait sans cesse trois choses à la fois : il mangeait, par exemple, il se contrôlait en mangeant, il s’en faisait une petite épopée."
Paul Veyne, Sénèque. Une introduction, 2007.
20 notes · View notes
girafeduvexin · 3 days
Text
je rebondis sur Taylor Swift et les gens qui se moquent des paroles - je les juge pas, elle gagne assez de thune pour supporter des moqueries sur internet mais. Bon déjà en tant que fan de Goldman, Dieu sait que certaines de ses chansons, quand tu les lis sans musique.... ça sonne moins bien mais au-delà du fait qu'une chanson, c'est fait pour être chantée et que la musique accompagne les paroles, que l'interprète joue beaucoup, que quand Goldman chante "Quand la musique est bonne, bonne, bonne" c'est un peu ridicule mais c'est cool quand tu es dans une salle de concert et que tu hurles avec lui, bref, au delà de ça...
Au delà de ça, c'est assez parlant je trouve de notre façon aujourd'hui de consommer de l'art et en particulier de la littérature. La mode est aux poèmes très courts, aux citations sur une thématique (les web weaving), aux scènes giffées, aux textes vraiment percutants en deux phrases, pas plus. Et je sais pas pour vous, même si j'adore le style de Proust, Borges, Bolaño, Racine, qu'il y a des citations que j'adore d'eux, je préfère quand même le livre dans sa globalité. "Car enfin, ma Princesse, il faut nous séparer" c'est beau, évidemment, mais c'est sublime dans le contexte, parce que Titus met une éternité à avouer à Bérénice qu'il faudrait qu'ils se quittent. Et c'est encore plus beau quand tu étudies la tirade et que tu te rends compte que Titus fait tout pour paraître fort et autoritaire, insensible mais il craque en disant "ma Princesse !" Et là, ça devient extraordinaire.
Je dis pas que c'est mal, c'est la mode du moment, peut-être que ça passera mais en tout cas, le décalage entre des œuvres faites pour être prises dans leur entièreté et une lecture volontairement sélective est intéressant. C'est ce qu'on fait en littérature après tout ! En cours, en 1ère, avec mes élèves, on étudie des œuvres dans leur globalité, on parle de la structure, de ce que les personnages représentent, des thématiques et on étudie également des extraits où là on va se pencher sur des détails du texte. Pour que le cours fonctionne, il faut un mélange des deux... que ce soit équilibré.
14 notes · View notes
saemi-the-writer · 4 months
Text
Douce Dame Jolie
Mon Secret Santa Kaamlott pour la charmante @zialinart :D
Sur AO3
Bonne lecture !!
La Reine avait seulement souhaité assister au festival de l’Imbolc en toute tranquillité, sans personne pour la pointer du doigt ou se mettre à dos l’espèce d’hystérique qui criait toujours « au bûcher » où que savait-elle d’autre ! Cela restait une fête Gaélique, et avec cette nouvelle religion qui prédominait au pays désormais, cela risquait d’être mal-vu si la Reine y était vue, aussi était-elle allée voir l’enchanteur de Kaamelott en toute discrétion, lui demandant s’il n’avait pas un sort, une potion ou autre chose qui pourrait l’aider. C’était apparemment son jour de chance, car Merlin venait de mettre la main sur un médaillon magique : il changerait la perception des gens qui voient la personne qui le porterait. En gros, elle serait méconnaissable aux yeux du monde sans avoir à se transformer. Afin de vérifier son efficacité, Guenièvre l’avait mit aussitôt autour de son cou et était sortie faire un aller-retour rapide. Elle avait croisé les sires Perceval et Karadoc, qui venaient demander un énième service à Merlin. Ils ne l’avaient pas reconnu, mais s’étaient montrés étonnamment courtois, acceptant de la laisser passer devant eux. Convaincue, la Reine avait remercié le magicien et gardé le bijou pour le festival du 1er février.
Guenièvre avait espéré que les offrandes faites ce soir-là l’aideraient à avoir enfin un enfant, puis elle avait voulu profiter du moment. Elle n’avait pas pu danser ou apprécier de ces airs musicaux depuis des années, Guenièvre s’était donc laissée entraîner. Et c’est là qu’elle l’avait croisé.
Arthur. Son mari. Qui avait marché droit vers elle.
…Guenièvre aurait peut-être dû réaliser que l’avis de Messires Perceval et Karadoc n’était pas des plus fiables !
C’est ce qu’elle s’était dit en voyant Arthur s’approcher d’elle, mais à son grand étonnement, il l’avait invité à danser. A la manière qu’il avait eu de s’adresser à elle, Guenièvre compris vite qu’il ne l’avait pas reconnu. Comme Merlin lui avait dit, la magie du médaillon l’avait empêché de la reconnaître.
Et ce fut comme un rêve, à la fois merveilleux et confus.
Qu’Arthur avait été charmant, qu’elle avait été touchée par de tels égards, cette délicatesse et ce regard tendre ! Guenièvre pouvait enfin mieux comprendre pourquoi tant de jeunes femmes avaient été séduites ! Cependant, une chose demeurait inexplicable : son apparence n’était pas censée être si différente de l’originale. Guenièvre ne s’était pas transformée en beauté Latine, comme le Roi les aimait, alors pourquoi ?
Pourquoi ?...
--------------------------------------------------------------
Ce n’était pas la première fois qu’Arthur tombait sous le charme du regard d’une jolie dame, et il avait été plus d’une fois déçu de l’aboutissement de ces relations. Et pourtant, il ne pouvait s’empêcher d’espérer. Une partie de lui-même le réprimandait, lui reprochant de ne pas retenir la leçon, mais il l’ignora. Cette femme était différente de celles qui lui avaient tapé dans l’œil jusqu’alors. Elle ne ressemblait à aucune de ses maîtresses, que ce soit le type « Latin » ou le type de silhouette qui l’attirait le plus souvent.
Et ce n’était pas que physique. Lorsque leurs regards s’étaient croisés ce soir-là, ce n’était pas son corps qui avait frissonné, mais son cœur et peut-être même - oserait-il le dire – son âme. C’était comme s’il avait retrouvé quelque chose qu’il avait perdu. Une conviction profonde que cette femme, il l’aimait, et qu’elle l’aimait en retour. Même s’ils ne s’étaient croisés de manière fortuite que quelques fois depuis le mois de février. Après tout, bien des histoires d’amour affirment qu’il suffit d’un regard, au bon moment, au bon endroit, pour que deux êtres sachent qu’ils s’étaient trouvés.
Un bruissement attira son attention, et la Dame apparut. Elle lui sourit timidement, comme toujours, et s’avança vers lui.
“Vous êtes là.“ dit-elle simplement. “Je suis heureuse de vous revoir.“
Une grande douceur se dégageait d’elle et la grâce irradiait dans chacun de ses mouvements. Dans ces moments-là, Arthur trouvait qu’elle avait quelque chose d’irréel, comme si elle allait s’évaporer s’il l’effleurait. Mais il avait bien constaté, au cours de leurs discussions et promenades, qu’elle était bien humaine. Une légère maladresse, ses questions parfois insolites, sa façon de jouer avec le médaillon qu’elle portait lorsqu’elle était nerveuse ou gênée… Cela ne faisait que la rendre plus charmante. Elle était douce et candide, mais elle possédait également un sens de l’observation surprenant et quelques idées audacieuses.
“Je suis heureux de vous revoir aussi.“ lui sourit-il en retour.
Arthur se décala pour lui permettre de s’assoir à ses côtés, ce qu’elle fit avec un empressement qui lui fit chaud au cœur.
Même si leur discussion du jour resta relativement triviale, Arthur souhaita que cet instant dure éternellement. Sa Douce essayait d’écrire un poème, ou une chanson, et bien qu’elle mette du cœur à l’ouvrage, sa prose laissait à désirer ! La chanson « Douce Dame Jolie » semblait avoir été écrite pour elle, il regrettait ne pas l’avoir écrite et composée lui-même pour la lui offrir. Enfin, aurait-il été plus apte à l’aider ! Les deux rirent ensemble de leurs diverses tentatives, car Arthur lui-même ne trouvait pas toujours le mot juste. En revanche, leurs voix s’accordaient très bien.
Peut-être était-ce une douce illusion, mais Arthur avait l’impression, une fois encore, qu’il avait trouvé son âme sœur.
“Vous reverrai-je bientôt ?“ demanda-t-il alors qu’il s’apprêtait à rentrer, espérant qu’elle le retiendrait.
“Je l’espère !“
Si cela avait été quelqu’un d’autre, le Roi aurait douté de la sincérité de ces trois mots. Mais pas avec elle. L’émotion dans sa voix et ses yeux ne mentaient pas.
“Et votre nom ?“
Le visage de la douce dame s’imprégna de tristesse, elle regarda au loin un instant avant de secouer la tête. Il fut surpris de voir une pointe d’espièglerie dans son expression avant qu’elle ne dise :
“Anam Cara.“
Après cette déclaration, elle s’approcha de lui et déposa un baiser au coin de ses lèvres avant de filer. Arthur n’aurait pas pu lui courir après, de toute façon, il était complètement envoûté. Arthur avait enfin un nom, un indice.
Anam Cara.
-------------------------------------------------------------------
Les yeux de Guenièvre se remplirent des larmes alors qu’elle observait le médaillon entre ses mains. Elle caressa du pouce le petit âne au centre de la roue en se demandant, une nouvelle fois, si elle ne devrait pas s’arrêter là. Elle se faisait du mal.
Arthur était tellement plus chaleureux et patient avec elle quand elle portait ce médaillon, elle souhaitait de tout cœur que les choses soient toujours ainsi. C’étaient comme de doux rêves, mais le réveil devenait de plus en plus rude. A chaque repas partagé, les soirs où son époux venait la rejoindre dans leur couche, sa froideur et son exaspération la frappaient plus violemment qu’auparavant. Guenièvre et l’inconnue était une seule et même personne ! Elle n’agissait pas différemment avec ce médaillon, elle restait fidèle à elle-même ! Il semblait qu’Arthur lui en voulait pour quelque chose, qu’il ne lui avait pas pardonné et qu’il lui faisait continuellement payer… Mais quoi ?! Qu’avait-elle fait pour mériter un tel traitement ? Pourquoi Arthur méprisait-il « Guenièvre » mais adorait « l’inconnue » ?
La Reine essuya ses larmes d’un revers de main avec un soupir. Il était de toute façon impossible de revenir en arrière. Elle pouvait encore changer le cours de choses avant que cela ne dérape, mais… Guenièvre voulait profiter encore un peu de ces quelques doux échanges avec son époux. Ses yeux se posèrent sur le poème qu’elle tentait d’écrire et son cœur se serra à nouveau. Guenièvre aurait tant donné pour que son époux soit à ses côtés, pour l’aider comme il l’avait fait quelques jours plus tôt ! Alors qu’un énième soupir lui échappait des lèvres, elle entendit un reniflement dans son dos.
“C’est magnifique, Majesté !“ sanglota Bohort.
Guenièvre poussa un petit cri en se retournant, faisant sursauter et crier le chevalier en même temps.
“Seigneur Bohort ! Vous m’avez fait peur !“
“Pardonnez-moi, ma Reine, mais vous ne répondiez pas à mon appel ! Aussi me suis-je permis d’entrer !“
“Et de lire par-dessus mon épaule ?“ Guenièvre grommela dans sa barbe en se couchant à moitié sur son pupitre, pour cacher son travail inachevé. “Vous êtes bien gentil, mais à quoi bon me flatter comme ça ! Je ne suis vraiment pas douée…“
“Permettez, votre Altesse ! Je ne fais que dire la vérité !“ Bohort semblait presque offusqué qu’elle pense autrement. “Les derniers vers ont certes besoin d’être un peu retravaillés pour rimer, mais les sentiments qu’ils dégagent n’en sont pas amoindri dans l’émotion qu’ils dégagent !“
Guenièvre cligna des yeux, surprise.
“Vous trouvez ?“ demanda-t-elle, hésitante.
“Oh oui !“ sourit le chevalier, les mains jointes sur son cœur. “Je peux sentir tout l’amour et la langueur dans les mots que vous avez écrit !“
La Reine se redressa doucement pour jeter un coup d’œil à son ébauche. Elle pouvait croire le Seigneur Bohort, mais d’un autre côté, ce dernier avait toujours été très… sensible. Guenièvre n’était pas sure que tous en dirait autant.
“Serait-ce votre cadeau pour le Roi Arthur ?“ le sourire de Bohort s’élargit. “ Il est vrai que son anniversaire est le mois prochain !“
Guenièvre sentit la gêne l’envahir, elle avait failli oublié l’anniversaire de son époux ! Elle avait été tellement déçue les fois où son anniversaire à elle avait été oublié par ce dernier, elle ne pouvait pas se permettre de faire pareil !
“A vrai dire, non.“ Avoua-t-elle, jouant nerveusement avec sa longue tresse. “Mais j’essayais… j’espérais pouvoir lui dire d’une jolie façon ce que je ressentais pour lui.“
Elle n’osa pas regarder Bohort dans les yeux, aussi fut-elle surprise quand ce dernier lui proposa de l’aider.
--------------------------------------------------------------
“Votre Altesse ?“
Arthur détourna son attention de Perceval, ravi d’avoir un léger répit au cours de longues explications (oui Perceval, les frondes jettent des cailloux, mais non, elles ne peuvent pas remplacer les catapultes !!). C’était Calogrenant.
“J’ai entendu dire que vous étiez à la recherche de quelqu’un ?“ lui demanda le Calédonien. “C’est urgent ?“
“Urgent non, important, pour moi personnellement. Rien de grave.“ précisa le Roi. “Pourquoi cette question ?“
“Ah, parce que j’avais cru entendre que le nom était Anam Cara.“ Calogrenant haussa les épaules. “Et si c’était le cas…“
“Vous la connaissez ?“ Arthur bondit de son siège. Les deux chevaliers sursautèrent et le regardèrent d’un air perplexe.
Calogrenant sembla plus que gêné, laissant un long « heuu… » résonner dans la pièce avant de reprendre.
“Navré, Sire. Mais Anam Cara n’est pas un nom.“ révéla-t-il, ce qui glaça le sang d’Arthur. “C’est du Gaélique ancien, ça veut dire âme sœur.“
Les jambes du Roi allait se dérober, de désespoir et de trahison, quand la voix de Perceval transperça, tel un rayon de soleil, la brume qui commençait à envahir son esprit.
“C’est joli ! ça veut donc dire qu’elle vous aime comme un frère de toute son âme, Sire !“
Perceval ne savait évidemment pas ce que signifiait le terme « âme sœur », mais la vérité de ses paroles réchauffèrent le cœur du Roi.
Son âme sœur.
Il aurait dû rire, ou s’énerver… Alors pourquoi ce sentiment d’euphorie ? Arthur sentit presque des ailes lui pousser alors qu’il laissait derrière lui les deux chevaliers, ne remarquant pas leur regard interloqué en l’entendant fredonner « Je vivroie liement ».
Alors qu’il se dirigeait vers le jardin, il croisa sa femme. Sans réfléchir, Arthur lui saisit la main et la fit tournoyer joyeusement. L’expression d’agréable surprise sur le visage de Guenièvre l’amusa, il lui offrit un dernier sourire avant de partir.
“A ce soir, mon amie.“
----------------------------------------------------------------
“Moi aussi, je vous aime.“
La Dame tressaillit, puis un frisson lui parcourut tout le corps. Elle porta une main à ses lèvres et recula d’un pas.
“Mais vous… pourquoi ?!“
Arthur perdit son sourire. Ce n’était pas du tout la réaction à laquelle il s’était attendu.
“Je ne peux pas le croire !“ s’écria-t-elle en secouant la tête. “Comment pouvez-vous m’aimer ?“
“Comment ?“ souffla-t-il, perdu. “Mais il n’y a pas de raison particulièrement logique ! Et pourquoi ne pourrais-je pas vous aimer ?“
“Parce que je suis mariée ! Tout comme vous l’êtes ! Mais si vous, vous pouvez vous permettre de collectionner les conquêtes, pour moi, une seule amourette avec un autre est vu comme une trahison aux yeux de tous!“ vitupéra-t-elle, le pointant du doigt rageusement. “Et votre femme ? Avez-vous jamais pensé à ce qu’elle pouvait ressentir ?! Et si elle, elle voulait aller voir ailleurs, vous accepteriez de la laisser faire?“
En entendant le mot « mariée », il avait cru sentir le sol se dérober sous ses pieds, cette éternelle blessure le relança. Pourtant, les paroles suivantes le figèrent d’une plus grande stupeur.
“La seule raison pour laquelle vous me courtisez avec tant de passion, c’est parce que je ne suis pas Guenièvre ! Vous êtes exactement comme mon mari !“ continua-t-elle, ses yeux se remplissant de larmes. “ Du moment que ce n’est pas votre femme, elles méritent votre admiration et elles y passent toutes ! Je suis sure que vous ne savez rien d’elle ! Vous vous en fichez d’elle, mais elle doit bien rester sagement à sa place ! Comme si j’étais… comme si elle était une chaise ! Vous passez votre temps à vous languir dans votre coin, à jouer les bourreaux de cœurs pour vous consolez, ou vous prouvez à vous-même quelque chose ou je ne sais quoi ! Mais nous ne sommes pas des meubles à la con ! Nous aussi, on a le droit d’être respectées, d’êtres aimées pour qui on est vraiment !“
Son visage, habituellement si blanc, était à présent rouge et inondé de larmes. Elle s’arrêta, tentant de reprendre son souffle. Arthur tendit la main vers elle, souhaitant sécher ses pleurs, la rassurer… mais elle se retourna et prit ses jambes à son cou.
“Attendez !“ s’écria-t-il.
Il ne voulait pas la perdre ! Aussi confus et blessé soit-il par ses paroles lancinantes. Arthur s’élança à sa suite, mais elle avait disparu. Elle n’avait pas pu aller bien loin, peut-être s’était-elle cachée parmi les bosquets… Un reniflement attira son attention et il se hâte dans sa direction. Il cru reconnaître la silhouette de la jeune femme, et écarta les branches sur sa route. Arthur s’apprêtait à l’appeler quand il réalisa qui se cachait là.
Guenièvre. Son épouse.
Elle releva les yeux vers lui et fronça les sourcils. D’un air digne qu’il ne lui connaissait pas, elle se redressa.
“Ce soir, vous dormirez chez l’une de vos maîtresses.“ déclara-t-elle sèchement, le faisant tressaillir.
Après l’avoir foudroyé du regard une dernière fois, Guenièvre passa à côté de lui et se dirigea vers le château. Sans comprendre pourquoi, ni ce qu’il attendait, Arthur la regarda partir.
Pas une seule fois elle se retourna.
---------------------------------------------------------
Dire que le Roi était de mauvaise humeur au cours de la matinée et du déjeuner aurait été un euphémisme. Avec ce qu’il s’était passé la veille, il avait très mal dormi, et lorsque la Dame du Lac lui était apparu en pleine nuit lors de sa promenade nocturne, c’était pour lui lancer des piques incompréhensibles.
“Vous êtes tellement préoccupé à rêver d’un lointain, vieux lac asséché que vous ne voyez pas celui qui est à deux pas de vous, magnifique et clair ! Pire, vous vous jetez sur les premières gourdes venues pour étancher votre soif !“
Arthur maugréa dans sa barbe avant de passer ses nerfs sur sa nourriture. Il leva les yeux vers sa femme, mais dès que leur regard se croisèrent, Guenièvre détourna la tête pour se resservir. Elle le battait encore froid, ce qui n’avait aucun sens non plus. Elle n’avait jamais fait de scènes au sujet de ses maîtresses auparavant !
“Aujourd’hui, j’ai fait de la tarte !“ annonça Séli, le tirant effroyablement de ses réflexions.
“Oh non ! Mais qu’est-ce qu’on vous a fait ?!“ rouspéta Léodagan.
“La barbe !“ répliqua-t-elle avec un regard noir pour son mari. “C’est Guenièvre qui m’en a demandé une ! Je ne pouvais pas refuser ça à ma fille !“
Arthur, Léodagan et Yvain tournèrent la tête en même temps vers la dénommée, plus abasourdis les uns que les autres. Guenièvre les ignora tandis que Séli présentait fièrement l’abomination qu’elle appelait « une tarte ».
“Elle a l’air très réussie, Mère !“ sourit la Reine, apparemment ravie. “Quels fruits avez-vous choisi, cette fois ?“
“Je voulais en faire une aux fraises, mais comme ce n’est pas la saison, j’ai fait un mélange de fruits !“
“Mais c’est un cauchemar !“ marmonna Léodagan, peu discret. “Ma fille, si vous vouliez une tarte de votre mère, c’est votre droit, mais vous n’étiez pas obligée de la partager avec nous !“
“Oh, mais je ne compte pas la partager !“ tous regardèrent Guenièvre interloqués, celle-ci saisit le plat et le tendit à Arthur. “C’est une petite attention pour mon mari !“
Il y eu comme un flottement dans la salle, Arthur fixa longuement la tarte en silence avant de relever les yeux sur son épouse.
“Vous m’en voulez à ce point ?“ finit-il par demander.
La question eut à peine franchi ses lèvres qu’il se prit la tarte en pleine figure.
“OUI !“
Guenièvre quitta la table et sortit en claquant la porte derrière elle. Lorsqu’Arthur réussit à retirer suffisamment de mélasse de ses yeux, le visage à la fois dépité et choqué de sa belle-mère ainsi que la tête de con (pour changer) que faisait Yvain lui apparurent. Il préféra ne rien dire et continua de se nettoyer le visage, il en oublia presque son beau-père, qui frappa dans ses mains avec un air ému.
“C’est ma fifille !“
D’un côté, Guenièvre savait qu’elle était déraisonnable, mais d’un autre, elle estimait qu’elle avait assez pris dans la figure. C’était bien son droit de lui en coller en retour, non ?
--------------------------------------------------------
“Marre d’encaisser sa mauvaise humeur et ses railleries, pendant que d’autres profitent de ses mots doux !“ grogna-t-elle en enroulant les parchemins de ses ébauches de poèmes. “C’est ça être une épouse ? Tous les mauvais côté du mari, ses crises, sa mauvaise odeur et tout le bataclan c’est pour ma pomme, et pour les maîtresses, c’est le beurre, l’argent du beurre et le sourire du crémier ? Ha ! Si j’avais su, j’aurais dit à mon père qu’il pouvait se brosser pour le mariage ! S’il y tenait tant, il n’avait qu’à l’épouser lui-même ! Non mais ho ! Pourquoi c’est à moi de gérer ces conneries ?!“
Elle termina sa pile par le poème qu’elle avait réussi à écrire avec l’aide d’Arthur et Bohort. La Reine saisit la boîte dans laquelle elle avait laissé le médaillon et se rendit d’un pas rageur au laboratoire de Merlin. Avec humeur, elle lui rendit le bijou et laissa la pile de parchemin sur son plan de travail, le remerciant plus sèchement qu’elle n’aurait voulu le faire. Ne voulant pas s’attarder plus que nécessaire, Guenièvre tourna les talons promptement et sortit.
“Mais qu’est-ce que voulez que je fasse de tout ça ?!“ cria l’enchanteur en désignant les parchemins alors qu’elle s’apprêtait à fermer la porte derrière elle.
“Donnez-les à manger aux chèvres ou mettez-les au feu ! Qu’est-ce que ça peut faire ?!“ rétorqua-t-elle. “Ce sera toujours mieux que de voir mon mari se torcher avec !!“
Elle entendit un vague « hein ?? » avant le claquement de la porte. Guenièvre pouvait déjà sentir la honte monter en elle, elle se sentait coupable de se défouler sur le pauvre Merlin qui lui avait pourtant rendu service. Toutefois, ces sentiments s’évaporèrent à la vue du Roi. Ce dernier la regardait d’un air qu’elle ne pouvait décrire, et qu’elle ne souhaitait de toute façon pas décrypter dans l’immédiat. Qu’il soit surpris, contrarié ou autre, elle s’en moquait éperdument ! Avec un mouvement de tête qu’elle avait vu sa mère faire de nombreuses fois, Guenièvre passa à côté de lui avec un « humpf ! » bien placé.
“Vous n’avez vraiment rien à me dire ?“
“Je ne crois pas, non.“
Guenièvre sursauta quand la main d’Arthur l’agrippa, la retenant avec force.
“Je peux savoir quelle mouche vous a piqué ?“
Oh ! Le mufle !!
“La mouche j’en-ai-marre-d’être-prise-pour-une-conne-maintenant-fichez-moi-la-paix !“ rétorqua-t-elle en essayant de se défaire de son emprise. “Ah, et au fait !“ Guenièvre rassembla toute sa hargne pour imiter du mieux qu’elle le pouvait sa mère lorsque celle-ci remettait son père à sa place, puis elle déclara : “Inutile de revenir dans ma couche cette semaine. Faites-moi de l’air !“
“Pardon ?!“ l’air atterré d’Arthur l’aurait fait rire dans d’autre circonstances, mais là, elle se délectait de lui avoir couper le sifflet. “Mais vous ne pouvez pas faire ça ! Vous allez verrouiller la porte de la chambre aussi, pendant que vous y êtes ?!“
“Maintenant que vous le dites…“
“Hé, dites !“ les interrompis Merlin d’un ton impatient. “Si vous pouviez me laisser en dehors de vos disputes de couple ! Et puis mon laboratoire n’est pas un dépotoir, alors reprenez-moi tout ça, j’vous prie !“
Guenièvre écarquilla les yeux avec horreur alors que l’enchanteur lui repassait tous les parchemins. L’un de ses poignets étant toujours serré dans la main de son époux, une partie d’entre eux lui échappèrent et tombèrent par terre, se déroulant au passage. Réussissant enfin à se dégager, elle se dépêcha de les ramasser. Mais sa hâte la rendait fébrile, ses mains tremblaient, ce qui ne l’aida pas dans sa tâche. Elle était tellement concentrée et affolée qu’elle n’entendait plus rien, elle voulait juste récupérer ces fichus peaux d’ânes sans qu’Arthur ne découvre ce qu’elle y avait écrit.
Ce n’est quand se redressant que Guenièvre réalisa qu’il était trop tard.
--------------------------------------------------------------
Arthur avait attrapé au vol le premier parchemin qui avait volé vers lui, ne souhaitant pas se reprendre quoique ce soit de plus dans la figure aujourd’hui. Et en voyant sa femme s’activer pour tout ramasser, sa curiosité fut piquée. Guenièvre lui avait collé une tarte au déjeuner, au sens littéral du terme, il pouvait bien se permettre d’être curieux, non ?
Son sang ne fit qu’un tour en reconnaissant les mots inscrits.
Pourquoi ? Comment sa femme pouvait-elle… ?
Le poème avait deux strophes qu’il ne connaissait pas, mais c’était celui de sa Dame !
Arthur observa un instant Guenièvre, qui essayait tant bien que mal de rassembler les autres morceaux de vélin, puis se tourna vers Merlin. Il l’interpela et lui demanda ce qu’il se passait.
“A vous de me le dire !“ lui répondit-il en haussant les épaules. “Votre femme vient me rendre un médaillon que je lui avais prêté pour qu’elle puisse circuler incognito, et elle me refile tout son bazar au passage !“
“Quel médaillon ? Et puis pourquoi pour « circuler incognito » ?!“
“Un médaillon de métamorphose, elle voulait aller au festival de l’Imbolc sans être reconnue.“
C’était comme recevoir la réponse d’une énigme que l’on essayait de résoudre depuis des lustres. D’abord la stupéfaction, puis tout se met en place et la logique, l’évidence nous saute aux yeux et on se sent très con.
Arthur regarda Guenièvre et eut l’impression de la voir pour la première fois. Quand il plongea ses yeux dans les siens, il se demanda comment il n’avait pas pu la reconnaître. Ou plutôt : comment la douceur de son regard et sa beauté lui avaient-elles échappées pendant toutes ses années ?
“Vous êtes tellement préoccupé à rêver d’un lointain, vieux lac asséché que vous ne voyez pas celui qui est à deux pas de vous, magnifique et clair !
Les paroles de la Dame du Lac prenaient tout leur sens à présent, aussi vexantes soient-elles.
“C’était vous !“
Avant qu’il ne puisse dire ou faire autre chose, Guenièvre souleva les pas de sa robe et détala. Pendant quelques secondes, Arthur revit Aconia puis l’inconnue partir semblablement.
“AH NON ! PAS CETTE FOIS !!“ cria-t-il en s’élançant à sa poursuite.
----------------------------------------------------
“Bon, ben moi je retourne bosser.“ marmonna Merlin en faisant demi-tour, reconnaissant d’être resté célibataire.
Les histoires de couples, ce n’était vraiment pas son truc !
-------------------------------------------------
Pour quelqu’un qui n’avait aucun entraînement et qui se trimballait avec une tenue aussi lourde et encombrante, Guenièvre courrait fichtrement vite ! Et elle n’arrêtait pas de zigzaguer et tourner autour de tout ce qui se trouvait sur leur chemin : arbre, buisson, rocher… Arthur peinait à la suivre.
“Mais arrêtez-vous !“ lui cria-t-il. “Je n’vais pas vous manger !!“
“C’est ce que vous dites !“ s’exclama-t-elle en retour, jetant un bref coup d’œil en sa direction.
Presque à bout de souffle, Arthur décida de tenter le tout pour le tout. Il accéléra et se jeta sur elle, la saisissant à la taille. Guenièvre glapit en perdant l’équilibre et les deux tombèrent, emportés par l’élan qu’il avait pris, ils roulèrent quelques instants. Allongés sur le côté, Arthur tenant sa femme par la taille et refusant de la lâcher, ils reprirent tant bien que mal leur souffle.
“Pourquoi vous ne m’avez rien dit ?“ au point où ils en étaient, autant poser la question maintenant !
“Pourquoi ? A votre avis ?“ souffla Guenièvre, les yeux embués de larmes. “Vous ne cessez de me traiter comme une casse-pied ! Alors pour une fois que vous étiez courtois envers moi, je voulais profiter du moment ! Et vous avez commencé à sortir le grand jeu, espèce de bourreau des cœurs ! Evidemment que je ne voulais pas que tout s’arrête trop vite !“
La honte envahit Arthur, il ne pouvait même pas la contredire. Ce serait mentir.
“Et vous, pourquoi vous me détestez autant ? Qu’est-ce que je vous ai fait ?“
“Je ne vous déteste pas ! Jamais ! C’est juste que… c’est compliqué.“ soupira Arthur. “J’ai été stupide et aveugle, et j’ai passé ma colère sur vous parce que notre mariage a… disons « contribué » à perdre une femme que j’ai aimé, qui me hante encore à ce jour.“
“Et c’était plus simple de vous défouler sur moi que sur mon père, j’imagine.“ fit remarquer Guenièvre, un peu sèchement. “Ce sont mes parents qui ont exigé ce mariage, pas moi. J’ai juste eu de la chance de ne pas avoir d’amoureux quand c’est arrivé. Ni vous, ni mes propres parents ne m’ont laissé une chance. Que ce soit en tant qu’épouse ou que Reine, vous n’attendez rien de moi, je suis juste reléguée à rester dans un coin bien gentiment et faire la potiche.“
“C’est vrai. Vous avez raison.“ Arthur regarda une nouvelle fois son épouse dans les yeux, doucement, il porta une main à son visage et lui caressa le visage. “Je suis sincèrement désolé.“
“Je sais que je ne suis pas très brillante, mais… Est-ce que ça vous écorcherait d’être un peu plus gentil et patient avec moi ?“
“Euh, à ce sujet, pour ma défense, je me dois de préciser que j’ai affaires à des abrutis qui m’assomment avec leurs questions. Donc ce n’est pas qu’avec vous qu’il m’arrive d’être cinglant.“
“Pourquoi ne me laissez-vous pas vous aider alors ?“ demanda-t-elle. “Si cela ne peut vous soulagez ne serait-ce qu’un peu, je pourrais apprendre à gérer certaines affaires !“
Un court silence suivit cette affirmation. Arthur voulait bien donner une chance à Guenièvre, elle faisait preuve de bonne volonté et il avait découvert qu’avec de la patience et des encouragements, elle était bien plus ingénieuse qu’il ne l’avait cru. Elle serait bien capable de remplir son rôle de Reine. D’un autre côté, elle était inexpérimentée et vulnérable, certains ne feraient qu’une bouchée d’elle !
“Peut-être… peut-être que vous pourriez vous occuper de la prochaine séance de doléances avec les Seigneurs Lancelot et Bohort.“ proposa-t-il, ainsi elle serait bien accompagnée et protégée. “Si cela vous va-“
“Oui ! Je vous en prie !“
Guenièvre s’était redressée en joignant ses deux main, comme pour prier, et le regardait d’un air suppliant. Il pouvait difficilement lui refuser quoique ce soit ainsi.
“Très bien, accordé.“ Arthur se redressa à son tour, et fronça légèrement les sourcils. “Comment on en est venu à parler de ça, au fait ?“
Les deux se regardèrent en silence. Chacun remarqua dans quel état son conjoint se trouvait : couvert de terre, traces d’herbe ; les cheveux en pagaille et empli de brindilles. Guenièvre eut un rire bref avant de retirer une branche de la chevelure de son mari.
“Je vous aime, Arthur.“ affirma-t-elle. “Je ne pourrais jamais remplacer celle que vous avez perdu, et j’en suis désolée. Mais peut-être pourrions-nous… être au moins bons amis ?“
L’émotion serra le cœur d’Arthur, un peu plus, et les larmes lui seraient montés aux yeux.
“Je ne veux pas vous faire de fausse promesse.“ avoua-t-il. “Mais aussi bizarre que cela puisse paraître, votre médaillon à lever le voile devant mes yeux lorsque je vous regardais. Il me faudra peut-être encore un peu de temps, mais je crois… Non, je sais que je pourrais vous aimer en retour.“
Malgré ce qu’il venait d’affirmer, ces mots furent comme un pacte. Un pacte qu’il scellèrent d’un baiser.
---------------------------------------------------------------
“Je vous dis que le futur héritier est en route, cette fois-ci ! Vous avez bien vu dans quel état ils sont rentrés tous les deux ! Si ce n’est pas dû à des galipettes dans l’herbe, je veux bien être changée en chèvre !!“
“Chèvre ou pas, passez-moi la prochaine fournée ! Il faut que tout soit prêt pour demain matin !“
“Mais ça va ! Et pourquoi voulez-vous autant de tartes pour demain matin ? On va y passer la nuit !“
“Guenièvre participe à la séance de doléances, il faut qu’elle ait de quoi lancer sur les gros pécores qu’elle va recevoir !“
“………mais c’est moi qui vais vous en coller des tartes !! PIGNOUF !!!“
23 notes · View notes
claudehenrion · 29 days
Text
De l'âme
Une surprise : plusieurs lecteurs, sans doute ébranlés par le vide abyssal qui caractérise notre temps –et avec une inquiétante tendance à l'aggravation– m'ont demandé récemment de “parler de l'âme”. Mais si je me sens très capable de donner un avis –qui n'est que le mien, corrigé par nombre de lectures et d'emprunts– … je tiens à préciser que je suis évidemment tout-à-fait incapable de répondre à la question multiple “Existe-telle ? Quelle est-elle ? Que recouvre-t-elle –ou pas ?”, et surtout de me livrer à cet exercice… en une page “A4’‘ ! Mais quel meilleur moment qu'une Semaine Sainte pour esquisser un début de réponse 
Le mot ’'âme” lui-même, tiré du latin (“anima = l'air, le souffle, la vie”), recouvre tant de notions différentes que “ne pas y croire” ne peut avoir aucun sens : qui parle de “croire” à l'air, au ciel bleu, au chocolat… ? S'agit-il de l'Ame des peuples (André Siegfried) ? de l'Ame des choses (Auguste Blondel) ? des “objets inanimés” de Lamartine ? de l'Ame du monde (Frédéric Lenoir) ? (NB : je pourrais continuer longtemps). Ecoutons plutôt Camus : “Ne pas croire à l'âme est une absurdité”.
A ce moment où l'humanité semble “flirter” avec sa chute dans des abîmes qu'on peut craindre définitifs, l'âme –qui était un peu sortie de nos préoccupations consumérisées– semble faire un retour sur le devant de la scène, et nos lecteurs ne s'y sont pas trompés, en m'en parlant. Il faut reconnaître que sa définition a bien varié à travers les siècles : dans l'Antiquité, les grecs en avaient une vision bipartite (“corps et âme”)… alors que pour la tradition biblique, la vision était tripartite (“corps, esprit –pneuma en grec et spiritus en latin–, et âme –psychè, en grec et anima en latin, ce dernier mot animant la vie intérieure et la personnalité, mais aussi ce qui donne vie au corps. Ne ’‘rend-on pas son âme”, au moment du grand départ ? Mais n'allons pas trop vite : avant de la “rendre”, il faut la définir.
Pour les philosophes, l'âme est souvent une notion qui permet de parler de l'être humain dans sa totalité. Pour Platon, l'âme est en conflit avec le corps qui l'emprisonne, alors qu'Aristote insiste sur une conception non dualiste entre “âme” et “corps”, chacun étant plus ou moins indépendant de l'autre. Plus tard, pour le christianisme, qui tient un rôle de toute première importance dans cette “dissertatio” (que je voudrais tellement ne pas être une “disputatio”!), le mot “Ame” veut décrire comment est formé un être humain dans et par ses expériences fondamentales : la vie, l'amour, le désir, la maladie et la souffrance, le questionnement sur “après la vie –ou après la mort”, et l'âme se définit donc comme “autre” que l'esprit : d'un côté, un principe de vie, “ce qui anime le corps”, siège des émotions et des passions, et de l'autre, vie intérieure, et personnalité. On peut dire : raison, ici et liberté, là…
Mais en 1621, Descartes introduit une rupture dans la conception traditionnelle, en traduisant “âme” par “mens” : l'homme est d'abord un être pensant, et le mens latin, qui désigne d'abord le cerveau, l'intelligence, la raison, l'esprit… va peu à peu replacer l'ancienne “âme” au profit de ce nouvel arrivant, le “cogito’' . Une nouvelle logique bipartite est née, le corps et la pensée, séparés mais liés : ’'Cogito, ergo sum”.
Le mouvement phénoménologique, qui se targue d'appréhender la réalité telle qu'elle se donne ou se montre, considère que le corps, seul, joue un rôle (“Le monde n’est pas pour moi autre chose que ce qui existe et vaut pour ma conscience”, écrit Husserl en 1937), ce contre quoi réagit la grande Edith Stern, juive devenue carmélite et morte à Dachau : “On ne peut vivre sans âme, c'est-à dire avec une âme paralysée ou en sommeil’’… phrase où nous retrouvons ce qui est visible tout autour de nous… et ce dont l'humanité est en train de crever
Il fallut attendre 1953 pour que Crick, Watson et Rosalind Franklin, découvrent l'ADN, cette part d'éternité qui est en chacun de nous. Inséparable de nous, elle nous contient tout entiers et nous résume, tout en nous rattachant à nos origines… Question jamais posée mais qui me taraude depuis longtemps : ’'Se pourrait-il que cet acronyme, l'ADN, soit, en fin de compte, le support matériel de notre âme ? Son caractère ’'iso-éternel’'et son identité parfaite avec notre ’'être”, notre “avoir été” mais aussi notre “devoir être”, en font une parfaite réponse à ce que pourrait être ce “Corps glorieux” si difficile à imaginer mais sous lequel, disent les chrétiens, nous entrerons un jour dans notre éternité
En 1979, Joseph Rätzinger, grand théologien et futur grand Pape Benoît XVI, posa (“La Mort et l'au-delà” )que “il n'y a aucune raison sérieuse de rejeter le mot âme , cet outil verbal indispensable dans la foi des chrétiens… ce qui se vérifie à travers la prise de conscience actuelle… que une conscience, justement, ne peut exister sans objet pour la percevoir et sans sujet pour la traduire et l'expliquer”. Et voilà l’ “âme” qui fait à nouveau partie du vocabulaire de la philosophie, le besoin de cet éditorial en étant un début de preuve en soi.
Un dernier point, peut-être : en 2016, l'académicien François Cheng avait écrit un fort beau “De l'Ame” (Albin Michel) où il écrivait “A part le bouddhisme dans sa version la plus extrême, toutes les grandes traditions spirituelles ont pour point commun d'affirmer une perspective de l'âme située au-delà de la mort corporelle : l'âme de chaque être est reliée au souffle primordial qui est le secret de la vie-même. Animée par un authentique désir d'être, elle nous rappelle donc, quelle que soit notre croyance –ou notre non-croyance– combien notre vie participe d'une aventure unique, le Tao –la Voie– qui ne connaît pas de fin, contrairement à la vie”.
J'admets que tout cela n'est pas simple… Mais le moyen, s'il vous plaît, de parler de sujets eschatologiques avec nos seuls mots humains, et en un temps et un espace si réduits ? Par prudence, je vais donc demander à d'autres que moi de conclure. D'abord George Meredith : ’ L'âme est tout, ici-bas; le reste n'est qu'illusio'n’’… Puis Rivarol : “Sans le corps, l'âme n'aurait pas de sensations, mais sans l'âme, le corps n'aurait pas de sentiment”... Libre à ceux qui ont décidé de ne pas y croire, de vivre “sans”. Mais qu'ils ne comptent pas sur moi : je suis si bien, “avec”, surtout en cette Semaine, qui est Sainte pour un bon tiers de l'Humanité.
H-Cl.
12 notes · View notes
madam-kumo · 1 year
Text
The Queen, The Hunter, And Their Wife
Tumblr media
Vil x Reader x Rook (Polyamorous)
(Feminine descriptions and Pronouns)
Tumblr media
Every Queen needs a knight and a king to keep them happy and the country from ruin. Every fairytale involving princesses feature a night in shiny armor rescuing the princess and then becoming king or they're already the king and the queen used to be a lower class woman or something. However, what if the roles were a little different?
The queen sits upon his throne, his head held high as his knight bows before him. One arm is place gracefully upon the arm rest while the other is wrapped around your waste in a possessive hold. His dear wife's head rests gently on his tense shoulder and her hands lay neatly in her lap- which is resting on his own.
He watches strictly until the doors close shut and the thickening silence is all that is to offer. The hunter raises his head until he makes direct eye contact with the queen himself. The queen raises his finger into a 'come here' motion and continues to until the hunter moves. He finally reaches the queen before suddenly resting his head on the wife's lap and resting his head atop the queen's.
The queen raises his hand and threads it through his blonde locks as a calm smile graces his rouge lips. "Ah, it's so nice to have peace and quiet" The queen sighs as his wife chuckles in agreement. "Yes, it seems we can never have a moment alone in together" The hunter muttered as he slowly shuts his eyes to allow his queen continue his affection. "They're just looking out for our safety but more time together without watchful eyes would be pleasurable" The queen's wife sighs as the hunter further nuzzles into her legs.
--------------------------------------------------------
"You can't put mascara and eye liner on at the same time love" Vil lectured as he snatched the makeup tools out of your hands before putting it on your eyes himself. "Ah~ You look magnifique, chérie" Rook compliments, booping your nose while Vil puts your makeup away. Vil chuckles at you two but he quickly straitens his mouth into a thin line and walking over to Rook and grabbing his undone tie. "I've told you to do your tie properly, how many times must I tell you" "You can't put mascara and eye liner on at the same time love" Vil lectured as he snatched the makeup tools out of your hands before putting it on your eyes himself.
"Ah~ You look magnifique, chérie" Rook compliments, booping your nose while Vil puts your makeup away. Vil chuckles at you two but he quickly straitens his mouth into a thin line and walking over to Rook and grabbing his undone tie. "I've told you to do your tie properly, how many times must I tell you?" Vil says as he fixes his tie in mere seconds. "Désolée Roi du Poison, it seems I needed someone of beauty to fix my own" Rook teased and Vil couldn't help hiding the red that dusted his cheeks. He huffs before quickly changing the subject. "Anyways, we need to get going before Professor Crewel scolds us once more". Rook sighs and grabs your hand
"He's right, we don't want to keep our queen waiting now, do we?"
144 notes · View notes