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aristide-france · 3 years
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Quelques extraits de Comprendre l’Islam - Adrien Candiard
Pensant qu’en ouvrant son Coran, un journaliste français va pouvoir saisir l’essence de l’Islam, c’est accepter l’illusion littéraliste. C’est aussi courir à l’échec, car le journaliste en question risque bien de trouver dans la Ciran ce qu’il y aura apporté. S’il travaille pour Valeurs Actuelles et veut démontrer que le Coran est un texte dangereux, il trouvera le matériel terrifiant qu’il cherche ; s’il travaille pour Libération et entend souligner combien le Coran est un texte débordant d’humanisme et de tolérance, il y arrivera tout aussi bien. Parce que sur ce point comme sur bien d’autres, le Coran regorge d’affirmations apparemment contradictoires. Ce qui fera l’unité de la lecture, ce qui donnera le sens du texte, et pas d’un verset par-ci par-là, c’est l’interprétation. Et force est de constater que l’islam a proposé historiquement et propose toujours des interprétations très différentes. Impossible de définir laquelle est la plus juste, sauf à être musulman et à prendre parti.
Il ne faut pas forcer le trait, évidemment : le Coran fournit un cadre à ces interprétations, mais aussi un imaginaire, et cet imaginaire n’est pas un imaginaire non violent. Cela interdit-il une lecture non-violente du Coran. Non. »
« L’ironie est toutefois que cette guerre généralisée intervient à une époque où, sur le plan de la théologie, sunnites et chiites ne sont plus si éloignés. Il reste évidemment des contentieux doctrinaux, mais le chiisme des origines, dont certains courants allaient jusqu’à contester l’intégrité du Coran, attribuaient à Ali un statut quasi divin ou dérobaient la pierre noire du sanctuaire de la Mecque, jugée comme un grigri idolâtre, s’est nettement assagi et ne crée guère plus de scandale chez les sunnites. Les deux grands ennemis de l’heure, l’Arabie saoudite et l’Iran, proposent tous deux des modèles de société alternatifs au monde occidental, mais leurs modèles sont jumeaux : le rigorisme religieux, sunnite, de l’un ressemble à s’y méprendre au rigorisme religieux, chiite, de l’autre. Le conflit, en ce sens, est probablement plus confessionnel – ou communautaire – que véritablement religieux. »
« On entend souvent dire que l’islam interdit l’interprétation des textes : c’est en tout cas l’opinion des salafistes, à contre-courant de l’essentiel de la tradition théologique qui les précède. »
« Le jihadisme contemporain vient toujours du salafisme. Cela ne permet pas d’identifier salafistes et terroristes : la grande majorité des salafistes est absolument pacifique. Mais guerrier ou non, le salafisme crée les conditions intellectuelles et spirituelles de la violence. Sans lui, les grandes internationales jihadistes qui terrorisent notre époque n’auraient pas vu le jour. »
« L’Islam, c’est-à-dire l’islam réel, celui qui a historiquement existé et continue d’être vécu, ne conduit pas nécessairement au califat ; l’histoire enseigne même l’exact contraire.
Cela ne signifie pas pour autant que l’islam, comme religion, ne pose aucun obstacle dans la marche des peuples vers la démocratie. On a vu que l’islam classique distinguait le pouvoir d’un côté, qui peut être exercé par le plus fort, et la société d’autre part, dont l’organisation ressortit à la Loi religieuse. La démocratie à l’occidentale repose sur d’autres conceptions : le souverain est aussi un législateur ; c’est donc au peuple souverain de faire les lois. »
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aristide-france · 3 years
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Quelques extraits de Moi, Aristide Briand de Vercors.
« Un réquisitoire maladroit facilita ma plaidoirie. Outrage à l’armée ? M’écriai-je ! Des hommes insoupçonnables tel que le général Faidherbe, que l’évêque de Rouen ont été les premiers à dénoncer ce qui se passe dans les casernes. Les a-t-on inculpés ? Elargissant le débat, je dis que nous avions deux patries. L’une nous avait menés, agressive et barbare, à Waterloo et Sedan ; elle couvrait de cadavres l’Afrique et l’Indochine ; elle envoyait au bagne un innocent pour couvrir un officier félon. Celle-là s’est déshonorée. L’autre au contraire, pacifique, généreuse, enseignait au monde la liberté et la fraternité. « Entre ces deux patries, choisissez ! » adjurai-je les jurés qui, non contents d’acquitter l’inculpé, vinrent lui serrer la main et lui remettre, pour son pioupiou, le produits de leurs indemnités. »
« Le terme d’apaisement ayant fait fortune, il s’attache si bien à ma personne et à ma politique qu’ « apaisement » et « briandisme » devinrent synonymes. Ce fut la cause de maint malentendu.
Mes appels à la concorde, on a cru qu’ils appelaient à je ne sais quelle confusion des idées, des partis. On a cru qu’avec eux je renonçais mollement aux convictions de ma jeunesse, à toute doctrine. Je n’ai jamais renoncé à rien. Ce mot d’apaisement, dans mon esprit, n’entraînait en aucune façon quelque résignation à l’état des choses. Il n’entraînait en aucune manière que je faiblisse le moins du monde dans ma volonté, à court terme, à séparer l’Eglise de l’Etat ; ni dans celle, à plus long terme, d’instituer la justice sociale. La volonté qu’il exprimait c’était d’y parvenir dans l’ordre, sans violence. Il ne signifiait en rien non plus que les partis, les religions dussent disparaître. Mais seulement que la République comme l’indique son nom, son étymologie, est la res, la chose de tout le monde ; et non d’un seul parti, d’une seule religion. Qu’on ne peut permettre à la droite d’opprimer la gauche, mais pas non plus l’inverse ; au catholique d’opprimer le non-croyant, mais pas non plus l’inverse : qui croit doit pouvoir prier. Mon caractère, ma politique, c’est cette tolérance. Chacun a droit à ses idées ou à sa foi, à ses efforts pour leur succès. »
« Deux grandes bévues : l’une fut de faire signer le traité de paix, côté Reich, par des civils – et socialistes par-dessus le marché. De sorte que les chefs militaires, tenus à l’écart, en feront les auteurs du malheur de l’Allemagne : le coup de couteau dans le dos ! Cela pèsera lourd sur la République de Weimar. L’autre erreur fut d’obliger les Allemands à se reconnaître coupables d’avoir provoqué la guerre – ce qu’ils étaient sans doute, mais pas plus que les Russes ou les Français. D’où le sentiment de payer pour les autres, l’humiliation de se voir arracher injustement avec leurs colonies, leurs provinces de l’est (sans compter l’Alsace Lorraine à l’ouest ; mais c’était moins sensible car ce n’était en somme qu’un prêté pour un rendu) ; celle d’être seule désarmée au milieu d’une Europe en armes ; celle de devoir, du fait qu’étant coupables ils tombaient sous le coup d’une sanction pénale, des sommes délirantes et de plus illimitées : le remboursement intégral de tout ce que la guerre avait coûté en dommages, en pertes et en dépenses ! « Je sais que vous n’aimez pas ma paix me lança Clemenceau en me croisant à la buvette ». « En effet, répondis-je, elle vous ressemble. » »
« Dans l’Europe décousue telle que les traités l’avaient morcelée, les problèmes les plus épineux (douloureux) étaient partout ceux des minorités. Des Allemands vivaient en Bohême sous les Tchèques, en Silésie sous les Polonais ; il y avait des Hongrois chez les Roumains, chez les Slovaques ; des Grecs chez les Bulgares ; des Bulgares chez les Serbes et les rivalités des Serbes et des Croates. Comment protéger ces ethnies étrangères vivant sous la domination d’une autre ? Le découpage insensé de l’unité austro-hongroise et des régions orientales de l’Europe s’était fait sans qu’on eût cherché le moyen de faire vivre ensemble des peuples sans se haïr. Les remèdes existaient pourtant – plus ou moins bons. Qui s’en était préoccupé ? Il y avait la réduction par le langage, telle que l’avait établi en France la République pour ses provinces ; il y avait le melting pot américain, qui mélange les ethnies et les digère ; il y avait le fédéralisme dont la Suisse est l’exemple. On aurait pu en trouver d’autres. N’ayant rien fait, rien essayé, on avait créé pour toute l’Europe des poudrières dont le premier agitateur venu pourrait allumer la mèche. Ni Stresseman, ni moi n’avions aucun pouvoir pour ce gâchis. Du moins pouvions-nous tenter de remédier aux querelles de ménage du couple France-Allemagne. Tant que ces deux Nations seront amies – et amies de l’Angleterre – l’Europe démembrée se tiendrait tranquille.
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aristide-france · 3 years
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Quelques extraits de la nuit d’Elie Wiesel
« Jamais je n’oublierai cette nuit, la première nuit de camp qui a fait de ma vie une nuit longue en sept fois verrouillée.
Jamais je n’oublierai cette fumée.
Jamais je n’oublierai les petits visages des enfants dont j’avais bu les corps se transformer en volutes sous un azur muet.
Jamais je n’oublierai ce silence nocturne qui m’a privé pour l’éternité du désir de vivre.
Jamais je n’oublierai ces instants qui assassinent mon Dieu et mon âme, et mes rêves qui prirent le visage du désert.
Jamais je n’oublierai cela, même si j’étais condamner à vivre aussi longtemps que Dieu lui-même. Jamais. »
« Je n’attachais plus d’intérêt qu’à mon assiette de soupe quotidienne, à mon bout de pain rassis. Le pain, la soupe – c’était toute ma vie. J’étais un corps. Peut-être moins encore : un estomac affamé. L’estomac, seul, sentait le temps passé. »
« Ses yeux éteints et glacés se fixèrent. Il finit par dire d’une voix lasse :
- J’ai plus confiance en Hitler qu’en aucun autre. Il est le seul à avoir tenu ses promesses, toutes ses promesses, au peuple juif. »
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aristide-france · 3 years
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Quelques extraits de ci-gît l’amer - Cynthia Fleury
« Assumer le pretium doloris n’est pas seulement prendre le risque de la pensée ou de l’action, c’est également se détacher du besoin de réparation. Prendre ce risque-là, celui de ne pas réparer l’injustice commise, c’est cesser d’attendre la réparation comme deux ex machina, se libérer de l’attente émotionnellement, et pas seulement théoriquement. C’est prendre le risque de cicatriser soi-même la blessure, avec cette insuffisance bien connue que nous ne sommes pas forcément les meilleurs médecins de nous-mêmes, mais qu’il va falloir décider cela. Le seuil inaugural de la décision, avoir le courage de ne pas attendre la réparation, ne pas s’enfermer dans le besoin de réparation. Abandonner la plainte, la justice de cette plainte, prendre ce risque-là, non pas capituler, mais décider que sa blessure sera ailleurs, qu’elle n’est pas là, dans cet échange médiocre avec l’autre. Renoncer à la justice, non pas à l’idée de justice, mais à l’idée d’être le bras armé de cette justice, ou que d’autres le soient. »
« Hitler n’a pas fondé seulement son pouvoir sur des masses jusqu’alors peu politisées, mais il a pu assurer sa victoire légale en mars 1933 par la mobilisation de pas moins de 5 millions d’anciens non-votants, donc des citoyens apolitiques. » Et Reich de montrer que cet apolitisme revendiqué n’dst nullement une neutralité ou une indifférence mais une latence, celle de la dissimulation du ressentiment personnel, qui attend son heure, sans avoir conscience de cette attente – c’est cela ruminer -, qui approfondit son mal-être à défaut d’approfondir son action, et qui volontairement – consciemment ou inconsciemment – se dessaisit de sa responsabilité personnelle. »
« Le psychisme n’est heureusement pas la loi exclusive pour expliquer l’univers humain. Il ne détient pas les clés des secrets de l’individu et de l’Histoire. Gageons que le déterminisme social, économique et culturel et/ou psychique ne gagnera jamais la partie de la compréhension d’un être et d’une société. Il est néanmoins certain qu’un psychisme « malade », autrement dit une névrose trop forte ou une psychose, explique quantité de phénomènes qui ont une incidence immense sur le sujet et son environnement. C’est là un biais qui ne peut être nié, qui ne dit aucunement la vérité du sujet – qui dit même précisément l’inverse, comment le sujet se laisse déborder par ce qui n’est pas lui et s’y complait comment il laisse duper, ce qui peut devenir à terme hélas la vérité de ce sujet-là. La manière dont il envisage sa liberté, et élabore une « vérité » dynamique existentialiste et humaniste. »
« Prenons le cas extrême de la solution finale. Les nazis se sont très vite rendu compte que le problème majeur du processus de destruction « n’était pas d’ordre administratif, mais psychologique. « La conception même d’une Solution finale radicale dépendait de la faculté de ses auteurs à assumer les puissants freins et blocages psychologiques qui l’accompagnaient. »
« Telle est bien la définition du ressentiment : un mouvement qui enveloppe progressivement les victimes, une plasticité informe d’autant plus efficace qu’elle donne l’illusion de n’avoir plus ni corps ni tête, alors même qu’elle est une hydre à des centaines de milliers de têtes. L’hydre est un monstre pertinent car elle manie ensemble ce qu’on croit opposer, les individualités et la masse. Elle constitue une incarnation assez efficace de la dialectique entre le quantitatif et le qualitatif, au départ profondément séparés puis, au fil du processus, possiblement poreux. Supprimer l’hydre nécessite alors de supprimer une partie de ses têtes, et personne ne sais à l’avance quand la dialectique entre le quantitatif et le qualitatif s’interrompra. Couper l’intégralité ou même seulement la majorité des têtes ne sera pas nécessaire, mais une savante combinaison entre elles, entre celles qui sont jugées prescriptives et d’autres. Une combinaison qu’il serait heureux de parvenir à connaître pour se protéger de la dérive mortifère de ces grands ensembles. »
« Dorénavant, l’homme ressentimiste choisit délibérément de n’user que du langage que pour dégrader l’autre, le monde, les rapports qu’il entretient avec eux. Le langage est au service d’un dé-symbolisation. Il n’est plus au service de l’esprit critique mais de la pulsion. S’il ne vomit pas la pulsion, il est jugé inauthentique. Or, c’est précisément ‘inverse qi a lieu : un langage qui n’a plus la puissance de la symbolisation disparaît en tant que langage. Il s’assimile à la seul pulsion, incontrôlée et perd sa capacité transfiguratrice. Il n’est plus cet outil essentiel à l’édification de la rationalité publique, elle-même garante de l’Etat de droit, et plus globalement d’une société humaniste.
De nos jours, un tel vomissement est quasi permanent sur les réseaux sociaux, et ce d’autant plus que l’anonymat est l’une des règles qui organisent ces espaces. Anonymat unilatéral, au sens où l’homme du ressentiment va vomir sa haine et l’autre, en ciblant cet autre, précisément identifiable, sr sur lequel une violence physique pourra s’abattre, venant ratifier la violence langagière. Tel est le but : porter atteinte, porter un coup, aussi violent que possible, détruire l’image de l’autre parce qu’aujourd’hui cette image est quasiment consubstantielle de l’identité. Nul ne peut nier que c’est là une faiblesse de la société moderne d’avoir consolidé cette faille narcissique, et d’avoir rendu l’image plus puissante encore que le fait. »
« Le ressentiment produit une même logique, en mettant à l’œuvre une inversion des valeurs : si vous êtes riche et bien portant dans cet univers inique, c’est que vous êtes complice de cet univers inique ; car celui-ci est systémique, et ne considère nullement la valeur individuelle des personnes. Dès lors, un tel renversement des valeurs ne peut conduire qu’à l’avènement totalitaire, égalitariste au sens de réificateur : en lieu et place de la réification dominante, se déploiera la réification des dominés, devenant alors les dominants. Le cercle vicieux ne se rompt pas, il bénéficie simplement à un nouveau groupe. Le ressentiment n’est donc pas une pensée pour faire advenir la justice sociale mais une idéologie, un rapport de force qui cherche à s’établir et à promouvoir les intérêts d’un nouveau groupe qui se juge spolié. »
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aristide-france · 3 years
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Quelques extraits des garçons de l’été - Rebecca Lighieri
« Contrairement à mon frère, je ne suis pas un compétiteur : vaincre mes peurs et dépasser mes blocages m’intéressent beaucoup plus que surpasser les copains. Les gars dans le genre de Thadée m’amusent plus qu’ils me dérangent. J’ai appris à ne pas entrer dans leur jeu – seule façon d’avoir la paix avec eux.
J’ai toujours fait allégeance à mon frère, je lui ai toujours laissé la préséance. J’ai toujours su qu’il avait besoin de prendre toute la place et toute la lumière, qui lui était vital d’être reconnu comme el meilleur partout. Avec des parents différents, cette place d’éternel second m’aurait peut-être été pénible, mais les nôtres ont toujours veillé à ce que je ne sois pas éclipsé par mon brillant aîné, de sorte que j’ai même apprécié être le cadet, celui qui n’a pas à servir d’exemple et dont on attend peut-être un peu moins.
« On mon amour, mon beau, mon cher amour… Non, c’était nul, cette première fois. Nous étions trop pétrifiés par la solennité du moment, et par la hantise stupide de mal faire. J’avais eu mal, tu t’étais excusé sans fin de voir le sang couler, et tu m’avais couverte de baisers. Non, en fait, c’était merveilleux, merveilleusement nul et raté. »
« Qu’on ne s’y trompe pas, notre vie, à Jérôme et à moi, reste d’une tristesse sans nom. Les absents nous manquent et les souvenirs nous lacèrent. »
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aristide-france · 3 years
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Un extrait de la familia grande - Camille Kouchner
« Ce silence qui n’est pas seulement de la lâcheté. Certains d’entre eux sont ravis d’avoir à se taire. Un tel devoir atteste de leur appartenance à un monde. Il est une marque supplémentaire et toujours nécessaire de leur identité. A gauche comme dans la grande bourgeoisie, « on lave son linge sale en famille ». Comme chez Mme de la Fayette, la petite société se repaît des perversités et ne veut surtout pas partager. Même quand il s’agit de crimes, sur des enfants de 14 ans qui plus est. Il faut être dans le secret pour appartenir à la Cour, la familia grande, occupée à comploter. »
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aristide-france · 3 years
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Quelques extraits de la fabrique du monstre - Philippe Pujol
« A Marseille, les pauvres sont le cœur de la ville. Et dans cette économie informelle, on ne se préoccupe pas plus que ça de savoir ce qui est autorisée ou pas. L’important ce sont les petits boulots pour tout le monde. Pas vraiment de l’entraide, plutôt un équilibre précaire pour donner une activité à tous et leur permettre d’exister et gagner quelques euros. Du négoce, des courses, du transport, du renseignement, de la surveillance et du recel. Des vols souvent. La marchandise se retrouve toujours chez celui qui saura comment l’écouler. Une sorte de tri spontané. Ni Dieu ni maître. Et ça marche comme ça, dans le centre-ville. »
« Mais ces « cramés » ne sont pas représentatifs de la jeunesse des banlieues. Il faut marteler cette vérité : les jeunes délinquants sont une infime minorité dans les quartiers populaires. Et, au sein de cette minorité, ils sont encore moins nombreux à dériver vers une carrière criminelle. Seuls 5% des délinquants. Seuls 5% des délinquants passés par la justice des mineurs deviennent multirécidivistes. Mais il ne faut pas nier non plus que Marseille possède des milieux criminogènes. Ils peuvent relever d’une carrière familiale, parfois, ou de l’effet de bande. Ainsi, dans un réseau de revente de shit, tous les acteurs n’ont pas vocation à « monter au braquage », l’ultime action pour montrer qu’on en a. « Contrairement au gestionnaire de réseau, les vendeurs de rue n’ont pas de plan de carrière », m’explique un jeune homme dont les amis d’enfance vendent du shit au bas d’un bloc. « Ils ne mettent pas non plus d’argent de côté. La seule perspective de carrière qu’ils ont, c’est de monter d’un cran. » Passer la cagoule. Une cagoule de fil d’or.
Car voilà l’obsession : du fric ramené avec panache. »
« Allons, il faut bien se l’avouer : derrière le maquillage et les liftings, Marseille est une ville défraîchie, abîmées par des systèmes rebattus comme les anecdotes de son maire. Depuis bientôt 50 ans, Marseille n’en finit pas d’être en voie de développement. Certains pensent que la ville n’en finit pas de décliner, comme le montre la paupérisation des quartiers populaires. La création de richesse y est si rare, si faible que ce qui existe n’est redistribué que par la voie du clientélisme partagé en plusieurs vases clos.
Le clientélisme associatif : un réservoir à électeurs qu’il ne reste qu’à vider une fois les élections passées.
Le clientélisme communautaire : la persistance artificielle d’un phénomène tendant à dissoudre dans la capacité réelle et naturelle de Marseille à intégrer les immigrés.
Le clientélisme locatif : la répartition des habitants dans la ville en fonction du piston et son corollaire, la fabrique des ghettos, leur ségrégation et meurs tensions.
Le clientélisme à l’emploi : ou comment entretenir l’inégalité et abîmer l’égalité en vue d’un déclassement à combattre.
Le clientélisme éducatif : machine à ghetto scolaire, source de la galère.
Le clientélisme syndical : Force ouvrière fournissant des fonctionnaires formatés au burlesque administratif.
Le clientélisme immobilier : vente d’une ville à la découpe sans cohérence urbanistique. Des infrastructures vitales insuffisantes : maisons de retraite, crèches, réseaux routiers. Des transports en commun presque inexistants.
Sans compter les petits lobbys qu’il faut satisfaire ; les restaurateurs qui aimeraient tous avoir des parkings, si possible jusque sans leurs cuisines, les plaisanciers du Vieux-Port qui ont souhaité des pontons flottants pour leurs sardinades du dimanche, revendication entendue par les autorités qui on enfin fait sauter les barrières enserrant la Lacydon.
Et ce clientélisme aussi volumineux et protéiforme soit-il, ne bénéficie qu’à ceux qui sont en place et intégrés depuis suffisamment longtemps pour pouvoir rendre quelque chose en retour. Pour ceux-là, il faut que rien ne bouge. Leur survie est en jeu. Ils exècrent la nouveauté et sont pris de tendresse sénile pour un passé peu reluisant. Ce sont les conservateurs qui déploient des efforts pour que rien ne bouge.
Les Marseillais ne sont jamais mieux asservis que par eux-mêmes. »
« Une profanation de l’esprit républicain allégrement commise dans la galéjade, les petites phrases, les piques et les réconciliations pagnolesques. On se focalise sur la prétendue violence de Marseille et ses règlements de compte quand il faudrait ouvrir les yeux sur la non-violence des dérives mafieuses, d’un système mou bourré d’arrangements. »
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aristide-france · 3 years
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Quelques extraits de Sources sûres - Véronique Campion-Vincent et Jean-Bruno Renard
« Remarquant l’ampleur des angoisses alimentaires, Apfelbaum rappelle que la néophobie, c’est-à-dire l’inquiétude face au nouveau, est inscrite dans le programme génétique des omnivores. Avantagés car ils peuvent se nourrir dans des environnements très divers mais contraints d’apprendre à choisir leur nourriture, les humains qui sont omnivores, ont besoin d’un apprentissage social du mangeable et d’une transmission entre les générations ; les sociétés traditionnelles connaissent toutes des tabous, et elles avaient élaboré des structures alimentaires complexes et contraignantes. »
« Toutefois, il y a bien un danger statistiquement mesurable : l’accident en cas d’usage du téléphone portable en conduisant un véhicule. »
« La fonction de ces histoires – principalement lorsqu’elles sont objet de croyance – est ambivalente. D’un côté, elles nous servent à condamner des comportements d’individus désignés comme pervers et anormaux, et donc à nous poser nous-mêmes comme normaux. La morale de ces histoires est puritaine, conservatrice, et consiste toujours en une mise en garde : « voyez ce qui arrive quand… » ; autrement dit : « Voyez ce qui vous arriverait si vous faisiez cela. » D’un autre côté, les rumeurs et récits de fantaisies sexuelles fonctionnent comme un fantastique machine à se défouler, à exprimer des fantasmes qui sont ainsi vécus par procuration, c’est-à-dire sans danger. La psychanalyse définit la perversion comme un « passage à l’acte ». Ni refoulement névrotique, ni acte pervers, la rumeur ou le récit de perversion offre la troisième voie d’un « passage à l’acte verbal », d’une parole libératrice et salutaire. L’adulte y retrouve de manière jubilatoire la « perversité polymorphe », selon l’expression de Freud, de l’enfant qu’il a été.
La justice immanente qui règne dans les légendes urbaines ca sanctionner les fantaisies sexuelles par une punition plus ou moins sévère, qui va de la honte publique à la mor accidentelle. »
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aristide-france · 3 years
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Quelques extraits de Histoire d’une vie - Aharon Appelfeld
Durant les jours passés au ghetto, il habita avec nous dans une seule pièce. La précieuse collection ne nous avait pas quitté mais nous ignorions comment la sauver. Finalement, l’oncle la confia au directeur d’une succursale de banque et promit d’en prendre soin jusqu’à ce que la tempête passe. Une nuit, il vint prendre les paquets. C’était un homme grand qui possédait de longues mains. Je sus que nous ne verrions plus jamais ce trésor.
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Le panorama à la lisière de la forêt était immense et exaltant : des champs et des champs de maïs à perte de vue. Parfois je restais immobile pendant des heures à attendre mes parents. Au fil des jours je m’étais inventé des signes présageant leur retour : si le vent était fort, si je voyais un cheval blanc, si le coucher du soleil n’était pas incandescent. Ces signes aussi me décevaient, mais je ne désespérais pas. J’inventais d’autres signes, trouvais d’autres chemins. Je restais assis au bord du ruisseau et rêvais les yeux ouverts de leur retour.
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Tout le monde se demandait comment avaient grandi ces jeunes qui n’avaient pas étudié au lycée et ne lisaient pas les journaux. Que leur avaient inculqué leurs parents – des gens simples – pour qu’ils fussent si courageux sauveurs ? Personne n’émit d’hypothèse intelligente.
Le destin du jeune Karl fut différent de celui de ses grands frères. Un officier roumain se jeta sans raison apparente sur l’un des sourds. Karl alla lui demander de le laisser tranquille. L’officier le frappa également. Karl tituba et tomba, mais il recouvra rapidement ses esprits, saisit l’officier à la gorge et l’étrangla.
Il fut arrêté et fusillé la nuit même dans la cour du commissariat.
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aristide-france · 3 years
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Quelques extraits de Tartuffe de Molière.
« Aussi ne vois-je rien qui soit plus odieux
Que le dehors plâtré d’un zèle spécieux
Que ces francs charlatans, que ces dévots de place
De qui la sacrilège et trompeuse grimace
Abuse impunément et se joue à leur gré
De ce qu’ont les mortels de plus saint et sacré
Ces gens qui, par une âme à l’intérêt soumise,
Font de dévotion métier et marchandise
Et veulent acheter crédit et dignités. »
« Cessez de m’interrompre, et songez à vous taire
Sans mettre votre nez où vous n’avez que faire. »
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aristide-france · 3 years
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Quelques extraits de l’essai sur les libertés - Raymond Aron
« Le prolétariat, c’est-à-dure des millions de travailleurs, ne peut exercer lui-même la dictature. Dès lors, on peut comprendre que le marxisme, rejetant la méthode des réformes progressives, refusant d’admettre la permanence des sphères distinctes, économique et politique, visant une libération de tous par la maîtrise des producteurs associés sur leur destin ait abouti à un asservissement total de tous à un parti, voire à un homme. Car comment les « producteurs associés » pourraient-ils réorganiser la société à partir de ses fondements si leurs association ne se montre pas capable de commander, autrement dit si l’association des producteurs elle-même ne se constitue pas en partie, avec une hiérarchie, un état-major et un chef ?
Faut-il dire que, par une ironie de l’Histoire, les gouvernés aspirent aux libertés formelles là où règne la philosophie des libertés réelles ? »
« Jusqu’à quel point est-il légitime de reconnaître au parti une autorité absolue d’ordre intellectuelle ? Quelles sont les exigences de la doctrine en matière de biologie, de peinture, de musique ? Là se trouve la contradiction de l’idéocratie. Elle se réclame de la science puisque, selon elle, le marxisme est scientifique. Elle répand la culture scientifique, condition essentielle de l’édification socialiste, du triomphe de l’homme sur la nature. Mais en même temps, elle limite la discussion, elle restreint les droits des créateurs, artistes ou écrivains, au nom du principe d’autorité, baptisé vérité de classe. »
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aristide-france · 3 years
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Quelques extraits de l’essai sur les libertés - Raymond Aron
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aristide-france · 4 years
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Quelques extraits de l’opium des intellectuels de Raymond Aron.
« Il est loisible de répliquer que le totalitarisme hitlérien est de droite, le totalitarisme stalinien de gauche, sous prétexte que l’un emprunte des idées au romantisme contre-révolutionnaire, l’autre au rationalisme révolutionnaire, que l’un se veut essentiellement particulier, national ou racial, l’autre universel à partir d’une classe élue par l’Histoire. Mais le totalitarisme prétendument de gauche, 35 ans après la révolution, exalte la nation grand-russe, dénonce le cosmopolitisme et maintient les rigueurs de la police et de l’orthodoxie, autrement dit il continue de nier les valeurs libérales et personnelles que le mouvement des Lumières cherchait à promouvoir contre l’arbitraire des pouvoirs et l’obscurantisme de l’Eglise. »
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« La gauche réclame l’égalité tant qu’elle est dans l’opposition et que les capitalistes se chargent de produire des richesses. Le jour où elle est au pouvoir, elle doit concilier, elle aussi, le besoin d’une production maximum avec le souci d’égalité. »
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« Qu’il s’agisse de l’Esoagne, de l’Algérie ou du Viet-Nam, Camus n’a commis aucun crime de lèse-progressisme. Quand l’Espagne rentre à l’UNESCO, il écrivit une admirable lettre de protestation. L’entrée de l’URSS ou de la Tchécoslovaquie soviétisée l’a trouvé silencieux. Il appartient, pour l’essentiel, lui aussi, à la gauche bien pensante. »
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La violence elle-même attire, fascine plutôt qu’elle ne repousse. Le travaillisme, la « société scandinave sans classes » n’ont jamais joui auprès de la gauche européenne, surtout française, du prestige qu’a gardée la Révolution russe, en dépit de la guerre civile, des horreurs de la collectivisation et de la grande purge. Faut-il dire en dépit ou à cause ? Toute se passe parfois comme si le prix de la Révolution était mis au crédit plutôt qu’au débit de l’entreprise.
Nul homme n’est assez dénué de raison pour préférer la guerre à la paix. Cette remarque d’Hérodote devrait s’appliquer aux guerres civiles. Le romantisme de la guerre est mort dans les boues de Flandre, le romantisme de la guerre civile a survécu aux caves de Loubianka. On se demande par instants si le mythe de la Révolution ne rejoint pas le culte fasciste de la violence. Aux derniers instants de la pièce, le Diable et le Bon Dieu, Goetz s’écrie : « Voilà le règne de l’homme qui commence. Beau début. Allons Nasty, je serai bourreau et boucher… Il y a cette guerre à faire et je la ferai. »
Le règne de l’homme serait celui de la guerre ?
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Pourquoi le prolétariat doit-il être révolutionnaire ? Si l’on s’en tient à un sens vague de ce dernier mot, on peut plaider que les ouvriers de Manchester de 1850, comme ceux de Calcutta aujourd’hui, réagissent à leur situation par une espèce de révolte. Ils ont conscience d’être victime d’une organisation injuste. Tous les prolétaires n’ont pas le sentiment d’être exploités ou opprimés. L’extrême misère ou la résignation ancestrale étouffe ce sentiment, l’élévation du niveau de vie et l’humanisation des rapports industriels l’atténuent. Probablement ne disparaît-il jamais entièrement, même sous la propagande obsessionnelle de l’Etat communiste, tant il est lié à la condition du salarié, à la structure des industries modernes.
On ne saurait conclure que le prolétariat est spontanément en tant que tel révolutionnaire. Lénine eut la clairvoyance de constater l’indifférence des ouvriers à leur vocation, leur souci de réformes hic et nunc. La théorie du parti, avant-garde du prolétariat, est née précisément de la nécessité reconnue d’entraîner les masses qui aspirent à un sort meilleur, mais répugnent à l’apocalypse.
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« Bien loin que le marxisme soit la science du malheur ouvrier et le communisme la philosophie immanente du prolétariat, le marxisme est une philosophie d’intellectuels qui a séduit des fractions du prolétariat et le communisme use de cette pseudo-science pour atteindre sa fin propre, la prise du pouvoir. Les ouvriers ne croient pas d’eux-mêmes qu’ils sont élus pour le salut de l’humanité. Ils éprouvent bien davantage la nostalgie d’une ascension vers la bourgeoisie.
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Les trostkystes inclinent à prendre parti pour l’URSS aux prises avec les Etats capitalistes. Hostiles à l’univers bourgeois, qui leur laisse la liberté de vivre et de s’exprimer, ils gardent la nostalgie de l’autre univers, qui les éliminerait impitoyablement, qui, fascinant et lointain, porte leur rêve et le sort du prolétariat. »
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La pluralité de signification, qui résulte de l’indétermination des ensembles et de la discrimination entre sens spécifiques et sens vécu entraîne le renouvellement de l’interprétation historique, elle offre d’abord une protection contre la pire forme de relativisme celle qui se combine avec le dogmatisme. On commence par ignorer les sens spécifiques, on tâche de réduire les œuvres philosophiques à la signification qu’elles prennent dans la conscience du non philosophe, on interprète les sens vécus par référence à un fait baptisé dominant, comme la lutte des classes, et on finit par prêter au monde humain, réduit à une seule dimension un sens unique, décrété par l’historien. La multiplicité des ensembles, réels et idéels, interdit le fanatisme qui méconnaîtrait la diversité des rôles, que jouent les individus en une société complexe, l’entrecroisement des systèmes en lesquels s’insèrent les activités. La reconstitution historique garde un caractère inachevé, parce qu’elle n’a jamais dégagé toutes les relations, ni épuisé toutes les significations. »
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aristide-france · 4 years
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Quelques extraits des paradis artificiels de Charles Baudelaire.
« Le vin exalte la volonté, le hachich l’annihile. Le vin est un support physique, le hachich est une arme pour le suicide. Le vin rend bon et sociable. Le hachich est isolant. L’un est laborieux pour ainsi dire, l’autre essentiellement paresseux. A qui bon, en effet, travailler, labourer, écrire, fabriquer quoi que ce soit, quand on peut emporter le paradis d’un seul coup ? Enfin le vin est pour le peuple qui travaille et qui mérite de boire. Le hachich appartient à la classe des joies solitaires ; il est fait pour les misérables oisifs. Le vin est utile, il produit des résultats fructifiants. Le hachich est inutile et dangereux.3
« Votre face s’inonde de pâleur. Les lèvres rétrécissent et vont rentrant dans la bouche, avec ce mouvement d’anhélation qui caractérise l’ambition d’un homme en proie à de grands projets, oppressé par de vastes pensées, ou rassemblant sa respiration pour prendre son élan. La gorge se ferme, pour ainsi dire. Le palais est desséché par une soif qu’il serait infiniment doux de satisfaire, si les délices de la paresse n’étaient pas plus agréables et ne s’opposent pas au moindre dérangement du corps. Des soupirs rauques et profonds s’échappent de votre poitrine comme si votre ancien corps ne pouvait supporter les désirs et l’activité de votre âme nouvelle. De temps à autre, une secousse vous traverse et vous commande un mouvement involontaire, comme ces soubresauts qui, à la fin d’une journée de travail ou dans une nuit orageuse, précèdent le sommeil définitif. »
« Le vin prive l’homme du gouvernement de soi-même, et l’opium rend ce gouvernement plus souple et plus calme. Tout le monde sait que le vin donne une énergie extraordinaire, mais momentanée, au mépris et à l’admiration, à l’amour et à la haine. Mais l’opium communique aux facultés le sentiment profond de la discipline et une espèce de santé divine. Les hommes ivres de vin se jurent une amitié éternelle, se serrent les mains et répandent des larmes sans que personne puisse comprendre pourquoi ; la partie sensuelle de l’homme est évidemment montée à son apogée. »
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aristide-france · 4 years
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Quelques extraits des paradis artificiels de Charles Baudelaire.
« Le vin exalte la volonté, le hachich l’annihile. Le vin est un support physique, le hachich est une arme pour le suicide. Le vin rend bon et sociable. Le hachich est isolant. L’un est laborieux pour ainsi dire, l’autre essentiellement paresseux. A qui bon, en effet, travailler, labourer, écrire, fabriquer quoi que ce soit, quand on peut emporter le paradis d’un seul coup ? Enfin le vin est pour le peuple qui travaille et qui mérite de boire. Le hachich appartient à la classe des joies solitaires ; il est fait pour les misérables oisifs. Le vin est utile, il produit des résultats fructifiants. Le hachich est inutile et dangereux.3
« Votre face s’inonde de pâleur. Les lèvres rétrécissent et vont rentrant dans la bouche, avec ce mouvement d’anhélation qui caractérise l’ambition d’un homme en proie à de grands projets, oppressé par de vastes pensées, ou rassemblant sa respiration pour prendre son élan. La gorge se ferme, pour ainsi dire. Le palais est desséché par une soif qu’il serait infiniment doux de satisfaire, si les délices de la paresse n’étaient pas plus agréables et ne s’opposent pas au moindre dérangement du corps. Des soupirs rauques et profonds s’échappent de votre poitrine comme si votre ancien corps ne pouvait supporter les désirs et l’activité de votre âme nouvelle. De temps à autre, une secousse vous traverse et vous commande un mouvement involontaire, comme ces soubresauts qui, à la fin d’une journée de travail ou dans une nuit orageuse, précèdent le sommeil définitif. »
« Le vin prive l’homme du gouvernement de soi-même, et l’opium rend ce gouvernement plus souple et plus calme. Tout le monde sait que le vin donne une énergie extraordinaire, mais momentanée, au mépris et à l’admiration, à l’amour et à la haine. Mais l’opium communique aux facultés le sentiment profond de la discipline et une espèce de santé divine. Les hommes ivres de vin se jurent une amitié éternelle, se serrent les mains et répandent des larmes sans que personne puisse comprendre pourquoi ; la partie sensuelle de l’homme est évidemment montée à son apogée. »
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aristide-france · 4 years
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Quelques extraits de Michel Rocard de Pierre-Emmanuel Guigo.
Combien d’hommes politiques peuvent se targuer d’avoir dialogué à de nombreuses reprises, jusqu’à se faire des amis et des soutiens politiques avec les sociologues Alain Touraine , Edgar Morin, Pierre Bourdieu, les philosophes Paul Ricoeur, Patrick Viveret, les politologues Gérard Grunberg, Roalnd Cayrol, Georges Lavau, Frédéric Bon, Dominique Missika, les économistes François Stasse, Pierre-Yves Cossé, Jacques Mistral, Elis Cohen, les juristes Guy Carcassonne et Olivier Duhamel, les historiens Pierre Rosanvalon, Jaques Julliard et Alain Bergounioux ? Et cette liste et loi d’être exhaustive…
Comment dès lors expliquer que, malgré 60 ans de politique et de militantisme, Michel Rocard soit resté en bonne partie étranger au savoir-faire courant de la vie politique Française ?
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Dès 1960, il se montrait d’ailleurs lucide sur l’impacte des médias de masse. Si son regard est globalement positif à l’époque, il pointait déjà le potentiel des effets négatifs : « ces grands moyens d’information de masse appellent à l’enthousiasme et à la colère, à l’adhésion ou au refus, toujours au réflexe, jamais au raisonnement. » Peut-être faut-il y voir la source de sa misanthropie grandissante. Depuis le 10 mai 1981, ils fuit les regards et les micros des journalistes, montre son agacement à l’égard de certaines questions, attitudes qui lui étaient inconnues avant son échec de 1980. Cette austérité nouvelle, le Bébête Show qui émerge alors, le retranscrit en le transformant en corbeau de mauvais augure, le célèbre « Rocroa ».
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Mais dès 1982, la situation semble se détériorer rapidement. La reprise n’arrive pas, la croissance stagne, le chômage continue de grimper comme l’inflation et les déficits comme l’inflation et le déficit public s’accroît lourdement. Le déficit budgétaire est multiplié par 3 au cours de l’année 1982 ! La dette extérieure est, elle, multipliée par 4 en 3 ans. Le gouvernement change de braquet en deux temps, d’abord en juin 1982 avec une première dévaluation, suivie par une deuxième en mars 1983. L’indexation des salaires sur les prix est abandonnée, le contrôle des changes est instauré et les impôts sont nettement réévalués.
Ce retournement de stratégie économique du gouvernement semble donner raison à Rocard, même s’il n’a guère été consulté. C’est Delors et Mauroy qui ont été décisifs, le président choisissant de préférer leur option, préservant ainsi la place de la France au sein de la CEE, plutôt que de suivre l’avis des visiteurs du soir, suggérant une sortie su système monétaire européen.
Le ministre du Plan ressent une grande frustration de ne pouvoir participer à cette évolution décisive. Peyrelevade témoigne : « Mauroy et Delors ont réussi, en 1982, à mettre fin à une période un peu folle. Rocard aurait dû être leur allié naturel. Mais il avait pris une attitude de victime : il critiquait sans arrêt. Rocard a joué « perso ». Il avait souvent raison, mais il exaspérait tout le monde. Il s’est marginalisé lui-même. »
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aristide-france · 4 years
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Quelques extraits d’une dernière chose avant de partir. Jonathan Tropper
Il a toujours été du genre timide, lorsqu’il s’agit d’aborder les femmes. L’alcool aide, mais en général, on n’en sert pas dans les librairies et Silver ne pense pas que sortir une flasque de sa poche à 3 heures de l’après-midi ajouterait vraiment à son capital séduction. Avant de pousser la porte, Silver s’arrête pour feuilleter un magazine ; il la regarde et ne trouve pas la moindre phrase, la plus petite amorce de conversation qui ne donnerait pas l’impression qu’il la drague. Aborder une inconnue, c’est révéler ses intentions avant même d’avoir prononcé un mot et, pour Silver, tant de transparence a toujours été paralysant.
Il est seul depuis si longtemps. Il n’a rien à perdre et tout à gagner. Peut-être se sent-elle seule, elle aussi. Silver est presque certain que c’est le cas, il l’entend quand elle chante. Peut-être accueillerait-elle favorablement la conversation – la possibilité d’une possibilité. Et si le cours de leur vie devait s’en trouver changé, que pesait le risque d’une rebuffade ? Tandis qu’il la regarde sortir de la librairie et qu’il écoute la cloche tinter derrière elle, il décide que c’est une autre facette du malaise général ayant entraîné les innombrables mauvaises bifurcations qui ont façonné sa vie.
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