Tumgik
lightsovermaloski · 3 years
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Partie I. H-5.30
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Warning/s: peur, sang, mort, cadavre...
Word count: ~3200 mots
***
Cela faisait bien une dizaine de minutes que les adolescents roulaient en direction de Cecile Bombeek. La musique était à fond, et Aurora et Elias donnaient le meilleur d’eux-mêmes en karaoké. Ilan regardait le paysage, en repensant au comportement étrange et alarmant de Nora pendant la soirée. Cette dernière tremblait de froid. Vêtue de son sweat bleu clair, elle n’était pas préparée à des températures aussi glaciales. Elle avait prévu qu’il ferait froid, mais pas à ce point. La nuit s’était sûrement rafraîchie depuis leur départ. Pourtant, elle ne pouvait pas s’empêcher de remarquer qu’elle semblait être la seule à avoir froid. La fenêtre d’Aurora était grande ouverte et ses poignets hors de la voiture, elle jouait avec l’air qui défilait à toute allure. Les garçons ne portaient même pas leur veste, et leurs bras nus ne semblaient pas avoir la chair de poule. Elias, lui, poussait sa voiture à fond.
L’ambiance changea du tout au tout.
« Elias, tu roules un peu trop vite là », s’inquiéta Aurora en baissant le volume de la musique. Le conducteur ne sembla pas réagir à la remarque.
« - Elias, tu roules trop vite !, cria cette fois Aurora.
- Ne me crie pas dessus !, s’énerva le jeune garçon, soudain paniqué. Je n’arrive pas à ralentir ! Je crois que les freins ne marchent plus. Ils ne réagissent plus, bordel ! ».
Elias cherchait une solution dans sa tête. Il connaissait les routes de Norvège par cœur pour les avoir traversées en long, en large et en travers avec sa famille. Il savait que le virage était proche. Et que s’il ne trouvait pas un moyen de freiner, la voiture se jetterait dans le vide montagneux. Il avait conscience que les chances de survie étaient faibles. Il voulait garder le contrôle, mais sa main frappait machinalement le volant dans un geste de stress.
Aurora était, elle, prise de panique. Sa respiration était courte. Elle était asthmatique, et une crise pointait le bout de son nez. Elle s’agrippait à son inhalateur comme si sa vie en dépendait. C’était probablement un peu le cas. Les mots rassurants d’Ilan ne la calmaient pas - et ils aggravaient même sûrement la situation. Il avait beau se la jouer zen, il était aussi agité. Il voulait trouver un moyen de s’en sortir, mais rien ne lui venait à l’esprit. Ses yeux bougeaient frénétiquement et il se massait les tempes.
« Désolé », répétait Elias en boucle. Nora aurait bien tenté de lui dire que ce n’était pas de sa faute, mais elle se souvint de l’avoir blâmer avant de partir. Et elle trouvait presque plus supportable de mettre sa propre mort sur le compte d’autrui. C’était pourtant elle qui rêvait.
La ford fiesta traçait une ligne droite, la route commençait pourtant à tourner. Le cœur de Nora faillit lâcher lorsqu’elle crut apercevoir une silhouette sur le bord de la route. La silhouette prit une tournure drôlement humaine, et dérangeante. La rousse ne put apercevoir que des yeux bleus glaçants. Il nous attend, pensa-t-elle. Elle ne se comprenait pas elle-même. Qui les attend ?
Jonas, Jonas, Jonas
Elle se pensait folle à lier. Perdue dans ses pensées, elle n’entendit pas qu’Ilan lui criait dessus. Il lui hurlait d’essayer de protéger son visage, de faire quelque chose. Mais elle n’écoutait pas. Elle n’écoutait ni les conseils futiles d’Ilan, ni les hurlements à glacer le sang d’Aurora.
Un choc lui explosa le crâne contre le siège beige, laissant une tache de sang dégoulinante. Une douleur insoutenable lui envahit le corps. Elle ne pouvait retenir un cri déchirant. La voiture tombait dans le vide, et elle se sentait partir dans une souffrance amère. Un autre choc puis l’auto se mit à faire des tonneaux. Nora lâcha un dernier soupir.
***
« - Nora ?
La jeune fille ouvrit difficilement les yeux. La lumière lui brûlait la rétine. Elle se toucha la tête, constatant qu’elle n’avait pas l’air d’avoir de blessures. Le siège était toujours d’un beige parfait devant elle. La confusion laissa place à un étrange soulagement. Elle n’avait pas l’air morte, et putain, ce que ça faisait du bien de le savoir.
- Bordel, tu m’as fait peur ! Tu t’es évanouie d’un coup, et tu t’es mise à trembler, j’ai cru qu’on t’avait perdu !, hurlait Ilan. Il avait la main sur l’épaule de celle qui était assise à l’arrière. Son visage était marqué par l’inquiétude. Ne me refais plus jamais ça !
- Désolée, je… Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Je ne me sens pas très bien, on devrait peut-être faire demi-tour. »
Elias soupira. Il jeta un œil dans le rétroviseur. Nora était livide, certes, mais pas au bord de l’agonie non plus. Elle supporterait bien de rester une petite heure dans un lieu désert. Quelle chochotte, pensa-t-il.
« On arrive dans une ou deux minutes, c’est un peu tard pour se dégonfler maintenant », cracha sèchement Elias. Nora voulut répliquer. Elle ne se dégonflait pas, elle était juste inquiète. Morte de peur, en réalité. Elle était persuadée que ça allait mal finir. « Il nous attend », murmura Nora.
Un silence malaisant s’installa dans la voiture. Aurora rangea ses mains à l’intérieur de l’auto. Elle coupa entièrement la musique. La main d’Ilan agrippa, d’un coup, plus fermement l’épaule de Nora. « - De qui tu parles ? », demanda-t-il. Ses yeux fixaient le visage de la jeune fille, elle était terrorisée. Ce n’était pas le genre de Nora d’avoir peur. Au contraire, c’était une casse cou. Elle s’attirait toujours des ennuis, car elle fonçait toujours la tête la première. La voir dans cet état n’était pas normal. Il avait bien remarqué depuis le début de la soirée que quelque chose ne tournait pas rond, mais là, c’était trop. Il voulut lui demander comment elle allait, mais Elias ne lui en laissa pas le temps.
« - T’as dit quoi là ?
Nora ne répondit pas. Elle ne savait pas quoi répondre. Elle-même ne pouvait se douter de ce qui les attendait.
- Je te parle, Nora, répond !
- Je n’en sais rien, Elias, je ne sais pas pourquoi j’ai dit ça. »
La jeune fille espérait que cette explication suffirait. Elias ricana, et murmura un truc dans le genre « t’es complètement tarée ».
Ilan sentit que Nora allait se rebeller, et qu’une dispute allait finir par éclater. Il lança un regard désapprobateur à la jeune fille, qui soupira - de colère et d’angoisse. Aucun jour ne passait sans qu’Elias et elle ne se disputent. Ils n’avaient jamais été proches. Si Elias traînait avec eux, c’était simplement parce qu’Aurora s’était entichée de lui - et parce que ça faisait du bien à Ilan de ne plus être le seul mec de la petite bande. Nora l’acceptait pour faire plaisir à ses copains, mais à la moindre occasion, elle se faisait un malin plaisir de le dénigrer. Plaisir qui lui était vivement rendu.
Nora se sentait gênée par le poids des objets dans son sweat. Elle décida de laisser sa batterie externe dans la voiture. L'appareil électronique avait beau être petit, il était tout de même assez lourd. Elle ne garda que deux lampes torches. Persuadée que ces dernières finiraient par leur servir.
La voiture s’engouffra dans un petit chemin de terre et se gara dans un petit espacement, près d’un ancien panneau. Nora ne put déchiffrer quelle fut l’utilité de cet objet. Elle descendit de la voiture, un nœud tiraillant son ventre.
Il n’était pas même 20 h, le soleil brillait encore d’une lumière orangée. Nora se hissa hors de la voiture. L’odeur boisée de l’air lui gratta le nez. Elle fixait l’énorme bâtisse qui se tenait devant elle en se demandant ce que s’y cachait à l’intérieur. Elle fut sortie de ses songes par Ilan. Il lui agrippa, violemment, le bras.
« - Qui nous attend ? Adrian ?
- Je te jure que je ne sais pas. Je ne sais pas pourquoi j’ai dit ça.
La réponse de la jeune fille ne satisfaisait pas Ilan. Il allait lui faire cracher le morceau de ce qui se passait derrière la petite tête rousse.
- Ce n’est pas ton genre de parler pour ne rien dire, fit-il remarquer. Nora soupira.
- C’est vrai, mais… c’est sorti de nulle part.
- Vous ne trouvez pas ça chelou ?, interrompit Aurora. Cette voiture-là, c’est hyper bizarre.
Nora regarda les alentours et vit une voiture rouge cachée dans des buissons. L’emplacement était étrange, il donnait réellement l’impression que ceux qui l’avaient placée là voulaient que personne ne trouve l’auto.
- C’est sûrement des gens qui sont venus visiter l’école, comme nous. Depuis que la légende circule sur internet, énormément de gens se rendent ici, expliqua Elias d’un ton assuré.
- C’est peut-être cet Adrian…, murmura Aurora.
Nora écarquilla les yeux. C’est donc vrai, alors ?, se demanda-t-elle.
- Ça peut-être n’importe qui. À mon avis, ce sont de simples urbexeurs. Bougez-vous maintenant, je n’ai pas toute la nuit. » Elias avait une voix autoritaire, ce qui déplut fortement à Nora. Celle-ci voulut le remettre à sa place, lui dire qu’il n’était pas obligé de leur parler comme ça, mais elle se retint de le faire. Ce n’était ni le moment ni l’endroit. Il valait mieux rester soudés.
La fin est proche
Elias prit Aurora par la main, la forçant à se mettre en route. Ils avancèrent de quelques pas. Nora, elle, resta sur place. Elle regarda derrière elle. La route était déserte. Elle ressentit l’envie d’y courir, de faire du stop, et de partir le plus loin possible. Loin de ce cauchemar. Elle secoua la tête, en se moquant légèrement d’elle-même. Mais de quel cauchemar tu parles ? Tout va bien, tentait-elle de se convaincre. Au fond d’elle, elle savait pourtant pertinemment que ce n’était pas le cas.
Ilan s’approcha d’elle. « Tout va bien ? ». Nora afficha un léger sourire pour tenter de rassurer le garçon. « Ça va. C’est juste que toutes ces coïncidences m’angoissent ». Ilan hocha la tête en signe de compréhension.
Elias sortit son téléphone. Il se retourna vivement vers ceux qui étaient restés en arrière. « Vous comptez rester là ? ». ll se mit légèrement à rire. « Je vais filmer avec mon téléphone. Pour faire une sorte de vlog. Ça nous fera des souvenirs ! ».
Il commença par filmer l’école de loin. « Bonsoir à toutes et à tous ! Moi, c’est Elias. Voici la belle Aurora. Et derrière, nous avons mon pote Ilan et la poule mouillée de Nora ! ». La « poule mouillée » fit les yeux ronds et insulta violemment le cameraman dans sa tête. Quel enfoiré ! pensa-t-elle. « Nous sommes à Cecile Bombeek et nous allons faire de l’urbex dans l’école. Peut-être même faire le jeu maudit ». Un sourire glaçant se dessina sur le visage du garçon. Nora voyait dans ses yeux qu’il était prêt à tout et qu’il ne quitterait pas l’endroit sans avoir prouvé au monde entier que cette légende était un ramassis de conneries.
Ou pas, faites attention à la silhouette.
Les quatre ados décidèrent d’allumer la lumière de leur téléphone et de garder les lampes torches en secours.
Son portable à la main, Elias se remit à marcher, accompagné d’Aurora. Ilan attrapa la main de Nora, et tous deux suivirent de loin leurs amis. Pour arriver au-devant de l’école, il fallait la contourner en traversant une forêt. Ce qui n’était pas forcément rassurant. Tous les quatre pénétrèrent dans les bois sombres. Les arbres étaient gigantesques, et leur feuillage était très épais. La claire lueur du soleil ne parvenait pas à traverser la forte végétation. Les lumières de leur téléphone formaient des ombres inquiétantes. Le chemin, boueux, était par endroit impraticable. Plus d’une fois, Nora manqua de tomber dans une flaque de boue, et dut s’agripper à Ilan pour éviter la chute. Une chouette hululait au loin, Nora la percevait si faiblement qu'elle se demandait constamment si elle n'était pas en train d'imaginer ce son - pour le côté dramatique peut-être. Une légère brise caressait la peau fragile du visage de Nora. Le moindre craquement de branche la faisait sursauter. Elle se sentait suivie. Persuadée que la silhouette était derrière, et qu’à tout moment, elle devrait se mettre à courir pour sa vie. Le temps de marche semblait interminable.
Le paysage devenait plus lumineux à chaque pas vers la sortie de la forêt. Le soleil couchant reflétait ses lumières orangées sur un énorme bâtiment et faisait ressortir le vert pastel abîmé des murs. Le premier étage était recouvert de briques d'un rouge passé, assorti au toit aux ardoises manquantes. La porte, aussi impressionnante soit-elle, semblait avoir était barricadée. Mais les dernières poutres en bois qui, fut un temps, bloquait l'accès à l'intérieur tombaient peu à peu en ruine. Des gens sont vraiment entrés là-dedans, pensa Nora. La jeune fille se trouvait totalement déboussolée. L'endroit était délabré, mais plus très effrayant. Pourtant, la peur continuait de ronger Nora.
La silhouette est là, quelque part, cachée.
Elle attend un moment d'égarement pour frapper.
Aurora se rapprocha de son amie.
« - Cet endroit me fout la frousse, pas toi ?
Nora hocha la tête. Ce n'était pas les alentours qui terrorisaient la jeune fille, mais ce qui se tapissait dans les recoins sombres.
- C'est immense ! », s’extasia, Elias, devant les énormes bâtiments.
Les quatre adolescents empruntèrent le chemin menant tout droit à l'entrée du bâtiment, qui était légèrement en hauteur. Nora regardait au loin. Elle repéra une autre bâtisse aux murs orangés, plus loin, sur la gauche de là où elle se trouvait. Encore plus loin, elle vit le dernier morceau qui composait Cecile Bombeek. L'endroit était nettement moins délabré que les deux autres. Sa couleur marron semblait intacte et aucune fenêtre n'était brisée. Sûrement le mystérieux immeuble dont personne ne connaissait l'utilisation.
La bande se retrouva dans une petite cour intérieure. Le béton était fissuré, les mauvaises herbes se baladaient au gré des craquements du sol. Un vestige de balançoire trônait dans le fond. Le vent fit bouger un vieux ballon dégonflé et moisi, qui vint se heurter aux pieds d'Ilan. Ce dernier esquissa un frisson. Il ne pouvait s'empêcher de s'imaginer les petits garçons de l'époque courir ici. Avant le massacre. Les yeux verts de Nora virent un éclair de tristesse passer, et le jeune garçon comprit qu'elle pensait à la même chose que lui. D'un coup de pied ferme, il envoya les restes du ballon s'étaler un peu plus loin du bâtiment, dans les hautes herbes sauvages. « Tout va bien », murmura-t-il à l'attention de la jeune fille. Affirmation qui semblait presque sonner comme une question. Nora ne prêta pas réellement à ces mots. Elle avait envie de vomir tellement la peur lui rongeait les os.
Elias, à deux pas d'entrer dans le complexe, braqua son téléphone à l'intérieur.
« - C'est vachement lumineux ! En même temps, avec toutes les vitres brisées, ça ne m'étonne pas... Bon, on se lance ?
Son regard était empli d'une malice qui rendait Nora nerveuse. Une sorte de lueur malsaine.
- Vous pensez qu'on est dans l'école ou l'asile ?, se demanda tout d'un coup Aurora.
Elias passa la porte, puis s'arrêta net pour regarder autour de lui. Il se retourna vers ses amis avec un sourire jusqu'aux oreilles.
- On est dans l'école. »
Aurora sentit l'inquiétude monter en elle. Elle n'était plus si sûre de vouloir faire tout ça. Et si ce n'était pas des conneries ? Et si la légende était vraie ? Un frisson parcourut son corps. Elias l'appela. Elle rejoignit le beau brun. Et une fois à l'intérieur, sa peur s'envola. Elle contempla l'immense hall dans lequel elle se trouvait. Elle passa sa main sur le papier peint craquelé. C'était gelé. Les murs semblaient renfermer des secrets, qui cherchaient à s'échapper par les fissures. Aurora sourit. C'était un lieu magnifique, et tout semblait si paisible.
Paisiblement monstrueux
Nora trouvait cet endroit sinistre. Son cœur battait la chamade. Voyant qu'elle ne bougerait pas d'un millimètre - et que cela risquait de faire perdre patience à Elias -, Ilan prit la main de la jeune fille et la força à entrer dans l'école avec lui.
À peine son pied toucha le sol poussiéreux de l'école Cecile Bombeek que Nora entendit une voix.
À L'AIDE !
La jeune fille lâche la main d'Ilan et se retourna vivement. Elle scruta les alentours. Les yeux horrifiés, elle regardait le paysage. Tout était pourtant si calme. Elle se retourna vers ses compagnons.
« - Vous avez entendu ça ?
Ilan observait son amie perplexe. Il n'avait rien entendu du tout. À part le bruit du vent contre les arbres, tout était silencieux. Et au vu de l'expression confuse des tourtereaux, ils ne savaient pas non plus de quel son parlait Nora. Tout semblait si paisible.
- La voix ? Cette voix rauque là ? Vous n'avez pas entendu ?
Les quatre amis se turent. Il était presque possible d'entendre une mouche voler. La respiration de Nora s'accéléra fortement. Ses pupilles bougeaient machinalement de droite à gauche, scrutant ceux qui la pensaient hors d'esprit.
- Ne me dites pas que vous n'avez rien entendu ! Elle appelait à l'aide ! Comment vous avez pu louper ça !, hurlait Nora, qui sentait les drôles de regard que lui lançaient ses compagnons. Je ne suis pas folle...
Ilan s'approcha doucement de sa meilleure amie. Il posa une main réconfortante sur son épaule.
- Personne n'a dit que tu étais folle, Nora.
Elias esquissa un rictus. Nora ? Folle ? Les deux mots étaient synonymes pour lui.
- C'est juste que personne n'a rien entendu. C'est peut-être juste ton oreille qui te joue des tours...»
Nora était sous le choc. Elle voulut riposter. Bordel, mon oreille n'est peut-être pas très performante, mais elle n'invente pas des voix!
Mais elle ne répondit rien. Elle était en colère - et surtout, elle savait ce qu'elle venait d'entendre. Elle rejeta la main d'Ilan et se dirigea vers les premières pièces à gauche. Elle tentait de reprendre une respiration normale.
Une voix venait de l'appeler à l'aide.
À l’aide, à l’aide, ne le laissez pas mourir
Elle focalisa son regard sur une peinture faite sur le mur. Une tête d'homme souriant dont on pouvait seulement voir une moitié de visage. Un sourire énorme. Les craquements du papier peint rendait ce dessin troublant, et presque terrifiant. La boule qui tordait le ventre de la jeune fille s'intensifia encore un peu plus, si cela était possible. Elle farfouilla ses poches dans l'espoir de trouver sa bouteille d'eau. Punaise, elle est restée à la maison, pesta la jeune fille.
Était-elle seulement en train devenir folle ? Elle secoua la tête. J'ai bien entendu une voix, tenait-elle se de convaincre elle-même. En réalité, peu importe si ce cri à l'aide était réel ou non, elle était terrifiée. Ça allait mal finir, et elle le savait pertinemment. Elle ne souhaitait qu'une chose : s'enfuir. Mais Elias était déterminé à explorer les lieux, et même à jouer à cette légende stupide. Alors autant en finir.
Nora s'avança vers une première porte, taguée d'inscriptions illisibles. Elle mit sa main contre l'écriture et détacha malencontreusement un bout de peinture. Ses doigts étaient maintenant recouverts d'une poussière blanchâtre. Elle s'essuya vivement dans son jean noir.
« - Sûrement des jeunes qui sont passés par là et qui ont tagués les murs, murmura doucement Ilan. »
Nora se contenta de hocher la tête et entra dans la pièce. Ilan la regarda s'éloigner de lui, pas seulement physiquement, mais aussi émotionnellement. À quoi pouvait-elle bien penser ? Avait-elle vraiment entendu une voix ? Il sentait qu'elle avait peur, une peur incontrôlable, et cela le terrifiait. Qu'est-ce qui pouvait l'effrayait à ce point ?
Nora passa sa tête à travers la première porte. Une vieille table accompagnée d'une chaise en piteuse état remplissait l'espace. Des papiers jonchaient le meuble mais aussi le sol. La rouquine s'approcha doucement. Elle poussa quelques feuilles et tomba sur une plaque.  « Tobias Saether » était inscrit en lettres dorées sur fond noir. Nora comprit que c'était sûrement le bureau de l'ancien gardien de nuit. Elle sortit de là, le corps recouvert de chair de poule, et continua son chemin.
Ilan la suivit dans une immense pièce, refusant de la quitter des yeux plus d'une seconde. C'était vide. Il n'y avait plus aucun meuble. Le sol était recouvert de poussière et de débris. Leurs pas résonnaient dans un bruit étrange. Nora le remarqua alors. Un petit ourson marron. Un bras et une jambe arrachés. Son œil gauche avait disparu et faisait place à une croix noire. Son pelage était rempli de pansements beiges. Cette petite chose était abandonnée. Elle le montra du doigt à Ilan. Ce dernier voulut ramasser le jouet, mais à son contact, il s'effrita. Nora regarda avec horreur ce qu'il venait de se passer. Elle eut l'impression que, soudainement, tout était fait de papier en mousse et qu'il suffisait d'un rien pour que tout s'effondre.
Ilan remarque l'expression étrange de la jeune fille, et attrapa sa main pour la traîner hors de là. Elle regarda une dernière fois l'ourson en peluche, maintenant en morceaux, avant de se concentrer sur ses amis. Tous deux, ils rejoignirent Aurora et Elias qui se trouvaient dans la pièce d'en face.
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lightsovermaloski · 3 years
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Partie I. H-8
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Warning/s: peur, sang, mort
Word count: ~4500 mots
« - C’est fou ça !
- De quoi tu parles, Aurora ?
- Je viens de recevoir un message de mon cousin. Un mec vient de le contacter sur Twitter, car ils étaient ensemble en maternelle. Il lui a même envoyé des photos ! C’est trop marrant ce genre d’histoire. J’aimerai tellement que ça m’arrive. T’imagines, toi, peut-être que quelque part… »
La fille aux cheveux d’or continua de parler, sans remarquer que son amie ne prêtait plus aucune attention à ce qu’elle lui disait. Les pensées de Nora ne cessaient de divaguer. Elle se sentait incapable de se concentrer sur quoi que ce soit. Bien qu’elle ne voulait plus y faire attention, son cerveau tournait en boucle sur ce rêve.
Et si cet Adrian existait réellement ?, se surprit-elle à penser. Quelle idiote. C’était inconcevable. Mais tout de même… La question n’arrêtait pas de faire un bout de chemin dans sa tête. Il paraît qu’il est impossible d’inventer des visages dans ses rêves. Mais ce n’est pas un visage que voyait la jeune fille, juste une silhouette.
Les silhouettes ont forcément des visages
Elle fut sortie de ces pensées par Aurora qui bondit. Nora perçut un léger bruit strident. Sûrement la sonnette, pensa-t-elle. À cet instant précis, Nora se mit à haïr son ouïe qui lui faisait défaut. Depuis ses 5 ans, la jeune fille était atteinte d'hypoacousie de l'oreille droite. Autrement dit, son oreille droite n'entendait plus aussi bien qu’avant - n’entendait plus en réalité. La jeune fille loupait les sons trop faibles ou trop aigus ou trop graves, et son oreille lui faisait parfois entendre des sons qui n'existaient pas, comme des légers sifflotements.
Aurora se dirigea vers la porte. Elle sautillait. Si elle était bien attachée à quelque chose, c’était bien à ces soirées d’été avec sa bande. Nora devait bien avouer qu’elle n’échangerait pour rien au monde ces moments. Sa maison, à la peinture rouge, était au bord de la rivière d’Akerselva. Siroter une bière sur sa terrasse, avec ses copains, tout en profitant des dernières lueurs, quelque peu glaciales, du soleil laisserait une trace indélébile dans la mémoire de la petite rousse. Oslo n’était pas Hawaï, mais c’était déjà bien suffisant.
« - Nora ?, hurla la blonde pour que son amie l'entende. Viens voir. Ça a sonné, j’en suis certaine. Pourtant, il n'y a personne.
La porte était effectivement grande ouverte, mais personne n’était à son embrasure. Une légère inquiétude picota Nora. Le vent frais souleva légèrement ses cheveux. Le quartier était calme. Valma, le labrador des voisins d’en face, était sagement allongée sur le porche. Elle n’aboyait pas, mais remuait la queue.
- Ce n’est rien, sûrement juste les petits Olsen qui font une blague », tenta de se rassurer Nora.
Aurora commença à fermer la porte. Sans crier gare, un homme surgit devant la porte en hurlant. Son visage était recouvert d’une cagoule. Le cœur de Nora fit un bond dans sa poitrine, et l’angoisse qu’elle ressentait depuis ce matin-là s’amplifia. Aurora hurla, et tenta de claquer la porte. Un pied l’en empêcha. Ilan sortit de sa cachette. Il ne pouvait pas s’arrêter de rire. Son visage était rouge, aucun son ne sortait de sa bouche. Comme à chaque fou rire qu’il avait, il se tenait fermement le ventre.
L’inconnu retira son masque, dans un éclat enfantin.
« Bordel, Elias, je vais te tuer ! », cria Aurora.
Amusé par l’air mécontent d’Aurora, Elias se mit à l’imiter. « Maman, j’ai eu peur ! ». Ilan, qui avait commencé à se calmer, se remit à rire de plus belle, tenant toujours fermement son ventre.
Aurora grommela quelque chose comme « Vous êtes des gros crétins » et s’engouffra dans la maison lumineuse. Elias la suivit de très près.
Ilan essuya une larme provoquée par son fou rire. Il renifla bruyamment, un sourire amusé plaqué sur son visage, et ramassa le sac qu’il avait posé à terre. Les bières s’entrechoquèrent quand il prit Nora dans ses bras.
« - Comment ça va ? Tu m’as raccroché au nez ce matin. Déjà qu'on ne se voit plus beaucoup...
Ilan était parti à Bergen, étudier le sport dans une Høgskolen - haute école. Bergen était à environ 7h de route d'Oslo. Mais le jeune homme ne manquait pas de rentrer à chaques vacances. Sa famille et lui habitaient dans une petite maison jaune, dans le même quartier que Nora. Inséparables depuis l'enfance, cela faisait trois ans qu'ils s'appelaient régulièrement en FaceTime et dès que le grand châtain rentrait, ils se retrouvaient toujours fourrés ensemble.
Nora esquissa un léger sourire.
- Ça va. Juste un peu… Fatiguée.
Le grand gaillard toisa son hôte.
- Fatiguée ? C’est ce rêve encore ?
- Oui… ». Nora soupira. Ses yeux regardaient la route. Cherchait-elle Adrian du regard ? Rien n’était moins sûr. Son regard se replanta rapidement dans celui de son ami. « J’ai l’impression que c’est… Réel. Vraiment réel. Cette silhouette, cet Adrian… c’est comme si ça m’était familier. »
Le vent fit bouger légèrement les feuilles des arbres plantés dans la rue dans un petit crissement que Nora sentit à travers la caresse glaciale du souffle.
Ilan ne répondit rien. Il fit cette mimique avec son visage qui signifiait qu’il ne savait pas quoi dire. Ils rentrèrent rejoindre Aurora et Elias.
Nora prit soin de fermer la porte à clé. Réflexe assez étrange, elle qui disait toujours que le quartier était sûr et que rien ne pourrait arriver. Elle avait, au contraire, pour habitude de ne jamais fermer la porte - ce qui pouvait agacer son père et son petit frère, mais elle n’y prêtait jamais attention. Ce soir-là, elle laissa même les clés enfoncées dans la porte. Ne sait-on jamais, songea-t-elle. Comme si un danger imminent pouvait pénétrer dans la maison. Personne n’avait remarqué ce geste, mais si quelqu’un l’avait vu, il aurait compris à quel point Nora était angoissée. D’une nature très sereine, si elle montrait des signes de stress, c’est que la situation n’augurait rien de bon. Mais personne n’y fit attention, et personne ne pouvait se douter du danger qui flottait dans l’air.
La petite troupe s’installa sur la terrasse en bois au bord de la rivière. Elias décapsula quatre bières. Chacun entrechoqua la sienne avec celle des autres. Ils prirent tous une gorgée.
« Ça vous dit une soirée film d’horreur ce soir ? Je suis d’humeur. Il y a un nouveau court métrage terrifiant, à ce qu’il paraît, qui vient de sortir », demanda soudainement Elias.
Aurora protesta. Nous étions en plein mois de juillet, ce n’était pas Halloween, il était donc hors de question de regarder des films qui font peur. Après un débat acharné de quelques minutes, elle céda. Mais un seul film, avait-elle tout de suite ajouté.
Nora se leva et mit deux pizzas au four. Elle sortit des chips du placard de la cuisine et retourna les poser sur la petite table dehors. Ilan se jeta dessus. Les chips aux oignons, c’était son pêché mignon.
Tous les quatre restèrent dehors un moment, oscillant entre discussions et jeux de cartes. Les deux pizzas avaient été englouties, et il ne restait que des miettes des chips. Quelques cadavres de bière jonchaient la table. Elias n’en n’avait bu qu’une. Il détestait boire, car il ne savait jamais quand il comptait reprendre le volant de sa voiture bleue de sport. Et il voulait toujours être prêt à le faire. C'était sans compter les fois où il buvait à s'en brûler la gorge et se retrouvait à appeler un taxi pour rentrer.
Le vent finit par se lever, et les adolescents rentrèrent à l’intérieur. Ils se préparaient pour leur soirée d’horreur. Les deux filles s’étaient enroulées dans des plaids, prêtes à se cacher les yeux si le film devenait trop gore. Aurora s’était collée à Elias. Elle espérait que le garçon la prendrait dans ses bras si elle avait trop peur - elle ne se doutait pas que cela le ferait mourir de rire. Nora, elle, avait collé sa tête contre l’épaule d’Ilan, mais comptait bien ne regarder le film qu’un minimum - suivre suffisamment pour comprendre, mais ne pas regarder les scènes trop choquantes pour éviter d’être traumatisée. Pour mener cette technique à bien, elle avait sorti son téléphone et scrollait continuellement Twitter.
Aurora, emmitouflée dans deux plaids, sortit le bout de son nez lorsque le générique se mit à défiler.
« - C’était terrifiant.
- Ce ne sont que des lapins tueurs, Aurora, rien de bien méchant ». L’audace de la voix d’Elias déplut à Aurora qui se jeta sur lui. Le grand brun ne mit pas longtemps avant de l’immobiliser et de la chatouiller. Tous deux avaient fini au sol. Aurora riait tellement fort que ce fut le seul son qui raisonna dans la maison pendant quelques instants.
Nora s’était redressée et lâcha son téléphone pour la première fois depuis le début du film. Elle rejeta les plaids par terre et but un verre d’eau d’une seule traite. La peur donnait soif à la jeune fille, c’était étrange, mais elle s’était habituée à cette sensation depuis sa plus tendre enfance.
Un bruit sourd retentit. Ilan distingua chez Nora une vague de panique, qui ne parvient pas à identifier l’origine de cette nuisance. Il mit sa main sur son épaule, et tenta de la rassurer.
« Hé, ne t’inquiète pas Nora. C’est sûrement de l’orage. » Celle-ci fronça les sourcils, en signe d’interrogation. De l’orage ? Cela faisait bien des années qu’il n’y avait pas eu à Oslo. Certes, le temps n’y avait jamais été très joyeux, mais l’orage était un événement largement exceptionnel.
L’inquiétude de Nora grandit à l’intérieur de son corps. Un frisson parcourut le sommet de son crâne jusqu’à ses orteils. L’angoisse lui prit à la gorge. Elle se sentait coincée. Et elle ne savait pas pourquoi. Ilan ressentit son trouble.
« Tu es certaine que tout va bien ? », murmura-t-il, espérant ne pas trop attirer l’attention des deux autres. Elias et Aurora étaient adorables, mais jamais très compatissants. Surtout Elias. Et surtout s’il s’agissait de Nora.
La petite rousse se contenta de hocher la tête. Elle n’avait pas la force d’entamer cette conversation. Mais Ilan en décida autrement. « C’est le rêve, c’est ça ? ».
Les yeux dans le vide, Nora revit encore la scène. Cette silhouette, cette voix… Adrian. Adrian. ADRIAN ! Elle déglutit. Les larmes lui montèrent aux yeux.
Avant qu’elle n’ait pu dire quoi que ce soit, la maison fut plongée dans le noir. Elle sursauta violemment, et entendit Aurora crier. Elias éclata d’un rire assez hystérique. « C’est le courant qui a sauté, mon pote ! ».
Nora soupira. L’orage, le courant qui saute… tout ça ne disait rien de bon à la jeune femme. Machinalement, elle activa la lampe torche de son téléphone. Très vite suivie pas tout le monde. Elle se leva et sortit du salon. Elle voulait se diriger vers la cuisine, pour attraper des lampes torches - qui étaient rangées dans les tiroirs, à côté du frigo. Mais pour rejoindre cette pièce, il fallait traverser le couloir.
Le couloir semblait long, infiniment long. Il était glacial et sombre. La lumière de son téléphone ne permettait pas de distinguer la porte de la cuisine. Elle hésita un long moment puis fit un pas. Quelque chose l’attendait à la fin du couloir, mais cette dernière ne savait pas quoi - ou plutôt qui. L’ambiance était devenue pesante, et Nora avait l’impression de suffoquer. Un éclair illumina le couloir. Derrière la baie vitrée de la cuisine, celle-ci jura voir une silhouette.
Une silhouette.
Elle poussa un cri étouffé et se cogna dans quelque chose. « Ilan, bordel, tu m’as fait peur ! ». Le jeune homme parut surpris que la jeune fille s’adresse à lui de cette manière.
« - Désolé, ce n’était pas mon intention. - Viens avec moi dans la cuisine, s’il te plaît », supplia Nora. Le ton de cette dernière inquiéta un peu plus Ilan. De quoi pouvait-elle bien avoir peur ?, se demanda le garçon. Mais il se dit que c’était sûrement l’orage.
Ilan passa devant Nora, et s’avança vers la cuisine. La jeune fille resta sur place quelques instants, persuadée de le voir disparaître dans un cri d’effroi, engloutit par la silhouette. Mais rien de tel ne se produisit. Le garçon arriva tranquillement à la cuisine, et sortit une des lampes torches. Il éclaira la pièce, laissant entrevoir une cuisine déserte. Il se retourna vers la jeune fille, en se demandant pourquoi elle ne le suivait pas. Il en était certain maintenant, quelque chose n’allait pas. Nora se décida finalement à le rejoindre, la boule au ventre. Elle se dépêcha d’attraper des lampes torches à son tour et retourna aussi vite que possible au salon, tout en surveillant qu’Ilan suivait ses traces.
Chacun des adolescents prit une lampe torche. Nora, prévoyante, en déposa deux autres sur la petite table basse beige. Elle se rassit sur le canapé, vite rejointe par Ilan. Ce dernier la fixait avec de grands yeux, essayant de décrypter son visage. Qu’est-ce qui pouvait lui faire aussi peur ? Ce n’était pas l’orage qu’elle craignait, c’était quelque chose d’autre. Mais il ne parvint pas à déterminer cette autre chose. La voir dans cet état ne le rassurait pas. Nora n’est pas du genre à flipper pour rien, ne cessait de lui répéter son esprit. Mais il faisait de son mieux pour chasser cette pensée négative et profiter de la soirée.
Elias et Aurora étaient assis par terre, l’une en tailleur et l’autre affalé contre le meuble télé. Ils discutaient tranquillement. Puis Aurora reçut un message, et se désintéressa de ce que racontait Elias. Ce dernier eut une idée.
« - Je peux vous raconter un truc ?, son ton n’annonçait rien de bon.
- Un truc ?, questionna Ilan. Ce dernier savait reconnaître quand son meilleur ami allait faire une connerie, et il en était persuadé, c’était ce qui allait arriver. Elias se contenta de hocher la tête, un sourire étrange plaqué sur le visage.
- Une petite légende qui court en ce moment sur le complexe de Cecile Bombeek. »
Cecile Bombeek était un endroit situé à quelques kilomètres d’Oslo. Il regroupait plusieurs bâtiments : une ancienne école pour garçons, et un asile psychiatrique aux méthodes douteuses. Nora avait toujours trouvé stupide d'avoir deux lieux aussi différents aussi proches l'un de l'autre. Une dernière bâtisse, assez imposante, était également présente sur le site, mais il était impossible de dire à quoi elle servait exactement.
Elias prit sa lampe torche et la faisait vaciller autour de son visage. Les ombres formées mirent en valeur ses traits durs. Son allure prit une tournure terrifiante.
Ilan fixait Nora. Elle regardait Elias avec un air étrange. Il ne sut le décrire. Il se décida à tapoter l’épaule de la jeune fille, perdue dans ses pensées, qui sursauta. « Partante pour la légende ? ». Elle hocha lentement la tête, sans détourner ses yeux de la silhouette, inquiétante, de celui qui s’apprêtait à bouleverser l’existence des trois autres.
« - C’est l’histoire de ce gars, Jonas. C'est mon cousin qui m'en a parlé. ». Elias prit une voix rauque terrifiante. Instinctivement, Nora se rapprocha d’Ilan, cherchant du réconfort face à son angoisse grandissante. Angoisse qui n’allait sûrement pas s’arranger avec cette foutue légende. « C'était un garçon solitaire et très renfermé sur lui-même. Sa situation familiale était terrible. Son père frappait sa mère comme si c’était un punching-ball. Un soir, son vieux était complètement saoul. Il avait frappé sa mère tellement fort qu’elle gisait au sol, incapable de se relever. Jonas est devenu fou de voir sa mère dans cet état. Il a attendu que son père s’endorme devant la télé, des tâches de bières sur le marcel, une odeur dégoutante de cigarette dans l’air. Jonas s’est muni d’un grand couteau de cuisine et l’a poignardé de 70 coups de couteau. Plus rien ne l’arrêtait. Il avait 20 ans. »
Elias fit une petite pause, laissant le suspens flâner dans l’air. Nora était captivée par les paroles du jeune garçon. Elle était terrifiée. L’histoire lui semblait tellement familière. Elle voulait en savoir plus.
« - Il a tout de suite été interné à l’asile Cecile Bombeek. Pendant cinq ans, il n’a pas fait parler de lui. Sage comme une image. Mais, durant toute cette période, il était traité comme un moins que rien. Les médecins de l’époque avaient des pratiques plus que douteuses. Ils se servaient du pauvre Jonas comme d’un cobaye : choc électrique, opérations diverses et j’en passe. Jonas répertoriait tout dans un carnet. Le soir du massacre, il a caché ce carnet dans un des casiers de l’école Cecile Bombeek. Il ne voulait que personne ne puisse mettre la main dessus. »
Nora prit une grande respiration. Elle sentait son cœur lourd. C’était comme si ce dernier était écrasé par un camion. L’angoisse continuait de prendre le dessus sur le reste de ces sentiments. Et elle n’aimait pas cette sensation.
« - Un soir, en juillet, il a donc pété un plomb. Une méchante remarque de trop, un coup de ciseaux de trop. Il a réussi à s’échapper de l’asile, non sans faire de victimes. Plusieurs infirmières ont succombé à des coups de poings. Un médecin a fait une crise cardiaque en le voyant tabasser l’une de ses employées. En sortant, il s’est muni d’une hache. À l’époque, il y avait d’énorme hache près des extincteurs pour pouvoir en briser la vitre en cas d’incendie. Sans réfléchir, il se dirige vers l’école juste à côté. D’ailleurs, si vous voulez mon avis, il faut être stupide pour avoir construit une école près d’un asile mais bon. Le gardien de nuit, Tobias, tente de stopper la course folle du garçon. Mais ce dernier lui défonce le crâne avec la hache. Le veilleur décède sur le coup. Jonas monte les étages et rentre dans différentes chambres. Poussé dans son délire, il tue douze d’entre eux. Heureusement, c’était un soir d’été. La plupart des enfants était rentrée chez eux. Seuls restaient ceux qui ne pouvaient pas rentrer ou ceux qui n’avaient pas de famille. Certaines enfants ont tenté de fuir en voyant leur camarade tomber comme des mouches. Mais Jonas ne leur en a pas laissé la chance. Le jeune garçon s’est ensuite dirigé vers l’infirmerie. La pauvre infirmière de garde ne se doutait pas le moins du monde de ce qu’il se passait. Elle était occupée à changer de disques. Elle n’a même pas entendu Jonas arriver derrière elle. Il l’a abattu d’un simple coup de hache dans le crâne. Certaines racontent qu’elle a été coupée en deux. Le jeune fou s’enferme ensuite dans la salle de bain commune. Ses mains pleines de sang, il réalise ce qu’il vient de faire. Il réalisé qu’il vient d’ôter la vie à douze enfants, sept infirmières, un homme et un médecin indirectement. Il réalise qu’il est un monstre et se tranche la gorge. Son fantôme est coincé dans l’enceinte de Cecile Bombeek. Condamné à vivre avec ceux qui l’ont torturé et ceux qu’il a lui-même tué. Au fil des années, son fantôme serait devenu assoiffé de revanche. Il serait rempli de rancœur et de haine. Et pour évacuer tous ces sentiments, il tuerait et torturait tous ceux qui oseraient pénétrer dans l’enceinte de Cecile Bombeek. »
Cette histoire terrorisait Nora. Ce n’est qu’une histoire, juste une histoire, tentait-elle de se convaincre. Son corps entier tremblait comme une feuille.
Elias reprit le fil de son monologue. Sa voix était plus terrifiante que jamais, et les ombres vacillaient dangereusement autour de son visage. « Mais, pour déclencher cet amas de haine, il faut jouer au jeu maudit. Rien de plus simple : il faut aller dans la salle de bain commune. Trouver le miroir devant lequel Jonas s’est tranché la gorge. Ensuite, en fixant ton reflet, il faut prononcer trois fois le nom de Jonas. »
Le jeune brun fit, à nouveau, une pause dans son récit. Le temps semblait interminable. « Jonas, Jonas, Jonas…. », fit-il d’une voix à glacer le sang.
Jonas, Jonas, Jonas
« - Tu me fous la trouille, Elias, arrête…, supplia Aurora.
- Ce n’est pas fini, ma belle. Après avoir susurré son nom, il faut fermer les yeux pendant 10 secondes. Vous imaginez comme 10 secondes doivent sembler durer une éternité dans ce moment-là… Et là, sans un bruit, Jonas apparaît derrière toi. Si ton regard croise le sien, tu es foutu. Puis, la silhouette disparaît lentement. Tu te dis qu’il te reste un dernier espoir de t’enfuir. Alors, tu cours, cherchant une sortie. En vain. Tu es prisonnier de l’école. Et quand tu t’y attendra le moins, Jonas viendra et te tuera dans d’atroces souffrances. Du moins, c’est le destin de ceux qui ont joué. Et les poules mouillées qui se dégonflent au dernier moment et ne jouent pas, ils sont condamnés à errer dans Cecile Bombeek. Prisonniers de Jonas et de toutes ces folies. »
Aurora frissonna. Elle sentit la peur la gagner. Se doutait-elle que son amie était dans le même état - voir pire ?
« Sympa. Enfin, c’est qu’une légende stupide », soupira Ilan.
Le regard d’Elias s’assombrit. Ses yeux noirs lancèrent presque des éclairs.
« C’est parce que tu n’as pas entendu la suite. » Elias se tut quelques instants, voulant laisser un peu de suspens. « Depuis quelques mois, de nombreuses personnes se sont rendus à l’école. Aucune n’est revenue. Pas plus tard qu’il y a une semaine, un gars s’y est rendu avec ses potes. Personne ne les a revu depuis. C’est passé aux infos. Je crois qu’il s’appelait Adrian ou un truc dans le genre ».
Nora écarquilla les yeux. Sa tête se mit à tourner et elle dût se contrôler pour ne pas vomir dans le salon.
Adrian. C’était le nom de la silhouette. Ça n’a sûrement rien à voir, pensa Nora. Mais cette dernière sentit le regard appuyé d’Ilan sur elle. Lui aussi avait tilté. Lui aussi avait reconnu le nom de la silhouette. Et il ressentit le besoin d’aller vérifier par lui-même. D’aller voir si cette légende est réelle, si cet Adrian est le même Adrian qui hante les rêves de son amie.
« - C’est des conneries. Je ne suis pas sûr d’y croire, il faudrait vérifier par nous-même.
Elias afficha un petit sourire presque pervers.
- Genre aller à l’école et faire le jeu ou un truc comme ça ?
- L'orage s'est calmé, il fait de nouveau beau…Pourquoi ne pas y aller…
- C’est HORS DE QUESTION ! ». Le cri d’Aurora retentit dans toute la maison, et même peut-être dans tout le quartier. Le salon devint, d’un coup, silencieux. Elias et Ilan échangèrent un regard. Sans un mot, les deux garçons comprirent qu’ils étaient sur la même longueur d’onde : il fallait aller à Cecile Bombeek. Tous les deux se sentaient attirés par l’endroit, comme appelés par une force inexplicable. - par une silhouette.
Elias posa sa main sur celle d’Aurora dans un geste tendre et rassurant. Le jeune homme était bien décidé à aller mettre son nez à Cecile Bombeek, et d’une manière ou d’une autre, Aurora serait de la partie. Il voulait quelque chose, il l’avait. Et c’était tout.
« Ne t’en fais pas, Aurora. Ce n’est qu’une légende débile. On ne risque rien, je te le promets. » Elias se mit à chuchoter dans son oreille. Finalement, elle hocha la tête doucement, et le brun afficha un sourire satisfait.
« - Tu es d’accord, Nora ? », demanda Ilan. La jeune fille hésita un moment avant de répondre. Ses amis avaient les yeux braqués sur elle. Tous attendaient qu’elle dise oui. Allait-elle seulement accepter ? Une partie d’elle cirait oui. La vie est faite de coïncidences, ce n’est rien, disait-elle. L’autre partie était angoissée, en alerte et refusait de quitter son salon si chaleureux. Une dernière voix se mêlait au chaos qui régnait à l’intérieur de son crâne. Elle semblait lui dire de venir, qu’on l’attendait. La silhouette, Adrian ?
Ils t’attendent, ils t’attendent
D’un mouvement impulsif, Nora accepta de se rendre à Cecile Bombeek. Idiote ! lui hurla une voix dans sa tête. Elle choisit de l’ignorer, elle et les autres voix, et de suivre ses ami.e.s. Après tout, que pouvait-il lui arriver de si terrible en compagnie de deux ceintures noires de karaté ? Rien.
« Enfin, si quelque chose tourne mal, Elias, ce sera entièrement de ta faute ! », ajouta Nora, sur un ton taquin - elle savait pourtant que c’était bien la vérité. Cela va mal tourner, mais Elias ne sera sûrement pas le seul responsable, pensa Nora. Il avait été assez débile pour parler de l’histoire, mais Ilan s’était montré tout aussi con, et les deux jeunes filles n’étaient pas totalement innocentes, non plus. Elles pouvaient toujours refuser. Ce n’était pas un flingue collé sur leur tempe qui leur avait fait accepter. Mais c’était toujours plus simple de rejeter la faute sur les autres quand les choses virent au noir.
Elias émit un léger rire. « Ne t’en fais pas, Nora. C’est vrai, quoi, à part notre temps, on ne perd rien à jouer au jeu maudit. Ce n’est pas comme si on allait mourir ! ». Après avoir prononcé ces quelques mots, il partit en fou rire. Il se leva, et se dirigea vers le garage.
Mourir dans d’atroces souffrances
Nora mit sa peur de côté. Elle tentait de se rationaliser. Elle décida d’envoyer un sms à son père. Elle ne voulait pas qu’il s’inquiète s’il rentrait et trouvait la maison sans courant et sans sa fille. Celle-ci prit soin de prendre les lampes torches et vérifia que la batterie de son téléphone était chargée. 80 %. Elle décida que ce n’était pas assez, et fila chercher une batterie externe, qu'elle glissa dans la poche de son jean. En passant devant le miroir, elle réalisa qu’elle ne portait qu’un simple tee-shirt à manches longues. Elle remonta les escaliers et enfila un sweat. Elle en prit un autre pour Aurora - elle n’était pas sûre que son amie avait pensé à en prendre un en venant. La jeune fille décida de prendre, également, une bouteille d’eau. J’aurais sûrement soif, pensa-t-elle, se préparant à vivre les heures les plus terribles de sa vie. Nora avait l’impression de partir en expédition funeste.
Elle enfila son sweat et en profita pour y glisser les lampes torches et sa batterie externe, laissant sa bouteille d'eau trônant devant le miroir. Elle sourit à l'allure de kangourou que cela lui donnait. Sourire qui s'effaça rapidement.
D’un pas qui se voulait assuré, mais l’on voyait à des kilomètres qu’il tremblait, Nora rejoignit à son tour le garage où se trouvait la voiture d’Elias. Il mettait toujours son bolide - comme il appelait - à l’intérieur pour ne pas que quelqu’un puisse l’abîmer dehors.
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lightsovermaloski · 3 years
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Partie I. Quelques heures avant
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“ Ce monstre qui porte sur son visage la noirceur de son âme. ” 
- Charles Beaudelaire.
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lightsovermaloski · 3 years
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Masterlist
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NE JOUE PAS
Prologue
Partie I. Quelques heures avant H-8 H-5.30
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lightsovermaloski · 3 years
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Ne joue pas : Prologue
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Warning/s: aucun
Word count: ~550 mots
Il fait très sombre. Je distingue une ombre de l'autre côté de la porte métallique. Mon cœur s'emballe. C'est lui ? Il s’approche doucement. Je remarque des tatouages sur son bras droit.
Nora, c'est Adrian. Sors-moi de cet enfer. Je t'en supplie. Sauve moi.
Malgré mon envie de rester avec lui, une force me pousse à reculer.
Ne pars pas !
La jeune rousse se réveilla, en sueur, dans son lit. Des perles de transpiration dégoulinèrent de son front. Son tee-shirt collait sa peau comme s’ils ne formaient qu’un. Encore le même rêve, pensa-t-elle.
Rien dans ce songe n’était réellement terrifiant, et pourtant la peur gagnait chaque millimètre du corps de la jeune femme. Plongée dans le noir, ses yeux cherchaient, en vain, cette silhouette qui la hantait depuis une semaine. Un frisson hérissa ses poils. L’ambiance glaciale du rêve se transposa dans sa chambre. Comme si son rêve était à mi-chemin avec la réalité.
Adrian, murmura-t-elle. Elle était presque sûre de ne connaître personne de ce nom. Et pourtant, cela lui disait quelque chose… Un souvenir sur le bout de la langue, mais qui restait coincé à l’intérieur.
Bzzz bzzz bzzz
« — Allô ?
— J’en connais une qui a encore fait la marmotte. N’est-ce pas, Nora ?
— La ferme. Qu’est-ce que tu veux ?
— Tellement d’amabilité en une seule personne. Je voulais savoir comment on s’organise pour ce soir ? Il faut qu’on apporte des trucs ?
— Prenez de la bière ! Et puis ramenez-vous vers 17 h avec Elias. Aurora sera déjà là.
Nora hésita quelques secondes puis se tut. Un sentiment de panique inexplicable l’envahit, et sans savoir pourquoi, il fallait qu’elle raccroche.
— On se dit à ce soir alors ! ».
Ilan, à l’autre bout du fil, voulut protester. Sa voix grave commença « Non, att- » mais la jeune norvégienne avait déjà éteint son téléphone - qu’elle prit soin de jeter au bord de son lit.
Elle soupira, un soupir long et chaud. Ce rêve tournait en boucle dans sa tête, sans aucune explication logique. Que voulait-il signifier ? Seulement, il y avait-il même un explication ? Nora commençait à croire qu’elle perdait la tête. Elle se torturait l’esprit pour un rêve, certes récurrent, mais de quelques secondes. Sans queue ni tête, qui plus est. Elle parvint à se convaincre que ce n’était qu’un simple cauchemar, et que cela finirait par cesser.
Elle jeta ses petites jambes hors de son lit. Il était plus de 11 h, largement le temps de commencer sa journée. C’était les vacances d’été, Nora n’avait pas à aller à la fac de droit. Cela ne voulait pas dire qu’elle passait son temps à ne rien faire. Celle-ci avait un travail dans une chaîne de fast-food de la ville. Mais ce jour-là, elle était en repos. L’occasion de prendre du temps pour elle.
« - NORAAAAAA ! La caserne a appelé, je dois aller travailler en urgence. Peta est malade, je dois le remplacer. Tu peux t’occuper de ton frère cet après-midi ? Juste cet aprèm, il dort chez un copain ce soir ! Merci mon coeur. ».
Nora soupira. Pour la journée tranquille, c’était raté.
Avant même qu’elle ait le temps de répondre à son père, Isak déboula dans sa chambre. Le garçonnet de dix ans sauta au cou de sa soeur.
« - Journée piscine ! », s’écria-t-il. Nora sourit et descendit dans le salon, son frangin dans les bras.
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lightsovermaloski · 3 years
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FICTION “ Ne joue pas ”
Tu ne crois pas en lui ?    Tu es persuadé qu’il n’est qu’une légende ?    Tu veux risquer de jouer ?    Alors entre.     Vas-y, cherche-le.    Tu as peur maintenant ?    Pourtant, c’est bien toi qui étais convaincu que c’était faux.     Montre ta bravoure, et joue    Tu as joué ?    Parfait.    Les règles s’appliquent : il doit te tuer. Dans d’atroces souffrances.    Mais si les règles changeaient ?    Et pas pour le meilleur.
***peut contenir des scènes choquantes***
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