Le crâne accueillait mon marteau comme du beurre. Sans fracas, sans supplice. Il n’y avait pas de sursaut avant la mort, juste un certain renoncement, et si un tel élan existait, je refusais d’en être témoin.
Le milicien tomba dans le bruit pathétique des hommes de son genre.
Notre rue, digne, lui refusa les derniers honneurs. Il n’y eut personne pour lui fermer les yeux, tous trop occupés à compter leurs propres morts, comme autant de bouts de pain face à l’hiver. Me couvrir allait nous coûter cher, mais ils le feraient. Nous le faisions tous.
Nettoyer le marteau, à la fontaine, plus bas, m’autorisait à effacer le geste. Parfois je discutais avec les camarades, mais aujourd’hui j’étais seul. J’avais agi impulsivement. Et le sang peinait à se détacher.
Atelier d'écriture du 27/02 autour du tableau "Le Passage du Commerce Saint-André" de Balthus
Nous en avions tous marre d'attendre. Dans le froid ce matin, alors que maman préparait le petit déjeuner du vingt-cinq, j'étais là où je devais être. Le piquet allait tenir et nos dons les pousseront à reconduire. Nous n'en avions pas pour longtemps, le mouvement allait prendre, c'etait certain. Alors les masses se reveilleront.
Les militants de la direction devenaient sacrés, les masses avaient à présent un goût de profane. Le propane du piquet de grève me brûlait la gorge. Dans mes mains, le feu de la Révolution à venir.
Les patients tournent en rond dans le petit jardin.
Même sans les suivre, la boue se repand sous les chaussures, puis dans les couloirs jusque dans les chambres.
Le vieux a établi un record, trois kilomètres et trois-cent mètres à fouler la même herbe. Je me suis laissée tenter, par esprit de competition, par ennui.
Répéter la même route, boucle sereine. L'arbre, la bosse puis le caillou rond. On se lasse sans se lasser.
Cinq minutes je connais le chemin, dix je parviens à trebucher, vingt et il est l'heure de manger.
Il n'y a rien à faire quand dehors, tous achètent foie gras, champagne et oeufs de poissons. Ici rien d'autre que les bruits de couloir pour savoir que dehors, ils fêtent quelque chose.
Je tiens l'appareil entre mes mains, et j'ai la gorge nouée. Balance des blancs, focale, une recette que je connais par coeur, battage des blancs et foccacia.
J'ai besoin que ce que je vois existe et se tienne. Pouvoir dévorer ma cuisine, inviter des gens à ma table.