Tumgik
plastersurlecoeur · 4 years
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ET PUIS, APRÈS?
ÉPISODE II - AVEUX
SCÈNE I.— INT.JOUR.— SALLE À MANGER
HUGO
Et tu me balances ça exactement comme si tu m’annonçais que tu avais un rendez-vous chez la coiffeuse. Ça ne tourne pas rond, chez toi, Élise? Je ne sais pas si tu t’en rends bien compte, mais c’est gros, ce que tu me dis. Je suis sous le choc. Je viens tout juste d’apprendre que ton père, mon partner de pêche pendant des années, celui que je considérais presque comme mon propre père a abusé de sa fille aînée. J’comprends plus rien. Ça ne te tentait pas de m’annoncer ça autrement? On parle pas d’une recette de gâteau aux carottes, sacrament…on parle d’un viol. Je suis supposé faire quoi, moi, maintenant que je sais ça? Il me semble que ce n’est pas le genre d’affaire que tu dis entre deux gorgées de café, non? Je fais quoi? 
ÉLISE
Rien du tout. Y’a rien a faire. À ce soir. Je vais être en retard. 
HUGO
Pourquoi maintenant? Pourquoi tu m’sors ça deux minutes avant d’aller travailler?
ÉLISE
Hugo…je te promets qu’on va en discuter, mais seulement à mon retour.
HUGO
Comment veux-tu que je passe une belle journée, moi, après ça? Tu viens de me lancer une ostie de grosse bombe en pleine face pis tu sacres ton camp? 
ÉLISE
T’es un grand garçon. Tu vas y arriver. Il reste du jambon, dans le frigo, si jamais tu veux te faire un sandwich. Je me dépêcherais de le finir, par contre. D’ici deux jours, il va être bon pour la poubelle. Je t’aime. À ce soir.  
HUGO
Élise…je ne te comprends pas.Pourquoi tu ne m’en as jamais parlé?
ÉLISE
Parce que.
HUGO
Parce que quoi?
ÉLISE
Parce que. Parce que, Hugo. Parce que j’avais honte. Parce que j’étais terrorisée. Parce que j’étais dévastée, humiliée. Parce que je ne savais pas quoi faire d’autre. Parce que j’étais seule au monde. Parce que je me sentais souillée. Parce que je savais très bien que ma mère ne m’aurait jamais cru. Elle m’aurait sûrement traité de menteuse et elle m’aurait demandé d’aller m’excuser. Parce que j’avais cinq ans. Surtout parce que j’avais cinq ans. T’es supposée faire quoi, à c’t’âge-là? C’est ça que je pensais. Tu dis rien. Pourquoi tu dis rien, tu penses? Parce que tu le sais très bien qu’à cet âge-là, tu ne sais pas quoi faire. Tu n’es rien d’autre qu’une vulgaire petite marionnette qui fait tout ce qu’on lui demande. C’est ça. J’étais une marionnette. Je ne pouvais rien faire d’autre que d’écouter les consignes du paternel. À cinq ans, tu n’es pas supposée savoir qu’est-ce que ça veut dire, une pipe. Quand t’as cinq ans, tu n’es pas sensée savoir qu’est-ce que tu préfères entre le sex anal ou vaginal. À cinq ans, tu n’es pas supposée connaître ce monde-là. À cinq ans, t’es supposée jouer à la poupée ou faire des gâteaux à la boue avec tes chums de filles. Mais moi, à cinq ans, pendant que toutes mes amies allaient jouer au parc et que maman était partie chez le coiffeur, moi, au sous-sol, je jouais au docteur avec mon père. Tu penses que c’est normal? Pourquoi tu penses que j’en ai jamais parlé. Mettons que ce n’est pas le genre d’affaire que tu te dépêches d’aller crier sur tous les toits. C’est le genre d’affaire que tu te demandes même si c’est vraiment arrivé ou si tu ne t’aies juste pas inventé des scénarios. C’est le genre d’affaire que tu demandes si tu n’as pas couru après, si tu ne l’as pas voulu…même? Ça fait que tranquillement, tu deviens complètement folle. Tu veux juste tout oublier. Et entre toi et moi, garder le silence, ça fait beaucoup moins mal que d’en parler. Ça te fuck une vie. Bye. 
HUGO
Tu t’en vas…même après tous les aveux que tu viens de me faire, tu t’en vas?
ÉLISE
Hugo…qu’est-ce que tu veux que je te dise de plus? C’t’une vieille histoire, et ça fait vingt ans que je me lève à tous les matins. The Show Must Go On. J’suis quand même pas pour mettre le break à bras sur toute ma vie et rester chez nous à pleurer en p’tite boule…juste parce que je fais dont pitié. J’veux pas de ta pitié, ok? J’veux pas que tu changes ta façon d’agir, avec moi, ok? J’veux qu’on continu à faire exactement les mêmes choses, m’entends-tu? J’veux pas me répéter. 
HUGO
Honnêtement, j’te comprends pas. J’te comprends vraiment pas. Pourquoi t’es aussi froide? J’t’ai quand même pas tordu l’bras pour que tu m’en parles, non?
ÉLISE 
Ok, arrête. Tu me fais chier avec toutes tes questions. Je suis déjà assez en retard. J’ai une réunion avec le directeur dans moins de dix minutes. À cause de toi, je vais arriver en retard à me premier jour…le jour de la rentrée, en plus. Câlice. 
HUGO
Et c’est de ma faute?
ÉLISE
Bye. À ce soir. 
Élise quitte la maison et claque bruyamment la porte.Hugo est désemparé.  
SCÈNE II, INT.JOUR.- ÉCOLE SECONDAIRE. 
ÉLISE
Bonjour…veuillez excuser mon retard. Y’avait une panne sur la ligne orange. 
NADINE (SECRÉTAIRE)
Bonjour. Et vous êtes?
ÉLISE
Oui…pardon. J’suis un peu nerveuse. J’ai pas l’habitude d’être en retard.
NADINE
Un peu comme tout le monde, dans l’fond. Alors, à qui ai-je l’honneur? 
ÉLISE
Oui…désolée. Je m’appelle Élise. J’ai rendez-vous avec M. Garneau. 
NADINE
À quel sujet? 
ÉLISE
En fait, je suis enseignante. 
NADINE
Ça fait trente-trois ans que je travaille ici, ma p’tite fille, et j’t’ai jamais vu. 
ÉLISE
Félicitations.
NADINE
Pardon? 
ÉLISE
Bien… je vous félicite? 
NADINE
Écoute, ma belle fille. C’est parce que j’ai d’autres chats à fouetter. 
ÉLISE
J’m’excuse. Je ne suis pas ici pour vous faire perdre votre temps. Je voulais seulement être gentille. T’sais, vous venez quand même de me dire que ça faisait trente-trois ans que vous travaillez ici. Y’a de quoi être fière. 
NADINE
C’parce que ma patience commence à avoir des limites. J’peux-tu t’aider oui ou merde?
ÉLISE
Je suis vraiment désolée. J’arrive ici, en retard, et je vous fais perdre votre temps. 
NADINE
Voyons…madame. Pleurez pas. Voulez-vous un p’tit kleenex? 
ÉLISE
Oui, s’il vous plaît. Ça serait gentil.
NADINE
Qu’est-ce qui se passe, ma p’tite madame? 
ÉLISE
Je suis la nouvelle enseignante de français. Je m’appelle Élise Lemieux. J’pense que j’ai oublié de vous le dire, quand je suis arrivée, tantôt. Trop stressée. J’pense que j’aime manqué mon entrée. Ça l’air qu’on a qu’une seule chance de faire une bonne impression. J’ai manqué la mienne. Je suis ici, parce que j’avais un rendez-vous avec M. Garneau, à dix heures, ce matin, mais disons que mon matin est assez kafkaïen. Je dois vous avouer que je cours comme une vraie poule pas de tête. Enfin…me voilà. 
NADINE 
Là, je comprends. M. Garneau m’avait bien avisé de réserver toute son avant-midi, mais il ne m’a pas expliqué pourquoi. Je vais l’aviser que vous êtes ici.
ÉLISE
Merci beaucoup. C’est gentil.
NADINE
Voulez-vous un p’tit verre d’eau? Et vous devriez prendre le temps de vous calmer. 
ÉLISE
Volontiers. Mais pourquoi vous dites ça? Est-ce que j’ai l’air énervé?
NADINE
Non, mais vous me semblez plutôt nerveuse. M. Garneau est loin d’être ponctuel. La plupart du temps, il oublie ses rendez-vous. Une chance que je suis là. En tout cas, ce que j’veux vous dire, c’est de ne pas trop vous en faire avec ça. C’est quand même pas un p’tit trente minutes de retard qui va mettre fin à votre contrat. Remarque… 
ÉLISE
C’t’un blague? Vous rigolez? Sérieusement…j’pourrais être renvoyée?
NADINE
Les jeunes d’aujourd’hui…tellement sérieux. Bien oui, ma p’tite fille, je te blague. 
ÉLISE
Ok, fiou. Vous m’avez faites peur, eh…eh…j’pense que je ne connais même pas votre nom?
NADINE
Nadine. Nadine Langlois, secrétaire. Et respirez. Vous êtes blanche comme un oeuf. 
ÉLISE
Blanc comme un oeuf? J’ai toujours pensé que c’était blanc comme un drap. 
NADINE
Comme un oeuf ou comme un drap, t’es blanche pareil. T’es sûre que ça va, ma p’tite?
ÉLISE
Oui. J’veux dire…non. Ça me fait tout drôle d’être ici, après tant d’années d’absence.
NADINE
Tu es une ancienne étudiante de la polyvalente? Tu ne me dis rien, pourtant. 
ÉLISE
Non. J’ai fait mon secondaire au Collège Lavigne.
NADINE
Pourquoi ça te fait bizarre d’être ici, alors? Surtout si tu n’as pas fait ton secondaire chez nous. Je sais que je mêle de ce qui ne me regarde pas, mais M. Garneau en a encore pour quelques petites minutes. Ça fait que j’te jase. J’ai toujours aimé ça, moé, jaser. Ça passe le temps. C’est sûr que j’ai l’air bête, quand on ne me connaît pas, mais on s’habitue assez vite à mon charme. Tu vas voir. Pis si t’es assez fine, tu vas même avoir droit à mon fameux sucre à la crème. En tout cas, explique-moi dont ça…t’es déjà venue? T’as peut-être fait deux ou trois remplacements, mais encore là, ta face me revient pas. Non, pas pentoute. C’est étrange, ouin, étrange. 
ÉLISE
Je trouve qu’une telle remarque est légèrement déplacée de votre part… 
NADINE
Qu’est-ce que j’ai dit de pas correct, dear? 
ÉLISE
On se connaît même pas, et vous osez m’dire que ma face ne vous revient pas. 
NADINE 
J’m’excuse, ma p’tite fille. C’est pas ça que je voulais dire. T’sais, à mon âge, nos expressions pis vos expressions veulent plus pentoute dire la même affaire. C’que je voulais dire, dans le fond, c’est que je ne te replace pas. Ta face ne me dit rien. 
ÉLISE
C’est pas vraiment mieux, mais j’apprécie la délicatesse. 
NADINE
Vous devriez vraiment vous détendre. Ça va bien aller, vous allez voir. 
ÉLISE
Pourquoi tout le monde me dit la même maudite affaire…ça va bien aller, mon cul, oui. 
NADINE
Pardon, ma p’tite?
ÉLISE
Oups…est-ce que j’ai dit ça à voix haute? 
NADINE
J’pense bien que oui. 
ÉLISE
J’suis désolée.
NADINE
Ta mère ne t’a pas appris à tourner ta langue sept fois avant de parler?
ÉLISE
Pis vous êtes qui, vous, pour décider de jouer à la bonne fée marraine?
NADINE
Qu’est-ce qui vous prend, dont, de vous énerver d’même?
ÉLISE 
Ça ne vous regarde pas…franchement. Comme si ça se demandait. 
NADINE
Écoute, ma p’tite fille. Moé, j’veux juste t’aider à te calmer. Je t’oblige à rien. 
ÉLISE
Vous voulez vraiment m’aider?
NADINE
Tu joues avec mes nerfs, la p’tite, là. Si je te le propose…t’en penses quoi?
ÉLISE
Bien…si vous voulez tant m’aider que ça, allez dont me chercher un double scotch. 
NADINE
Y’est juste onze heures. Une enseignante alcoolique…c’est bon à savoir. 
ÉLISE
C’t’une farce (hahaha!). C’était supposé être drôle. 
NADINE
En tout cas, quand le p’tit jésus donnait l’humour en cadeau, il vous a oublié. 
ÉLISE
Très drôle. Vos jokes plates, vous pouvez les garder pour vous. J’m’en passerais. 
NADINE
Bon…si on ne peut même pas faire une p’tite blague…vous allez trouver le temps long. 
ÉLISE
C’tu juste moi ou vous faites par exprès pour ne pas comprendre? 
NADINE
Heille, ma p’tite fille…veux-tu bien me dire c’est quoi ton problème? 
ÉLISE
Vous voulez vraiment le savoir?
NADINE
Si je te le demande…t’en penses quoi?
ÉLISE
Premièrement…vous. Vous et votre petit air condescendant. Vous pis vos p’tits souliers roses de p’tite madame de banlieue qui fume seulement les weekends pour avoir le coeur sur la main. Vous et votre obsession à toujours vouloir tout voir, tout savoir. Vous n’êtes pas directrice…vous êtes secrétaire, calvaire. Un moment donné, prends ton pouls. Arrive en ville. Il y a vous pis vos p’tites remarques plates à cinq cennes. Il y a vous pis vos cheveux frisés. Il y a vous pis votre façon affreuse de parler un québécois désuet et complètement démodé. Il y a vous et votre façon de regarder tout le monde de haut. Vous vous pensez p’t’être bien bonne, Nadine, mais arrêtez dont de vous mentir. Tout le monde le sait que vous couchez avec le prof de maths depuis des années, parce que votre mari bande plus. Tout le monde le sait que vous continuez à travailler pour un salaire de marde, parce que vous avez trop la chienne. 
ÉLISE (SUITE)
Deuxièmement, il y a mon chum. Y’est-tu assez fatiguant. Lui pis sa manie de toujours vouloir tout contrôler. Prends un break. Lui pis son obsession à savoir si je vais bien à toutes les deux secondes. Lui pis sa façon de manger un petit pois à la fois. Lui pis sa façon de bouger, de parler, de marcher. Y m’énerve. Troisièmement, le meilleur pour la fin…ma très chère mère qui pense que je fais tout pour être comme mon père. Câlice qu’elle ne comprend rien. Personne ne comprend rien. Si je fais tout ça, Nadine, c’est justement pour le pas ressembler à mon trou de cul de père. Je fais tout ça pour effacer les traces qu’il a laissées à l’ancre noire sur mon corps de petite fille. Je fais tout ça pour me débarrasser de lui et de son emprise. Je fais tout ça pour faire une criss de différence. Mais tout le monde est aveugle. Tout le monde aime tellement pensé que j’étais la p’tite fille à papa. Bien sais-tu quoi, ma Nadine? Évidemment que non…tu ne le sais pas. Au fond de moi, tout ce que je veux. Non. Tout ce que je désire, c’est de tuer mon père. J’pense que c’est tout. D’autres questions?
NADINE
Êtes-vous tombée sur la tête, coudonc? 
ÉLISE
Non…pourquoi vous dites ça?
NADINE
Tu viens de sauter un méchant câble, ma Shirley.   
ÉLISE
Je sais…qu’est-ce que j’vais faire? L’année scolaire commence à peine. 
NADINE
C’est normal d’avoir peur, t’sais. C’pas donné à tout le monde, l’enseignement. 
ÉLISE
Je n’ai pas peur. Je suis au bout du rouleau. J’enverrais chier tout le monde. 
NADINE
Dis-moi, ma Shirley…pourquoi es-tu dans un si piteux état?
ÉLISE
Mon père est revenu. 
NADINE
De voyage? Y’était parti longtemps?
ÉLISE
Non. Y’est revenu des morts. C’est comme un fantôme.
NADINE
En plus d’être folle…elle croit aux fantômes. C’est bien l’bout de la marde. 
ÉLISE
Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise? C’est ça pareil. 
NADINE
As-tu besoin d’aide, ma p’tite? Tu sais que t’as accès à de l’aide psychologique, ici?
ÉLISE
Voulez-vous bien m’expliquer pourquoi je vous déballe ma vie au grand complet, alors qu’on ne se connaît même pas? C’est complètement ridicule. J’ai honte. Tout ce que je voulais, c’était de rencontrer M. Garneau. J’pensais pas faire une folle de moi… 
NADINE
J’ai peut-être l’air bien malcommode, mais je sais reconnaître une personne en détresse. Ma cousine à fait plusieurs dépressions majeures. L’important, c’est de prendre bien soin de vous. Qu’est-ce qui vous ferait du bien?
ÉLISE
Plein de choses…
NADINE
Pensez-y bien. À quoi rêvez-vous, présentement? 
ÉLISE
Honnêtement?
NADINE
Oui. 
ÉLISE
Si je m’écoutais, je laisserais tout tomber pis je partirais très loin. 
NADINE
Pourquoi partir?
ÉLISE
Parce que j’ai besoin de trouver des réponses, et je sais très bien que ce n’est pas en restant cloîtré ici que je vais faire la paix avec mes démons. J’ai besoin d’une pause. J’ai besoin que tout s’arrête. Je veux faire le vide. Mon chum me tape sur le nerfs, ma mère veut toujours trop bien faire, ma soeur boit tout le temps, et mon père. Y’a beau être mort, il revient toujours me hanter. Il faut que je fasse quelque chose pis vite. Sinon, c’est sûr que je vais finir exactement comme Chantal Fontaine dans le téléroman Virginie. Une enseignante qui apporte ses problèmes à l’école et ses élèves à la maison. J’ai quand même pas fait quatre ans d’université pour rien, non? 
NADINE 
J’ai peut-être une solution miracle. 
ÉLISE
Ah, oui? Dis-moi. 
NADINE 
Cette année, le voyage humanitaire est la recherche d’un enseignant accompagnateur. Six semaines à construire des écoles à l’autre bout du monde. T’en penses quoi? C’est l’occasion rêvée, ma Shirley, non? Penses-y. 
ÉLISE
Ça y est. C’est décidé. 
NADINE
Quoi?
ÉLISE
C’est moi qui va accompagner les élèves. Oui, madame. 
NADINE
J’pensais jamais que tu dirais oui. Le voyage est dans deux semaines…
ÉLISE
Ouin…pis ça?
NADINE
Ta famille va dire quoi?
ÉLISE
Je suis majeure et vaccinée. Je fais ce que je veux. 
NADINE
Pis ton chum, dans tout ça? Tu vas le laisser tout seul?
ÉLISE
C’t’un grand garçon. Il va très bien se débrouiller sans moi. 
M. Garneau entre.
M.GARNEAU
ÉLISE
Oh…appelez-moi Élise.
M.GARNEAU
Veuillez excuser mon retard. Un appel avec ma femme qui ne finissait plus de finir. 
ÉLISE
Il n’y a aucun problème. J’étais entre bonnes mains. 
M.GARNEAU
Nadine ne vous a pas fait trop de misère?
ÉLISE
Non, pas du tout. 
M.GARNEAU
Bon…suivez-moi. Nous serons plus tranquilles pour discuter à mon bureau. 
NADINE
Élise?
ÉLISE
Oui?
NADINE
Mais là…le voyage…ton chum…ta mère…ton père-fantôme?
ÉLISE
On dîne ensemble, demain midi, d’accord? J’te raconterai tout ça. 
NADINE
Ok…oui. J’suis toute énervée. 
ÉLISE
À demain, Nadine. 
NADINE
À demain, Élise. Bonne rencontre. Ça va bien aller.
ÉLISE
On verra bien. 
FIN SCÈNE II - ÉPISODE II. 
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plastersurlecoeur · 4 years
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ET PUIS, APRÈS?
SCÈNE I. — INT.JOUR — CHAMBRE
Hugo se réveille. Le cadran indique — 5:00 am. Élise est déjà levée, l’air songeur.
HUGO
Chérie?
ÉLISE
Oui? Je t’ai réveillé?
HUGO
Non, t’inquiète pas. Mais qu’est-ce que tu fais déjà debout? Y’est juste cinq heures.
ÉLISE
C’est mon premier jour. Je suis nerveuse. J’ai presque pas fermé l’oeil de la nuit.
HUGO
Ça va bien aller. T’as ça dans le sang, l’enseignement. Comme ton père.
ÉLISE
Justement…c’est ça le problème.
HUGO
Ton père?
ÉLISE
Oui. Mon père. Toujours lui. Il revient tout le temps.
HUGO
Qu’est-ce que tu veux dire? Je ne te suis pas.
ÉLISE
Ça fait presque neuf ans qu’il est mort, mais j’ai l’impression qu’il est encore là.
HUGO
C’est normal. T’as le droit d’avoir de la peine, t’sais. Y’a pas de date d’expiration sur un deuil. Prends le temps qu’il te faut. Je serai toujours là pour toi.
ÉLISE
Non. Tu comprends pas. C’est pas ça que je veux dire.
HUGO
Effectivement, j’comprends pas. Tu n’es pas contente de suivre les traces de ton père?
ÉLISE
Il faut que j’aille prendre ma douche. On en parlera une autre fois, ok?
HUGO
T’es sûre que ça va? On pourrait prendre notre douche ensemble? Ça l’air que faire l’amour avant de commencer un nouvel emploi, c’est miraculeux. Non seulement ça porte chance, mais c’est aussi une excellente façon de faire descendre le stress. Ça serait l’fun, non? En plus, j’pense que ça fait presque deux semaines qu’on n’a pas baisé.
ÉLISE
T’es tellement macho, quand tu veux.
HUGO
C’t’une blague, mon amour. Je voulais te faire rire.
ÉLISE
T’as manqué ton coup. Je m’en vais sous la douche. Ma mère risque de téléphoner. Tu prendras le message et tu lui diras que je vais la rappeler avant d’aller à l’école.
SCÈNE II. — INT.JOUR — SALLE DE BAIN
Élise sort de la douche. Elle passe sa main sur le miroir embué. Elle se regarde.
Au-travers la glace embuée, elle voit le spectre de son père. Elle se parle.
ÉLISE
Arrête. Vas-t’en. T’es pas sensé être là. T’es pas sensé pouvoir être là. T’as pas le droit d’être là et de me regarder sortir de la douche. Je n’ai plus cinq ans. Pourquoi t’es là, papa? Pourquoi tu me regardes? Tu penses pas que tu m’as déjà assez fait de mal comme ça? Tu penses pas que t’as déjà fait assez de dégâts? Pourquoi t’es encore là? Pourquoi tu me touches l’épaule? Pourquoi t’arrêtes pas de me reluquer les seins? J’ai peut-être décidé de faire le même métier que toi, mais je te promets que je ne referai certainement pas les mêmes erreurs que toi. Je ne suis pas comme toi, moi. Non. Je ne suis pas un monstre. Je ne suis pas ça. Je suis Élise. M’entends-tu?
Hugo intervient.
HUGO
Élise? Ça va? À qui tu parles, là?
ÉLISE
Oui, oui. À personne. Bien…à moi, là. En tout cas. Donne-moi deux minutes. J’arrive.
HUGO
Ok. Le déjeuner est prêt. Je t’ai fait des crêpes. Tes préférées. Aux bleuets.
ÉLISE
Merci. J’t’aime.
HUGO
Moi aussi. T’es sûre que ça va? As-tu besoin d’aide?
ÉLISE
Non, non. Je vais être correct.
HUGO
Si tu le dis. Je vais t’attendre dans la cuisine. J’commence à avoir faim.
ELISE (à elle-même)
T’es bonne. T’es belle. T’es capable. T’es surtout pas comme lui.
SCÈNE III. — INT.JOUR. — CHAMBRE
Élise sort de la salle de bain et se rend à sa chambre.
Elle fouille dans sa garde-robe et elle choisie une robe noire, style classique.
ÉLISE
J’pense que ça va faire l’affaire.
HUGO (au loin)
Chérie…t’en viens-tu?
ÉLISE
Oui, oui.
SCÈNE IV. - INT.JOUR. — SALLE À MANGER
HUGO
T’es belle.
ÉLISE
Tu trouves? C’est pas un peu too much?
HUGO
T’es parfaite.
ÉLISE
Merci…c’est quand même ma première journée. J’veux faire bonne impression, t’sais.
HUGO
Ça va bien aller. J’suis pas inquiet.
ÉLISE
Je t’aime.
HUGO
Moi plus.
ÉLISE
J’ai quand même la chienne. C’est pas rien, le secondaire. C’est gros.
HUGO
De quoi t’as peur?
ÉLISE
Des élèves.
HUGO
Bien voyons. Pourquoi tu dis ça?
ÉLISE
Parce que y’a une différence entre ce qu’ils nous disent à l’université et la réalité. C’est différent. Sont méchants, à c’t’âge-là. Ils t’envoient chier, en silence, ça te fait des fuck you dans ton dos, ils t’insultent avec fierté…une vraie jungle.
HUGO
Tu penses pas que t’exagères un peu? Tu vas t’habituer.
ÉLISE
Ça paraît que t’es un homme.
HUGO
Bon…encore la féministe frustrée qui refait surface.
ÉLISE
On mange-tu? C’parce que ça va être froid.
HUGO
Pourquoi tu changes de sujet? T’es fâchée?
ÉLISE
Non, mais ça me fâche quand tu penses comme un petit monsieur de banlieue. Bienvenue en 2020, mon amour. J’ai des droits, t’sais. J’suis pas juste bonne à faire du criss de pâté chinois pis du lavage. J’pense que je sers à autre chose qu’à ramasser tes p’tites culottes sales qui traînent partout sur le plancher, non? Coudonc, viarge, c’tu écrit femme au foyer sur mon baccalauréat? J’pense pas, non.
HUGO
Voyons, mon amour. Pas besoin de monter sur tes grands chevaux.
ÉLISE
Penses-tu vraiment qu’on fini par s’habituer à se faire crier des insultes par des cons qui rient dans leur truck? Penses-tu qu’on fini vraiment par s’habituer à se faire pogner le cul? J’pense que je mérite mieux de la part de mes élèves que de me faire traiter de salope, non? Mais t’as raison. Je vais m’y habituer.
HUGO
Je m’excuse. Tu sais que ce n’est pas ça que je voulais dire. J’suis con, parfois.
ÉLISE
Sans commentaire. En tout cas…merci pour les crêpes. T’es fin, quand tu veux.
HUGO
Ça me fait plaisir.
ÉLISE
Est-ce que ma mère a téléphoné?
HUGO
Non, pas encore. Tu tiens tant que ça à lui parler?
ÉLISE
C’est quand même mon premier contrat d’enseignement. J’aimerais ça que ma mère me dise que tout va bien aller. J’ai beau avoir vingt-cinq ans, j’ai encore besoin de ma mère. C’est pas parce que t’as décidé de couper les ponts avec la tienne que je suis obligée de faire la même chose. J’ai besoin qu’on me rassure.
HUGO
Pis ton chum, lui, y compte pas?
ÉLISE
Bien sûr que oui. Mais c’est pas la même affaire.
HUGO
Pourquoi?
ÉLISE
Parce que l’amour d’une mère, c’est inconditionnel. C’est sain. C’est doux. Parfois, seuls les mots d’une mère peuvent nous rassurer, et c’est de ça dont j’ai besoin.
HUGO
J’comprends.
ÉLISE
Arrête de faire ton gros bébé. J’t’aime pareil, t’sais.
HUGO
En tout cas, c’est pas ta mère qui te préparerait des crêpes pour déjeuner.
ÉLISE
T’es méchant. Elle fait un excellent gâteau aux carottes…qu’elle décongèle.
HUGO
Madelaine a bien des qualités, mais faire la cuisine, ce n’est pas son fort.
ÉLISE
C’est pour ça que je t’aime.
HUGO
Juste pour ma cuisine?
ÉLISE
Ça pis plein d’autres belles affaires.
HUGO
J’m’excuse encore pour tantôt. Je sais que je peux être maladroit.
ÉLISE
J’t’en veux pas. Je sais que je peux être facilement irritée quand je suis stressée.
HUGO
On s’aime-tu?
ÉLISE
On s’aime.
Le téléphone sonne.
HUGO
Ça doit sûrement être ta mère?
ÉLISE
Passe-moi dont le téléphone, s’il te plaît.
Élise prend le téléphone.
Deux images s’affichent sur l’écran — Madelaine et sa fille discutent.
MADELAINE
Comment tu vas, ma belle fille?
ÉLISE
Nerveuse.
MADELAINE
Ça va aller. Ton père, aussi, y’était bien nerveux, à sa première journée.
ÉLISE
J’ai peur de ne pas être une bonne enseignante.
MADELAINE
Pourquoi tu dis ça? Ça me fait de la peine quand tu te sous-estimes.
ÉLISE
Je ne sais pas…une intuition.
MADELAINE
Je suis sûre que tout va bien aller. Fais juste penser à quand tu étais petite.
ÉLISE
J’essaie de ne pas y penser, justement.
MADELAINE
Pourquoi?
ÉLISE
Pour rien. Mais c’est quoi le rapport?
MADELAINE
Tu ne te souviens pas?
ÉLISE
Si je te le demande…t’en penses quoi?
MADELAINE
Tu peux tellement être froide, quand tu veux. Exactement comme ton père.
ÉLISE
Je ne suis pas comme lui. Je ne serai jamais comme lui. M’entends-tu?
MADELAINE
Voyons…mon trésor. Qu’est-ce qui te prend?
ÉLISE
Rien. Oublie ça. Qu’est-ce que tu disais?
MADELAINE
Tout ce que je voulais te dire, c’est que tu jouais déjà à l’institutrice, quand tu était petite. Tu aimais tellement ça. Tu prenais tous tes toutous et tu les plaçais en cercle. Tu mettais ta belle robe fleurie et tu chicanais tes petits camarades lorsqu’ils n’écoutaient pas tes consignes. Tu vas voir, mon coeur, c’est la même chose. Tu vas être une excellente enseignante, j’ai confiance en toi. Je t’aime.
ÉLISE
T’es fine. Mais y’a quand même une p’tite différence entre des toutous et des élèves.
MADELAINE.
C’est sûr…mais au final, dis-toi que tu joues un rôle. T’as toujours aimé ça jouer.
ÉLISE
T’as sûrement raison.
MADELAINE
J’ai toujours raison. Je suis ta mère.
ÉLISE
Très drôle. Mais j’ai quand même la chienne. Penses-tu que je fais la bonne chose?
MADELAINE
Si on savait déjà tout. Si on était déjà convaincu de tout…la vie serait moins belle.
ÉLISE
Je t’aime, maman.
MADELAINE
Je t’aime aussi, ma belle fille. Fais-toi confiance. Fais ça pour moi.
ÉLISE
Je te le promets. J’ai seulement peur de me faire comparer.
MADELAINE
Qu’est-ce que tu veux dire?
ÉLISE
Je vais quand même enseigner à la même école où papa a enseigné pendant 35 ans. J’ai peur que les autres profs me prennent moins au sérieux. J’ai peur qu’ils me voient seulement comme la fille de Alain Lemieux. Je suis quelqu’un, moi aussi.
MADELAINE
Ne t’en fais surtout pas avec ça. Ils vont tout de suite voir ton potentiel.
ÉLISE
J’espère.
MADELAINE
Je m’excuse de changer de sujet comme ça, mais as-tu des nouvelles de Caro?
ÉLISE
Non, pourquoi? Ne me dis pas qu’elle a recommencé à boire?
MADELAINE
Non, je ne penserais pas. Pourquoi il faut toujours que tu reviennes là-dessus?
ÉLISE
Parce que je suis écoeuré de toujours ramassé les pots cassés.
MADELAINE
Bon…on ne va quand même pas se chicaner à matin.
ÉLISE
Effectivement. Mais pourquoi tu m’as demandé de ses nouvelles?
MADELAINE
Parce que j’aimerais ça vous inviter à souper, la semaine prochaine.
ÉLISE
J’en parle avec Hugo et je te rappelle?
MADELAINE
Ok. Bonne journée. Je t’aime.
ÉLISE
Je t’aime. Bye.
SCÈNE V.— INT.JOUR.— SALLE À MANGER
HUGO
Pis? T’es rassurée, là?
ÉLISE
Je pense que oui.
HUGO
Comment ça, tu penses?
ÉLISE
Je le suis, mais à quel point peut-on vraiment l’être?
HUGO
Tu es parfaite. Tes élèves t’adoreront. J’en suis sûr.
ÉLISE
Merci. T’es fin. Mais j’pense que j’ai plus peur des autres profs et des élèves.
HUGO
Franchement, Élise. Ils sont avec toi, pas contre toi. Ne l’oublie pas.
ÉLISE
Non, je sais. Mais quand je repense à mon père…quand il revenait de l’école, il bitchait toujours contre ses collègues. Une vraie gagne de commères, ce monde-là. Il faut quand même pas oublier que je vais être la p’tite nouvelle. J’veux pas être cette fille-là. Je veux pas être celle qui fait n’importe quoi. Je veux surtout pas passer pour une pas bonne. Je veux qu’ils soient fiers de moi. Je veux me démarquer. Mais je veux surtout les impressionner. Je veux pas juste être une bonne enseignante, je veux être la meilleure. Tu me connais, je ne fais jamais les choses à moitié.
HUGO
J’comprends pas pourquoi tu te mets autant de pression?
ÉLISE
Parce que.
HUGO
T’as juste à donner le meilleur de toi-même, et tout va bien aller.
ÉLISE
T’as sûrement raison. Mais t’sais, c’est quand même dur de se faire une idée. Avec tout ce qu’on lit, dans les journaux, sur les écoles secondaires, dernièrement, ça l’air d’être vraie jungle. Je veux pas être un morceau de viande. No way.
HUGO
Tu penses pas que t’exagères un peu, là? T’as quand même fait quatre ans d’université. J’peux quand même pas croire que c’est si pire que ça? Si ce l’était vraiment, te connaissant, t’aurais probablement tout sacré ça là. Arrête de stresser.
ÉLISE
Facile à dire. C’est pas toi qui va devoir se présenter à une belle gang de bozos.
HUGO
De que t’as peur?
ÉLISE
De rien.
ÉLISE
Tu peux me parler. J’suis quand même ton rhum, aux dernières nouvelles, t’sais.
ÉLISE
De mon père.
HUGO
De ton père?
ÉLISE
Oui. D’être comme lui, j’veux dire.
HUGO
J’comprends pas. Tu parles jamais de lui.
ÉLISE
Justement.
HUGO
Il doit bien y avoir une raison?
ÉLISE
Y’a abusé de moi, quand j’avais cinq ans.
FIN, SCÈNE V.— ÉPISODE I.
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plastersurlecoeur · 4 years
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La solitude
Barbara, c’est toi qui avait raison. Elle est revenue. Elle m’attendait. Je n’en suis pas tout à fait certain, mais je présume qu’elle ne m’a jamais vraiment quitté des yeux. Elle est arrivée, tout doucement, et sans prévenir. Elle s’est délicatement laissée choir, et ce, sans faire aucun bruit. Un peu comme le pétale d’une rose qui s’envole un soir d’été. 
Elle s’est agrippée à moi. Elle m’a vidé de tout mon sang. Elle s’est emparée de mon âme, et elle s’est gavée du peu de joie de vivre qui m’habitait. Maintenant, il ne me reste plus que de tous petits morceaux de moi, çà et là, abandonnés et délaissés sur un misérable plancher froid d’un hôpital aux couleurs douteuses. Help. Je ne veux pas rester ici. Je n’aime pas le froid, Barbara.   Elle est là. Elle me regarde manger mes céréales que j’ai laissées tremper dans le lait beaucoup trop longtemps. Elles sont maintenant chaudes et visqueuses. Par contre, le lait a développé un goût sucré que j’aime bien. Ça me rappelle le fameux gâteau à la vanille que maman me préparait à tous les ans, pour mon anniversaire. 
Je m’ennuie de ma maman. Elle n’est pas morte, non. Pas encore. Elle a seulement oublié qui elle était. Elle confond tout. Ce n’est pas de sa faute. Elle est confuse. Maman est Alzheimer. Elle croit qu’elle est une actrice. Elle croit qu’elle s’est réincarnée en Sarah Bernhardt. À tous les jours, elle se donne en spectacle aux Galeries d’Anjou. Tout le monde se moque. Les gens lui crachent au visage. Ils lui lancent des tomates. Le vrai problème, avec maman, c’est qu’elle oublie et recommence dès le lendemain. Les commerçants la surnomment "La folle du village." 
Je n’aime pas qu’on méprise ma mère, même si c’est vrai qu’elle pourrait faire un peu plus attention. La semaine passée, j’ai dû aller la chercher de toute urgence. Maman s’est encore donnée en spectacle. Cette fois-ci, elle voulait en finir. Elle ne voulait plus entendre les rires des méchants commerçants. Elle voulait la sainte paix. Elle s’est pensée trop forte. Une fois de trop, elle s’est prise pour Judy Garland. Ce matin-là, maman a pris tous ses cachets. Ce matin-là, en chantant "Be a Clown", maman voulait sauter en-bas du troisième balcon des Galeries d’Anjou. Les commerçants n’ont même pas pris la peine d’alerter la sécurité. Tous étaient bien trop occupés à admirer cette scène tragi-comique digne des plus grands films américains.  
À mon arrivée, maman s’est écriée: "je suis libre." Et puis elle s’est jetée par-terre. La musique s’est arrêtée, et tout le monde s’est empressé d’aller à son secours. Hélas, il était déjà trop tard. Nos pieds baignaient dans une marre de sang. Maman avait le crâne ouvert, et les yeux tristes...vides. Simultanément, les gens se sont mis à hurler. Ils se sont tous sauvés. De vrais lâches. Il ne restait plus que maman et moi. J’étais complètement désemparé. J’ai laissé son corps amoché sur le plancher, et je l’ai laissé seule, déboîtée. 
J’ai écouté la petite voix, dans ma tête, et je suis allé m’acheter un gâteau à la vanille. Il n’était pas aussi bon que celui de maman, mais je l’ai tout mangé. Mélangé à mes larmes, mon gâteau avait un arrière-goût de sel de mer plutôt désagréable. J’ai soufflé mes bougies, je me suis souhaité un joyeux anniversaire, et je me suis fait vomir. J’ai tout craché. Je ne pouvais plus rien garder à l’intérieur de moi. Tout avait un goût de plastique, de pré-mâché. Je venais de perdre ma mère d’une façon complètement absurde et à la fois assez poétique. Au moins, l’un de nous deux est heureux, maintenant. 
J’aurais préféré qu’elle parte dans de meilleures conditions, mais je suis convaincu qu’elle a déjà tout oublié. Tant mieux pour elle. Moi, je conserverai ce tableau macabre avec moi, et mes souvenirs seront recouverts de petites tâches noires. Adieu, maman. N’oublie pas de mettre ta robe de chambre, là-haut, et salue tante Suzie pour moi. Barbara. Elle est encore là. Quelques mois plus tard, elle est revenue. Pour être tout à fait honnête, elle n’est jamais réellement partie. Fuck you. T’es rien qu’une grosse conne. T’es rien qu’une vieille pile de linge sale. Mange de la marde. Tu me fais chier. Va-t’en. Décâlice.  Ça y est. Elle est encore là. J’aperçois un sourire sur son visage abimé, tombant. Par contre, il ne s’agit pas de n’importe quel sourire. C’est un sourire malicieux et sournois. Elle se moque de moi, exactement de la même façon que les commerçants se moquaient de ma mère Alzheimer. Folle. Clown triste.   Moi, je suis là. Je suis assis, mais tu ne me vois pas. Ça fait maintenant presque deux semaines que tu as arrêté de me voir. Tu commences même à t’effacer de moi. On ne se parle plus. On ne se regarde plus. Je suis là, pourtant, mais tu ne me vois pas. Ça fait mal. Terriblement mal. C’est difficile à admettre, mais sommes-nous vraiment amis?
Barbara. La solitude m’a tuée. Tu avais raison.
J’arrive, maman. 
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plastersurlecoeur · 5 years
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Je ne sais pas par où commencer. Je ne sais plus rien. Je suis perdu et apeuré tel un enfant à son tout premier jour d’école où il voit sa mère, au loin, s’éloigner jusqu’à disparaître. Je ne sais plus comment fonctionner. Mon mécanisme de survie vient de me lâcher, et eBay est en rupture de stock. Fuck you. Je n’ai plus de repères. Je suis un naufragé à la dérive, sans bouée de sauvetage ni boussole. Je viens de perdre le Nord. Je suis désemparé. Je me sens abandonné tel un animal de compagnie qu’on ne désirait pas. Comme ce petit chien qu’on a acheté pour faire plaisir à ses enfants, le soir de Noël, et qu’on a jeté aux poubelles, le lendemain, en pleine tempête, parce qu’il ne faisait plus l’affaire. Uniquement parce que les gamins voulaient un lapin, pas un chien. J’ai l’impression d’être ce chien. Dis-moi pourquoi tu ne veux pas de moi? Je ne veux pas être un chien. Je veux être un lapin. Je veux être l’animal de ton choix, celui dont tu prendras soin. Je me sens comme une vieille guenille sale et usée. Celle qui traîne sur le plancher froid de l’appartement depuis trop longtemps, mais qu’on ne prend pas la peine de nettoyer, parce que ça prendrait beaucoup trop de temps et d’eau Javel. Ça fait qu’on la laisse moisir là, voire croupir, et on continuera de marcher dessus avec nos gros pieds crasseux plein de boue. Parce que c’est toujours plus facile de briser que de réparer. J’ai l’impression qu’on vient de m’arracher le cœur pour le donner à manger aux clébards errants du quartier. J’ai l’impression que c’est irréel. Que rien n’est vrai. Je ne veux pas y croire. Il doit bien y avoir quelques caméras cachées çà et là. C’est impossible. Ça doit sûrement être un cauchemar. Oui, c’est ça. Il s’agit d’un horrible cauchemar, et je devrais bien finir par me réveiller d’une seconde à l’autre. À mon grand désespoir, je ne rêve pas. J’ai beau me pincer, je suis bel et bien éveillé, le corps parsemé d’ecchymoses. J’ai un goût acide qui me brûle la gorge, et c’est infecte. Je ne sais plus rien. J’ai l’impression d’être alzheimer: je ne sais plus comment respirer, marcher, manger, dormir. Tous ces besoins de base me sont désormais inconnus. Tout comme cette ville, d’ailleurs. Je ne sais plus qui je suis ni où je suis. I’m lost. Tout ce que je sais, c’est que je dois écrire. J’en ai besoin. C’est tout ce qu’il me reste. Je dois écrire pour apaiser mes maux d’amour. Je dois écrire pour couvrir mon cœur d’un plaster géant.
Je voulais écrire la suite. Je voulais écrire une histoire déchirante et poignante, mais cela nous appartient. Rien qu’à nous deux.
Malgré tout, tu feras toujours partie de ma vie, et je serai toujours dans la tienne. Je ne te laisserai jamais tomber, et je serai toujours là pour te tenir la main. Tu resteras toujours mon plus bel et grand amour. Tu es et tu resteras à tout jamais l’homme de ma vie. Tu occuperas toujours une place importante dans mon cœur.
P.S: Je t’aime. À tout bientôt.
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plastersurlecoeur · 5 years
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MON ANCIENNE MAISON
«C’est douloureux, voire même plutôt agaçant. Un peu comme les pleurs d’un enfant. Certains trouvent ça adorable, moi, pour ma part, je trouve ce son complètement insupportable, et ça me donne la nausée. C’est douloureux, un peu comme une sensation de brûlure. Pourtant, il ne s’agit pas d’une douleur physique. Je n’ai aucune marque apparante qui pourrait facilement laisser croire que je suis mal traité. Tout se passe à l’intérieur de moi, et c’est extrêmement désagréable. J’ai l’impression qu’une armée de Oompa Loompas s’est logée dans ma tête et qu’ils me crient des bêtises. Ils me crachent des mots méchants.
Le plus drôle, parmi tout ce chaos, c’est que t’as beau te bourrer la face de médicaments qui te boostent la sérotonine. T’as beau te faire injecter des petits bonhommes sourire dans le sang, t’as quand même l’impression que tout ton corps se contracte, que ta cage thoracique se rapetisse, et ça t’empêche de respirer. T’es complètement bloqué. Et tranquillement, tu commences à te transformer en bleuet, tellement tu manques d’air. Évidement, personne ne te remarque, car tu souffres en silence. T’as l’impression d’être dans une chanson de Cœur de Pirate. T’as beau vouloir tout essayer: t’inscrire à tous les ateliers de yoga hors de prix qui se donnent sur le Plateau Mont-Royal, commencer à manger bio, même si ça coûte la peau des fesses, juste parce que selon l’Épicerie, ça prévient le cancer, à écouter des documentaires psychoéducatifs et te booker une thérapie privée avec le dalaï-lama, tu suffoques quand même. C’est à ce moment-là que tu commences à pleurer, parce que tu réalises que tu n’es pas dans un film, et que le malheur ne s’arrêtera pas lorsque le réalisateur criera «coupé.» T’as plutôt juste l’impression d’être en deuxième année et de jouer à celui qui est capable de garder sa respiration le plus longtemps sous l’eau. Le problème, c’est que tu n’as plus sept ans, que tu n’es plus en deuxième année, et que tu n’es pas avec tes amis. Malgré tout, t’as quand même l’étrange impression de te noyer. T’as le feeling d’avoir du béton, à la place des pieds, et tout ce que tu arrives à faire, c’est de caler. Bien sûr, les sauveteurs sont bien trop occupés à bitcher sur le petite nouvelle, plutôt que de surveiller, ça fait que t’es rendu dans le fond de la piscine, et personne n’a bougé le petit doigt pour venir te sauver. Heureusement, il faut croire que le petit Jésus existe, parce que tu finis par te réveiller. T’as beau avoir vu la lumière au bout du tunnel, t’es bel et bien vivant dans une chambre qui n’est pas la tienne; une chambre aux néons trop puissants et aux couleurs tristes. T’as beau être là, vivant. T’as beau avoir repris ton souffle. Ta cage thoracique a beau être redevenue conforme, tu ne comprends toujours rien. La première chose que tu sais, c’est qu’un psychiatre veut te rencontrer. C’est là que tu comprends tout. C’est là que tu comprends que tu es à l’hôpital, et que tu risques d’y rester. C’est là que tu comprends qu’on va te bombarder de questions auxquelles tu ne pourras pas répondre, et qu’on te fera interner. Tu te prépares déjà mentalement à recevoir une couple d’électrochocs avant qu’ils te relancent dans la société. C’est là que tu voudrais avoir mal dans le dos. C’est là que tu voudrais faire de l’arthrose. C’est là que tu voudrais avoir le corps tattoué d’ecchymoses, parce que les blessures que l’ont voit à l’œil sont toujours beaucoup plus faciles à réparer que celles qui nous hantent.»
J’aurais préféré qu’on m’arrache une dent, et ce, sans même qu’on prenne la peine de compter jusqu’à trois. J’aurais préféré perdre une oreille, comme Van Gogh. J’aurais préféré qu’on me brûle le visage. J’aurais préféré marcher sur des pierres chaudes. J’aurais préféré être crucifié. J’aurais préféré jeûner. J’aurais préféré qu’on m’arrache les yeux avec un couteau à beurre. J’aurais préféré qu’on me lapide plutôt que de faire face-à-face avec le présent. Voilà sans doute pourquoi je préfère vivre dans le déni plutôt que d’accepter la réalité telle qu’elle est. Je préfère vivre dans le mensonge et être heureux à temps-partial plutôt qu’être malheureux à temps-complet.
C’est extrêmement douloureux de réaliser que tu ne portes plus tes bagues, nos bagues. Tu te souviens, je les avais achetées avant que tu partes en convalescence. Dans ton téléphone, mon nom est devenu exactement comme celui des autres, c’est-à-dire simple et banale. Tu as changé ton fond d’écran pour un paysage estival, et tout ce qui m’appartenait s’est transformé en poussière. C’est extrêmement douloureux, d’être ici, au-travers ces murs, et de constater que chaque parcelle de notre histoire s’est envolée comme les cigarettes qu’on a fumées. Néanmoins, je suis heureux de concevoir que cette maison qui fut autrefois la nôtre demeure habitée, teintée par nos souvenirs.
* Deux mois plus tard *
Toutefois, les jours ont passés, nos corps se sont retrouvés et nos lèvres, elles, impatientes, se sont touchées. J’aime que tu me regardes de nouveau avec passion. J’aime que tu me regardes exactement comme si j’étais la huitième merveille du monde. J’aime voir les étincelles, dans jtes yeux couleur noisette. J’aime lorsque ton regard cherche le mien. J’aime qu’on prenne le temps de réapprendre à se connaître. J’aime qu’on se laisse la chance de vivre une seconde histoire d’amour, et ce, même si la première ne s’est jamais réellement terminée. J’aime croire qu’avec le temps, nous nous retrouverons. J’aime croire que nous sommes faits l’un pour l’autre. Mais par-dessus tout, j’aime croire Pierre Lapointe, lorsqu’il écrit que «les amoureux séparés se retrouvent quelquefois.» Pour nous, je rêve de jours meilleurs, de doux moments, de calme, de fous rire, de complicité, d’amitié, mais surtout de bonheur. À tous les jours, à 11:11, je regarderai les étoiles, et je ferai un vœu. À tous les jours, je m’engage à te rendre heureux. Pour toi, je serais prêt à te décrocher la lune. Pour toi, je serais prêt à tout, à conquérir tempêtes et marées.
Laisse-moi te rendre heureux!
Laisse-moi être là, être nous!
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plastersurlecoeur · 5 years
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CETTE LETTRE QUE TU NE LIRAS JAMAIS
« Les secondes se défilent comme des fleurs qui tardent à éclore, lors d’un jour de printemps, et mon corps se fane de ton absence. »
De temps en temps, j’aime bien me rappeler cette étrange histoire qui fut autrefois la nôtre. Est-ce encore la nôtre? Peu importe. C’était un après-midi d’été. Je venais de finir de travailler, et c’était l’un des pires quarts de travail de ma vie. Les clients se multipliaient, s’entretuaient, se mangeaient les uns les autres; tout ça uniquement pour acheter le gâteau au chocolat le plus frais. Celui avec les plus beaux fruits, les plus belles bordures. Je ne vois vraiment pas quel est le rush de vouloir absolument acheter ce qu’il y a de plus frais? Honnêtement, tout est congelé. On ne fait que les décorer, vos câlices de gâteaux hors de prix. Qu’ils soient d’aujourd’hui ou d’y hier, on s’en torche. Ça n’a pas d’importance. C’est bon trois mois, ces affaires-là. Et par-dessus le marché, on était vraiment low staff. Disons qu’après une telle journée, j’avais vraiment besoin d’un bon verre de vin. Finalement, ça s’est plutôt terminé avec une bouteille de Chardonnay.
J’ai ouvert Instagram, pour passer le temps, parce que pourquoi pas, et tu avais fait une story. Puisque mon taux d’alcoolémie était assez élevé, j’ai décidé de prendre mon courage à deux mains, et je t’ai écrit. J’ai attendu au moins vingt minutes avant de regarder si tu avais répondu à mon message, car je me disais qu’un si joli garçon ne perdrait sûrement pas son temps avec quelqu’un comme moi. Je me disais que tu devais sans doute déjà être très sollicité. Je me disais que tu avais sûrement une liste incommensurable de prétendants à tes pieds. Je ne sais pas si les étoiles étaient de mon côté, ce jour-là, mais à ma plus grande surprise, j’avais un nouveau message. Le tien. Encore à ce jour, t’écrire fut la plus belle décision de toute ma vie. Grâce à ces quelques mots échangés sans attente, j’ai rencontré l’amour de ma vie. J’ai rencontré un être extraordinaire. Possiblement la personne la plus magnifique, généreuse, intelligente, passionnée, dévouée, persévérante, humaine et admirable que je connaisse. Une personne dont je suis extrêmement fier.
Les jours ont passés, mais nos échanges, quant à eux, sont restés et sont devenus de plus en plus fluides. J’aimais te parler. Je me sentais vivant. J’avais l’étrange sentiment d’être quelqu’un d’intéressant et en qui on pouvait faire confiance, car même si on ne se connaissait pas, nous n’avons pas tardés à entrer dans des sujets qui peuvent facilement paraître lourds aux yeux de Monsieur et Madame tout le monde. C’est à ce moment-là que j’ai compris que tu n’étais pas comme les autres. J’ai aussitôt compris que tu étais un être sensible, raisonné, mais surtout unique, et cela m’a tout de suite séduit.
Les jours ont passés, et nous avons décidés de nous rencontrer. Les souvenirs me traversent le corps comme des petits couteaux me transperçant l’œsophage. Un peu comme si je venais de plonger dans une rivière d’eau glacée.
Ce matin-là, je partais pour Montréal avec un noeud dans l’estomac. Je me disais: «Maxime, tu es tellement stupide. Pourquoi t’infliger une telle souffrance? De toute façon, ce garçon-là ne sera aucunement intéressé, et tu es dans de beaux draps... tu dors chez lui.»
Cette journée-là, tu étais en migraine. Je n’avais donc aucune nouvelle de ta part. J’ai décidé d’aller voir des amies sur la Rive-Nord. Tu m’as écrit au même moment où j’arrivais à Berri-UQÀM. Tu m’as dit qu’on pouvait se voir en soirée. J’ai commencé à avoir des papillons dans l’estomac. Non. Pour être tout à fait honnête, j’avais des papillons partout. J’avais l’impression que le Jardin Botanique était à l’intérieur de moi. Mais en même temps, j’avais hâte. J’avais si hâte. J’étais impatient. Je voulais surtout briser la glace pour arrêter d’avoir mal au cœur. Il faut dire que je n’avais jamais fait ça, moi, partir sur un coup de tête, sans réellement savoir ce qui allait se passer. T’sais, je veux dire, il aurait pu facilement être un tueur en série ou quelque chose du genre.
Croyez-moi, il a tout sauf l’étoffe d’un meurtrier. Petit fait loufoque. J’ai un problème avec les voix. C’est sûrement pour cette raison que parler au téléphone est l’une de mes plus grandes phobies. Je t’ai alors demandé de m’envoyer un message vocal. C’est peut-être absurde, mais lorsque je sais comment les gens parlent, on dirait que je deviens moins stressé. Tu m’as envoyé ce message qui m’a fait rire et dont je me souviens encore. C’est drôle, les souvenirs. Au moment où j’écris ces quelques lignes, j’entends ton message, mais cette-fois, je ne ris pas. J’ai plutôt l’Océan Pacifique qui me sort des yeux. Si tu lis cette lettre, à cet instant, tu te demandes probablement pourquoi j’écris tout ça. Je ne le sais même pas moi-même. Ce sont sûrement les paroles et les conseils de France qui me jouent dans le fond de la tête et qui me poussent à m’exprimer. Elle m’a dit que pour continuer à rester heureux et positif, je devais me rappeler de beaux moments. Et cette histoire, c’est quelque chose non seulement de beau, mais de magique. C’est probablement ma plus belle histoire. Une histoire que j’aimerais qu’on puisse raconter aux enfants que nous n’aurons pas, puisque tous les deux, on trouve que faire des enfants, c’est crissement égoïste. On pourra peut-être la raconter à nos chiens, Marcel et Marceline, quand dis-tu?
Je fais beaucoup de coq-à-l’âne. Je m’excuse, à vous, chers lecteurs qui ne me lisez pas. À l’exception de ma mère, bien sûr, ma plus fidèle admiratrice. Je passe d’un sujet à l’autre comme les secondes se faufilent, car tout se bouscule tellement vite, dans ma tête. J’ai l’impression que mes idées sont en train de valser ou elles sont en plein championnat de Nascar. Je ne sais pas laquelle de ces deux options est la plus pénible?
21:45. Le moment tant attendu. C’était ce fameux soir de juillet. Le 16 juillet 2018, pour être tout à fait exact, et il faisait noir. J’étais nerveux à l’idée de te rencontrer. J’étais terrifié. J’avais peur que tu me trouves laid ou stupide, et que tu me demandes de retourner à Gatineau sur le champ. À ce moment-là, j’étais à la station Radisson. Je me disais que le trajet serait probablement interminable. Erreur. J’avais tout faux. Ce fut l’itinéraire le plus rapide de toute ma sainte vie. J’avais l’impression de voyager à bord d’un TGV. Je suis arrivé à la station, et je ne voulais plus y aller. J’étais sur le point de t’écrire que j’avais un gros empêchement. Quelque chose du genre: «Je suis désolé, mais on ne pourra pas se voir, finalement, mon poisson rouge est mort, et les funérailles sont demain matin.» Premièrement, vous devez savoir que je n’ai pas de poisson et deuxièmement, si j’avais choké ce rendez-vous, comme on dit, en bon français, je l’aurais regretté pour le restant de mes jours.
Je suis sorti du métro, et tu n’étais pas encore arrivé. J’ai décidé de me griller une cigarette en t’attendant. J’étais beaucoup trop anxieux et je devais m’occuper. J’étais vêtu d’une chemise blanche à laquelle j’avais fièrement ajouté une épingle à couche. Ma petite marque de commerce. Je portais des pantalons noirs, évidemment, et une vieille paire de Converse usée. Pour l’une des rares fois, j’avais les cheveux détachés et je portais un chapeau style Fédora.
Quelques minutes plus tard, tu étais là, au loin. Tu portais des petites shorts, une camisole blanche (tu sais, celle avec des trous), tu portais tes lunettes qui n’étaient pas encore brisées, à l’époque, et tu avais les cheveux bruns. Je crois que tu voulais une couleur plus neutre pour un premier rendez-vous. On s’est donné un câlin, mais comme j’avais perdu le contrôle de mes membres, j’ai été maladroit, et je t’ai échappé mon sac dessus. Tu n’as rien dit, mais je suis certain que je t’ai bloqué une côte. Tu t’es sûrement booké un rendez-vous avec Marie-Claude la semaine suivante.
On a marché jusqu’à chez toi. Heureusement que tu as fait la conversation, car j’étais incapable de le faire. Les mots ne voulaient pas sortir. Ma bouche était trop sèche. Un peu comme si le désert du Sahara s’y était installé.
Arrivés chez toi, je me demandais vraiment ce que je faisais-là. L’appartement n’était pas rangé et je me sentais perdu. Gentiment, tu m’as fait visiter les lieux et je buvais tes paroles comme un divin nectar. On a parlé, on a fumé des cigarettes et on a appris à se connaître. Tu es même allé chercher des fleurs pour que mon réveil soit plus doux. On s’est collé, sans plus. Tu as été très délicat. Tu m’as même demandé si on pouvait s’embrasser. Nos lèvres se sont gentiment touchées, et des étincelles m’ont traversé tout le corps. J’étais heureux. Tellement heureux. J’avais l’impression de flotter et que le temps s’était arrêté juste pour nous deux.
Je t’aime tellement.
À bientôt, je l’espère.
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plastersurlecoeur · 5 years
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NOUVELLE NOTIFICATION
J’entends les crépitements de mon angoisse tisonner l’hypoderme de ma peau usée par les regrets. 
J’entends tes ronflements, ses soupirs fatigués qui surgissent les soirs où même tes rêves semblent avoir pris la porte d’à côté. 
J’entends l’eau couler comme j’entends la jouissance blanchâtre glisser le long de tes cuisses vieillies par cette nappe translucide stagnante et souillée. 
J’entends les notifications se multiplier et se multiplier. J’entends les pensées disgracieuses d’hommes seuls cachés derrière un écran tâché et collant – hommes de tout genre, d’origines variées, mais tous sans culture. – Des hommes pour qui il est plus simple d’envoyer une « dick pick » plutôt que de citer un poème de Verlaine. Des hommes pour qui il est plus simple de taquiner le bouton « vidéo » plutôt que de taquiner la truite. Des hommes brûlants de désir pour l’image. 
 J’entends ton enthousiasme. J’entends le changement d’octave de ta voix. J’entends surtout mon angoisse et ma folie s’infuser dans mon intestin grêle afin de te servir un plat pré-mâche de doutes et de déception. 
 Je t’entends demander – allô? – 
 Je te répondrai – j’ai dû rêver. –
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Texte de Maxime Couroux
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plastersurlecoeur · 5 years
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CONVERSATION ENTRE ADULTES CONSENTANTS OU LA MORT DES AMANTS DÉRANGÉS
Jeff.- Je savais que t’étais froide, que t’étais narcissique, que t’étais limite folle... mais sans cœur, ça, jamais. 
Sophie.- Tu comprends rien. 
Jeff.- Pardon? On vient de perdre notre fille de deux ans, ma p’tite puce... mon rayon de soleil, pis sa mommy a même pas été capable de verser une osti de larmes, mais c’est moi qui comprend pas?
Sophie.- J’ai jamais été sa mère. 
Jeff.- Comment ça c’est pas toi sa mère? J’suis peut-être pas une lumière, mais je sais quand même que deux plus deux, ça fait quatre. Je l’ai quand même pas fait tout seul? 
Sophie.- Arrête! Arrête! Tu me dégoûtes. Ta tristesse m’enrage, ton incompétence m’irrite, ton incompréhension m’écœure. Tu me fais chier. Arrête de pas comprendre. Arrête de pas vouloir comprendre, surtout. Assume tes responsabilités. Assume que t’es un minable, un moins que rien. 
Jeff.- Princess... 
Sophie.- Laisse faire le princess pis écoute-moi. C’est pas moi, la mommy, pis je l’ai jamais été. J’ai jamais voulu être mère. J’ai jamais voulu de toi, de nous. 
Jeff.- T’es fatiguée. Tu penses pas ce que tu dis. Viens, on va aller se coucher. Non, tiens, je vais aller te faire couler un bon bain chaud! 
Sophie.- Non, Jeff, je ne suis pas fatiguée. Je suis heureuse. Je me sens comme le Christ le jour de sa résurrection. 
Jeff.- Viens t’étendre. Tu ne penses pas ce que tu dis. 
Sophie.- Oh oui, j’le pense. C’est une bonne chose que Audrey soit morte. Je suis libérée. Je n’ai plus de raisons de rester à côté d’un minable qui sent l’eau de Cologne à deux piasses et qui n’a même pas assez de couilles pour assumer ses responsabilités de père. Je ne t’ai jamais aimé. J’ai resté pour te faire plaisir. Tout ce que j’ai fait, je l’ai fait pour te faire plaisir... à toi et à ma marâtre de mère. Avec toi, je me sentais intelligente, presque supérieure. Ton bilinguisme bafoué et ton parlé décousu m’ont toujours donné la nausée. J’ai resté si longtemps par dépit. Par pitié, aussi. Je vivais dans l’illusion d’une vie heureuse. Je me suis convaincu pendant sept ans que j’étais là où je devais être, avec l’homme que je devais aimer, que je vivais les plus belles années de ma vie, mais j’ai eu faux sur toute la ligne. Je vivais dans l’ombre du mensonge et dans le regard accusateur d’une enfant qui savait très bien que je la haïssais.  
Jeff.- Audrey. Allez, dis son nom. Allez, vas-y, dis-le. Dis-le, sacrament, dis-le le nom de ta petite fille. Dis-le. 
Sophie.- M’entends-tu, Jeff? M’entends-tu? M’écoutes-tu? Audrey, c’est ta fille... pas la mienne. Ça ne l’a jamais été. La preuve est là, sous tes yeux... Audrey est morte, Jeff. Une supposée mère ne ferait pas mourir son « enfant » à deux ans noyée dans son bain par un flagrant manque de vigilance. Je l’ai souhaité. J’ai souhaité sa mort depuis le jour de sa damné naissance. Je n’ai jamais eu la force de la prendre dans mes bras ni même de la regarder dormir. Je ne me suis jamais occupé d’elle. Je n’ai jamais été une figure maternelle et Audrey le savait. Elle le sentait. La preuve qu’on vit encore dans une société patriarcale et désorganisée. Ce n’est pas parce qu’une femme met au monde un enfant que cela fait d’elle automatiquement la mère. C’est quoi, une mère, hein? C’est quoi, une mère, Jeff?  Je t’ai donné une fille pour assouvir tes pulsions, pour te donner une raison d’être. Je n’ai jamais dit que j’allais prendre en charge les obligations nécessaires au bien-être d’autrui. 
Jeff.- Pourquoi? Pourquoi tu es comme elle? 
Sophie.- Comme qui? Allez, dis-le! Sois un homme, un vrai, et assume le fond de ta pensée. 
Jeff.- Pourquoi tu es comme ta mère? 
Sophie.- Je n’ai jamais eu de mère. J’ai eu une présence féminine qui jouait un rôle d’intervention psycho-sociale; toujours prête à me démolir, me démunir, me sous-estimer, mais une mère, ça, non. J’ai vécu ma vie aux côtés d’une femme qui a marié un homme non par choix, mais par obligation familiale. J’ai vécu aux côtés d’une femme qui a marié un homme plus bon, plus intelligent, plus doué, plus cultivé qu’elle pour qu’elle puisse se sentir belle et désirée. C’est tout ce qu’elle voulait, cette poufiasse, se faire désirer. Elle récoltait les hommes comme les vieilles filles récoltent les coupons rabais des supermarchés. J’ai vécu avec une femme immonde qui détestait la vie et qui m’a gentiment transmis sa haine contre la population. J’ai vécu aux côtés d’une femme qui préférait détruire la vie des gens - démolir son en tournage -, plutôt que de les aimer. J’ai d’ailleurs perdu mon père beaucoup trop tôt. Elle l’a tué et il a préféré le couteau à pêche de mon grand-père Maurice plus attrayant que le déshabillé en dentelle de cette femme. Elle n’a jamais pleuré sa mort, mais j’ai souffert de sa colère. Elle a préféré détruire sa famille plutôt que de vivre dans la lâcheté et le manque d’assurance. 
Jeff.- Pourquoi tu pleures, maintenant? 
Sophie.- Parce que je suis exactement comme elle, une sans cœur. Je suis heureuse que Audrey soit morte, parce que je n’aurai jamais à assumer des responsabilités de mère, mais surtout parce que je n’aurai pas besoin de faire comme Alice... je n’aurai pas besoin de continuer à vivre dans le mensonge d’une famille unie que j’aurai tôt ou tard détruite. 
Jeff.- On parle de la mort de notre fille, là... pas d’une tragédie grecque de Sophocle. 
Sophie.- Voilà la preuve de ton manque de culture, mon chaton. La vie se résume en une belle et abominable tragédie grecque. Pourquoi? Laisse... je vais t’expliquer, on va sauver du temps. La vie a été créée non pas par Dieu, mais bien par un tragédien. Pourquoi? Parce que l’on jongle toujours au tour des trois mêmes sujets: la famille, la vie et la mort. À l’intérieur de tout ça, il y a bien évidement des sous-catégories, mais bien tristement, la mort triomphe toujours à l’amour. 
Jeff.- Pourquoi tu me dis ça? Pourquoi tu me dis ça maintenant? 
Sophie.- Parce que la tragédie a assez durée. Je te quitte. 
Ils se sont usés jusqu’à la moelle et la mort leur a donné le plus beau doux baiser. 
RIDEAU
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Texte de Maxime Couroux
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plastersurlecoeur · 5 years
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844
J’entends les murs de l’appartement craquer, un peu comme si une boîte de macaronis venait de s’écrouler sur le sol fraîchement lavé, mais devenu complètement terni par des traces de pas qui ne s’effacent pas. Le plancher craque au même rythme que les miaulements du chat et le frigo fait un drôle de bruit. Un peu comme s’il semblait digérer tous les aliments périmés qu’on lui a enfoui dans son ventre robotisé.
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Texte de Maxime Couroux
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plastersurlecoeur · 6 years
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ÉDOUARD AUX MAINS D’ARGENT
Les caquistes envahissent désormais nos sols. Le Québec entre dans une zone de déforestation sociétale. L'euphorie des uns s'entrechoque avec la peine des autres. La légalisation du cannabis est éminente et les jeunes s'en réjouissent. Manon Massé est en deuil face à une future dictature. La génération Y s'oppose face au nouveau gouvernement mis en place. Le monde est en chute libre. Dans un futur proche, les établissements d'études supérieures se retrouveront complètement dépeuplés. Les étudiant.e.s opteront davantage pour un salaire minimum plutôt que de voir leur portefeuilles se remplir de dettes ici et là. Les maisons n'existeront plus, tout comme les hypothèques et les taxes scolaires. Montréal ne possédera plus d'appartements vacants. Les nouveaux né.e.s devront dorénavant s'exiler vers la banlieue, cet espace bouche-trous du milieu urbain. La Terre se meurt de jour en jour, mais personne ne semble y prêter attention. Nous préférons déléguer aux générations futures les dégâts d'un passé toxique et nucléaire. Les hivers sont plus froids. La nuit nous sera bientôt éternelle.
La vie m'amuse. Je suis pourtant bien conscient des catastrophes qui nous habitent, mais elles me semblent si futiles. Je vois l'horrible tableau qui se peint sur nos têtes, mais cela m'apparaît presque kafkaïen. La vie m'amuse. Hormis tout ce casse-tête, je suis ailleurs. J'ai l'esprit dans les nuages. Mon corps se disperse entre Mars et Saturne. Puis-je être un extra-terrestre sans même le savoir? Je suis divisé en deux parties: le moi maladroit qui raisonne et le moi amoureux. J'ai toujours jugé les gens amoureux. Je me suis constamment moqué des gens qui, sans trop comprendre pourquoi, partagent leur vie avec un autre. Tout se fait spontanément, mais jamais seul. Toujours en binôme. Le « je » impersonnel se transforme rapidement en un « tu » très personnel. Tu n'es plus unique. Tu deviens machinalement un tout intime, chaleureux et organique. Les questions posées sont englobantes et orientées vers le « vous. » Est-ce que vous venez souper à la maison? Est-ce qu'il viendra? Cette idéologie romanesque m'a toujours semblé bien méprisante. On m'a, et ce, à maintes reprises, portant fait comprendre quelque chose qui m'a toujours semblé absurde... lorsque tu trouveras la bonne personne, crois-moi, tu le sauras. Franchement. Quelle absurdité que voilà. Il n'empêche, toutefois, que me voilà maintenant corrompu.  La vie m'amuse. Tu te réveilles, un bon matin, et puis magie. Tu rencontres l'homme de ta vie. Ça ne s'explique pas. Tu le sais, voilà tout. T'es là, tu fais tes petites affaires, mais t'es complètement changé. Ta vie devient une lune de miel perpétuelle. T'as deux familles, deux anniversaires, deux Noël. Deux tout, mais c'est pour le mieux. T'as toujours détesté les enfants, t'as toujours trouvé que ceux qui se reproduisent le font pas simple égoïsme. T'as toujours trouvé que le coït-interrompu aurait été une bien meilleure façon d'économiser plutôt que de demander à tout le monde d'investir dans des couches zéro à cinq ans, mais tu commences tranquillement à penser à une belle petite vie de famille où tes dimanches matins deviendront surbouqués. T'as toujours fuit l'amour comme la peste, mais te voilà prêt à le consommer trois fois par jour – comme les criss de smoothies aux fruits de Marilou, une fausse chanteuse qui s'est fait connaître dans une boîte de céréales à 10¢. – T'as jamais vraiment voulu avoir une maison, une hypothèque, un compte-conjoint pis une familiale, mais t'es prêt à avoir tout ça. Tu deviens prêt à tout et c'est juste tellement beau. C'est l'fun de vivre autres choses que son quotidien. C'est l'fun de vivre autres choses qu'un 9h à 17h du lundi au vendredi. C'est l'fun de savoir que quelqu'un te regarde exactement comme si tu étais la plus belle chose du monde. C'est l'fun de savoir que t'es important pour au moins une personne autre que tes parents.
Je vous souhaite vraiment de trouver votre Édouard, parce que c'est vraiment un être humain merveilleux qui comprend et Dieu sait que c'est vraiment étrange être moi. Je ressens tout. Je n'ai aucune limite. J'ai un énorme problème de limites, en fait. C'est comme si je me séparais en deux. Il y a moi, et puis il y a le monstre. Disons que le monstre occupe une grande partie de ma vie, présentement. Il est tout le temps là. Il me regarde, me fixe, me guette et surgit à tout instant. Quand le monstre est là, je n'existe plus. La partie rationnelle de mon existence ne devient que poussière et firmament. Je n'ai plus aucun contrôle. Je me transforme en un bloque figé d'angoisse. Tout devient mort et irrationnel autour de moi. Je n'ai plus aucune limite et je suis hors de moi. La seule chose que je suis capable de faire c'est hurler. Pourtant, je sais que c'est complètement stupide comme raisonnement. J'oublie tout. J'oublie absolument tout ce que je sais, ce que je connais. Tout devient flou et disparaît. J'entre dans un monde parallèle. J'ai beau tenter de me rationaliser, de me dire que tout va bien, que j'ai un être merveilleux qui m'aime, mais c'est plus fort que moi. Y'a rien de vrai. La raison n'existe plus et je me convaincs que je me fais rejeter. Que toutes les actions posées sont contre moi. Et c'est à ce moment-là que je commence à tout rejeter moi-même. Je rejette l'amour, je rejette la moralité, je rejette le vrai, le beau. C'est plus fort que moi. Je commence à haïr. Mais Édouard est ma raison. Même après avoir vu les pires parties de moi, il y est toujours. C'est ma huitième merveille du monde. Je vous souhaite sincèrement de trouver votre Édouard pis d'ouvrir un compte-conjoint.
Mais surtout, fuck la CAQ câlice.
Signé,
Ton p'tit psycho in love.
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Texte de Maxime Couroux
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plastersurlecoeur · 6 years
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MOUSSE ISOLANTE
Cher journal, 
C’est l’hiver, nous sommes en plein mois de février. C’est la Saint-Valentin, pour être exact. Cette fête inutile, juste assez bouche-trou qui s’incruste subtilement entre Noël et Pâques pour me rappeler mon envahissante solitude. Ce soir-là, j’ai compris que tous les chocolats seraient en rabais dans toutes les pharmacies du Plateau Mont-Royal à mon douloureux réveil. J’ai compris que les enfants du quartier feront des crises à leur mère monoparentale afin d’avoir les dernières tablettes de chocolat au lait qui traineront maladroitement dans la rangée des serviettes hygiéniques parce que la cliente d’avant s’est mélangée dans l’amertume de son cœur martelé par un chagrin beaucoup trop lourd à porter un soir de fête. J’ai compris que la SAQ du coin afficherait les vins rouges à 7$ la bouteille sur les premières rangées pour réveiller les hommes incapables de satisfaire leur femme les 364 autres jours de l’année. J’ai compris qu’ils prendront la première carte trouvée sur le comptoir du Couche-Tard entre deux appels professionnels. J’ai compris qu’ils passeront une belle soirée jusqu’au moment inopportun d’avouer à Stéphanie que Claude n’a pas acheté de préservatifs. Elle lui dira de quitter l’appartement. Ils se chicaneront et Claude lui avouera qu’il l’a trompé avec sa sœur Julie âgée de dix ans de moins qu’elle. Des assiettes se casseront dans le logement du sous-sol et des amoureux se retrouveront inconnus l’un pour l’autre. J’ai compris que je passerai la soirée seul à tenter de gagner une partie de Scrabble avec moi-même; à essayer d’inventer des mots qui me convaincront de mon intelligence superficielle. J’ai compris que la neige ne cesserait de tomber, qu’elle continuerait de m’agacer. J’ai compris que les films français ne m’impressionneront probablement jamais. J’ai compris que les États-Unis c’est rien que d’la grosse bullshit pré-digérée. J’ai compris que je ne gagnerai probablement jamais au Loto 6-49, parce que je n’ai jamais acheté de billet. J’ai compris que la gratuité scolaire fait office d’abattoir pour ces jeunes en manquent de barres protéinées à 8$ l’unité à la boutique bio du coin beaucoup trop aisée pour les accommoder. J’ai compris que le miel que les abeilles butinent n’est pas aussi équitable que les commerçants le prétendent. J’ai compris que les trips d’acide c’est out depuis 2006. J’ai compris que notre population actuelle est plus susceptible de s’injecter du lait d’amandes sans sucre dans les veines que de se piquer à l’héroïne. J’ai compris que les enfants ont arrêté de fabriquer des bonhommes de neige depuis la Guerre de Sécession. J’ai compris que les films d’amour à gros budget servent juste à nous faire acheter de la crisse de crème glacée Ben & Jerry’s à dix piasses le pot de 120ml. Ce que à quoi je salue mon amie l’inflation. J’ai compris que j’ai oublié d’arroser mes plantes pis de nourrir mon chat depuis les quatre derniers mois parce que la fin de session m’est tellement rentrée dedans que j’en ai perdu connaissance. J’ai compris que le compte d’hydro ne va pas se payer par lui-même. J’pense que le monde est pas encore rendu-là, faut croire. J’ai compris que les enfants n’arrêteront pas de faire des crises à l’épicerie parce que Nathalie, jeune femme et mère au foyer de la Rive-Sud demande gentiment à Olivier de cesser de crier pour la 101 fois. J’ai compris que prendre des bains à l’huile essentielle de rosier quand t’es tout seul depuis l’arrivée du tout premier livre de recettes pour « micro-ondes » n’arrivera pas à faire revivre ta libido comme quand t’avais 14 ans. Quand c’est rendu que voir de la vaisselle propre t’excite, c’est là que tu ne te demandes pas si prendre un bain au Clorox ne t’aidera pas à retrouver ta peau d’avant; celle avant les rides pis le soleil des Teletubbies. J’ai compris que les gens qui achètent leur jambon en canne pis leur maïs déjà pré-cuit chez Dollorama c’est pas qu’ils veulent vraiment manger ça. Sont pas cons. Ils le savent que ça goûte l’osti de marde. Ils le font parce que c’est tellement mauvais qu’ils en oublient leur malheur durant la digestion. J’ai compris que les p’tits snobes de McGill ont pas choisis d’être comme ils sont. C’est leur parent qui vivent leur rêve de faux médecin dans un corps et une vie qui ne leur appartient pas. J’ai compris que pendant que j’écrivais dans mon journal, j’ai oublié d’éteindre mon four. Je viens de chier mon souper de Saint-Valentin pour une personne. J’ai compris que je vais finir mon 1L de Nicolas Laloux en regardant une histoire d’amour qui ne finirait jamais comme elle se terminerait dans la vraie vie. J’ai compris que je vais me réveiller pis que février sera toujours pas fini, que les rescapés de l’amour s’aimeront encore un peu plus qu’hier, que la ligne verte sera encore en arrêt complet parce que oui, les SDF sont en couple pis le seul moyen logique qu’ils ont trouvé pour apaiser leur chagrin, c’est de sauter devant le métro de la station BERRI. Y fait frette, à soir. Faut croire que mon petit 1 1/2 est mal isolé, y manque de laine. 
Bonne Saint-Valentin à toi, cher journal.  
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Texte de Maxime Couroux
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plastersurlecoeur · 6 years
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EAUX
Dr.: Avons-nous un pouls?
Infirmière.: Plutôt faible, mais oui.
Dr.: Pression artérielle?
Infirmière.: Difficile à dire.
Dr.: Pouls?
Infirmière: Quatre battements par minute.
Dr.: Bisoprolol (2.25 mg) aux trois heures.
***
J’ai l’impression que le temps s’est arrêté trop peu longtemps pour me laisser la chance de respirer. J’ai regardé les avions en papier s’envoler dans un ciel beaucoup trop bleu pour ainsi m’imaginer m’envoler. Les enfants, trop bruyants, s’empressaient d’engloutir leur déjeûner afin d’aller retrouver leur avion. Quant à moi, je me suis immobilisé. J’ai regardé le vide. J’ai regardé les carottes fermenter à force de trop les piler. J’ai regardé les fleurs fâner à force d’être arrosées par la nuture. J’ai regardé les enfants trop bruyants pleurer. J’ai regardé les gens s’aimer, puis j’ai cessé d’exister. Machinalement, le regard complètement hilare, j’ai fixé ce pont. J’ai fixé ce pont sans réfléchir, puis j’ai sauté. C’était froid. J’ai senti tous mes membres se contracter à l’intérieur de moi. C’était lourd. Tout était tellement lourd. J’ai succombé. J’ai tranquillement laissé l’eau s’emparer de mes poumons noircis par l’amertume des temps nouveaux. J’ai laissé l’eau s’agenouiller devant moi et m’enlacer de sa tristesse. J’ai entendu une voix ou deux, sans plus. Des bribes de mots çà et là. J’avais la tête libérée. Je réclamais ma mère au détriment de la faucheuse qui m’arrachait les yeux givrés par les intempéries. J’ai avalé pour en finir. Les enfants ne semblaient dorénavant plus crier. Les avions, immobiles. J’ai ouvert la bouche pour crier, mais rien. Aucun son, aucune voyelle, le silence absolu. Seul le vide. s’emblait se montrer le bout du nez. Mon corps était pourtant rempli d’eau que même la mort a échoué à sa trajectoire. Je me suis réveillé. Je me suis réveillé. Ses mots me paraissaient si absurdes. Ignobles. Immondes.
***
Julie.: T’as mangé, aujourd’hui?
Mathieu.:Non.
Julie.: Je t’ai préparé ton repas préféré.
Mathieu.: Arrête.
Julie.: Arrêter quoi?
Mathieu.: Arrête d’essayer.
Julie.: Je ne te suis pas.
Mathieu.: Laisse-moi partir.
Julie.: Partir où?
Mathieu.: Là-haut, c’est plus beau.
Julie.: Jamais.
Mathieu.: C’est pas toi qui va m’en empêcher.
Julie.: T’es pas tanné?
Mathieu.: Si, justement.
Julie.: Alors arrête.
Mathieu.: Arrêter quoi?
Julie.: D’essayer.
Mathieu.: Tu ne comprends donc rien?
Julie.: J’en comprends assez pour pas te laisser faire.
Mathieu.: Allez, part.
Julie.: Mange.
Mathieu.: S’il te plaît, part.
Julie.: Non.
Mathieu.: S’il te plaît, fais-moi pas ça.
Julie.: Je suis là, ok?
Mathieu.: J’ai pas voulu.
Julie.: Je sais... je sais.
Mathieu.: J’pouvais pas.
Julie.: Ça va aller.
Mathieu.: Il le fallait.
Julie.: C’est pas nécessaire de t’infliger ça.
Mathieu.: Y’est parti.
Julie.: Tu l’as laissé partir.
Mathieu.: ...
Julie.: Pourquoi? 
Mathieu.: Les voix. c’est toujours la faute des voix. Des petits rires qui te défoncent la tête à force de trop les entendre. Je suis tanné de les entendre, mais elles sont toujours là. Le monde est plein de petits gars. Pourquoi moi? Pourquoi mon corps? Pourquoi mes lèvres? Pourquoi? Je sais qu’il y a des tas de garçons qui souhaiteraient être à ma place. Je sais que si c’est pas moi ça serait quelqu’un d’autre. Je sais que c’est par hasard que je suis là à te regarder dormir. Je sais que les gens désirent te posséder. Je sais qu’ils te veulent et ça me tue. Je me détériore à petit feu. Je sais que je ne devrais pas être là. Je te nuie. Mes peurs te dérangent. Mes angoisses te paraissent enfantines. Je te pèse. Je suis ce morceau de gâteau aux fruits complètement manqué un soir de Noël pluvieux. Je sais que je ne devrais pas être là et ça, ça me tue. C’est pas toi qui m’a tué, ce sont elles. Je dois m’enfuir. La mort semble être un idéal beaucoup moins coûteux en narcotiques. Il faut que mes pensées s’envolent comme les avions en papier pour que je sois libéré de ces chaînes. Laisse-moi te laisser m’aimer. Pour la première fois, j’ai vu dans les yeux d’un autre... l’amour. Laisse-moi apprivoiser la perte de contrôle. Laisse-moi apprivoiser les autres. Laisse-moi apprivoiser les voleurs. Laisse-moi mourir.
***
Infirmière.: On le perd.
Dr.: Décharge.
Infirmière.: Décharge.
Dr.: (silence).
Infirmière.: Heure du décès — 4:20.
***
Je suis mort pour toi. Je suis mort pour te laisser grandir.Je suis mort pour te prouver que je ne te mérite pas. Les eaux m’ont sauvées. 
Je te fais mes adieux.
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Texte de Maxime Couroux.
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plastersurlecoeur · 6 years
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LE GRAND MÉNAGE DU PRINTEMPS
Ça fait tout drôle de pouvoir recommencer à respirer. Ça fait tout drôle de voir les arbres recommencer à fleurir. Ça fait tout drôle de voir les abeille recommencer à butiner. Ça fait tout drôle de voir les employés de la ville nettoyer les rues crasseuses de Montréal comme si leur vie en dépendait. Ça fait tout drôle de voir se dessiner, sur le visage des gens, un doux sourire d’été. Ça fait tout drôle de voir les gens rirent à nouveau. Ça fait tout drôle de voir cesser l’aliénation hivernale exercer ses fonctions oppressantes sur la population québécoise. Ça fait tout drôle de voir les motifs floraux ressortir du garde-robe. Ça fait tout drôle de voir les commerçants recommencer à vendre leurs produits locaux. Ça fait tout drôle de voir des gens heureux, dans les rues, plantes vertes à la main afin de décorer leur appartement de la manière la plus instagramable possible. Ça fait tout drôle de voir les enfants recommencer à jouer au ballon dans les ruelles ensoleillées de Montréal. Les universitaires ont terminé leur interminable session et les salariés préparent leurs vacances dans les Hamptons afin de décrocher de toute urbanité possible. Ironique, non? 
Ça fait tout drôle de devoir quitter la Sainte-Catherine, mon Montréal adoptif pour quatre longs mois. Parfois, trop souvent, en fait, la vie est aléatoire. Comme une partie de cartes, au Casino. On découvre un lieu inconnu, on fait des rencontres bouleversantes. Des rencontres qui nous changent pour le mieux. On ne sait jamais se qui nous attend ni comment on va gérer ce nouveau mode de vie qui nous ouvre ses portes comme s’il n’y avait pas de lendemain. 
Hier, j’ai fait le grand ménage du printemps. On a lavé les murs, les planchers, arrosé les plantes défraîchies, jeter aux ordures les derniers résidus d’un incendie imprévu, tout en écoutant la douce musique de Safia Nolin. On a fait le ménage d’un appartement, mais on a aussi fait le ménage de nos cœurs complètement déboussolés par tous ces intempéries qui ont fracassé nos vies, nos chemins. On a fait le vide. Le vide de tout, le vide de nous. On a parlé, on s’est aimé, on s’est laissé aller. On a respiré, on a toujours pas pleuré les larmes qu’on avait à pleurer, mais ça, ça viendra. Non, pas des larmes de tristesse. Des larmes de joie, des larmes tellement euphoriques qu’elles nous paraîtront probablement fausses. C’est étrange à quel point des gens entrent dans votre vie et vous transforment, vous comprennent. Merci d’être toi, merci d’être vous. Merci de comprendre, merci d’écouter et merci de vivre cette tornade d’émotions à mes côtés. 
J’aimerais qu’on fasse des folies tout l’été. Qu’on parte je ne sais trop où. Qu’on s’enivre de pêchés qui nous transperceront la gorge brûlante d’ivresse. J’aimerais qu’on s’invente des histoires insensées dont nous en serons les seuls à n’en comprendre le sens caché. J’aimerais qu’on nage sans se noyer et qu’on parcourt les bas-fonds de la Gaspésie sans un sous. J’aimerais qu’on continue à profiter du doux soleil et à boire cet espresso devenu glacé à force de trop parler. J’aimerais tant de choses, mais les 2.50$ dans mon compte en banque me demandent de travailler. Je ne vous oublie pas, non, jamais. 
On s’écrit, on s’appelle, on s’aime. 
À vous, mes beaux amis, reconnaissez-vous! 
À bientôt, Montréal! À bientôt, mes amours!  
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Texte de Maxime Couroux. 
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plastersurlecoeur · 7 years
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RESPIRE(Z)
J’aimerais parfois qu’on m’efface ; Qu’on me demande de m’effacer ; J’aimerais disparaître ; Qu’on me demande de disparaître ; Je vois le monde différemment ; C’est parfois très incongru, la vie du malade imaginaire ; J’aimerais m’envoler ; Qu’on me demande de m’envoler ; J’aimerais que tu me dises que tu me détestes ; Qu’on me déteste ; Parfois se savoir détesté nous empêche de trop penser ; J’aimerais arrêter de penser ; J’aimerais qu’on m’arrache les capacités motrices ; J’aimerais être une statue de cire qui fond au soleil ; La souffrance serait sans doute moins futile ;
Ne m’en voulez pas si je m’absente ; Je m’isole ; Je m’isole pour vous donner mon oxygène ; Je m’isole pour qu’on oublie que je suis trop présent ; Pour qu’on oublie que j’existe ; Que je vous bombarde de phrases qui vous alourdissent ;
Je suis là où je ne devrais pas être. J’écris des mots que je ne devrais pas connaître. J’écris pour cajoler mes prières qui tardent à s’exaucer. Il y a longtemps que les étoiles ne brillent plus là où je suis. Il y a longtemps que la braise a cessé d’exister. Tranquillement, je vais me dissiper à travers les œuvres les plus cruelles de Baudelaire pour vous laisser l’air la plus pure. Mais avant tout, j’aimerais que tu arrêtes tes enfantillages. Arrête, ça tourne tellement trop vite. J’ai plus le goût d’aller à 200 km/h. Je voudrais juste que tout arrête et maintenant. Contrairement à ce que tu penses, mon univers ne tourne pas autour de toi. Désolé de te l’annoncer si promptement. 
Y’a pas d’amour. Y’en a jamais eu, d’ailleurs. L’amour me rend nauséeux et verdâtre de dégoût. T’as simplement ouvert une vielle porte qui n’aurait jamais due être ouverte à nouveau. Y’a des abeilles qui piquent mes membres. Ça me brûle, ça me démange — j’arrache les peaux mortes qui recouvrent le semblant de mon existence — là, au moins, je sais que j’exécute quelque chose de concret. J’ai tellement compté les tuiles qui sont au-dessus de ma tête que je dois me trouver autre chose à faire. J’avais commencé à fabriquer un château de cartes, mais le vent soufflait si fort sur Montréal que j’ai même pas eu le temps de crier jakepot que  j’ai dû me trouver une autre activé au quotient intellectuel sous-développé. Je me disais que je pourrais écrire à des gens, que je pourrais être comme ces ermites de l’informatique qui restent des heures et des heures branchés sur le net telles de vieilles larves afin de se trouver des amis sur des forums totalement douteux: amisetbonbonssurs.com. J’ai changé d’idée assez vite. J’ai vraiment mal au cœur, tellement sa tourne vite. J’ai beau me réveiller toujours à 11 : 11 afin que mon vœu se réalise, mais ça marche jamais parce que le p’tit Jésus m’aime pas.
Ça fait que c’est pas juste… c’est pas juste une boule que j’ai dans l’fond de la gorge. C’est toute pis absolument rien en même temps. C’est moi qui veut trop, mais sans rien vouloir, dans l’fond. C’est cette vie qui ferait sourire les autres (excepté moi). C’est moi, c’est toi, c’est eux… c’est le monde, viarge. Ça fait que ne soyez pas tristes si je disparaît de google maps. Premièrement, c’est pas comme si c’était vraiment une grosse perte pis deuxièmement, c’est pas comme si j’étais d’une importance capitale. Ça fait que faites ce que vous faites habituellement, mais sans moi. Souriez, mangez, buvez… mais VIVEZ.
À BIENTÔT, TOUT LE MONDE…. J’ESPÈRE!  
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Texte de Maxime Couroux. 
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plastersurlecoeur · 7 years
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HOCHELAGA
Hochelaga. Y fait tellement noir, par ici. On dirait que le ciel est plus sombre qu’ailleurs dans tout Montréal. Les gens marchent rapidement et font des gestes décousus parce qu’ils ne savent même plus quelle toxine ils viennent d’ingérer ou quelle marque de bière de dépanneur miteux sur Ontario leur sort par la bouche un soir d’été où on aurait pu être heureux. Ce soir-là, j’étais plus stressé qu’à la normal. J’avais le cœur qui battait tellement fort que je pouvais entendre tous les battements dans mes deux oreilles beaucoup trop sensibles. On aurait dit deux avions en collision ou un gros bruit de ventilateur, j’sais pu trop. Je me disais: « non, vas-y pas... reste dans ton petit quartier bourgeois de marde et saoul-toi donc tout seul. » J’aurais peut-être dû m’écouter parce que les seuls regrets qui envahiraient ma p’tite tête de malade mental, présentement, seraient d’avoir gaspillé 14,50$ au dépanneur du coin, beaucoup trop snob pour toi, dans le fond d’une toilette presque grise tellement qu’est rendue vieille. Je me suis quand même préparé. Je ne pouvais quand même pas arriver les cheveux sales avec une odeur d’espresso pis de petits gâteaux hors de prix. Tu m’as même demandé si je pensais arriver bientôt? Finalement, je dois avouer que t’es un bon acteur. J’y ai cru. Félicitations pour ta finesse et ta justesse. Parce que visiblement, que j’aille décidé de venir ou de rester chez moi, bien penard, à regarder des criss de p’tits vidéos de chiens qui font d’la danse aérobique sur YouTube pendant des heures, ce soir-là, y’avait pas vraiment de différence. Hochelaga. Je t’aime, mais je t’haïs en même temps. Y’a les souvenirs dont je me souviens, y’a ceux dont je ne me rappelle plus et y’a ces quelques souvenirs que j’aimerais mieux oublier. Pas qu’ils ne sont pas beaux. Au contraire... ils sont si magiques que j’me demande même si je ne les ai tout simplement pas rêvés. J’ai de la musique triste qui joue en permanence, dans ma tête, mais y’a juste dans s’te quartier-là que j’suis pas capable d’la mettre sur pause. Ça  restart non-stop. C’est insupportable. Ta yeule, Brel, please. J’ai resté figé si longtemps devant mon miroir de salle de bain que pour la première fois de ma vie, j’ai arrêté de compter les minutes qui défilent sous nos yeux. Je me suis regardé, analysé. Je me trouvais tellement laid. Je sais pas pourquoi je parle au passé, c’est pas comme si ça l’avait changé depuis les derniers 24h. J’ai compté tous mes défauts juste pour essayer de les camoufler le temps d’une soirée. S’pas vrai. J’ai pas vraiment compté tous mes défauts, t’es-tu drôle. Y’en a ben trop. Le miroir était taché par des éclaboussures de dentifrice d’un bleu couleur hôpital. Je trouve ça quand même plate qu’on attribue certaines couleurs à des choses tellement péjoratives. Pauvre lui, quand même. S’te bleu-là, peu importe ce qu’il va faire de sa vie, il sera toujours associé à un hôpital cancéreux et abrasif. Je me suis regardé longtemps, très longtemps avant de plonger dans l’eau chaude qui m’attendait. Je prenais mon temps, j’aimais ça. J’ai lavé cheveu par cheveu. J’écoutais du gros Céline à tue-tête. Pauvre voisins. J’ai finalement quitté cette bourgeoisie afin de retrouver ce vaste Hochelaga. Y’était tard. Pas pour toi, parce que ça faisait juste six heures que t’étais réveillé, mais y’était tard pareil. T’arrives pas chez les gens à s’te heure-là, normalement. J’aurais tellement pas dû venir, quand j’y repense. Hochelaga. J’avais peur. Y faisait chaud, mais j’avais des frissons partout sur le corps. Je savais pas trop où j’étais. Heureusement, y’avait l’pont Jacques-Cartier à côté de la station de métro pour mieux me situer. Hochelaga, dis-moi... pourquoi j’ai pas sauté en bas du pont pour aller voir les poissons nager de plus près? J’attendais l’bus. J’pense que j’ai fumé quatre cigarettes de suite, tellement j’étais pas contrôlable. Pourtant, quand j’étais à job, durant la journée, j’avais un criss de smile d’enfant de cinq ans étampé d’en face pis pu capable de l’enlever. Je souriais comme si j’étais glé ben raide sur l’extasy ou comme si y’avait plus de lendemain. Freestyle baby. À l’arrêt de bus, je faisais les cents pas. J’étais pas bien. Y’avait des sans-abris partout. Je sais bien qui peuvent pas vraiment aller ailleurs parce qu’ils n’ont pas d’maison, mais c’est juste que là, leur odeur de pas lavé m’est montée à tête pis ça comme pas passé. Je suis monté dans l’autobus. Je savais pas trop où débarquer, ça fait que je regardais les noms des rues full spin comme si j’étais sur l’speed. Juste pour être sûr de pas manquer l’arrêt. J’ai presque manqué l’arrêt à force d’être trop alerte. Je suis débarqué du bus — complètement désorienté —, pis je t’ai texté pour te dire que j’étais là. T’étais fâché que je ne te l’ai pas dit avant. Encore là, sûrement du acting. Hochelaga. J’ai regardé ce parc, ces ruelles, ces habitants et j’ai pleuré par en-dedans. J’ai pleuré parce que Nelly, au travers ces mots toujours plus destructeurs les uns que les autres, ne se trompent jamais. « On ne pouvait rien au désastre de notre rencontre. » Hochelaga, lui, moi et le trop peu que fut la caricature du « nous » déchu par les eaux usées des rivières polluées... ne pouvions vraiment rien au désastre de notre rencontre et, tout au fond de moi, je le savais. Mais un grand cœur malade saute toujours la tête première dans le vide afin de mieux connaître l’étendue de sa chute. *** Tu t’en fiches probablement. Tu as peur. J’ai très peur, aussi, tu sais. Je ne m’aime pas, je me déteste le 3/4 du temps et je ne crois pas aux compliments qui me sont offerts. Je ne t’aime pas. Je ne t’ai jamais aimé, en fait. J’aimais l’idée du bonheur. Je connais pas ça, moi, le bonheur, et j’étais heureux. Je ne sais pas comment agir, dans la vie. Faut vraiment pas que tu m’en veules. Parce qu’on fond, si tu savais comme je te comprends. J’me suis mal exprimé, oui, sûrement. Je m’excuse d’avoir été là. Je m’excuse d’exister pis de t’avoir empêcher de respirer sans même le vouloir moi-même. Mais je te comprends. C’est juste que d’habitude, c’est moi qui est comme ça. J’ai l’impression d’avoir été démasqué à mon propre jeu. *** Hochelaga. Y fait tellement plus noir, là-bas. Les enfants crient plus fort, aussi. On retrouve des panniers d’épicerie un peu partout sauf dans les épiceries, mais soyez sans craintes — y’a pas de souliers suspendus. — Malgré tout ça, j’espère juste que ça ne nous empêchera pas de prendre une bière entre amis pis d’faire des « affaires ». Bye, Hochelaga.
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Texte de Maxime Couroux. 
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plastersurlecoeur · 7 years
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DES AMALGAMES ET DES MOTS
« Je fais ce rêve, souvent. Un cauchemar, en fait. J’ai des globes oculaires sur la langue et je peux pas parler. J’en ai plein la gueule, pas moyen de les enlever. J’essaie de crier, mais ça marche pas, je peux pas non plus fermer la bouche, alors j’essaie de les avaler, mais y’en a trop, je les croque, mais c’est vraiment, vraiment dégueulasse, ça squishe et puis ça jute, ça me fait vomir, et je finis par m’étouffer avec mon vomis d’œils. C’est dégueulasse, hein ?J’ai googlé, une fois, pour savoir si ça avait une signification, mais j’ai pas trouvé. Ça veut dire quoi, tu penses ? En même temps, je m’en fous. C’est juste un rêve. »
« Tu sais, quand tu as l'impression que tu sors de ton corps, tellement t'as de la rage en dedans et qu'il n'y a plus de place pour toi-même ? Ben, c'est comme ça que je me suis sentie. J'ai crié fort et longtemps. »
« C'est le bonheur, ça, non? Te faire appeler "P'tit-cul" avec tellement d'amour dans la voix que tu te le chuchottes sans arrêt en souriant comme une épaisse jusqu'à ce que tu t’endormes. »
« C'est plate ici,non? On peut pas mettre de la musique, quelque chose? Je sais pas comment tu fais pour être dans le silence. comme ça. Ça t'étourdit pas, genre? Moi, quand y a trop pas de bruit, ça me fait comme un ronflement de frigo dans la tête à force que toutes les affaires à quoi je pense s’entrechoquent entre elles... »
« C'est comme une super caresse vraiment le fun, partout sur ton corps et en dedans en même temps. Imagine qu'avec tous les pores de ta peau, tu manges un truc vraiment, mais vraiment trop bon. »
« Elle est conne, ma mère. Elle pense que plus tu cries, plus on t'entend. Alors que c'est quand tu chuchotes qu'on t'entend le mieux. »
« Je lui avais dit que je regardais jamais le ciel, et il a trouvé ça triste. Ça me semblait con, regarder le ciel. C’est comme regarder la télé pas allumée. Des fois y a un avion qui passe, mais tu te dis juste « tiens, y a un avion qui passe », et tu t’en fous parce que c’est jamais toi qui est dedans l’avion. Enfin, c’est jamais moi.Tout ça pour dire que c’est chiant, regarder le ciel. Tout le monde parle des étoiles, et tout. Dans les films, t’en vois plein quand le gars et la fille sont en amour. A Montréal, personne doit être amoureux, que je me disais, parce que j’en ai jamais vu, des crisses d’étoiles. C’est pour ça que je regardais pas le ciel. Ça me déprimait, que personne s’aime en ville. »
***
«  Mais oui je t’aime, maman. T’as rien fait… je suis juste… triste.
— Pourquoi t’es triste ? — Parce que… je sais pas…
J’espérais un peu qu’elle me demande de lui raconter. À l’époque, je le savais pas, que j’espérais, mais aujourd’hui, oui. Je voulais lui dire, je voulais pleurer, me vider de mes larmes et pouvoir repartir à zéro. Je voulais qu’elle me prenne dans ses bras et qu’elle me dise que tout allait bien aller. Elle s’est raidie sous ma main. »
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Texte de Maxime Couroux. 
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plastersurlecoeur · 7 years
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J’ai la tête pleine d’étoiles
  Je m’excuse vraiment si j’agis comme une marde. Je m’excuse d’être moi la plupart du temps. T’as peut-être déjà remarqué. Je m’excuse de ne pas être capable de m’exprimer. J’ai la tête pleine d’étoiles, ça me rend heureux. Ça me rend même aveugle. Je m’excuse de trop penser. Je m’excuse d’être bizarre. Je m’excuse d’avoir peur. J’essaie simplement de comprendre. Je me trouve wack. C’est comme quand t’as cinq ans et que t’as l’goût de tout raconter à ta mère sans réellement savoir pourquoi t’as besoin de tout lui raconter et de dire « maman » à toutes les deux secondes, mais tu ressens le profond besoin qu’elle soit là. J’ai l’impression que je te dis n’importe quoi, ça ne se suit pas. Tout est mélangé. 
  J’ai la tête pleine d’étoiles; ça me rend complètement gaga pis je suis heureux, mais le bonheur c’est éphémère et j’ai juste peur que tu te lasses avant même que je finisse ce beau casse-tête. 
Dan Dan Dan. 
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Texte de Maxime Couroux. 
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