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Communiqué de presse
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Entretien avec le metteur en scène, Sylvain Bélanger
mardi le 17 novembre 2020
Pourquoi avoir décidé de monter le texte Sallinger de Koltès?
Souvent, lorsque je vais travailler dans les écoles avec des étudiants, soit je vais chercher du matériel très proche d’eux pour solidifier des bases ou pour qu’ils soient confortables dans le matériel, qu’ils s’identifient à ces personnages-là, contemporains, proches de leur réalité, etc., soit, parfois, ça m’arrive d’aller chercher un matériel exigeant au niveau de la langue, avec un auteur important. Dans ce cas-ci, c’est ce que je suis allé chercher.
Ce n’était donc pas quelque chose que vous vouliez nécessairement monter avant votre projet à l’ÉST?
Je ne connaissais pas la pièce, mais ça fait longtemps que je voulais monter du Koltès par contre. Un de mes rêves, c’est de monter Dans la solitude des champs de coton; depuis que j’ai travaillé sur L’enclos de l’éléphant d’Étienne Lepage, que j’ai monté au FTA puis à l’Espace Libre avec Paul Ahmarani et Denis Gravereaux. C’est une dynamique qui peut ressembler à Dans la solitude des champs de coton et quand j’ai travaillé avec ce matériel-là, je me suis dit que ça serait plaisant qu’un jour je me frotte à ça. Puis deux-trois ans après je pense, Brigitte Haentjens l’a monté. Quand quelqu’un d’autre le monte, je ne vais pas me garocher là-dedans deux ans plus tard… Donc, j’ai mis ça de côté pour l’instant. Après ça, je me suis mis à fouiller dans son matériel, je suis tombé sur Sallinger. Sallinger… C’est tout le temps plaisant quand tu choisis quelque chose où tu n’as pas toutes les réponses; tu lis la pièce, tu es touché par des affaires… il y a des fulgurances là-dedans. Il y avait certaines parties de moi qui se disaient que c’était bien beau, j’avais l’impression de comprendre en partie la patente, mais pas de saisir complètement comment ces gens se sentent. Je me suis dit que j’allais entrer en processus afin d’aller au bout des significations et pour en savoir plus. Avec Sallinger, c’était aller chercher quelque chose d’assez mystérieux, d’opaque par moment, d’énigmatique, de pas hyper limpide à la base, puis d’essayer d’aller voir là-dedans ce qu’il y avait dans l’espèce d’obscure pressentiment que j’avais de me dire qu’il y a quelque chose que j’ai vraiment envie de déterrer : il y a un petit joyau et je vais aller le trouver. Même si ça peut sembler un peu loin de nous ; le folklore de ça et tout, j’ai quand même des portes d’accès pour ce monde-là. Je me suis dit que j’allais aller fouiller.
La construction dramatique de Koltès est assez hors du commun : beaucoup de longs monologues, « la langue de Koltès », une sorte de musique... Pendant le processus, vous avez mentionné que vous vouliez vous éloigner de ce rythme que l’on entend souvent chez Koltès. Pouvez-vous un peu approfondir sur cela? Qu’avez-vous fait de ces monologues? Comment les avez-vous traités avec les acteurs et actrices?
Oui, bien j’ai peut-être un peu décéléré le rythme habituel que l’on entend. Je l’ai peut-être ramené davantage à mi-chemin entre le cinéma et un théâtre minimaliste. J’y suis allé, je pense, par couches délicates pour toucher à la philosophie de ça. Je voulais faire attention aux grandes logorrhées et au rythme, parce que je voulais qu’on entende tout. J’avais envie aussi que le spectateur, et que les acteurs aussi, aient de l’espace pour réfléchir, de l’espace pour leurs pensées. Le danger de ça, c’est qu’on alourdisse tout, puis que tout devienne très songé tel un traité de philosophie par phrase. Nous avons mis énormément de rigueur à détacher tout, puis à savoir d’où viennent toutes les pensées qui sont là, puis tout ce qui est dit. Après cela, j’ai l’impression qu’en enchaînant, on va trouver les rapports et si on les a vraiment bien définis. Par rapport à la musique habituelle de Koltès, premièrement, avec Sallinger, nous ne sommes pas tant dans le Koltès d’après. C’est plus off-beat, c’est plus hachuré ce qu’il y a là-dedans, donc je me suis permis de décélérer ce que j’entends habituellement : rythme assez effréné, qui va assez vite et qui est très dans la provocation, dans la violence, la brutalité et la bestialité des rapports. Là, j’y suis allé avec davantage de complicité et de douceur. C’est des pensées qui flottent, cette pièce-là, ces gens qui se rencontrent dans des espace-temps qui ne sont pas toujours : une chaise, un salon, une cuisine… Je me suis permis que ce soit des cerveaux qui flottent et des gens qui communient par leurs pensées – qui communient, qui communiquent par leurs pensées. Ça donne un rythme très particulier, parfois plus aérien, mais où on a le temps de s’attacher à eux, d’essayer de les comprendre.
Vous mentionnez vouloir garder une certaine lueur, une certaine lumière dans cette pièce qui pourrait sembler plutôt tragique. D’où vient cet intérêt et pourquoi vouloir maintenir de l’espoir tout au long de la pièce?
C’est parce qu’à la base, ils ont perdu quelqu’un de leur famille, ils ont de la peine, ils ont un trou dans leur vie. On peut avoir des reproches, des regrets, exprimer des manques, avoir de la colère par rapport à son geste (au Rouquin) et tout, mais à la base… le gars, il nous manque. Ça veut dire qu’il y a de l’amour… L’amour, ça veut dire prendre soin de. Ça veut dire qu’il y a de l’altérité, ça veut dire qu’on pense à l’autre, qu’il y a de la bienveillance; donc, tout ce sac-là d’intérêt pour l’autre ; pour moi, elle est là, la lumière, profondément humaine. La lumière et l’espoir au théâtre il faut que tu nommes c’est quoi, tu ne peux pas dire « je veux mettre de la lumière, je veux mettre de l’espoir ». Si ce n’est pas nommé ou personnalisé pourquoi et à quel niveau, ça ne veut absolument rien dire. C’est comme le mot tragique, il faut que tu définisses en quoi c’est un tragique pour toi. Après ça, nous avons un poète avec nous, Koltès. Un poète exprime des choses afin de s’attacher au monde. Il est parti très tôt, mais il exprimait son attachement au monde et il y a quelque chose de positif là-dedans. Il y a beaucoup de choses à casser, à défaire et à dénoncer dans la pièce; tout le rapport à l’Amérique, au monde guerrier et au monde des possessions, au fait que l’on décide pour nous et que ça détruit des vies. Au-delà de tout ça, là-dedans, il y a des êtres humains qui ensemble s’aiment. Je pars de ce principe-là.
« (…) au fait que l’on décide pour nous et que ça détruit des vies. » J’ai l’impression que tout ça est venu à travers le processus, que ce n’était pas là aux premières lectures de la pièce, n’est-ce pas?
C’est certain que quand tu travailles, et c’est la beauté de ce métier-là, c’est que tu découvres des choses pendant le processus. Il faut que tu aies assez de confiance en toi, quand tu fais de la mise en scène, faut que tu sois à l’écoute de ce que tu vas découvrir, quitte à changer des choses, quitte à modifier des choses, quitte à parler différemment de la pièce après un mois de répétitions. Il faut que tu colles quand même à l’intérêt premier, au pressentiment que tu avais, à pourquoi tu voulais monter ça, mais après ça c’est comme les branches d’un arbre qui s’attachent à son tronc et il faut que tu découvres des choses pour que ton bouquet soit assez luxuriant, bien garni ou divers. Sinon, tu fais juste dire la même affaire pendant deux mois aux acteurs et ils ne l’entendent plus ; ils deviennent comme insensibles. Donc, je me laisse toujours la chance de découvrir des choses au fur et à mesure, parce que la première chose qui est importante dans mon job c’est d’inspirer tous ceux qui m’entourent : les concepteurs, l’équipe, ceux qui m’ont engagé, les acteurs, tout le monde autour; les complices. Mon job, c’est de les inspirer, donc il faut toujours que je puisse renouveler la façon dont je parle de la pièce et même de certains personnages. On en a eu un aperçu hallucinant de ça dans le travail avec le Rouquin. Le Rouquin est une espèce de page blanche, qui est à la fois un symbole et martyr pour cette famille-là, qui pourrait être un alter ego pour bien du monde, dont Koltès, mais qui a une chronologie – il a quatre scènes toutes déconstruites - qu’on ne peut pas expliquer aux spectateurs, on ne peut pas expliquer ses irritants aux spectateurs, il a fallu que tout ça, je prenne les devants, puis que je me lance, que je me risque à dire pourquoi il est irrité, pourquoi il dit ça, et peut-être que je fais fausse route sur 65% des choses que j’ai dis à l’acteur, mais je suis peut-être à 85% collé sur ma cohérence à moi par contre. (…) Je suis plus un intuitif, si tu veux. Je fais presque 100% confiance à ça. Donc, ça veut dire découvrir en cours de route, mais pas perdre de vue que celui qui est devant moi, lui, il a besoin d’une cohérence pour construire un personnage pour me suivre, parce que s’il y a trop d’incohérences, il va être un peu perdu et il va me le dire. Ce qui a été plaisant dans le cas de Marc-Antoine, c’est qu’il a totalement fait confiance à ce principe-là de la page blanche et des intuitions, puis il a complété toute cette démarche-là avec une recherche de son côté pour se faire une espèce d’arborescence et qu’on se fasse sa vérité à lui. (…) On a vraiment travaillé une matière très évolutive avec lui, quitte à vraiment l’essayer d’un angle très différent; entre autres dans tous ses débuts de scène qu’on a souvent approchés de bien des manières différentes. Ce sont des affaires qui s’accumulent, puis après ça au travers de sa démarche, l’addition de ces choses-là, forgent et nourrissent sa propre cohérence à lui. Ce ne sont pas des choses qui sont antinomiques ou qui disent le contraire, ce sont des choses qui s’additionnent. Dans le cas du Rouquin, ça a vraiment été un beau chantier, même si ce n’est pas lui qui a le plus de texte. C’est davantage avec le personnage de Leslie qu’on a eu à travailler beaucoup de matière, comme si j’avais eu à travailler La nuit juste avant les forêts.
Il manque des scènes au Rouquin; c’est complètement troué, la chronologie n’est pas dans une logique. C’est quelqu’un qui apparaît quand on le convoque. Donc, je pense qu’on a réussi à se libérer de qu’est-ce qu’une construction de personnages habituelle, pour se dire qu’on fait confiance à des pensées qui communiquent et à l’instant présent dans la scène, et qu’est-ce que je suis pour toi et qu’est-ce que tu es pour moi et à partir de là on se parle. Le texte fonctionne assez bien quand on réussit à défendre ce pourquoi l’Autre nous tient tant à cœur.
J’ai vraiment l’impression que vous faites très confiance et travaillez de très près avec les comédiens et comédiennes. Vous leur donnez une assez grande liberté pour leur exploration tout en leur suggérant, mais pas en leur disant quoi faire.
Oui, c’est vrai. Je pars du principe qu’un acteur va être bon s’il fait son affaire à lui, et s’il sent qu’il est bon dans ce qu’il fait et qu’il a la place pour le faire et l’exprimer. Si tu diriges trop un acteur, il peut étouffer et il ne sera plus libre et il va être vraiment malheureux. Donc j’essaie de diriger en suggérant davantage et m’exprimant davantage au JE, pour moi, pour que ça puisse laisser le JE de l’acteur à l’acteur. J’essaie de ne pas trop embarquer dans son terrain à lui. Je pars du principe qu’il est le meilleur pour faire ce que lui fait d’habitude. Moi, je peux suggérer pour inspirer l’acteur. Il y a un temps pour l’inspirer, il y a un temps pour le diriger, pour ne pas qu’il soit dans le brouillard. Maintenant, nous entrons dans la partie où ça va être le temps de les accompagner dans ce qu’eux ont envie de faire. J’ai assez confiance en moi pour me dire que ça ne sera pas trop loin de ce qu’on fait depuis deux mois. J’ai assez parlé pour qu’à un moment donné, ce soit leur tour. On a assez travaillé dans les détails aussi pour qu’on puisse saisir quel est l’univers commun que nous avons construit. Faire confiance, c’est vraiment la base pour moi. Entre diriger et guider, c’est pas du tout la même attitude, ne serait-ce qu’humaine. Guider c’est guider la démarche de quelqu’un, diriger c’est presque le prendre par les épaules et lui dire « tourne-toi comme ça ». Moi, j’étouffais facilement comme acteur et je pars du principe que si un acteur étouffe rapidement dans un processus et que je le perds, quitte à le retrouver un mois plus tard, ça va être tellement dur de le rattraper, que j’aime mieux inspirer et rassurer en donnant vraiment l’impression que je sais où je m’en vais au niveau des intuitions, mais surtout que j’ai confiance en moi et que je n’ai pas peur de me tromper. Si je me trompe, le lendemain je peux le régler, je le sais. Ça amène plus de détente dans le travail. Tu l’as peut-être vu, à quel point il y a du plaisir, il y a de la détente, il y a de la confiance… C’est ma pédagogie à moi entre guillemets. Je pars du principe que quelqu’un arrive déjà dans ce métier-là, les jeunes comme ceux qui ont trente ans de métier, avec un bagage d’autodéfense par rapport à des fragilités dans leur vie, puis là ils se mettent sur une scène, ils sont regardés… La première affaire qui va arriver, c’est que tout ce mécanisme d’autodéfense là, il va s’activer, c’est sûr, parce que tu es regardé, donc tu es menacé. Ce qu’on appelle les fameux tics de l’acteur, ce sont des mécanismes d’autodéfense. Je pars du principe que la personne qui est sur scène, il faut qu’elle accepte d’être regardée, ça veut dire qu’il faut qu’elle soit bien, puis qu’elle ait du plaisir et qu’elle se concentre davantage sur son partenaire que sur sa performance. Quand la personne a envie de performer et de tout donner, c’est là qu’elle sort de ses shorts et de ses souliers et c’est là qu’elle devient plus tendue, qu’elle rentre dans ses tics d’acteur. Quand ça devient trop volontaire, ça devient forcé, que ce soit dans les larmes, dans l’intensité, dans l’émotion... Tout ça, ce sont des constructions de l’esprit qui s’attachent à un souci de performance qui, honnêtement, dessert plus qu’il ne sert. Ça, c’est ma démarche à moi. Quelqu’un d’autre pourrait décider de travailler avec ce souci de la performance pour pousser quelqu’un à bout, le faire craquer ou arriver à une détente par l’épuisement, mais moi, ça ne me ressemble pas et il faut, je pense, monter des spectacles qui me ressemblent. Un artiste, il faut qu’il puisse regarder l’ensemble de ses spectacles, sur sept, huit, quinze ans, puis avoir l’impression de connaître cette personne à travers ses spectacles. Et si tu as été assez généreux envers tes interprètes, ton équipe et le public (parce que je pense énormément au public quand je travaille, il faut qu’il y ait de la place pour lui), je vais être assez impudique pour qu’on puisse, à quelque part, me reconnaître dans les spectacles. Pas me voir : je ne suis pas à l’avant-plan, au contraire, je suis derrière tout le monde, ma petite main dans le dos ou sur l’épaule, ou la voix à l’oreille du complice. Mais c’est sûr que quand je regarde mes spectacles, il y a quelque chose qui me ressemble, mais c’est moi et pas moi. C’est moi, mais avec beaucoup moins de pudeur. Et ça, à moment donné, je m’en suis rendu compte, et c’est pourquoi je fais de la mise en scène. Je suis beaucoup plus impudique comme metteur en scène que comme acteur. Acteur, je me protégeais beaucoup plus et je pouvais avoir l’air d’un cérébral sur scène, alors qu’en mise en scène je suis vraiment plus dans mes failles, dans mes doutes, dans ce que je trouve drôle, dans mon clown à moi, dans mon niaiseux à moi autant que dans le philosophe que j’essaie d’approcher avec pas beaucoup de moyens, mais avec ceux qui sont les miens. Mais tout cela, tu atteins ça seulement si tu as confiance en toi. Et si tu as confiance en toi, les autres vont le sentir et ils peuvent avoir confiance en eux. Il n’y a rien de pire qu’un metteur en scène insécure, il va insécuriser tout le monde, tout le monde va vouloir compenser et personne ne va jouer ensemble. Ils vont peut-être même jouer entre eux et se régler des affaires entre eux, parce qu’ils sont malheureux. Ça part davantage de démarches suggestives que directrices.
Diriez-vous que votre expérience en tant qu’acteur influence votre travail de metteur en scène?
Oui, beaucoup.
Au tout début du processus de création, dans votre première communication à l’équipe, vous mentionniez que Sallinger était davantage une pièce que vous entendiez qu’une pièce que vous voyiez. Est-ce encore le cas et pouvez-vous nous expliquer ce que ça implique pour vous?
Ma réponse va ressembler un peu à ce que j’ai dit tantôt par rapport à des gens qui communiquent par la pensée. Leslie convoque le Rouquin. Le Rouquin ne débarque pas comme ça sur scène : il débarque dans sa tête, puis a un dialogue avec lui. Donc oui, c’est encore ça, c’est sûr que depuis que j’ai dit ça, j’ai eu à le monter et à diriger du monde et à les regarder puis les accompagner là-dedans. Je pense que plus on va enchaîner, plus je vais avoir la musique omniprésente que j’entends et peut-être que ça va se confirmer. Je pense que c’est encore ça, je pense que quand on regarde un enchaînement en ce moment, nous ne sommes pas dans les images. Je pense qu’on est dans un univers hyper rond, 360º, un univers de partage. Je vois ça un peu 5.1 surround system. J’ai l’impression qu’on pourrait fermer les yeux et recevoir le spectacle, on dirait que ce qui est visuel vient davantage en appui à ce que j’entends.
Question un peu plus précise par rapport au monologue du personnage de June… vous avez mentionné que vous vouliez trouver quelque chose d’autre pour ce personnage. Pourquoi ressentiez-vous ce besoin d’aller piger dans les autres œuvres de Koltès pour ce personnage-là?
Ma première évaluation, c’est que j’avais l’impression que pour Laurence-Anaïs, qui est une actrice avec beaucoup de possibilités et un fort potentiel, je trouvais qu’il lui manquait un peu de matière. (…) À la base, c’est parce que je voulais, d’un point de vue pédagogique, pour elle et dans son parcours, lui donner de la matière. Après ça, tu as trouvé quelque chose qui pouvait nous permettre de la (June) connaître davantage, au-delà de son rapport à Carole. On a forcé un peu la note, de façon un peu artificielle, je te dirais, mais est-ce qu’il est mauvais? Non. Est-ce que ça ne marche pas? Non, ça fonctionne. C’est une pièce qui nous permet aussi de faire du petit collage, ce n’est pas une pièce parfaite, donc on se l’ai permis davantage pour un objectif pédagogique, mais en même temps à la place où on l’a mis, je trouve que ça introduit bien, et ça éclaire bien, la rivalité entre les personnages de Carole et Anna. On dirait que par touche, on a rajouté une fonction pour June. Le rapport aux hommes, les hommes entre eux, les femmes entre elles, c’est quelque chose qui est dans la pièce quand même, les rapports femmes entre femmes, hommes entre hommes; il y a quand même ça qui est là, donc ça fonctionne dans le détail. Il y a des choses qui peuvent se raccorder et/ou éclairer davantage des choses qui sont déjà dans Sallinger.
Finalement, selon vous, les personnages, à la fin de la pièce, sont-ils seuls?
Oh boy… là, il faudrait presque analyser les huit.
Donc, c’est différent pour chaque personnage?
Oui, parce que regarde Leslie, par exemple. Leslie, on pourrait avoir l’impression qu’il va s’enrôler et qu’il va suivre la même trace qu’Al, mais en finissant beaucoup plus sombre. Ou peut-être que l’image qu’on a de Leslie, avec les deux canes, avec l’allure un peu « il a 117 ans dans son visage », qu’on a l’impression que cette image-là est comme plus un avertissement ou un cauchemar pour lui. La vue de son cauchemar si Leslie allait au front, alors qu’il n’a pas du tout les valeurs patriotiques. Il va se lancer là-dedans avec très peu de courage, très peu de volonté, il va être l’un des premiers à tomber et à revenir désabusé de la vie et ainsi perdre toute sa créativité. C’est ça qui me fait peur pour Leslie, si la guerre du Vietnam continue.
Si tu regardes Al, c’est quand même quelqu’un qui a une forte résilience, Ma aussi. Ces personnages ont beaucoup de résilience, mais est-ce qu’ils finissent seuls…? Je pense qu’à différentes doses, ils finissent davantage seuls, oui. Leslie va tomber dans un mutisme, il ne communiquera plus, Henry n’est déjà plus là, Anna est enfermée et soignée, elle va voir de moins en moins sa famille, donc c’est une jeune femme qui aura à se reconstruire dans 10-15 ans, qui ne verra plus son frère adoré. Oui, il y a un éclatement de la famille, un isolement. C’est comme un éclatement d’une cellule familiale. Par contre, pour le Rouquin et pour Carole… C’est peut-être un truc que je veux essayer avec le tableau final. Tout le rapport aux oiseaux pour le Rouquin me donne l’impression qu’il accepte son geste à la fin. J’aimerais ça qu’il accepte son geste. Tout le long, on lutte avec, il n’accepte pas lui-même que les gens le réclament, que des gens l’aiment, c’est quelqu’un qui a de la misère vraisemblablement à se faire aimer et à s’aimer lui-même et à s’accepter, donc à accepter ses grandes décisions, dont celle du suicide. Mais à la fin, avec le dernier coup de téléphone, les oiseaux, j’ai envie qu’il se pardonne à lui-même et que Carole reçoive ça. J’aimerais ça, que pour le couple principal, à la toute fin, ça ne soit pas « nous sommes de plus en plus seuls les uns par rapport aux autres », que dans leur reconstruction, ils puissent se pardonner et vivre séparément, mais ensemble encore et s’aimer au-delà de la mort. Il y a là quelque chose de lumineux pour moi. On s’attache à ceux qui nous manque, donc oui, on est seuls parce que l’autre n’est plus là, mais au moins, il y a cette touche-là rajoutée à la fin où l’on pardonne aux gens, on tente de les comprendre, ne serait-ce que ça. C’est être ensemble et solidaires. J’ai l’impression que oui, ce sont des gens seuls, mais on dirait que le spectacle parle davantage de solidarité qu’autre chose, au final. Les gens ne veulent pas avoir la paix, ils ne veulent pas se retirer du monde, même Henry manifeste qu’il aurait aimé ça aimer son père et connaître son père. C’est toujours une manifestation d’amour qui est là, j’ai l’impression que les gestes sont plus solidaires qu’autre chose dans Sallinger. Peut-être que, pour répondre à ta question de tantôt, c’est peut-être ça, au final, qui va ressortir de mon attitude face à ce texte-là. C’est de dire : « oui, la solitude, mais peut-être qu’on compense par davantage d’élans solidaires qu’on pense ». Si on était du côté tragique, on dirait que nous ne sommes que seuls, mais si on est de l’autre bord, c’est peut-être plus là-dessus que j’ai travaillé, c’est que la solitude est impossible, parce qu’on a des relations avec les autres. Moi, demain matin, j’irais m’enfermer dans le bois pour les quarante prochaines années, je serais toujours en relation avec les gens que j’ai laissés derrière. On a tissé des relations, il n’y a personne qui est né seul et qui va mourir seul. Il y a tout le temps quelqu’un qui va penser à cette personne-là. Je pars donc de ce principe-là, je pense que c’est ça que je dis de la pièce au final : qu’il y a tout le temps quelqu’un qui tient à nous quelque part dans le monde. C’est ce qu’on a rappelé, je pense, au Rouquin tout au long de la pièce et aussi explicitement avec Anna et Leslie, lorsqu’elle lui dit « si tu pars, je ne suis plus rien ». Al, en pleine provocation, il dit que malgré toutes nos colères, il faut rester les uns avec les autres, nos mains qui s’attachent en dessous de la table, cette espèce de belle métaphore… Je trouve tout le temps ça curieux quand quelqu’un vient voir l’enchaînement et me dit que c’est tragique, que c’est terrible. Ce n’est pas sombre pour moi et je ne pense pas que c’est ce qui va ressortir de la patente. C’est pour ça que je veux enlever, d’ici à la première, toute trace de lourdeur, parce que ce n’est pas ça que je veux dire, je ne veux pas dire que la vie est difficile. Je veux dire qu’on tient les uns aux autres. Ça m’a fait du bien que la musique arrive, parce qu’elle nous permet de voler un peu, on a le droit de voler un peu, parce que c’est en volant qu’on voit les autres par la pensée, c’est en pensant à eux, c’est avec cette liberté-là. La musique, c’est beaucoup ça pour moi et à partir de maintenant, je ne veux enchaîner qu’avec la musique, car j’ai l’impression que même les interprètes vont comprendre quelque chose en étant accompagnés de ce neuvième personnage-là qu’est la musique et qui dit : « c’est correct ». Il y a quelque chose de rassurant avec la musique.
*L'utilisation du genre masculin a été adoptée afin de faciliter la lecture et n'a aucune intention discriminatoire.
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Ce qui me plaît dans mon métier, c’est la gratuité. Faire du théâtre est la chose la plus superficielle, la plus inutile du monde, et du coup on a envie de la faire à la perfection. (…) C’est ma grande entente avec Chéreau. Savoir que le théâtre est totalement inutile et qu’à partir de là, il faut le faire le plus parfaitement du monde. Je prends un plaisir fou à le faire et à voir le public y prendre du plaisir
Koltès, 1988
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L’auteur : Bernard-Marie Koltès
Bernard-Marie Koltès est né à Metz en 1948, et décédé en 1989 à l’âge de 41 ans. Il grandit dans une famille bourgeoise et catholique et a deux frères plus âgés : Jean-Marie et François. Son père est militaire de métier et il s’absente presque pour l’entièreté de l’enfance de Koltès. Anne Ubersfeld, historienne française du théâtre, explique que lorsque le père de Koltès revient de la guerre : « Et voici que le père revient : il est un soldat diminué par les fatigues, et surtout par la défaite, cette profonde défaite qui va bien au-delà des revers mineurs de tel conflit colonial » (Ubersfeld, 1999).
Koltès passe de nombreuses années de sa vie à voyager. Souhaitant s’éloigner de la France, son pays natal, et de ce qu’elle représente, il entreprend des voyages dès l’âge de 18 ans. Il part une première fois pour le Canada et les États-Unis d’Amérique, où il met les pieds à New York. Dans sa bibliographie Bernard-Marie Koltès, Brigitte Salino (2009) explique que ce premier rapport à une terre lointaine et différente de la France le marque profondément. Il voyagera ensuite en Amérique latine, en Afrique, en Europe et en Amérique du Nord. Ses escapades le forment et structurent sans doute la souche de son œuvre, où il met en scène des rejetés, des démunis, des étrangers : des êtres humains. C’est ça, l’œuvre de Koltès : des êtres humains et leurs rapports entre eux.
C’est en 1970, lorsqu’il voit Maria Casarès dans la Médée de Jorge Lavelli à Strasbourg, que Koltès sait qu’il va écrire pour le théâtre. Ce fut comme une illumination, il dit : « Mon premier choc a été Casarès dans Médée. C’est ça qui m’a fait écrire » (Bident, 2000).
Koltès entretient une relation particulière avec la langue française. Il l’apprécie, aime la lire et l’écrire, mais il rejette le pays auquel elle appartient. Il faut se rappeler que nous sommes alors à une période complexe où la France et l’Occident prennent part dans différents conflits majeurs (guerre d’Algérie, guerre du Vietnam). Cette invasion en terre étrangère va à l’encontre d’un partage avec l’Autre, ainsi l’on peut comprendre l’aversion de Koltès à l’égard du pays colonialiste.
Langue
Koltès a un langage qui est sien. La construction dramatique est hors du commun pour l’époque. On retrouve dans ses œuvres de très longs monologues teintés d’une musicalité propre à sa prose. La langue « koltésienne » apparaît déjà un peu dans Sallinger, et elle est des plus percutante dans La nuit juste avant les forêts, qui n’est composée que d’une seule longue phrase sans point : la parole refuse de s’arrêter.
Koltès déclare : « J’écris des langages comme de la musique, c’est-à-dire d’une manière abstraite à partir d’émotions concrètes. Très loin de la reproduction de langage parlé » (Ubersfeld, 1999).
D’ailleurs, l’action dramatique de Koltès semble déterminée surtout par la parole. On pourrait poser l’hypothèse que l’humanité dans la langue de Koltès se définit davantage par les mots que l’action elle-même.
La communication (et ses difficultés), les paroles et le silence font avancer l’action dans son œuvre. Koltès utilise la langue comme pont vers l’Autre.
L’espace et l’espace-temps
Pour lui, l’espace est le lieu même des contradictions. Ubersfeld explique : 
« Le lieu concret est, il l’affirme, le point de départ de tout le processus de la construction imaginaire. Il est concret mais en même temps métaphorique (…) Il est un espace déterminé mais il suppose dans la parole des personnages un ailleurs, un espace imaginaire » (Ubersfeld, 1999).
Ce sont les lieux du monde - lieux physiques présents dans l’imaginaire collectif, mais peu décrits dans l’œuvre, métaphysiques ; l’idée d’un lieu plus que le lieu en soi. 
Koltès explique que le lieu scénique est contradictoire dans le sens qu’il est fermé, clos, tout en étant ouvert à tous les vents et menacé de partout. 
Plus spécifiquement par rapport à l’espace-temps chez Koltès, on peut percevoir une sorte de collapsus du temps. Par exemple, dans Sallinger, le suicide du Rouquin se déroule avant la pièce, malgré le fait que cela pourrait sembler être le début de l’action dramatique : le début n’est pas là, mais il est parlé, on sait ce qui s’est passé, il est dans la langue. Tout l’espace-temps semble syncopé, c’est-à-dire émietté, en plusieurs parties qui ne se suivent pas nécessairement.
Thématiques
« (…) dès Sallinger et malgré l’exception de La Nuit juste avant les forêts - mais est-ce une exception? -, chacune des pièces raconte l’histoire d’un jeune homme confronté à la Mort (…) » (Ubersfeld, 1999).
Pour ce qui est des thèmes récurrents dans son œuvre, il y a sans aucun doute le traitement particulier de la violence. Ubersfeld pose d’ailleurs une question très pertinente, sans toutefois y répondre, par rapport à ce traitement de la violence par Koltès : l’agressivité est-elle indissociable aux rapports humains?  « La nature humaine veut-elle le bien, où veut-elle la mort de l’Autre? Tout le théâtre de K. est traversé de cette interrogation » (Ubersfeld, 1999).
Un autre des thèmes principaux chez Koltès est l’échange, il dit que notre monde est un univers de l’échange mercantile, par exemple : Dans la Solitude des champs de coton, où la problématique majeure est celle de l’échange. Il écrit, en commentaire de Quai Ouest, :
« On n’a pas le droit d’interpréter aucune des scènes de cette pièce comme une scène d’amour. Ce sont des scènes de commerce, d’échanges et de trafic, et il faut les jouer comme telles. Il n’y a pas de tendresse dans le commerce, et il ne faut pas en rajouter où il n’y en a pas » (Koltès, 1985).
Un thème central de son œuvre est la thématique de l’Autre avec un grand A. Koltès souhaite saisir l’humain dans la différence et comprendre notre rapport à celle-ci. Ubersfeld écrit que c’est là un point de départ absolu non seulement de sa pensée, mais de son art. Koltès montre une nécessité d’être contaminé par l’Autre.
L’échange, la communication, l’apprentissage de l’Autre, tout ce que l’Autre peut nous amener… Koltès trouve qu’il est essentiel de les laisser entrer et de se laisser contaminer, toucher.
Pour Koltès, l’origine de tout, c’est la solitude; c’est le noyau de toute la sensibilité, de l’expérience vécue, de la philosophie et de la création. 
« Un téléphone muet. L’Autre ne répond pas. Et c’est l’une des structures fondamentales du théâtre de K. Quelqu’un parle, supplie, mais personne ne répond » (Ubersfeld, 1999)
Koltès et Patrice Chéreau
« Dès qu’il commence à écrire pour la scène, K. n’a qu’une idée : que son théâtre soit mis en scène par Chéreau ; il a vu (plusieurs fois, et avec passion, La Dispute de Marivaux, 1973). Il veut Chéreau, pour des raisons fortes, qui ne tiennent pas seulement à l’admiration qu’il lui porte, mais à la nature de son écriture : il lui faut un metteur en scène qui sache débusquer le désir là où il se cache, là où il ne se dit pas, mais doit être montré par des moyens scéniques concrets. Il y a plus : le metteur en scène de K. comme celui de Marivaux doit savoir faire fi des motivations psychologiques traditionnelles » (Ubersfeld, 1999).
À partir de 1979 et ce jusqu’en 1988, la plupart de ses pièces sont montées par Patrice Chéreau au Théâtre des Amandiers de Nanterre. Chéreau est d’ailleurs le révélateur de l’auteur dramatique. Il explique que selon lui, Koltès ouvre 
« une réflexion sur le monde d’aujourd’hui (…). Jusqu’à dans ma rencontre avec lui, je croyais que le théâtre ne pouvait pas raconter le monde actuel. Je me trompais (…). Pour moi, c’était un auteur qui avait un immense avantage, le principal même : c’était un auteur vivant » (Salino, 2009).
Les deux hommes forment un duo de créateurs qui durera des années (Koltès donne ses textes à Chéreau afin qu’il les mette en scène). La rencontre des deux hommes est fondamentale.
Leur relation est décrite par Chéreau comme tumultueuse, surtout vers la fin de leur collaboration (Koltès refusera que Chéreau monte Roberto Zucco après un conflit suite à la production de Dans la solitude des champs de coton au Festival d’Avignon), mais, malgré tout, il décrira Koltès comme le dépositaire d’une œuvre et le directeur de conscience. Chéreau déclare que Koltès gardera la beauté de l’adolescence toute sa vie (entretien avec François Koltès, 1995).
Sallinger
Fervent admirateur de la littérature américaine, Koltès s’en imprègne lors de ses voyages jusque dans ses pièces et connaît bien l’œuvre du célèbre auteur américain Jerome David Salinger (L’attrapes-cœurs, publié en 1951). Sallinger n’est donc pas seulement le fruit d’une commande que lui fait le metteur en scène Bruno Boëglin en 1977, mais démontre aussi l’influence de la littérature américaine sur Koltès ; le texte s’inspire très librement de l’œuvre de Salinger et de l’homme lui-même.
Chéreau, de passage à l’émission Fictions/Théâtre et Cie de France Culture en 2013, mentionne qu’il ne lira Sallinger qu’en 1995, lorsque la pièce sera publiée par les Éditions de Minuit (Koltès lui ayant demandé de ne rien lire de ses œuvres avant La Nuit juste avant les forêts). Chéreau mentionne que c’est une pièce où il comprend peu de choses, mais qu’il est possible d’y découvrir la fascination qu’avait Koltès du monologue (il n’arrivait pas à écrire un personnage s’il n’arrivait pas à le faire monologuer). Chéreau dit admirer Sallinger, car il perçoit, dans quelques monologues, le début du très grand Koltès.
*L'utilisation du genre masculin a été adoptée afin de faciliter la lecture et n'a aucune intention discriminatoire.
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Bernard-Marie Koltès, photographié par Elsa Ruiz.
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Un ami, par Patrice Chéreau
(Le Monde, 19 avril 1989)
C'est une dure loi, celle qui veut qu'on ne doit pas se contenter de subir la perte ignoble d'un ami, mais qu'il faut témoigner, en quelques lignes écrites hâtivement, de l'affection et de l'admiration profondes qu'on lui porte – et pourtant on le fait parce qu'on se dit qu'un mort ne doit pas être oublié, pas tout de suite. Surtout un jeune mort. Bernard n'aimerait pas beaucoup les quelques mots que j'essaie ici de mettre bout à bout. Et c'est bien ainsi je crois. Mon travail, après tout, c'est de le mettre en scène, pas de le commenter.
Il a été une météorite qui a traversé notre ciel avec violence dans une grande solitude de pensée et avec une incroyable force, à laquelle il était parfois difficile d'avoir accès. Il m'intimidait et aujourd'hui encore plus que jamais. Il n'était pas toujours d'accord avec mon interprétation de ses pièces. Il me le faisait rarement savoir : il avait la courtoisie de penser que je commettais plutôt moins de fautes que les autres. De mon côté, j'ai voulu rendre compte le moins mal possible et avec l'enthousiasme que procure le travail quotidien avec un écrivain, un vrai, de son monde à lui – une lame tranchante à laquelle je me suis souvent coupé. Alors, que dire ? Au moins ceci auquel il tenait : il ne supportait pas que l'on qualifie ses pièces de sombres ou désespérées, ou sordides. Il haïssait ceux qui pouvaient le penser. Il avait raison, même si parfois c'était plus facile, dans l'instant, de les monter ainsi. Elles ne sont ni sombres ni sordides, elles ne connaissent pas le désespoir ordinaire, mais autre chose de plus dur, de plus calmement cruel pour nous, pour moi. Tchekhov aussi, après tout, était fâché qu'on ne voie que des tragédies dans ses pièces. « J'ai écrit une comédie », disait-il de La Cerisaie, et il avait raison, lui aussi. « Il n'y a pas d'amour il n'y a pas d'amour », dit l'un des deux personnages de Solitude dans les champs de coton. Bernard demandait qu'on ne coupe surtout pas cette phrase qui le faisait sourire de sa façon si incroyablement lumineuse parce qu'il voulait qu'on la regarde, cette phrase, bien en face sans faire trop de sentiments. À nous de nous débrouiller, nous autres pauvres metteurs en scène sentimentaux, avec ce paradoxe, où se tient peut-être enfermée une part de sa vérité. D'ailleurs, voici le reste de la phrase : « Non, vous ne pourrez rien atteindre qui ne le soit déjà, parce qu'un homme meurt d'abord, puis cherche sa mort et la rencontre finalement, par hasard, sur trajet hasardeux d'une lumière à une autre lumière, et il dit il donc ce n'était que cela ». Alors, que dire ? C'était un desperado joyeux, voilà. Moi, je ne suis pas un desperado et j'étais souvent moins joyeux que lui qui savait si bien rire.
Pardon, Bernard, pour ma maladresse. 
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Salinger (l’homme) & Sallinger (la pièce)
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Qui est Salinger?
Jerome David Salinger (J.D. Salinger) est un écrivain américain né en 1919 à New York et décédé en 2010. Il est surtout connu pour son roman à succès L’Attrapes-cœurs, publié en 1951. Salinger a aussi écrit plusieurs nouvelles (parues entre autres dans le New Yorker). Suite au succès de L’Attrape-cœurs, Salinger s’isole dans sa demeure au New Hampshire et ne fait presqu’aucune apparition publique. Sa nouvelle Hapworth 16, 1924 paraît dans le New Yorker en 1965 et ce sera sa dernière publication. Toutefois, il continue à écrire jusqu’à la fin de ses jours.
Salinger est soldat lors de la Seconde Guerre mondiale (c’est à la guerre qu’il commence l’écriture de L’Attrapes-cœurs). D’ailleurs, il est parmi les premiers à pénétrer dans les camps de concentration libérés. Il est hospitalisé en 1945 pour soigner un syndrome de stress post-traumatique (Alexander, 2010).
Les deux thèmes majeurs retrouvés dans son écriture sont l’abandon de l’enfance et le désenchantement de la jeunesse. Salinger écrit sur l’innocence et, en quelque sorte, sur les dommages commis sur celle-ci dans le monde.
L’importance de Salinger sur la littérature américaine d’après-guerre est phénoménale. Son écriture rappelle, par les thèmes abordés ainsi que par un style parlé, populaire et parfois vulgaire, le mouvement de la Beat Generation [1].
[1] Mouvement littéraire et culturel américain qui a regroupé durant les années 1950-1960 des jeunes, des écrivains (A. Ginsberg, J. Kerouac [Sur la route, 1957], W. Burroughs), des artistes peintres de l'Action Painting et un poète-éditeur (L. Ferlinghetti) (Larousse, 2020).
The Catcher in the rye (L’Attrape-cœurs)
Des dizaines de millions d’exemplaires de L’Attrape-cœurs se sont vendus à travers le monde depuis l’année de sa parution et des centaines de traductions existent. C’est un véritable classique de la littérature américaine.
Holden Caulfied est un adolescent assez marginal. Il dénigre souvent ses pairs, exagère des récits et des détails, fait croire des faussetés… Il s’exprime à plusieurs reprises sur son dégoût, son agacement et son incompréhension face aux êtres humains. Socialement, une barrière semble toujours se poser entre Holden et les autres. Ses relations sont laborieuses, voire parfois même impossibles. L’Attrape-cœurs est le discours vivant d’un adolescent en difficulté.
« Les gens dont j’ai parlé, ça fait comme s'ils me manquaient à présent, c'est tout ce que je sais (…) C’est drôle. Faut jamais rien raconter à personne. Si on le fait, tout le monde se met à vous manquer » - Holden Caulfield (Salinger, 1986).
La famille Glass
Tout au long des années 50, les nouvelles de Salinger continuent d’apparaître dans le New Yorker. La plupart des histoires relatent les péripéties de la famille Glass, une grande famille de Manhattan d’origine juive irlandaise. Les sept enfants Glass ont la caractéristique d’être surdoués et ont tous participé à l’émission de radio fictive intitulée It’s A Wise Child (v.f. : C’est un enfant avisé!) dans leur enfance.
La personnalité particulière et extraordinaire de Seymour, le frère aîné de la famille, se démarque des autres. Les enfants de la famille semblent sincèrement l’admirer, surtout Buddy (O’Hearn, 1982). La passion de Seymour pour la spiritualité orientale, la poésie chinoise et japonaise, ainsi que pour le bouddhisme, rappelle certains caractères et intérêts de Salinger (O’Hearn, 1982). Seymour se suicide à 31 ans dans la nouvelle A Perfect Day for Banafish, v.f. : Un jour rêvé pour le poisson-banane, laissant sa famille désemparée, à la recherche d’un moyen d’avancer sans lui sur Terre. Dans certaines des nouvelles, Seymour est déjà mort, mais son personnage demeure présent dans les pensées de toute la famille, comme le Rouquin l’est pour ses proches dans la pièce de Koltès. 
LA FAMILLE GLASS
Les et Bessie Glass : Les parents. Acteurs de vaudeville retraités.
Seymour Glass : L’aîné.
Webb « Buddy » Glass : Souvent considéré comme l’alter ego de J.D. Salinger. Très proche de Seymour.
Beatrice « Boo Boo » Glass : Mariée et mère de trois enfants.
Walt Glass : Frère jumeau de Waker Glass. Il était soldat américain et est décédé à 22 ans lors de l’occupation du Japon peu après la Seconde Guerre Mondiale.
Waker Glass : Frère jumeau de Walt Glass. Moine catholique romain, de l’ordre Carthusien.
Zachary Martin « Zooey » Glass : Acteur. Misanthrope.
Frances « Franny » Glass : Actrice.
(Grant, 2002).
Sallinger
La pièce Sallinger (avec deux « L ») de Koltès est inspirée des œuvres de l’auteur américain J.D. Salinger et elle présente une famille endeuillée sur fond de guerre : le Rouquin s’est suicidé. Ce geste brutal renverse les proches du jeune homme. C’est l’histoire d’une famille américaine de la classe moyenne qui se confronte à sa propre tragédie. Se déroulant à New York à la veille de la guerre du Vietnam, tous les personnages de Sallinger semblent se faufiler à travers le temps à la recherche d’un contact avec l’Autre, mais en se heurtant en vain à une solitude partagée.
Sallinger est à la base une commande que Bruno Boeglin fait à Koltès en 1976. La pièce est créée pour la première fois à Lyon au théâtre de l’Eldorado au mois de janvier 1977.
Ce n’est pas une pièce connue de Koltès, ni très jouée et montée, contrairement à d’autres ; La Nuit juste avant les forêts, Combat de n**** et de chiens, Quai Ouest, Dans la solitude des champs de coton, Le retour au désert et Roberto Zucco.
Koltès fera disparaître les exemplaires de Sallinger et refusera de faire publier le texte :
« Koltès, voyant sa pièce sur scène, déclarera: ''Si c’est ça que je dois continuer à faire, j’arrête d’écrire. Je vais me balader. […] Si je continue à écrire, ce n’est plus cela que je ferai… J’ai eu l’impression d’être revenu des années en arrière'' » (Ubersfield, 1999).
Le texte de Sallinger ne reparaît qu’en 1995 aux Éditions de Minuit grâce à son frère François Koltès.
Sallinger recèle plusieurs grands axes dramaturgiques : la famille, la solitude, la guerre, le trauma et le post-traumatisme, le passage à l’âge adulte et la douance. 
*L'utilisation du genre masculin a été adoptée afin de faciliter la lecture et n'a aucune intention discriminatoire. 
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Le journaliste, écrivain et critique littéraire Robert Lévesque, sur Salllinger (1995).
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J.D. Salinger, 1952. Crédit photo: Anthony Di Gesu - San Diego Historical Society
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Seymour Glass, imaginé et dessiné par Michael Norris et David Richardson (2011)
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version chanson du poème Comin’ Thro the Rye par Ed Miller (2008)
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Comin' Thro' the rye, poème et traduction
Chorus:
Comin thro' the rye, poor body, Comin thro' the rye, She draigl't a' her petticoatie, Comin thro' the rye!
Chœur :
En venant à travers le seigle, pauvre elle,
En venant à travers le seigle,
Elle a trempé tous ses jupons
En venant à travers le seigle !
O, Jenny's a' weet, poor body, Jenny's seldom dry : She draigl't a' her petticoatie, Comin thro' the rye!
Oh, Jenny est toute mouillée, pauvre elle,
Jenny est rarement sèche :
Elle a trempé tous ses jupons
En venant à travers le seigle !
(Chœur)
Gin a body meet a body Comin thro' the rye, Gin a body kiss a body, Need a body cry?
Si une personne rencontre une personne,
En venant à travers le seigle,
Si une personne embrasse une personne,
Est-ce qu'une personne a besoin de crier ?
(Chœur)
Gin a body meet a body Comin thro' the glen Gin a body kiss a body, Need the warl' ken?
Si une personne rencontre une personne,
En venant à travers le vallon (ou vallée),
Si une personne embrasse une personne,
Est-ce que le monde a besoin de savoir ?
(Chœur)
Gin a body meet a body
Comin thro’ the grain,
Gin a body kiss a body
The thing’s a body’s ain
Si une personne rencontre une personne,
En venant à travers le grain
Si une personne embrasse une personne,
La chose est la propriété de la personne.
(Chœur)
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L’utilisation de l’anglais par le personnage du Rouquin dans la scène finale
Le passage du texte en anglais à la scène finale rappelle l’univers littéraire et américain duquel s’est inspiré Koltès pour écrire Sallinger. Ce monologue du Rouquin semble très proche du personnage de Holden Caulfield dans L’attrape-cœurs, ainsi que du personnage de Seymour Glass, particulièrement dans la nouvelle Hapworth 16, 1924 (lettre que Seymour, âgé de sept ans, écrit à ses parents). 
Les personnages du Rouquin et de Seymour Glass partagent tous deux une fascination pour les oiseaux. D’ailleurs, dans la nouvelle Seymour : an introduction (1959), Buddy tente de décrire son frère bien aimé et désormais mort. En s’adressant au défunt, Buddy mentionne la fascination de Seymour pour les oiseaux : 
« ...you're someone who took up birds in the first place because they fired your imagination; they fascinated you because 'they seemed of all created beings the nearest to pure spirit--those little creatures with a normal temperature of 125° » (Salinger, 1959).
À son interlocuteur-trice au bout du fil, le Rouquin évoque une anecdote métaphorique :
« LE ROUQUIN : And here I am now like an heliotrope in the glasshouse of a laboratory. Vous connaissez pas ce phénomène? Un savant musicien fait de la musique près d’un champ de tournesols. Il se met du côté opposé au soleil, par un jour de beau temps, et il joue de son violon, patiemment. Eh bien, on voit au bout de quelque temps les fleurs se détourner, une à une, du soleil, pour ouvrir leurs pétales vers là d’où vient la musique » (Koltès, 1995).
Ce passage semble se raccrocher explicitement à la littérature américaine et à l’univers de la Beat Generation, plus particulièrement au poème The sunflower sutra d’Allen Ginsberg (1955) :
« I walked on the banks of the tincan banana dock and sat down under the huge shade of a Southern Pacific locomotive to look at the sunset over the box house hills and cry.
Jack Kerouac sat beside me on a busted rusty iron pole, companion, we thought the same thoughts of the soul, bleak and blue and sad-eyed, surrounded by the gnarled steel roots of trees of machinery.
The oily water on the river mirrored the red sky, sun sank on top of final Frisco peaks, no fish in that stream, no hermit in those mounts, just ourselves rheumy-eyed and hung-over like old bums on the riverbank, tired and wily.
Look at the Sunflower, he said, there was a dead gray shadow against the sky, big as a man, sitting dry on top of a pile of ancient sawdust—
—I rushed up enchanted—it was my first sunflower, memories of Blake—my visions—Harlem and Hells of the Eastern rivers, bridges clanking Joes Greasy Sandwiches, dead baby carriages, black treadless tires forgotten and unretreaded, the poem of the riverbank, condoms & pots, steel knives, nothing stainless, only the dank muck and the razor-sharp artifacts passing into the past—
and the gray Sunflower poised against the sunset, crackly bleak and dusty with the smut and smog and smoke of olden locomotives in its eye—
corolla of bleary spikes pushed down and broken like a battered crown, seeds fallen out of its face, soon-to-be-toothless mouth of sunny air, sunrays obliterated on its hairy head like a dried wire spiderweb,
leaves stuck out like arms out of the stem, gestures from the sawdust root, broke pieces of plaster fallen out of the black twigs, a dead fly in its ear,
Unholy battered old thing you were, my sunflower O my soul, I loved you then!
The grime was no man’s grime but death and human locomotives,
all that dress of dust, that veil of darkened railroad skin, that smog of cheek, that eyelid of black mis’ry, that sooty hand or phallus or protuberance of artificial worse-than-dirt—industrial—modern—all that civilization spotting your crazy golden crown—
and those blear thoughts of death and dusty loveless eyes and ends and withered roots below, in the home-pile of sand and sawdust, rubber dollar bills, skin of machinery, the guts and innards of the weeping coughing car, the empty lonely tincans with their rusty tongues alack, what more could I name, the smoked ashes of some cock cigar, the cunts of wheelbarrows and the milky breasts of cars, wornout asses out of chairs & sphincters of dynamos—all these
entangled in your mummied roots—and you there standing before me in the sunset, all your glory in your form!
A perfect beauty of a sunflower! a perfect excellent lovely sunflower existence! a sweet natural eye to the new hip moon, woke up alive and excited grasping in the sunset shadow sunrise golden monthly breeze!
How many flies buzzed round you innocent of your grime, while you cursed the heavens of the railroad and your flower soul?
Poor dead flower? when did you forget you were a flower? when did you look at your skin and decide you were an impotent dirty old locomotive? the ghost of a locomotive? the specter and shade of a once powerful mad American locomotive?
You were never no locomotive, Sunflower, you were a sunflower!   
And you Locomotive, you are a locomotive, forget me not!
So I grabbed up the skeleton thick sunflower and stuck it at my side like a scepter,
and deliver my sermon to my soul, and Jack’s soul too, and anyone who’ll listen,
—We’re not our skin of grime, we’re not dread bleak dusty imageless locomotives, we’re golden sunflowers inside, blessed by our own seed & hairy naked accomplishment-bodies growing into mad black formal sunflowers in the sunset, spied on by our own eyes under the shadow of the mad locomotive riverbank sunset Frisco hilly tincan evening sitdown vision » (Ginsberg, 1955).
Pour en apprendre d’avantage sur le phénomène d’héliotropisme, cliquez ici.
Finalement, dans sa thèse de doctorat Bernard-Marie Koltès: (1977-1989) le pacte « ironique»?[1], Carine Rousselot explique un peu l’utilisation de langues étrangères dans l’écriture de Koltès :
« Les voix – le partage des voix – koltésiennes en même temps que l’idiolecte saisissant de leur auteur portent aussi le ‘’pittoresque’’ de la vie, son ‘’idiotie’’, la part qui semble rendue d’autant plus irréductible chez le personnage koltésien, qu’elle se fonde sur l’expérience (du désir) de l’auteur, le personnage comme ‘’l’unique de son espèce’’. Un réel qui n'est que le réel, et rien d'autre, est insignifiant, absurde, ‘’idiot’’, comme le dit Macbeth. Macbeth a d'ailleurs raison, sur ce point du moins : la réalité est effectivement idiote. Car, avant de signifier imbécile, idiot signifie simple, particulier, unique de son espèce. Telle est bien la réalité, et l'ensemble des évènements qui la composent : simple, particulière, unique – idiotès –, ‘’idiote’’. Cette idiotie de la réalité est d'ailleurs un fait reconnu depuis toujours par les métaphysiciens, qui répètent que le ‘’sens’’ du réel ne saurait se trouver ici, mais bien ailleurs. Les exemples les plus suggestifs de ‘’l’idiotie’’ des personnages du théâtre de Koltès se révèlent dans toutes les apparitions de leurs langues maternelles. L’anglais du Rouquin (Sallinger), la langue ouolof d’Alboury, l’allemand de Léone, qui dans les premières versions s’exprimait en alsacien (Combat), l’espagnol de Cécile qui meurt en quetchua, la langue d’Abad silencieux que seul Charles entend (Quai Ouest), l’arabe de Mathilde, d’Aziz et de Saïfi (Le Retour au désert), l’italien de Roberto Zucco, jusqu’au talent polyglotte du Commissaire (Roberto Zucco) » (Rousselot, 2017, p.263).
 [1] Sous la direction de France Marchal-Ninosque et de Christophe Bident.
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La douance dans le texte
À l’image des figures de J.D. Salinger, de Koltès lui-même et jusqu’au personnage du Rouquin
Lors du travail et des recherches dramaturgiques, nous nous sommes penchés sur un élément qui nous semblait présent dans l’œuvre de Koltès, mais aussi dans les personnages de Salinger : la douance. Salinger exploite la douance comme thématique avec plusieurs de ses personnages (les enfants Glass - plus particulièrement Seymour - et Holden Caulfield). Nous avançons l’hypothèse que Koltès, dans sa pièce Sallinger et avec le personnage du Rouquin, fait un rappel à cela en créant un personnage doué, marginal et ayant de la difficulté à entretenir des relations dites normales.
D’après l’Association Québécoise pour la Douance, la douance se définit comme suit : 
« [l]a recherche scientifique démontre que la douance est la combinaison d’aptitudes nettement au-dessus de la moyenne ainsi que d’autres caractéristiques importantes. La douance peut se manifester par des aptitudes intellectuelles générales, mais aussi par des aptitudes dans divers domaines (domaine académique particulier, créativité, leadership, arts, sports) » (Association Québécoise pour la Douance, 2019).
Il est aussi mentionné que la douance peut apporter chez les personnes en question une : 
« · Hypersensibilité sensorielle ;
· Hypersensibilité émotive ;
· Très grande curiosité ;
· Besoin viscéral de comprendre ;
· Ennui profond et destructeur quand ils manquent de stimulations intellectuelles ;
· Très fort sentiment d’être différent des autres ;
· Des façons d’apprendre très différentes des autres enfants de son âge ;
· Intolérance à sa perception d’injustice.
Aussi, ces personnes peuvent éprouver des difficultés dans différentes sphères de leur vie tel que :
· Scolaire ou professionnel (ennui, difficulté à apprendre, distraction lorsque peu stimulé, résultats très variables, sous-performance, etc.),[1]
· Social (difficulté à entrer en relation avec les autres, à comprendre les limites, les normes sociales et le cadre de la moyenne des gens, isolement, sentiment d’être incompris, etc.),
· Interne à la personne, c’est-à-dire que l’enfant surdoué peut non seulement vivre un décalage dans le développement de ses différentes capacités intellectuelles, mais aussi entre son développement intellectuel et psychomoteur (maladroit, difficulté à écrire, très habile dans certaines tâches et très peu dans d’autres, etc.), ainsi qu’entre son développement intellectuel et attentionnel (attentif si stimulé, mais en deçà de son potentiel intellectuel, distrait, désorganisé, manque de concentration, etc.) ou entre son développement intellectuel et affectif(comportements immatures et contradictoires avec leurs habiletés intellectuelles, anxiété, frustration, etc.)  » (Association Québécoise pour la Douance, 2019).
[1] Difficulté qui est augmentée par le fait que l’école n’est souvent pas bien adaptée.
Tel que mentionné plus haut, la douance semble être une thématique présente dans le texte de Sallinger. Bien qu’elle ne soit pas nommée explicitement, notre hypothèse est renforcée par la manière dont les proches du Rouquin parlent de lui. Il nous est aussi possible de faire un lien direct avec Holden Caulfield dans L’attrape-cœurs et avec les enfants de la famille Glass, particulièrement Seymour. Les proches du Rouquin mentionnent, à plusieurs reprises dans le texte, à quel point le jeune homme était singulier, spécial, et presque supérieur même. Voici deux exemples précis provenant du texte venant confirmer la douance comme axe dramaturgique :
« LESLIE : Prenez votre frère préféré, le préféré de tous parce qu’il est supérieur à tous; pas supérieur par ce qu’il est mort – supérieur dès son vivant, qu’il était; supérieur comme il sera difficile de vous le faire comprendre, la tête la plus étrangement faite, la plus particulière que l’on a jamais connue. Voici pour commencer : vous l’emmenez voir un spectacle; et, en sortant, vous lui demandez comment il a trouvé; tout le monde lui demandait comment il avait trouvé et arrêtait de respirer jusqu’à ce qu’il réponde, à cause de cette tête si étrangement faite. Eh bien, il ne vous dira jamais ce que vous attendez. Il vous dit sans hésiter combien de fois le danseur a posé le pied sur le sol, et le nombre total de pas de chacun des danseurs. C’est tout ce que vous en tirerez. Mais il y a mieux que ça: si vous voulez le mettre à l’épreuve, vraiment, vous lui demandez à bout portant le carré d’un nombre de vingt-cinq chiffres; on l’a fait, des gens l’ont fait, les gens adorent mettre les gens à l’épreuve; eh bien, lui, il ferme les yeux vingt-cinq secondes, et vous demande ensuite : « Tu veux que je t’énonce le résultat en commençant par la droite ou par la gauche? » Voilà quel frère particulier je veux vous faire comprendre, quel frère particulier on peut perdre du jour au lendemain, ce qui plonge tout le monde dans ce drôle d’état où chacun s’enferme dans une pièce en tirant les rideaux et reste toute la nuit dans le vague; sauf moi.
(…)
CAROLE : Pourtant, moi, c’est pas mon affaire, les gens qui font pas comme tout le monde, qui sont spéciaux, qui se distinguent. Notez que vous pouvez me dire : mais qu’est-ce que j’ai été faire avec lui. C’est sûr : qu’est-ce que j’ai été faire avec lui. Mais ça, vous savez bien, on ne peut rien à ce genre de choses, c’est après qu’on se demande, c’est ce qu’on a de bizarre chacun. Pourtant lui, quand même, son bizarre à lui dépassait la mesure. Un peu tout le monde, c’est possible et normal; mais lui, vous savez ce dont je parle, ça n’a pas pu vous échapper (…) ».
Le Rouquin se sent à part, tout comme le personnage de Holden, il semble cru, provocateur, parfois vulgaire. Est-ce que sa provocation et son langage parfois brutal sont les conséquences d’un jeune homme doué?
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CAROLE : Un jour où nous avons rencontré un de ses ancien professeur, il lui a dit : « Vous auriez pu devenir professeur d’université, ou philosophe, ou un grand écrivain, avec votre talent ; pourquoi n’écrivez-vous pas? Votre talent et votre intelligence font partie des ressources naturelles, comme le pétrole ou le charbon ; pouvons-nous gâcher notre pétrole et notre charbon parce qu’on en a beaucoup? »
*L'utilisation du genre masculin a été adoptée afin de faciliter la lecture et n'a aucune intention discriminatoire.
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Jay Du Temple reçoit l'autrice, psychologue et neuropsychologue Marianne Bélanger pour une discussion approfondie sur la douance.
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Le trouble du stress post-traumatique (TSPT)
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En résumé, quel est le trouble du stress post-traumatique?
Le trouble du stress post-traumatique (TSPT) résulte de l’expérience d’un événement traumatisant. Un événement est considéré comme « traumatique » lorsqu’il implique une menace de mort ou une menace grave à l’intégrité physique et qu’il a entraîné une peur intense, de l’impuissance ou de l’horreur chez la victime. Les symptômes post-traumatiques sont souvent incapacitants, souffrants et douloureux.
« Les données épidémiologiques montrent que près de 90% des gens de la population générale vivront au moins un événement traumatisant ou profondément bouleversant au cours de leur vie. (…) Ainsi, nous savons que l’événement traumatique le plus prévalent est l’annonce de la mort soudaine et imprévisible d’un proche (vécue par 60% des gens) » (Breslau et al., 1998, cité dans Brillon, 2007). 
→  Dans Sallinger, la famille du Rouquin vit le deuil d’un fils, d’un mari, d’un frère…
Il y a des différences reliées au sexe des victimes dans les types d’événements traumatiques vécus. Par exemple, « (…) les accidents de voiture, les expériences de combat militaire et les assauts physiques sont beaucoup plus fréquents chez les hommes (28%, 19% et 18% des hommes respectivement) » (Norris, 1992; Kessler et al., 1995, cités dans Brillon, 2007).
→  Pensons aux personnages de Al et du Rouquin. Tous deux physiquement (et psychologiquement) atteints par la guerre qui les suit encore.
Le traumatisme est parfois non verbalisé; c’est normal. C’est d’ailleurs une étape dans la psychothérapie que d’être capables de le verbaliser.
Quels sont les critères qui permettent de diagnostiquer un TSPT?
Le diagnostic des symptômes post-traumatiques est une découverte assez récente. Ceux-ci ont été officiellement reconnus par l’American Psychiatric Association avec le DSM-IV en 1980 (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders-IVth Edition) et depuis peu par l’Organisation mondiale de la santé avec le CIM-10 (Classification Mondiale des Maladies; OMS, 1992, cité dans Brillon, 2007).
Ce ne sont pas toutes les victimes de traumatismes qui souffrent de TSPT, mais une très grande majorité est victime d’un ou de plusieurs symptômes.
Certaines victimes peuvent éviter le toucher et l’intimité avec d’autres. En général, l’évitement est au cœur de la problématique (voir critère C du DSM-IV).
→  On peut ici faire un lien avec le personnage d’Henry, qui a de la difficulté avec le toucher et la proximité avec un autre être.
C’est ainsi que la souffrance est réduite, mais aussi ainsi qu’elle se maintient. Dans ces cas-ci, on parle surtout de traumatismes sexuels ou ayant impliqué une agression physique de la part d’un autre être humain. L’évitement peut aussi être encore plus intense avec des personnes partageant des traits de l’agresseur (odeur, couleurs des yeux, sexe, etc.).
Voici les critères permettant de diagnostiquer un TSPT, tirés du DSM-IV, version française (Masson, 1996, cité dans Brillon, 2007) :
« Critère A. Le sujet a été exposé à un événement traumatique…
…dans lequel les deux éléments suivants étaient présents :
A1) Le sujet a vécu, a été témoin ou a été confronté à un ou plusieurs événements durant lesquels des individus ont pu mourir ou être gravement blessés ou ont été menacés de mort ou de grave blessure, ou durant lesquels son intégrité physique ou celle d’autrui a pu être menacée ;
A2) La réaction du sujet à l’événement s’est traduite par une peur intense, un sentiment d’impuissance ou d’horreur.
(…)
Les événements traumatiques ‘’typiques’’ sont, par exemple : agression physique ou sexuelle, séquestration, torture, combat militaire, accident grave, catastrophe naturelle, abus dans l’enfance, être témoin d’un événement traumatique.
Critère B. L’événement traumatique est constamment revécu…
…de l’une (ou plusieurs) des façons suivantes :
B1) Souvenirs répétitifs et envahissants de l’événement, provoquant un sentiment de détresse et comprenant des images, des pensées ou des perceptions ;
B2) Rêves répétitifs et pénibles de l’événement, provoquant un sentiment de détresse ;
B3) Impressions soudaines, ‘’comme si’’ l’événement traumatique allait se reproduire (flashs-back) ;
B4) Sentiment intense de détresse psychique lors de l’exposition à des indices internes ou externes évoquant ou ressemblant à un aspect de l’événement traumatique en cause ;
B5) Réactivité physiologique lors de l’exposition à des indices internes ou externes pouvant évoquer ou ressembler un aspect de l’événement traumatique en cause.
(…)
B4 et B5 peuvent même prendre la forme d’une attaque de panique (et palpitations, hyperventilation, sueurs froides, peur intense).
→   ‘’CAROLE : Je veux d’abord savoir qui l’appelait. Qui l’appelait, June, qui a bien pu téléphoner en pleine nuit?
JUNE : Je ne sais pas; personne.
CAROLE : June. Tu n’entends pas quelque chose comme un gémissement?
JUNE : Je n’entends rien du tout. Qu’est-ce qu’il y a encore?
CAROLE : Des coups contre une vitre, je crois. Sans raccrocher, il a arrêté de parler; et tout s’est passé alors. Or moi seule étais là, moi seule ai entendu, moi seule sais la vérité. Que peuvent-ils bien raconter, qu’est-ce qu’ils savent? Je te jure que… Comme un gémissement, au loin. (…)
JUNE: Et il y a sûrement un téléphone qui sonne quelque part en ce moment, mais ce n’est pas pour toi, et il y a sûrement quelqu’un qui gémit dans un lit de maison, et quelqu’un qui cogne contre une vitre quelconque; tu ne vas pas t’arrêter chaque fois qu’un téléphone qu’on n’entend pas sonne quelque part, tu t’arrêterais tout le temps pour écouter ce qu’on n’entend même pas (…)’’
Critère C. Évitement persistant des stimuli associés au traumatisme et émoussement de la réactivité générale…
…d’au moins trois des manifestations suivantes :
C1) Efforts pour éviter les pensées, les sentiments ou les conversations associés au traumatisme ;
C2) Efforts pour éviter les activités, les endroits ou les gens qui éveillent des souvenirs du traumatisme ;
C3) Incapacité de se rappeler d’un aspect important du traumatisme ;
C4) Réduction nette de l’intérêt pour des activités importantes ou réduction de la participation à ces mêmes activités ;
C5) Sentiment de détachement d’autrui ou de devenir étranger aux autres ;
C6) Restriction des affects ;
C7) Sentiment d’avenir ‘’bouché’’.
(…)
C1, C2 et C3 correspondent aux symptômes d’évitement. C4, C5, C6 et C7 constituent des symptômes d’émoussement.
Critère D. Présence de symptômes d’activation neurovégétative…
…d’au moins deux des manifestations suivantes :
D1) Difficulté d’endormissement ou sommeil interrompu ;
D2) Irritabilité ou accès de colère ;
D3) Difficulté de concentration ;
D4) Hypervigilance ;
D5) Réaction de sursaut exagérée.
→   ‘’LESLIE: Parfois, il me vient l’envie d’aboyer, de sortir mon flingue et de tirer là-dedans, il me vient l’envie bizarre de casser les vitres, de sauter par la fenêtre, et de courir dehors jusqu’à ce qu’il se trouve quelqu’un sur mon chemin, quelqu’un que je prendrais par le bras, que je secouerais un peu pour lui faire perdre son air ahuri; quelqu’un que je m’approprierais pour toute la soirée, quelqu’un à toucher, à sentir (…)’’
Critère E. Durée de plus d’un mois.
Les symptômes B, C et D doivent durer depuis plus d’un mois pour diagnostiquer un TSPT.
Critère F. Détresse importante.
Souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.
Spécifier dans le diagnostic s’il s’agit de TSPT :
Aigu : si la durée des symptômes est de moins de 3 mois.
Chronique : si la durée des symptômes est de 3 mois ou plus.
Avec survenue différée : si le début des symptômes survient au moins 6 mois après l’événement traumatique. »
→  Ces critères pour diagnostiquer un TSPT peuvent être pertinents pour la mise en scène et la direction d’acteurs. 
En plus de ce qui a été mentionné plus haut, quels autres symptômes peut-on retrouver chez une victime de TSPT? Des symptômes physiques? Ces symptômes affectent-ils la sphère sociale de la personne, si oui, de quelle façon? 
Le TSPT se présente rarement seul et est souvent accompagné d’autres symptômes psychologiques. Les données montrent en effet que 80% des victimes souffrent d’un autre trouble psychologique de façon comorbide aux symptômes post-traumatiques (Helzer et al., 1987; Breslau et al., 1991, cités dans Brillon, 2007).
DÉPRESSION ; près de 50% des victimes souffrent de dépression majeure de façon comorbide au TSPT à la suite d’un traumatisme (Kessler et al., 1995, cité dans Brillon, 2007).
TENTATIVES DE SUICIDE ; « (…) le risque de se suicider pour une personne souffrant de trouble anxieux est près de 5 à 7 fois supérieur à celui d’une personne de la population générale » (Allgulander, 1994; Szadoczky et al., 2000, cité dans Brillon, 2007).
→   Le Rouquin se suicide. Henry se suicide. 
L’intensité des séquelles constitue vraisemblablement un facteur de risque suicidaire. Les soldats souffrant de TSPT qui ont fait une tentative de suicide rapportent significativement davantage de symptômes post-traumatiques, de dépression et d’anxiété que les soldats souffrant de TSPT qui n’ont pas fait de tentative (Freeman et Moore, 2000, cité dans Brillon, 2007). 
« Une étude auprès de 100 vétérans du Vietnam montre que 19% ont fait une tentative de suicide et que 15% ont des idéations suicidaires depuis la guerre. Cinq facteurs sont associés aux tentatives de suicide : la culpabilité envers leurs actions militaires, la culpabilité du survivant, la dépression, l’anxiété et le TSPT. La culpabilité face à leurs actions passées (particulièrement envers le meurtre de femmes ou d’enfants pendant la guerre) est fortement associée au suicide » (Hendin et Haas, 1992; 1991, cité dans Brillon, 2007).
SÉQUELLES PHYSIQUES ; certaines victimes gardent des séquelles physiques de l’évènement, ce qui rend l’adaptation au traumatisme encore plus difficile. Par exemple, les cicatrices laissées, l’amputation d’un membre, la perte de mobilité, maux de dos ou de tête chroniques, paralysie d’une partie du corps… Ces séquelles sont des rappels constants de l’événement traumatique.
→   « AL: Moi-même, de vagues douleurs ne m’avertissent-elles pas des changements du temps, partout dans le corps? Et cela me rappelle de vieilles petites colères à moi, si ancienne cependant que, sans les vagues douleurs, je ne m’en souviendrais plus. »
Pensons au personnage de Al, souffrant d’une jambe, canne… Pensons au personnage du Rouquin, avec sa canne, ses pansements cachant des cicatrices. Pensons au personnage de Leslie, avec les deux cannes. Les cannes sont des rappels constants de la guerre et des traumatismes. 
ANXIÉTÉ ; des symptômes d’anxiété peuvent se généraliser ou s’aggraver après un choc traumatique :
« [c]ertaines victimes vont souffrir d’attaques de panique parallèlement aux symptômes post-traumatiques, c’est-à-dire des moments de malaise intense incluant des palpitations cardiaques, des bouffées de chaleurs, une sensation d’étouffement ou d’étourdissement, des tremblements » (Brillon, 2007).
Ces attaques de panique ont habituellement lieu quand la victime est en contact avec des éléments ou des situations qui ressemblent à l’évènement, mais cela peut varier.
ABUS ET DÉPENDANCE À DES SUBSTANCES ; parce que les symptômes post-traumatiques et dépressifs sont souffrants, l’abus d’alcool et de drogues est assez fréquent pour les victimes de TSPT :
« [n]ous savons que près de la moitié des victimes hommes vont démontrer des taux importants d’abus d’alcool et de dépendance à la suite d’un évènement traumatique. Nous savons aussi qu’en général, 53% des personnes souffrant d’un trouble d’abus d’alcool souffrent aussi de troubles anxieux » (Kessler et al., 1995 ; Smail et al., 1984, cités dans Brillon, 2007).
→  Dans le texte, Al se noie dans l’alcool et le Rouquin boit de la bière sans arrêt sur le champ de bataille. Dans notre mise en scène, on peut aussi remarquer que le personnage de Ma boit.
DIFFICULTÉS RELATIONNELLES ; les symptômes post-traumatiques dépressifs ou de dépendance peuvent causer ou aggraver des difficultés relationnelles.
« [l]’irritabilité de la victime, sa faible tolérance au stress, ses difficultés de sommeil, sa détresse, sa tristesse ou sa perte d’intérêt se répercutent souvent sur tout son entourage. Les relations avec le conjoint et les enfants en sont souvent négativement affectées et il peut s’ensuivre des tensions, disputes ou même des ruptures. » (Brillon, 2007).
→   Tous les personnages de Sallinger semblent souffrir de difficultés relationnelles. Ils tentent d’aller vers l’Autre, mais n’y arrivent pas toujours. Ils ne veulent pas être seuls ; Ma et Anna le disent explicitement même. Ils vont se disputer (Leslie et sa colère, Leslie et Henry, Le Rouquin et Leslie, Anna et Carole…)
Souvent, ce sont les victimes de trauma interpersonnel (c’est-à-dire impliquant un autre être humain comme dans les cas de viol, d’agression, de torture ou de guerre) qui présentent plus de troubles dans leurs relations interpersonnelles. Souvent, il y a difficulté à « refaire confiance, à s’abandonner physiquement avec leur conjoint(e), à exprimer des sentiments tendres, à recevoir des marques d’affection ou, au contraire, à tolérer les conflits, pourtant normaux au sein de toute relation interpersonnelle » (Brillon, 2007).
Le trauma affecte sans aucun doute l’interaction entre la victime et son entourage.
« Les efforts de celle-ci pour s’adapter à l’évènement traumatique (ses symptômes, ses émotions, ses comportements) vont affecter sa relation avec son entourage. En retour, celui-ci va réagir à cette nouvelle attitude et à cette symptomatologie. Va-t-il réagir en douceur? Avec exaspération? Avec patience? Avec blâme? Les caractéristiques de la réaction de l’entourage vont affecter la victime en retour et provoquer des réactions : culpabilité, colère, tristesse, retrait social, approche des autres, etc. » (Brillon, 2007).
Ces difficultés peuvent aussi transparaître dans le domaine professionnel de la victime. Certains symptômes du TSPT peuvent empêcher la personne de fonctionner adéquatement au boulot, ne lui laissant pas d’autres choix que de se retirer temporairement.
En conclusion, les réactions physiques et psychologiques à un évènement traumatique dépendent du genre de traumatisme que la personne a vécu (complexe i.e. répété ou simple, sexuel, avec menace d’abus ou abus avéré, avec persécuteur ou accident). Une menace est suffisante si elle induit une peur réelle de mourir/d’être violé, d’être estropié…
Les réactions à un traumatisme peuvent être très physiques :
« [l]e corps de certains patients traumatisés est généralement dans un état d’effondrement, de figement, d’immobilisation, évoquant une image d’un soi inefficace. D’autres évoquent un corps dans un état d’hyperactivation chronique, et en proie à des dérégulations, ainsi qu’un soi ‘’disjoncté’’ » (Ogden, P. Minton, K. et Pain, C., 2006).
Il y a des thérapies qui visent justement à faire sortir le trauma du corps avant de pouvoir travailler en mots.
Tout cela semble aussi contextuel et actuel avec nous : nous vivons un traumatisme collectif avec la pandémie mondiale.
Et l’état de stress aigu, qu’est-ce c’est?
L’État de Stress Aigu (ESA) est familièrement connu sous le nom de « l’état de choc ». C’est la réaction immédiate de la personne à la suite d’un événement traumatique. Il existe plusieurs similitudes avec le trouble de stress post-traumatique, comme le fait qu’il faut avoir vécu un événement traumatique défini de la même façon que pour le TSPT. Il faut aussi que la victime souffre d’au moins un symptôme de reviviscences, d’évitement et d’hyperactivation défini de la même façon que pour le TSPT.
Toutefois, l’ESA comporte certaines différences avec le TSPT. D’abord, l’ESA comprend plusieurs symptômes dissociatifs (il en faut au moins trois), alors que le TSPT n’en exige pas de façon formelle. Le TSPT pour sa part exige davantage de symptômes d’évitement et d’hyperactivation neurovégétative que l’ESA. On ne peut pas diagnostiquer l’ESA et le TSPT en même temps.
« Critère A. Le sujet a été exposé à un événement traumatique.
(Mêmes critères A1 et A2 du TSPT).
Critère B. Présence de symptômes dissociatifs.
Durant l’événement ou après avoir vécu l’événement perturbant, l’individu a présenté trois (ou plus) des symptômes dissociatifs suivants :
1) Un sentiment subjectif de torpeur, de détachement ou une absence de réactivité émotionnelle ;
2) Une réduction de la conscience de son environnement ;
3) Une impression de déréalisation;
4) Une impression de dépersonnalisation;
5) Une amnésie dissociative.
Déréalisation : constitue une perception altérée de la réalité (impression que le temps passe plus vite ou plus lentement; voir les choses, les sons ou les gens déformés).
Dépersonnalisation : désigne une perception altérée de sa personne (se voir flotter au-dessus de la scène, percevoir ses membres comme plus grands ou plus petits, etc.).
Critère C. L’événement traumatique est constamment revécu.
Par exemple : images, pensées, rêves, illusions, épisodes de flashs-back  récurrents ou sentiment de revivre l’expérience, ou souffrance lors de l’exposition à ce qui peut rappeler l’événement traumatique. (même critère du TSPT)
Critère D. Évitement des stimuli associés au traumatisme.
Par exemple : pensées, sentiments, conversations, activités, endroits, gens (mêmes critères C1, C2 et C3 du TSPT)
Critère E. Présence de symptômes d’activation neurovégétative.
Par exemple : problèmes de sommeil, irritabilité, difficulté de concentration, hypervigilance, réaction de sursaut exagérée, agitation motrice. (même critère D du TSPT)
Critère F. Détresse importante.
La perturbation entraîne souvent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.
Critère G. Durée de moins d’un mois.
La perturbation dure un minimum de deux jours et un maximum de quatre semaines et survient dans les quatre semaines suivant l’événement traumatique.
Critère H. La perturbation n’est pas due aux effets physiologiques directs d’une substance.
La perturbation n’est pas due aux effets physiologiques directs d’une substance ou une affection médicale générale, n’est pas mieux expliquée par un trouble psychotique bref, et n’est pas uniquement une exacerbation d’un trouble préexistant de l’Axe I ou de l’Axe II. » (Brillon, 2007).
*L'utilisation du genre masculin a été adoptée afin de faciliter la lecture et n'a aucune intention discriminatoire.
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