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#Amougies Festival 1969   The Pretty Things
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Amougies Festival 1969 : 4h00 du matin, mardi 5ème jour
55 /  Amougies Festival 1969 : 4h00 du matin, mardi 5ème jour
« Il est 4 heures du matin et on est mardi : une journée qui commence par la fin de l’autre. Etrange, pense Fred. »
— Normal ! aurait dit son pote (compère) volant.
Sauf qu’il n’a pas dormi.
Les Pretty Things le groupe beatnik par excellence – rock mâtiné de  solos  à l’orientale attaque « Alexander » avec son lick particulier décalqué sur un plan de basse. Le batteur remonté sur scène, a repris sa place que le bassiste avait assurée en partie sur « Blow your mind ».
         — C’est un groupe que je voulais voir. J’ai toujours en mémoire ces photos de S.LC. de groupes anglais dont les Pretty Things qui posaient avec une dégaine pas possible tel des clochards dans une rue pourrie de ville british industrielle sous les poutrelles métalliques du métro aérien, avec les cheveux hyper longs affichant le look volontairement sale et dangereux. Ça tombe bien que le batteur nous ait réveillés.
         — Moi aussi ! C’était les concurrents des Rolling Stones ; d’ailleurs le guitariste Dick Taylor (qui n’était pas là mais remplacé par un musicien qui joue comme lui – assez étrange d’ailleurs) a tenu la basse chez les pré-Stones puis l’a quitté à cause de Brian Jones qu’il lui avait pris la place à la “six cordes“.
         — Ça je ne le savais pas. Par contre, j’ai lu que le nom du groupe vient d’une chanson de Willie Dixon interprétée par Bob Diddley « Pretty thing » à la rythmique très syncopée en étouffant les cordes puis en appuyant sur les notes par intermittence. A ce propos il suffit d’écouter qu’effectivement ils développent un phrasé musical qui s’en inspire beaucoup. Ce n’est pas spectaculaire ; ça fait un peu pub dancing mais c’est carré. Peut-être que cette démarche leur a coûté un certain succès et ont été obligés pour leur alimentaire de faire des films ou une production pour un fils de milliardaire.
         — Sûrement ! Mais il parait que les Stones les empêchaient de passer à la TV notamment dans l’émission « Ready Steady Go ! »… Bob Diddley, c’est celui qui avait une guitare rectangulaire comme les cigar-box ?
         — Exact ! Son nom de scène vient d’un instrument primaire des joueurs de blues avant la guitare électrique : le Diddley Bow consiste à tendre une corde de guitare un la, un sol ou un ré, sur une planche en mettant une bouteille dessous pour tendre la corde faisant office de chevalet et un boulon avec écrous de l’autre côté pour le sillet et ça se joue avec un bottle-neck. C’est l’invention du slide où l’on retrouve la pentatonique suffisant pour jouer le blues.
         — Génial ! Certainement, leurs morceaux ne sont pas très originaux mais puissants – carrés comme tu dis.
         — Ça vient du rythme qui s’appelle d’ailleurs le Bob Diddley Beat provenant du Mambo et du Hambone.
         — Quésacko ?
         — Je ne joue pas au musicologue ; je l’ai lu parce que je m’intéressais aux « Pretty Things » et j’ai découvert que le Hambone consiste aux chanteurs et chanteuses de blues de s’accompagner de percussions en se tapant sur les cuisses, les jambes et les genoux ainsi que sur les joues.
         — J’ai déjà vu ça.  Ça me dit quelquechose. Effectivement les rythmes sont proches. Ça peut être l’explication.
— Ceci dit ils ont fait 3 titres et ça fait une heure. C’est certainement l’habitude des pros dans les pubs.
— Toi qui semble les connaître. Les solos du guitariste sont très spéciaux et courts.
— Je dirais que c’est plutôt des licks qui découlent de cette musique syncopée. Mais si tu écoutes Bob Diddley ; il fait des licks identiques. La différence c’est que le lead-guitar des “Pretty” joue des accords barrés etc., en standard alors que Diddley est accordé en open.
— C’est-à-dire des licks ? Et Accordé en open ?
— Lick, lécher ! Des coups de langues mot à mot mais on comprend ce que cela veut dire : Des courtes séries de notes utilisées dans les solos et les mélodies. Le riff c’est la même chose mais grosso modo avec les accords. En standard, on fait les accords que tu connais. En open, les accords sont différents certes mais tu as la particularité d’avoir à vide un accord sans mettre les doigts ou le bottleneck  dans la clé dans laquelle tu t’es accordée. C’est-à-dire si tu es en Sol Majeur et bien tu joues toutes les cordes et ainsi de suite ? Tu as donc le La à la 2ème case et par conséquent, toute la gamme pentatonique  en simple barré,
en slide ou avec le doigt (l’index).
— C’est vraiment particulier la guitare ; c’est un instrument qui n’est pas figé qui peut évoluer tout le temps.
— C’est pour ça qu’il est moderne et que des millions et des millions de jeunes veulent en jouer.
— Pour revenir au groupe évidemment le look du groupe de sales gosses interpellent mais en dehors de ça il y a l’influence américaine du blues très particulier d’ailleurs et leur manière de jouer pratiquement tout en accord à part quelques petits solos ça et là – dû parait-il à leur façon au début de jouer du “Rhythm & Blues trash“ et à leurs explorations psychédéliques dixit Phil May le chanteur.
Puis ils ont fait SF Sorrow l’un des premiers opéra rock en 1968 ; qui raconte la vie de Sebastian F. Sorrow enfant né dans l’Angleterre pauvre, l’usine, premiers émois sexuels, la guerre, la dépression, le désenchantement et la vieillesse.
Et il y a une autre chose qui me plaît chez Dick Taylor c’est son choix de guitares : Gibson 335, Hutchins copie Harmony H78 ou encore une Höfner verithin – un son trash tel une guitare bas de gamme fabriquée en Asie, guttural dans les basses et carillon dans les aigus comme dit l’autre.
— Bien vu ! Complètement d’accord !
Dave Burrell / le grand nettoyage sonore et le recyclage du verre / le lavage des scories et écouvillons du cerveau / plus de force de concentration pour écouter seulement submergé  par les vagues ardentes…
Surman /  Fatigue /  Froid /  Humidité  /  leitmotiv qui revient sur les lèvres des veilleurs / “Grandes vagues souples“, segments mélodiques explorés puis accélération… puis l’aube blanche à travers la toile de tente.
         Fred & Marc se lèvent et plient grosso modo leurs duvets puis jettent un œil sur la scène où le Gong s’est installé sur l’autre plateau pendant que les autres jouaient. Ils en écoutent un peu puis un musico’s prend un tambour “napoléonien“ ; et là c’est le trop-plein assommés comme ils le sont – et même si Daevid Allen ex-Soft Machine mérite leurs écoutes. Ils battent retraite.
         Les gardiens avaient ouvert en grand la porte d’entrée du chapiteau ; la (l’odeur de la) campagne s’invitait dans la tente, diaphane et calme. Le brouillard s’était dissipé et la pluie disparue ; un grand soleil était venu les remplacer. Cet éblouissement d’un ciel sans bruit pesait tel un grand manteau blanc en hiver sur des âmes épuisées.
         Peu de dialogues dans le chemin de terre boueux vers la tente (du – le - gîte) des couchages. Tout à chacun semblait noyé dans ses rêves, les sens encore (labourés) torturés par la rage sonore électrifiée. Mystifiés, transis par l’accumulation massive de concepts musicaux inédits, savants, ou inconnus…  
Dés l’entrée, ils assistent à une scène hyperréaliste de hippies telles les peintures du même nom – l’herbe du pré qui commençait à jaunir en touffes accueillait à même le sol des festivaliers assis sur le bord d’un plancher saisis dans leurs vêtements de sortie (d’apparat hip), écrasés par le sommeil.
A leurs têtes des détritus de toutes sortes mais aussi aux pieds de celles et ceux qui ne voulaient pas se coucher dans la “fange“ et restaient stoïques, assis sur le bord des praticables (modules) de la piste de salle de bal avant de sombrer la tête sur leurs genoux. Ils faisaient un peu 16ème comme celles et ceux qu’ils croisaient au Golf. Ils portaient des habits sans aucune froissure ? Tous leurs vêtements réfléchissaient une palette de couleurs chatoyantes.
D’autres étaient avachis sur les planches les bottes de cow-boy (en l’air) à l’air libre se reposant sur les coudes. Certain(e)s arboraient des tee-shirts car la tente était chauffée et de plus elle était quasiment remplie de spectateurs qui se reposaient. Fred & Marc durent se faufiler entre les corps affalés ou assis pour trouver une place.
Les coiffures avec les cheveux longs des types blonds, noirs, bouclés…etc, et celles des filles autrement plus sophistiquées dans le relâchement, laissait souffler un esprit de liberté (aurait dit Dylan) mais pas communautaire – chacun(e)s restaient dans son pré carré. Des chapeaux s’affichaient ça & là.
Des gens paradaient debout en discutant attifés avec des fripes des Puces de Clignancourt ou des vestes léopards du Carreau du Temple. Cela leur permettaient d’exercer une vigie dialoguée socio-musico-analytique en survolant du regard la masse informe des sacs de couchages à leurs pieds – évidement les cheveux (étaient) bouclés, crêpés et jetés nonchalamment  sur
les épaules.
Arrivés dans le milieu de la tente, ils trouvèrent de la place pour étendre leurs  duvets  puis Fred retira sa parka se retrouvant avec sa chemise à fleurs bleues et violettes époque d’Antoine en sur-chemise dont il remonta les manches sur un pull noir. Puis ils s’engouffrèrent dans leurs sacs en se couvrant le visage pour atténuer la lumière et recharger leurs batteries neuroniques.
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Amougies Festival 1969 : 4ème jour de festival
54 / Amougies Festival 1969 : 4ème jour de festival
         Lundi matin : 4ème jour de festival où la musique est devenue environnement, nouvelle nature ou forêt vierge, les nouveaux « sauvages » ne cherchent plus à écouter des « compos » sonores mais vivre une autre destinée en communauté pleinement musicale. Le mur du « son » est franchi. On vit.
         Fred déambule un peu sonné, groggy comme les autres au milieu des sacs de couchages et se retrouve dehors et croise Pierre Clémenti avec des amies un sac de couchage sur les épaules qui se dirige vers une DS commerciale bourrée d’oreillers, de couettes et de couvertures. Freddie le reconnaît et déclame en le dépassant : « J’ai tué mon père, j’ai mangé de la chair humaine et je tremble de joie… » Clémenti se retourne et sourit en amorçant un commentaire mais son entourage lui parle… le reprend… et le froid… et la tête dans les étoiles… et les vappes… Les carapaces ne sont pas toutes entièrement tombées ; Fred passe son chemin.
         Le public du W.E. est parti, il ne reste que les aficionados et Marc le voltigeur du soir qui fait sa tournée d’entretien :
        ��— On ne va pas parler des groupes français car ça va tourner à l’obsession ! attaque-t-il.
         — Aujourd’hui j’ai flâné, pris une douche… J’ai reconnu
Eric Bamy et je l’ai entendu au retour sans les écouter tel un mur sonore,… un environnement avec son groupe Les Frogeaters que j’avais vu au Golf il y a quelques temps qui était déjà dépassés  mais là  le public les a trépassés  sans  mauvais  jeux  de mots, enfin !
         — On a encore deux jours de musique ; il faut en profiter au maximum. Ne nous laissons pas gagner par la lassitude !
         — Absolument de ton avis ! Ecoutons ! Enregistrons ! Mémorisons !
     — Je retourne dans mon jardin comme on dit dans les coulisses du spectacle, ironise-t-il en s’apprêtant comme à son habitude à volter tel l’oiseau de nuit au-dessus des sacs de couchages.
         Arthur Jones d’où il retrouve l’atmosphère du disque Scorpio un piano en plus – beaucoup plus structuré : des descentes et des remontées de gammes à fond de cale sur son alto déferlent sur des roulements de toms et de grosse caisse à l’africaine de Claude Delcloo ; les solos de la basse de Bob Guerin empruntent les mêmes chemins de vitesse filant en opposant les basses aux aigus tel un dialogue soutenu entre deux comparses. Morceau suivant : déchaînements-enchaînements du motif comme l’écrit Henri Michaux – fricassé de caisse claire boostée par les semonces de frappe de grosse caisse – cris d’alerte incantatoires à l’alto voire de discours. Puis la mélodie romantique de Sad Eyes qui fout le spleen le long d’un nulle part désertique en dehors de son imagination arpentant, flânant au gré des néons agressifs et autres lumières de Greenwich village pour se rassurer des immeubles en briques zébrés d’escaliers en fer et de la chaleur des clubs de jazz qui se dégage de l’intérieur…  porte ouverte. 4ème morceau blues cool de “Brother B.“ au commencement puis déchirure, cris, et trilles incantatoires appels modulés en hurlements stridents du sax – du cool à la rage puis le calme revient et la ballade romantique peut recommencer vouée à l’apaisement des âmes du blues – grande maîtrise du début à la fin.
         N’étant pas spécialiste de jazz et encore moins de free-jazz, Fred se laisse emporter depuis le début de cette session de « free » par le changement de souffleur & leader Kenneth Terroade et au violon Alan Silva en gardant la même section rythmique basse/batterie/piano et débarque dans une jungle sonore ; y’a du son partout ! se dit-il. Mais bien vite la jungle devient urbaine et New York transparaît dans les brumes des Bermudes d’Alan Silva même si son violon électrique veut célébrer la lune comme il l’a fait sur un disque. Là ce n’est pas le désert mais le fracas des sons et des stridences à l’instar des sirènes en tous genres qui supplantent toutes échappatoires ou fuites, pense-t-il.
       Finalement Fred se fait du concert cette déduction (réflexion) (citation) suivante: « C’est l’homme qui est immobile ; alourdi par la pesanteur,  les pieds dans la boue, ancré dans la terre, il n’y a que les âmes qui voyagent (quand ils sont morts). Et puis les églises se mirent à danser. » Des décennies plus tard il apprit que Kenneth était retourné en Jamaïque et qu’il faisait le missionnaire et continuait également de jouer à New York ou ailleurs.
       Toujours la même  formation  mais annoncée  maintenant comme celle de Clifford Thornton dont personne s’en plaint – plutôt excellents musiciens. Celui-ci joue d’un instrument qui ressemble à un hautbois et se nomme d’après les connaisseurs qui sont allés aux Indes, installés à proximité de son sac de couchage : un shehnaï. Là ça déménage d’emblée en Afrique avec les congas comme un carnaval panafricain… intello tout de même. Un duo percussions et le Shehnaî qui entraîne tout le monde progressivement dans un solo de l’alto Joseph Jarman splendide que le public applaudit ainsi que la prestation du groupe.
         Retour au “tcha poum poum“ avec YES : Fred se demande s’il ne va pas en profiter pour pousser un roupillon. D’emblée, il est conquis par le guitariste qui développe un jeu de guitare (sur une Rickenbaker 330 blanche demi-caisse à la découpe particulière en double pans coupés nets de part et d’autre au bas du manche avec un post collé du nom du groupe)  très personnel hormis sa gestuelle forcée qui avec l’organiste essaient de bouger le chanteur pop par excellence qui ont ou le producteur, choisi de « variètisé » le classique sur des chansons folks américains et une rythmique rock. D’ailleurs Peter Banks le guitariste et peu après l’organiste (membres fondateurs) ont quitté le groupe à cause de rajout sur les bandes des disques de violons et violoncelles à la place de leurs solos qu’ils avaient composés. Bref, le premier morceau invite à cavaler dans la nuit et écouter les sons que vos oreilles n’entendent pas dixit la chanson. Puis une reprise des Byrds comme « I see you » montage de séquence en arpège à la guitare, de plages jazziques etc… De 3mn l’original ils en font 15mn ; d’autres chansons folks notamment « Everydays » des Buffalo Springfield hachées à l’électricité et à la batterie. Des berceuses énervées. Progessive rock, sommeil progessif pour Freddy. « It’s love » chantent-ils. Pourquoi pas ! se dit-il.
         Engoncé dans son duvet à moitié endormi voire complètement comme la plupart des spectateurs à cause du froid et de l’humidité. Dans son sommeil Freddy entend crier :  « Get up ! Get up ! Get up ! Get up !... » . Il voit le batteur Twink des Pretty Things avec un pied de cymbales qu’il frappe comme un malade puis descend de scène tant bien que mal et fend la foule endormie dans les sacs en leur marchant dessus puis grimpe à la plateforme de régie pour escalader un des mâts du chapiteau tout en martelant la cymbale.
         C’est là que son copain volant de l’aube – eh oui, déjà ! survient :
         « Il a bien fait de nous réveiller en plus je voulais les écouter, dit-il en sous-entendant le groupe.
         — Tu dormais aussi ?
         —  Oui !  Après toutes  ces  journées  et  nuits,  la  fatigue commence à nous gagner. Je ne sais pas si t’as remarqué mais pratiquement tout le monde roupillait… J’espère qu’il ne va pas se casser la gueule ?  dit-il  en regardant  Twink  en  position  très instable qui raisonné par les technos de la plate-forme redescend.
         — T’as vu qu’il commence à faire jour !
         — Pas tout à fait !
         — Ça va pas tarder !
         — Alors le Free Jazz ? Les 3 compères Arthur Jones, Ken Terroade et Clifford Thornton, tu les a écoutés ?
         — Oui ! Et j’ai apprécié. Peut-être qu’à force d’en entendre on s’y fait. Derrière cet agrégat de rythmiques syncopés, fracassés, il y a des mélodies hyper-intéressantes, très travaillées.
         — Absolument d’accord. Ce mælstrom comme tu dis, m’immerge comme dans une musique de film avec des climats, des tensions, des aplats, des phases calmes, des périodes enragées…, etc. Ça rejoint ou découle quand même de la musique classique toutes ces atmosphères ; la différence c’est que cela se passe à l’ère industrielle ainsi que dans les banlieues suburbaines.
         — Bien vu enfin bien entendu. T’as remarqué que les morceaux ont toujours un début et une fin comme dans une histoire. Ils racontent ou jouent plutôt une Histoire avec un grand H. Leur  Histoire.
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