Tumgik
#Les silences de Dunkelblum
mmepastel · 26 days
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Holy shit.
Quel drôle de lecture. Je suis passée par divers états tout au long des quelques 600 pages de ce pavé qui est définitivement lourd. J’ai mis environ 200 pages à comprendre qui était qui, puis 200 de plus à être happée par le suspense, puis les 200 dernières à être complètement piégée. A la fin, un peu contrariée car une incertitude m’embêtait, mais je ne pouvais pas relire le roman pour être sûre ! Donc bref. Un peu d’énervement, de l’ennui parfois, de la perplexité, puis un vrai engouement.
Dans ce village fictif au bord de la frontière austro-hongroise, il y a tout de même pas mal de monde, et en plus l’autrice navigue des années 30 à la fin des années 80 (89, très exactement, en lien avec la destruction du mur de Berlin).
Bref, c’est une lecture exigeante, et le sujet n’est pas léger. Le roman évoque ce que la Seconde Guerre Mondiale a fait à l’Autriche, qui s’est en plus complexifié à l’Est du pays, notamment à la frontière austro-hongroise, avec l’invasion des Soviétiques juste après. Certains ont changé de rôles et d’idéologies comme on change de costume. Un nazillon peut se retrouver chef de la police nommé par les communistes. Cocasse ? Oui. Mais aussi terriblement gerbant.
Ce qui intéresse particulièrement l’autrice, c’est la couche de silence qui a recouvert les esprits. Chacun, rudement éprouvé, et encore on parle de ceux qui ont survécu, a vite cherché à retrouver une tranquillité, à tout prix. Peu importe les mensonges, les demis vérités, les rumeurs, on s’est mis progressivement à tout étouffer, tout refouler. Mais quand un squelette est déterré, un jour d’été de 1989, c’est tout un passé qui resurgit, dans lequel il n’est pas aisé de démêler le vrai du faux, le rôle de chacun à tel ou tel moment. Mensonge par omission, par réflexe de survie, par lâcheté, par honte, sans doute un peu tout ça. Et avec la volonté de quelques jeunes, du village ou d’ailleurs, désirant réparer par exemple le cimetière juif, le puzzle se reforme, péniblement.
Il y a quelque chose de laborieux dans ce livre. Il y a de l’humour, de l’ironie principalement, mais le style est parfois lourd, ou alors c’est un problème de traduction, mais je me suis parfois retrouvée à relire certaines phrases, les trouvant étranges, bancales, confuses. Le travail de recherches de ceux qui veulent la vérité est tout autant laborieux, parfois avec un brin de malice de l’autrice qui laisse le lecteur en savoir davantage que certains de ses personnages… mais ce lecteur doit être drôlement concentré… j’ai un peu peiné.
Pourtant, mon impression est positive et je me retrouve franchement admirative du travail de construction de la romancière. J’imagine sa difficulté pour rendre compte de ces temps troubles et complexes, ces consciences torturées, rendre compte aussi du processus énigmatique de la mémoire, qui oublie pour parfois pour survivre, parfois pour prospérer.
A un moment, il y a d’ailleurs un magnifique et terrifiant « retour du refoulé »… un masque au moins tombe à grand fracas, mais même dans ce cas là, les résistances autour continuent de se dresser… c’est dur de regarder les choses, surtout les plus immondes, en face, on est envahi alors d’une odeur fantôme de putréfaction insoutenable, mais les odeurs du souvenir, on ne peut pas les réduire au silence…
Un livre impressionnant, que je n’oublierai pas de sitôt.
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