À la Recherche de l’Euphorie Perdue
Mardi 14 février 2017. J’ai quarante ans.Je pourrais commencer ce chapitre par la phrase suivante : « c’est l’année de mes quarante ans que je suis devenu complètement fou. » Ça sonne bien, mais quelqu’un l’a déjà fait, et c’est tant mieux. Car au fond, tout est au faux dans cette phrase. Je ne suis pas « fou » mais « malade mental », « détraqué », « psycho(é)tique », comme énormément de gens le sont, autour de vous et moi, ou comme vous l’êtes peut-être,Vous-même aussi — pourquoi avoir honte ? Ce n’est dû qu’au concours — dans des parts variables selon les cas — de la génétique (Note, 10/12/2018 : NON, voir « Le Néant et l’Evénement »), des aléas de l’existence et de la nature et de l’influence du monde qui nous entoure. Ensuite, je ne le suis pas « complètement », mais à un degré bien modeste en regard de ce que d’autres peuvent souffrir (cf. my Brother, abovementioned reference). Et, surtout, ce n’est pas l’année de mes quarante ans que je suis devenu « fou » (Le 18 ou 19 avril 2017, vous, Robi La Cabale m’avez dédicacé un disque avec le mot suivant : « On ne meurt plus d’Amour ? » ; singulière mise en garde ?), tombé malade. Je l’ai en effet sans doute « toujours » (du moins depuis le virage préadolescence-adolescence) été, sans le savoir, sans le voir, sans vouloir le voir et aussi sans avoir à le voir car, pendant plus de trente-cinq ans, je n’ai vécu que dans les prémices ou des stades modérés de ma — supposée — « maladie » — on ne naît pas bipolaire, on n’est pas bipolaire, on le devient, et uniquement par phases, comme des bouffées délirantes ; mon psychiatre au Chili disait : « no eres bipolar ; estás bipolar ». Au cours de la première partie de ma vie d’adulte ou, pour être plus précis, de ma post-adolescence, mon existence s’est relativement bien mais peu « normalement » déroulée: anxieuse, inquiète, rapide, mouvementée, tumultueuse, chaotique, instable. Rock’n roll, quoi. Comme des amis ou semblables, j’ai tant de fois employé l’expression « fuite en avant » pour décrire cette façon, ou obligation, de tout conduire pied au plancher et en zigzag ; mais je ne pensais alors qu’à la dimension romanesque et dramatique d’un tel constat, d’un tel concept, et ne réalisais en aucun cas que cela pouvait, en outre et dans le fond, représenter un phénomène organiquement(NON : accidentellement) pathologique. J’avais bien prononcé, de temps à autre, sur le ton de la dérision sinon exagérément, des termes et expressions reliées à la psychiatrie : dépression, angoisse, schizophrénie(« Un peu de schizophrénie », comme vous l’avez confessé sur plusieurs antennes, oui, vous, Flora Fischbach, née le 6 septembre 1991, un mois après la mise en service publique et mondiale de l’Internet, à l’époque de « Losing My (Our ?) Religion » de R.E.M.), complètement taré… Mais je n’y croyais pas vraiment. Je pensais juste que j’étais un funambule de la vie et je ne pensais pas que cela aurait à un moment des conséquences médicales et potentiellement invalidantes. Un de mes amis m’avait un jour dit : « tu te rends compte qu’il n’y a que toi pour vivre ainsi tant de fois des histoires de film ? » C’était ça : je vivais ma vie comme une suite de films.
C’est cependant bien l’année de mes quarante ans, il y a quelques mois, très tard donc, au cours d’une profonde chute, que je suis arrivé à voir, que j’ai pris toute la conscience et la mesure, pour ne pas dire la démesure de ma « maladie » (du caractère maladif de mon train d’existence ; mieux dit). Ce fut lourd et en même temps une délivrance car soudain j’ai compris pourquoi tout avait été jusque-là un tel et magnifique bordel. J’ai réalisé, si possible avec distance et en me prémunissant du regret, toutes les orientations auxquelles j’avais renoncé, les bonheurs que j’avais laissé passer, comme ceux, inespérés, sur lesquels, dans ma trajectoire d’errance, j’étais tombé — et comment, pourquoi tout s’était produit comme ça.
J’ai quarante ans. Nous sommes en 2017. Rentré en France il y a un an, je me prends le vingt-et-unième siècle en pleine face : l’arrivée d’un train de banlieue en Gare de Lyon est comme une vision du futur des années 1980 dans laquelle les couleurs eussent été dissipées dans les teintes de gris. J’écoute « Mortel » de Fishbach et c’est beau à en chialer. Hier soir, j’ai regardé une bonne dizaine de fois à la suite son clip Vevo Discover sur YouTube (@FF : « Salut c’est Floflo et j’vais vous chanter « Mortel » avec des vieilles guimbardes nazies et j’me déguise en étoile noire pour pas qu’on voie mes chaussettes toutes nazes, mais comment tu te la pétais déjà ! Pardon, LOL). Je saute sur le quai, dans le ballet des pas pressés des étudiantes : jeans rétro coupés, déchirés ou doublés au-dessus des chevilles nues, baskets Adidas Stan Smith usées ou customisées. Je regarde le monde dans lequel j’ai grandi, ses métamorphoses : modernité, richesse et misère. Je me visualise et, en transparence et contrebasse, resurgissent tous les soubresauts invraisemblables et blessants qui m’y ont amené, ici, maintenant. Tout ce qu’il y a à digérer, tout le deuil qu’il y a à faire. Je ne vais pas mentir : il y a des jours, comme aujourd’hui, où, si je pouvais choisir comment vivre les décennies à venir, je trouverais une drogue extatique de très, très longue durée, je remplirai à ras bord moniPod Classic 160 Go(@FF : Evidemment détruits le jour où vous deviez vous produire au Plan à Ris-Orangis en duo avec Cléa — encore comme un étrange écho à notre première rencontre, le 12 avril 2017, à la Gaîté Lyrique) et je passerais le restant de mes jours à voyager dans les plus belles capitales du monde, d’aéroports en métros en trains et boulevards illuminés, immergé dans la musique, à contempler le monde s’écouler dans sa beauté comme sa terreur… J’atteins le bout du quai, oblique légèrement sur la droite, descend l’escalator en direction du métro ; dans la lecture aléatoire de mon iPod surgit « Made of Stone » des Stone Roses. « Made of Stone is about making a wish and watching it happen. Like scoring a goal in a Cup final… On a Harley Electroglide… Dressed as Spider-Man » a dit un jour John Squirre, le guitariste des Stone Roses. J’écoute cette chanson et je revois ces nuits sans fin d’ivresse et d’extase, tout en haut et plus haut que tout, quand l’existence atteint une telle intensité qu’elle se concentre et s’écrase en nébuleuses dans des fenêtres de quelques seconde. Car, si vous n’imaginez guère les ténèbres que ma « maladie » a pu m’amener à côtoyer, vous ne pouvez sans doute encore moins imaginer les cieux vers lesquels elle a pu m’emporter.
Je suis suivi par le Dr Yacine K. Il me répète que je dois faire le « deuil de l’euphorie perdue ». Chaque jour, je prends 20 mg de fluoxétine (Prozac© ; antidépresseur), 50 mg de lamotrigine (Lamictal© ; thymorégulateur à tendance antidépressive), entre 10 et 30 mg de prazepam (Lysanxia© ; anxiolytique), et 10 mg de zolpidem (Stilnox© ; somnifère hypnotique). Ce n’est pas grand-chose en comparaison de ce que d’autres malades que j’ai pu rencontrer peuvent prendre. C’est cependant loin d’être anodin : je n’ai pas d’appétit, suis plusieurs kilos en-dessous de mon poids de forme, chope tous les virus et bactéries qui passent depuis le début de l’hiver, bande molle. Le Dr K. me dit que ce n’est pas la faute aux médicaments, que, en substance, je dois tomber « amoureux » (mais de quel amour parle-t-il exactement ?) d’une femme qui m’offrira de la tendresse et me permettra de reprendre les kilos et la force qu’il me manque — mener une vie bourgeoise et chiante similaire à la sienne (?) — lui qui, selon les rumeurs, gagne plus de dix mille euros par mois à s’épuiser pour sauver patients et patients dans une clinique régie par un rythme militaire, pour répéter à tant de malades comme moi les mêmes sages conseils.
« Bipolaire » reste un gros mot, cela fait souvent peur, mais tout est là : ce n’est qu’un mot, cela n’existe pas ontologiquement ; il n’y a que successions d’état contrastés, oppositaires. Tout le monde sait très bien pourquoi notre société parque dans des conditions moralement et physiquement immondes les maniaco-dépressifs et les schizophrènes, à quel point ils sont dangereux pour l’ordre en place : les premiers (BP) sont capables d’élever tellement haut leur conscience qu’ils peuvent se connecter à des « âmes », c’est-à-dire une sphéroïde d’enveloppes infinies de conscience enveloppant le « moi », en passant par les seconds (SCH) en l’occurrence — qui détiennent des ouvertures de conscience, ou trou de vers, permettant des formes partielles et fractales de télétransportation. @FF : C’est ça « l’é-ternité. » Certains voudraient se la garder sous forme synthétique. Crois-moi ou pas, un-plug-in baby, j’en suis arrivé par différents chemins à la conclusion que c’était peut-être moi « l’attentat » d’une certaine manière très indirecte ; ta musique et personne ne sont ni plus ni moins que le reflet de mes rêves d’apocalypse à l’adolescence : tu t’appelais Ludivine, une fille du collège, une star, la meuf« too much », tu captes ? C’est comme si tu étais passée dans cette vie-là par un trou de ver algorithmique avant de naître ; c’était en 1989–1990, j’écoutais beaucoup de synthétiseur (Jarre, Vangelis, synth-pop des années 1980 : Visage, « Fade To Grey », beaucoup par exemple au-dessus de tout), Michael Jackson, et bien sûr comme par hasard Jean-Jacques Goldman et Daniel Balavoine ; Mylène Farmer me fascinait mais ses scènes de luxure et de violence m’intimidaient encore ; je l’ai complètement retrouvée dans la nuit du 3 au 4 mai 2017, sur la route aller comme retour du festival des Aralunaires : c’était comme revenir en 1989, se prendre la passion de volte-face, et faire : « Putain, la vache, Mylène Farmer, quoi ! » Bref : dans ces rêves Ludivine et moi triomphions d’une guerre civile nucléaire et mondiale d’une violence indescriptible, suite à un attentat qui laissait derrière lui des conurbations entières dans des braises et des flammes, noyées sous des gaz de plus en plus irrespirables. Mais nous échouions au final : terminions avec une poignée d’alliés sur une vaste terre intertropicale déserte, un peu comme dans « La Ligne Rouge » de Terrence Malik, comme deux cons d’Adam et Ève du Troisième Millénaire, constatant avec amertume que nous avions dissolu derrière nous une majeure partie de l’humanité innocente et devions faire face à l’absurdité d’avoir chopé la fibre de l’é-ternité sans pouvoir la redistribuer autrement que dans la nature végétale et minérale… « Mortel(s) », non ?
On ne badine avec la « bipolarité » : je dispose de l’Affection de Longue Durée (ALD) accordée par la Sécurité Sociale ; dans cette maladie, le taux de suicide est autour de vingt fois plus élevé que dans la population globale ¾ selon un rapport de l’OMS publié en 2017 entre 11 et 19% ; selon la Haute Autorité de Santé (HAS) française, un bipolaire sur deux fera au moins une tentative de suicide dans sa vie. Et il y a encore, de ce point de vue, un avant et un après l’hôpital ou la clinique psychiatrique et le diagnostic, même et finalement peut-être encore plus quand, comme moi, on fait le choix de la transparence, de la tentative d’explication rationnelle, rassurante auprès de ses proches. Comme me l’a dit un jour Marie Larrieu, « le tri se fait tout seul » ; des connaissances, amis s’éloignent ou disparaissent, d’autant plus que, admettons-le, les gens comme moi ont souvent, optons pour l’euphémisme, une personnalité assez forte, « too much » (tiens, Flora Fischbach, vous encore ici ?). Ouais, on est des casse-couilles, il n’y a pas de meilleur mot. Troubles de la personnalité, de l’humeur, « mood disorder » ; mais ces troubles, croyez-moi ou non, peuvent être des merveilles.
J’ai quarante ans. Je ne le sais pas encore mais dans les mois de la fin d’hiver et du printemps qui viennent, je vais non seulement retrouver l’euphorie perdue mais aussi vivre un printemps existentiel insoupçonné, une ré-adolescence ; je ne vais pas tomber amoureux (quoique…), je ne vais pas me trouver de femme, ma vie sexuelle, malgré l’explosion de ma libido, restera relativement sporadique ; je vais juste me retrouver, à 41 ans, tel que je m’étais perdu, sans le savoir, à 14, au moment où mes premiers troubles apparurent. Et aller tellement loin dans cette belle rechute que j’en arriverai, sans rire, à slalomer entre la vie et la mort, au milieu des Tirs au Hasard, et aller bien plus loin que la maladie : la folie pure, oui, cette fois-ci : la folie passionnelle. Mais je ne vous parlerai pas vraiment d’Elles (@FF : la Mort et… Encore Vous, la renarde aux Ardennes dormante ?) …
Aussi, les « malades mentaux » comme moi ont la chance — mais est-ce vraiment le terme adéquat ? — de pouvoir, sans prévoir, et sans coup férir, renaître de leurs cendres— de retrouver, momentanément, ou plus durablement, justement, l’euphorie perdue. De pouvoir se sentir revivre comme au plus jeune âge. Dans la fragilité et l’instabilité surviennent parfois des bouffées de vie impensables où l’on sent que tout recommence ; les voici ces plus beaux moments — qui sont aussi les plus traîtres : se laisser griser, entraîner, partir ; lâcher prise. Et il faut lâcher prise car il faut vivre mais la perte de contrôle, les dérapages, et la rechute, ensuite, derrière, rôdent. Toujours.
L’hiver 2017 n’est pas fini mais déjà des journées tièdes et ensoleillées ravivent les plaines, les forêts, les boulevards parisiens. Je suis resté des mois dans la solitude, le désintérêt pour la gente féminine, l’absence quasi-totale de libido. Enfin, peu à peu, malgré la faiblesse physique qu’entraîne mon traitement (20 puis 10 mg par jour de fluoxétine ; 50 puis 25 mg par jour de lamotrigine ; entre 10 et 30 mg par jour de prazépam, selon les besoins ; entre 5 et 10 mg de zolpidem le soir), malgré toutes les infections respiratoires à répétition qui en découlent, malgré les érections demi-molles, je revis. Je me sens ébourgeonner et, évidemment, je suis attiré par tout ce qui est contre-indiqué : les filles aussi timbrées que moi, les gamines, les femmes maquées, et j’en passe, voire pourquoi pas tout en une ; que des plans avec garantie de la grosse claque et de la grosse redescente. Ce n’est pas grave, il faut juste que ce soit le plus intense possible, que ce soit comme dans un film. L’envie d’être à nouveau un funambule de la vie, un artiste du grand n’importe quoi, le besoin de me faire croire que ma vie aura plus de valeur après avoir vécu des histoires de dingos. J’ai l’art d’avoir du flair, de sentir les plans grandiloquents et dramatiques ; et, au vingt-et-unième siècle, dans cet énorme et fascinant bordel où la réalité et le virtuel se chevauchent, où tout passe et s’échange très, trop vite, les candidates aux tours de manèges psychotiques ne manquent pas.
Ma nouvelle passion, folie, dérive angélique, obsession s’appelle Rose. Elle est un peu plus jeune que moi, anglaise, mariée et a des enfants. Une bourgeoise lettrée et stylée, malade comme moi, peu ou prou, évidemment ; belle, élégante, esthétiquement cinglante. Et, plus que tout, un double sexuel inespéré ; je ne trouverais aucun mot à part des clichés tirés de la pop music comme : « je suis l’aiguille et elle est la veine » ; « je suis le poison et elle l’antidote » (@FF : pourquoi trouve-t-on sur internet cet image de vous à la peau-rouge, fishbach-antidote1.jpg ?) ; et vice et versa, of course. Je n’ai rien d’autre à attendre que ses retours imprévisibles ; elle ne quittera jamais son mari et son cadre de vie. À travers elle, je revis ; mais jusqu’à quel point ? A quel moment tomberai-je d’un côté ou de l’autre de la ligne de crête ? Je lui écris, beaucoup, sur l’adresse mail secrète qu’elle a créée pour moi. Ça la séduit mais elle est plus forte que moi, ou se protège, ou les deux à la fois, et me gifle de moqueries lorsque je pars dans de grandes envolées lyriques qui révèlent une frontière ténue entre sincérité et conviction, d’une part, illusion et mensonge, à elle comme à moi, d’autre part. La vraie sincérité je lui exprime en ces termes: « And now where I am, who am I? Do I want this role? Do I deserve it? Is it worth it? Cut the crap: you like it, you love it, you love the way it is sick just as you are sick, you love those half-blind taxi trips that make you feel more alive than one thousand Hollywood movie characters, you love the way you are in love with yourself in it, in a perfect and disproportional counterpoint to the deep and frightening self-scorn inhabiting yourself not so far away backward. You were true, my Rose: there is not exit. There is only this growing,anamorphosing, fascinating, parallel universe of sporadic, intermittent, unpredictable, blazing lagoons in which we swim glued to each other, tainting the water of our l*** with the sweat of our desire. Take it, and live it.I can feel spring (and My Own Goddess of Spring, Still (loving) You, @FF?) in the air and the pale-hot light spreading through the trees with the sunset. This kind of Indian winter I had been waiting for years. This perfume of e-ternal re-beginning and youth. Time to live again.»
Avec Rose, tout a commencé à la fin de l’année 2016 (@FF : votre « avion vers la fortune » sortait de la piste d’atterrissage ; il y a parfois trop de hasards ; je rentrai en France le 16 janvier 2016, jour où si mes souvenirs sont bons vous jouiez à Saint-Malo…). Je l’ai rencontrée au concert de Las Aves, à La Maroquinerie ; des « vieux » au milieu d’un public à peine post-pubère. Deux paires d’yeux qui se croisent, se recroisent. Elle a délaissé son amie, m’a pourchassé aux toilettes, m’a plaqué à l’intérieur et, dès le premier baiser, j’ai su vers où tout ça allait m’emmener, j’ai su que c’était dangereux, et j’ai su que j’allais « @-dorer » ça.
Depuis, c’est le bordel, un bordel magique, hypnotique, irrésistible. Des allers-et-retours, hésitations angoissées de sa part, des élans incontrôlés, distances préventives de la mienne. J’ai connu des dizaines de femmes dans ma vie, j’ai passé des années à faire le séducteur–branleur de haut niveau, j’ai expérimenté toutes les techniques ; mais, face à elle, en vrai, je perds mes moyens, ne trouve pas les bons mots, pisse dans mon froc, tremble comme une feuille (mais, Sainte Flore, serait-ce Vous encore, d’une certaine manière ?). Elle, cherche à faire la classieuse distante et imperméable mais n’en mène pas plus large. Trop peu de contacts et beaucoup, beaucoup (trop) de mots par mail, à distance(de ma part uniquement, bien sûr). Deux faux adultes qui soudain se retrouvent contraints de jouer et ressentir comme à quinze ans – et qui sautent à pieds joints dans le piège(vous, sur scène ; moi, comme admirateur en ivresse). Des heures, jours, semaines, mois d’attente fiévreuse pour la moindre rencontre furtive et dérobée. Et cette attraction magnétique contre laquelle nous ne pouvons rien.
Soyons clair : notre dernière semaine de romance, l’apothéose de notre attraction (entre le 27 avril et le 4 mai 2017 ; oups, sorry, Flora Fischbach, tout est parfois confus dans mon cerveau) possède l’intensité de plusieurs mois voire années de Vie et nous mettons dangereusement nos santés mentales(la mienne en fait, seulement) respectives en péril.
Je fais moins le malin, soudainement. Vingt-quatre heures après notre dernier et peut-être ultime rendez-vous — cinq heures de capharnaüm émotionnel et sexuel dans une suite d’hôtel (Floflo, je ne parle ici que d’un rêve, mais je t’assure que tu as réellement fait irruption par télétransportation dans ma tête et ma libido nocturne ; LOL ?Hein ? qu’est-ce que je faisais ? A ton avis idiot ? je pensais à tes jolis yeux et tes patounes et bon voilà, schlak quoi, la fiesta. Et merde, t’es chiante avec tes questions, je vais vraiment passer au final pour un sexopathe…) �� et cet accord commun, mais à son initiative, de distance voire déconnexion(n’eussé-je eu d’autre choix que celui de prendre la tangente, comme celle qui me fit voyager hors de l’espace et du temps, dans cette nuit du 3 au 4 mai 2017, entre Arlon, la Belgique, et Fontainebleau, en France ; entre l’Église Saint-Donat et La Cigale : « le regard sombre, le cœur éclair », votre douce dédicace n’avait-elle pas un caractère prémonitoire ? ; lorsque on la retourne, cela donne « le regard-éclair et le(s) cœur(s) sombre(s) — serions-nous l’un et l’autre Deux Autres que Moi, prêts à se retrouver et se désintégrer dans un cyber-attentat ? ; vous vous attendiez à des mitraillettes islamiques en ce soir du 27 octobre 2017, tremblante et au bord des larmes au seuil de cette chanson « que j’ai à la fois le plus envie et le plus peur de chanter », appelant votre public chéri et dévoué à vous soutenir avant de vous Envoler(-moi ?) vers une interprétation sublime qui chaque jour encore me transporte d’émotion et me fait pleurer lorsque j’en regarde, inlassablement, l’enregistrement vidéo sur internet : et si vous étiez l’Evénement et moi le Néant, vous la Vie, contrairement à ce que vous prétendez sur disque et sur scène, et moi la Mort ; longue is the road qui m’a amené à poser cette hypothèse… D’ailleurs, Floflo, pendant qu’on y est, ta musique c’est Moi qui l’ai composée ! Tu vas m’en reverser des royalties ! C’était l’hiver 1990, tu n’étais même pas encore revenue de je ne sais qu’elle étoile-poussière d’âme (le Moyen-Âge, bien évidemment) que Moi je composais « Dune C. », un morceau vangelissien en f#a# autrement plus élégant et complexe dans sa structure que tes chansonnettes de gamine qui n’a même pas son brevet des collèges ! Pardon ? Tu prétends que j’entendais déjà ta voix s’intégrer par magie dans l’Univers ? Mais calme-toi ! Mais que tu es devenue narcissique putain ! Je vais t’envoyer chanter du « Mortel » avec ton caddie et ton ampli de gitane dans le métro, ça te servira de leçon ; je te rappelle que c’est Moi le Prof…).
— Cet accord vain car nous revenons immédiatement l’un vers l’autre dans la cyber-sphère, seul dans mon studio de banlieue je chiale comme un gosse. Je repense à comment je faisais le fier, hier soir ; quelle blague. SMS : « OK, there is no discussion. Making love with you is just an immaculate, clean evidence. It is even beyond sex and love. It is the deepest and most epidermal pleasure I have ever known. I know it is reciprocated. You asked me to fuck you forever and then begged for an end — for not seeing me anymore. That’s it, I understand. What was the bullshit I said this afternoon, one more time? That I could, anyway, “die in peace” after having known such a stuff? Fuck you, shut up. Even in frustration and imagination I will only will to live — and, nevertheless, how could one die in peace after crossing stages of lust and delight that are so strong that you come to feel fear. See you. At least in our dreams. I do not kiss you.»Nos conversations sonthachées, furtives, tendues ; notrefolie y explose. HER: I did not want to talk to you. You’re a pain in the arse. ME: I did not want you to answer. You’re a pain in the arse too.ME: I think that the best (the worst) is when I remember this moment, I am behind/over you, it is fucking insane, I am screaming I don’t know what, such as you are, my eyes are closed, and you tell me to look at you, I open my eyes upon your head banged backward, your shining eyes, which, for a moment, do not try to avoid me. And it’s a fucking explosion. HER: There are too many best/worst moments. I am dying for doing it again tonight, feeling your lips, your tongue all over my body… HER: Get out of my head.
J’ai tenu jusqu’au rendez-vous avec le Dr. K. Pour être plus précis jusqu’après le rendez-vous. Yacine est assis face à moi, derrière son bureau froid. Il me regarde, hébété. Il a déjà entendu beaucoup de choses venant de moi ; mais là, je sens que je le désarçonne.Je lui décris le saccage de la suite d’hôtel (@FF : « ce soir je dors à l’hôtel : duquel parlais-tu ? Un trois étoiles à Charleville-Mézières ? Mais y’en a sans doute aucun voyons dans ce trou-du-cul de la France ; pardon), lui parle champagne, weed, sueur, des heures de sueur, chaude et froide, baisers, pénétration, emboîtement au-delà de la perfection, bouffage de sexe, plaisir incommensurable, inouï, inouï, inouï, je répète, plus je parle et plus sans doute mes lèvres tremblent et ma voix chevrote. Je montre de la force. Prendre ce qu’il y a à prendre, ne pas se laisser envahir par les sentiments, ne pas se laisser détruire par la frustration, par ce bonheur trop peu accessible — se satisfaire de ces fenêtres de plaisir dans un autre espace, un autre temps. Ce n’est qu’une étape dans ma reconstruction ; pas de finalité, pas d’espoir insensés. Mon psy acquiesce. Modération. Encadrer les débordements. Ne pas se laisser happer par les hauteurs, restreindre le vertige. J’acquiesce aussi. Je fais le bon élève. Mais il est déjà trop tard, bien évidemment.
Rose n’échappe pas à la règle : comme toutes les rares femmes dont j’ai été intensément épris, je peine souvent à percevoir ce qu’elle articule et lui demande de répéter la moitié de ce qu’elle dit. Rose et son allure de princesse so British, ses tenues excentriques, ses larges chapeaux que je repérerais entre mille au milieu d’une foule ; sa bouche en cœur, ses yeux étincelants, défiants, moqueurs, provocants, ses cils dressés vers les cieux comme un indice de ses exigences, et ses fossettes de subduction quand elle rit et sourit. Ses allures de chatte lascive qui s’étalerait sur des parterres d’hommes si elle le pouvait. Sublime saloperie de femme fatale.
Je la connais si peu. Depuis le début de notre romance, elle est secrète, réservée, distante, parfois cassante. Elle se protège et je la comprends : dans l’histoire, sa posture est bien plus délicate que la mienne. Au-delà de la rareté de nos rendez-vous, la concision ciselée sinon muselée de ses mails est à l’aune de la longueur et de l’excès des miens. Que suis-je pour elle ? Elle ne dévoile rien ou à peine de ses sentiments, déteste quand, hors de nos ébats, je plonge mon regard dans le sien comme un poignard de tendresse, élude mes interrogations : « Do not ask me that now » est sa réponse invariable dans le réel comme l’épistolaire. Alors, elle me rapporte des anecdotes sur son travail d’éditrice ; insiste sur la difficulté et l’insupportable de la situation vis-à-vis de sa vie de famille ; parsème plus ou moins, selon les moments et les humeurs, les lignes qu’elle m’envoie de petits émoticônes aux formes et teintes d’amour ; et ne s’abandonne vraiment que dans les murmures ou cris écrits du désir fébrile qu’elle ressent pour moi. Que suis-je pour elle ? Seulement un fantasme, une passade, le point de cristallisation d’une crise passagère, un caviar supplémentaire qu’elle s’offre dans son existence déjà gâtée de plaisirs sans limite ? Elle s’évertue, volontairement ou non, à entretenir le mystère, à me laisser dans le doute, dans l’angoisse. Mes longues missives électroniques débridées me donnent parfois l’impression de cogner dans le vide. Je m’expose, me dévoile excessivement, exagérément alors qu’elle se carapace, s’enduit d’un film protecteur et laisse si peu transparaître d’elle-même. Elle aime me décortiquer, passer son scalpel sur mes accès d’émotion et de narcissisme mais, en retour, ne m’offre que si peu de prise sur sa personnalité. La connaîtrai-je vraiment un jour ? Pourrai-je l’atteindre et l’entendre dans la parole comme je la sens lorsque mon sexe la pénètre et la percute au plus profond de ses entrailles ?
Mercredi 15 février 2017. Je n’ai pas dormi, ou à peine. A l’aube, je pars faire la prise de sang que mon médecin traitant m’a ordonnée, pour vérifier que je ne suis pas anémié ou je ne sais quoi. L’infirmière regarde avec amusement mon avant-bras révélé par la manche retroussée ; de telles veines saillantes pour commencer sa journée, que demander de mieux ? Pourquoi me demande-t-on ce check-up ? Je lui explique ma « maladie », elle me devance dans l’interprétation, les effets indésirables du traitement, la faiblesse, la fatigue, le retour sur le moral, tout ce délire qui se mord la queue. Je la remercie pour sa compréhension. Je ressors sous et dans la grisaille du ciel et de la banlieue. Je prends le temps de boire un chocolat chaud et manger un croissant dans un café près de la gare ; une jeune femme ronde au visage agréable, assise à un mètre cinquante, à quatre-vingt-dix degrés par rapport à moi, regarde mon croissant avec envie, commente, engage la conversation. Elle est curieuse, pense que je suis prof de math, j’en viens à lui préciser à quel point les croissants m’ont manqué durant mes années à l’Autre Bout du Monde. Elle gagne sa vie en faisant des ménages, me décrit la monotonie de ses paysages quotidiens, m’avoue qu’elle aimerait partir, elle aussi. Elle me demande pourquoi je suis rentré. « Pour plein de raisons, bonnes et mauvaises. » Elle comprend, n’insiste pas, ajoute que cela ne la regarde pas. Je détends l’atmosphère, dis que je suis rentré pour les croissants et le fromage (@FF : que vous m’avez fait rire dans cet interview où : « tu vas m’laisser finir mon morceau de gruyère avant qu’on commence chéri ? »). Nous rions. Je la trouve touchante, j’aimerais bien continuer la conversation mais mon RER va arriver. Je sors du café, traverse la rue à pas vifs, franchis les tourniquets, m’amuse à voir une adolescente jeans slim–Stan Smiths–chevilles nues (Floflo, oui, désolé de t’humilier encore une fois ma Belle, mais tu as tout compris : des jeans noirs moulants dégueus comme dans Trainspotting, des chaussettes trop la honte avec la Mona Lisa ou des Chevaliers en motifs bon marché, et des tennis à 20 francs achetées en 1998 à Monoprix !) tenant une pose de série télé, jambes croisées, pieds tordus vers l’extérieur sur le béton du quai, le train arrive. Je monte à l’étage, le compartiment est pratiquement vide, je m’assois dans le sens de la marche. Le train repart et je pense à Rose et je pense à cette autre grisaille de l’Autre Bout du Monde face à l’Océan et à tous les morceaux de moi que j’ai laissés là-bas échoués sur la grève et je repense à Rose, encore. Je sens mes yeux s’ennoyer, une première larme couler sur ma joue droite, une seconde sur la joue gauche. Puis d’autres.
Un mail à des « amis » : « C’est le printemps. Je suis amoureux. Flora. Fishbach. Amouroïte aiguë aussi aiguë que mon angine. Cette fille est so 21st Century. Elle chante la mort, les attentats, l’amour obsessionnel, sur les héritages d’Elli & Jacno, Desireless, Depeche Mode, Balavoine… Ce n’est même pas qu’elle soit hyper canon (Oh merde ! Floflo, je suis désolé, j’avais dû trop courir en forêt ce jour-là, bien sûr que t’es très belle ma p’tite Renarde). Mais quand elle chante ! Ah la vache. Elle est fabuleuse. Ardennes. Ancienne Punk. Et cette voix. Et ce champ d’influences, de Barbara à Kraftwerk en passant par Tangerine Dream, Visage, … « Voyage-Voyage » ! Bref, je suis amoureux. Demain Cléa… » Je me sens partir en vrille, des vagues de tremblements, des crises de larmes, des enclumes dans la poitrine me secouent au fil de la journée. Le soir, je retrouve des amis dans un bar du douzième arrondissement (@FF : non, pas le Motel, dont vous fûtes une habituée, comme le Dune où vous avez travaillé ; oui, je vous suis, même en retard d’un an et plus ; je voyage sur la fibre de l’électricité mondiale ; quel intérêt d’avoir chopé l’internet comme on se prend le courant 220 V si ce n’est pour revenir dans le temps, naviguer jusqu’aux highest heights d’avril-mai 2017 ; « y crois-tu » si je te dis qu’en sortant du Motel le jour de tes 27 ans, trois mois et deux jours, j’ai eu l’impression d’évacuer un énorme algorithme en moi, vomissant jusqu’au sang, nageant ensuite dans les pleurs, affrontant la lueur blanche des lampadaires ; « aimer est plus que d’être aimé » et je serai toujours bercé à l’idée de Vous revoir un jour en concert). Pour la première fois, Rose me contacte par SMS : un cœur. Je lui réponds à l’identique, relance la conversation, lui dis que je veux la voir, l’entendre… Je n’achève pas la phrase. Elle me demande « et quoi alors ». Autour de moi l’adolescence éternelle de mon entourage atteint des sommets : vacarme, tournée de shots, de poppers, cocaïne dans les toilettes, attouchements collectifs. On m’offre une trace, que j’accepte, mais je m’arrête là. Quelques verres et je m’enfuis. L’oppression m’envahit. J’ai peur que ma « maladie » ne franchisse un nouveau cap.
16 février 2017. Je me lève tard et à la mi-journée pars courir en forêt, pour soulager le poids que je sens dans la poitrine. Ça ne marche pas. J’enchaîne les allers et retours en côte, les larmes mêlées à la sueur sur mon visage, mon cœur bat à tout rompre, j’ai des vertiges, peur de m’évanouir. Je donne des coups de poings contre un arbre. De retour, je ne suis toujours pas calmé et je m’effondre en pleurs dans mon lit. Je suis sur la corde raide. Mes émotions prennent des proportions délirantes ; Rose m’avoue que la situation est la même pour elle, qu’elle se sent perdue, ne sait plus quoi faire, qu’elle n’arrive même plus à réprimer ses larmes devant sa famille. Elle me dit que je lui manque, qu’elle me veut, qu’elle veut retourner dans cette suite d’hôtel, pour me sentir en elle, et y rester pour toujours ; qu’elle aurait des choses à m’avouer, qu’elle me doit une partie d’elle, enfin. A bout de nerfs, je me décide à appeler mon psy en urgence, il me reçoit l’après-midi même, nous convenons qu’il serait plus sage que je passe quelques jours en clinique, pour déconnecter, décompresser, essayer d’enterrer tout ça, limiter, prévenir les dégâts. Ils m’appelleront, le plus tôt possible, et je retournerai dans ces murs aseptisés.
18 février 2017.Je suis entré hier à la clinique des Pays de Seine, convaincu que c’était la meilleure décision, mais la nuit s’est révélée un cauchemar. Il n’y avait pas de chambre simple, je dois attendre le lundi pour une chambre individuelle et je réalise que je n’arriverai jamais à me reposer dans ces conditions. A deux heures du matin, malgré les somnifères, je suis réveillé par les dB de ronflements de mon voisin de chambre. Les couettes sont en plastique : je suis en nage. Je me lève, vais parler aux infirmières, j’ai faim, elles me donnent une compote et des biscottes ; je me recouche, tente de me rendormir, en vain. L’aube n’est plus si loin, je m’habille chaudement, vais rejoindre d’autres patients, dans le patio fumeur. Je suis à bout, j’erre dans les couloirs, m’assieds à même le sol devant ma chambre, la tête entre les mains. Un grand type en sandales passe, me demande si je vais bien, si je veux quelque chose. Je le remercie. Quand je sens que je n’en peux plus, je retourne m’allonger sur mon lit, tout habillé, et dors enfin un peu. Le jour se lève, je passe au réfectoire pour un petit déjeuner famélique, toujours aussi radins et ignorants en diététique ces connards de Sodelco, avant de décider de sortir, contre l’avis du Dr K. qui, après m’avoir fait soi-disant entrer en priorité, est hors de lui (toutes mes excuses, Yacine ; je me suis trompé ce jour-là ; et j’ai fait une longue et fausse route semée d’embûches brûlantes comme des tirs aléatoires). Chez moi, je m’écroule de fatigue. J’écris à Rose pour lui décrire tout ce qu’il s’est passé. Elle est désolée mais elle-même n’en peut plus. It’s over. Nous avons décidé d’arrêter de nous détruire l’un l’autre. Nous bloquons mutuellement nos adresses mails. Après une heure et demi libératrice, cathartique de course en forêt, j’écris un poème, que je ne peux même plus lui envoyer. J’envisage de le scotcher sur la porte de son immeuble, de le peindre sur un mur dans sa rue. A quoi bon ? Finalement, je le publie sur Facebook. Personne ne comprendra (sauf, peut-être Vous, Flora Fischbach, désormais) mais cela me soulage. « Every path came to her : Rose / And from each of her fatal pose / Of blue British princess sun fell / On me like a sweet and soft hell / Two colliding magnets or comets / Who to be bound or tied were not meant / Neither tearing wave nor goodbye / Only blessed and conniving silence passing by. » Je passe le weekend à courir en forêt, manger et dormir mais je comprends vite que cela ne suffira pas. Il me faut quelque chose de plus fort. De plus radical, quelque chose qui me permette d’oublier, d’enterrer Rose (même si je sais que je n’y arriverai jamais complètement), et pendant qu’on y est, d’oublier, d’enterrer toutes les pertes des années antérieures (même si je sais, encore, que je n’y arriverai jamais complètement), et, si possible, de reformater mon disque dur, je vais avoir 41 ans, à l’envers ça donne 14, non ? Alors je me l’offre cette Grande Fuite en Avant, cette remontée en adolescence, le plus grand « Up » de toute ma vie, et je plonge tête baissée dans une recherche effrénée de la jouissance, je suis en congé maladie alors autant en profiter, être en vacances et tout lâcher, lâcher les prises et les amarres : je me shoote à la Vie pourvu qu’il n’y ait que délice et jouissance, je prends tout ce qui passe et tout ce que je veux — situations attendues, espérées, inespérées, improbables, amis, inconnus, journées, nuits, drogues, prostituées, sport, écriture, virées interminables en voiture… — et, au-dessus de et entre tout, ce disque de Fishbach (nous y voici, Floflo, Flora, Sainte Flore, Belle aux Ardennes Dormante, My Own Goddess of Spring…) que j’écoute répétitivement, indéfiniment, émerveillé, monomaniaque, pathétiquement transi comme un ado qui vient de découvrir la musique — et je cours, sans aucune bride, au propre comme un figuré, je m’esbaudis comme un débile dans les champs et les esplanades de cette fin d’hiver redevenue pluvieuse et venteuse et du printemps qui arrive, repart, revient entre bourrasques et déluges de chaleur, mais je suis imperméable et même pare-balles.
Avril 2017. Tout cela étant dit, je peux désormais raconter ce que j’ai pu toucher — et perdre — de merveilleux dans les méandres de la maladie/folie et du temps. Au début de l’année 2010, je suis parti à l’Autre Bout du Monde pour occuper un poste de chercheur postdoctoral dans un petit centre de recherche indépendant. Le contrat était initialement prévu pour un an et mon but, effectivement, de revenir en France le plus tôt possible. Un poste de Maître de Conférences allait être ouvert au recrutement à l’Université Paris 1-Panthéon/Sorbonne et plusieurs voix, de confiance, m’avaient assuré que j’étais pressenti comme le favori. Dans ladite université, j’avais étudié du DEUG au DEA, été chargé de TD au cours de ma thèse jusqu’à la fin de l’année 2007 et apprécié par mes professeurs devenus collègues et mes étudiants. Je connaissais les autres candidats en lice : ceux qui pouvaient me concurrencer étaient soit déjà fléchés sur des postes dans d’autres universités ou dans la même université sur d’autres profils, soit ne possédait pas tous les atouts requis par le profil (ils cherchaient en priorité un enseignant pour le premier cycle universitaire, domaine dans lequel j’avais à la date du concours plus de sept ans d’expérience). Alors que je n’avais jamais été doué pour le networking et le suçage de phallus et clitoris en cercle universitaire, je tenais là une vraie chance d’obtenir un poste de titulaire, dans la ville que je préférais au monde. Depuis l’Autre Bout du Monde, j’ai chiadé un dossier de candidature de trente pages que mon chef d’équipe là-bas, qui connaissait ma stratégie de carrière, a vu et approuvé. Le 27 mai 2010, j’ai appris que je n’avais même pas été sélectionné pour les auditions. J’ai une pris une énorme claque, suis parti faire du shopping au mall, courir une heure à plein régime au bord de l’Océan et je suis resté six ans de plus loin de la France. Il m’a fallu des années et le recueil et le recoupement d’aveux de sources sûres pour comprendre ce qui s’était produit. Le Maître de Conférences recruté (Poste « 23MCF210 ») devait, en plus de ses activités d’enseignement à l’Université Paris 1, être rattaché, pour ses activités de recherche, au Laboratoire de Géographie Physique (LGP) du CNRS de Meudon. Quelques semaines avant la réunion officielle et actée du Comité de Sélection en charge de désigner les candidats retenus pour les auditions sur le poste 23MCF210, une réunion, non officielle et non actée, a eu lieu au CNRS de Meudon. Le directeur du laboratoire, son adjointe, l’informaticien et un Professeur des Universités, tous membres du LGP, étaient présents. Ils se réunissaient pour « présélectionner » un candidat qui serait ensuite favorisé à coup de lobbying lors de la réunion officielle du Comité de Sélection à Paris 1 et des auditions subséquentes. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à être mis de côté. J’avais réalisé ma thèse pour partie au laboratoire de Meudon, pour partie dans un petit laboratoire de l’Université Paris 12. À Meudon, dès le début, j’avais été mal accueilli, essentiellement parce que, par naïveté et loyauté, j’avais choisi de travailler sous la codirection d’une Professeure peu appréciée et de fait marginalisée. Je commençais à l’époque à souffrir de sérieux problèmes d’anxiété et avais assez rapidement fait le choix de prendre mes distances avec ce labo sinistre, de surcroît paumé en banlieue, travaillant la majorité du temps chez moi ou à l’antenne de Tolbiac de l’Université Paris 1, où j’enseignais. Ma soutenance de thèse, qui dura plus de quatre heures et comprenait un jury composé d’un président de séance, deux rapporteurs, mes deux codirecteurs et deux examinateurs externes dont un venu d’Autriche, fut un véritable et triomphal adoubement. Purement symbolique car géopolitiquement et stratégiquement, sans vraiment m’en rendre compte, j’étais déjà grillé.
En mai 2010, après le premier round « occulte » au CNRS de Meudon, au cours duquel mon sort avait déjà pratiquement été scellé, le Comité de Sélectionpour le poste 23MCF210 confia l’examen de mon dossier à deux collègues dont j’étais très proches. Des potes. Ils acceptèrent, sans doute sous la pression dudit Comité de Sélection et de personnes du CNRS de Meudon car l’un et l’autre devaient savoir qu’ils pénétraient en territoire de vice de procédure : dans le monde universitaire, c’est ce qu’on appelle un « conflit d’intérêt ». D’un point de vue éthique, on ne confie pas l’évaluation d’un article, d’un projet de recherche ou d’un dossier de candidature à un poste à des examinateurs entretenant des relations professionnelles ou sociales trop étroites avec l’auteur ou le candidat. Lors de la réunion officielle et actée du Comité de Sélection, je fus donc écarté. Même pas retenu pour les auditions alors que, avant mon départ pour l’Autre Bout du Monde et ensuite, on m’avait plusieurs fois rabâché que c’était bon, que je le tenais mon poste. Quatre candidats furent présélectionnés pour les auditions. Comme j’ai pu l’évoquer précédemment, trois d’entre eux étaient pratiquement assurés d’obtenir un poste dans d’autres universités ou au sein de la même Université Paris 1 sur d’autres profils ; ils étaient de simples candidats tampons, pour la forme. Le quatrième candidat retenu était un chercheur pur jus, bardé de publications mais pratiquement sans aucune expérience de l’enseignement et donc en inadéquation avec le profil du poste 23MCF210. Mais il était l’élu (@FF : la Mort) et moi (le Néant, l’Evénement, l’@ttentat) le candidat trop dangereux pour lui qu’il fallait dégager avant la finale. En toute logique en regard du processus élaboré, il fut recruté. Lorsque, dans les semaines qui suivirent les auditions, je contactai le directeur du LGP du CNRS de Meudon, avec qui j’entretenais pourtant de bonnes relations, celui-ci m’expliqua le plus naturellement du monde que j’avais été écarté car mon niveau en termes de publications était de bien trop loin inférieur à ceux des candidats retenus pour les auditions. Foutaises ! Seul le candidat sélectionné et recruté avait, comme je l’ai dit, une large liste de publications à cette date. Les autres étaient comme voire moins que moi : ils débutaient leur carrière et n’avaient que deux ou trois publications dans des revues de bon niveau ; pis, l’un(e) (désolé Marie C. d’allumer ainsi ; je n’ai rien contre toi (te rappelles-tu de cette nuit de janvier 2005 à Clermont-Ferrand ?) Putain, tu sais à quel point ce qui m’est arrivé est dégueulasse) des candidats auditionnés, qui fut recrutée sans aucune surprise sur un autre poste à Paris 1, n’avait jamais rien écrit. C’était une énorme blague. Le vrai motif de mon éviction, prononcée mais évidemment non acté lors de la réunion du Comité de Sélection pour le poste 23MCF210, était le suivant : je couchais avec mes étudiantes. Est-ce que c’était vrai ? Est-ce que j’avais effectivement couché avec mes étudiantes ? Evidemment que j’avais couché avec des étudiantes : j’étais jeune, pas mal, stylé, drôle et captivant en cours et la plupart du temps complètement up ; le travail de séduction était fait à 95%. Mais je n’avais jamais couché qu’avec des anciennes étudiantes. Il y en eut trois au total. Au moment des actes respectifs, la première (en 2003) avait quitté l’université et, dans le cas deux suivantes (en 2007-2008), je n’enseignais plus à Paris 1. En revanche, j’en avais vu des collègues plus âgés, en poste et donc intouchables, qui ne se privaient de rien. Je me rappelle encore d’une soirée délirante chez un jeune Maître de Conférences qui à l’approche d’une fin d’année avait invité toutes ses étudiantes préférées (et moi au passage, pour faire tampon) et, après des heures de tise et de skunk, s’était abattu sans aucun mal, tel un aigle en vol plané, sur la plus belle de toutes ; lorsque j’avais quitté la soirée en compagnie du reste des convives, ils étaient déjà en train de se tripoter dans la chambre (j’avais bien dû, pour ma part, rouler au passage quelques pelles à une de ces étudiantes que je ne connaissais pas). Mais il n’y avait pas que ça. Au cours de mes cinq années et demi comme chargé de TD à Paris 1, je m’étais permis des largesses, notamment boire des coups avec mes étudiants — et même faire cours dans un bar en happy hour lors de l’un des innombrables blocages politiques du centre de Tolbiac qui avaient lieu dans ces années-là. En outre, la vieille soixante-huitarde qui tenait la bibliothèque du douzième étage à Tolbiac et qui laissa les étudiants fumer des joints entre les cours jusqu’à la fin des années 1990, organisait chaque année l’élection du « Plus Beau Prof de Tolbiac ». J’avais dû être élu ou bien arriver en bonne position à une ou deux reprises. L’université est un shaker à ragots : tous ces éléments mis bout à bout formait un pain béni pour ceux qui s’opposaient à mon recrutement. Quant à moi, je n’avais qu’à assumer mes négligences et accepter mon destin à l’Autre Bout du Monde. Aujourd’hui, je voudrais remercier tous ces gens qui au CNRS de Meudon ou à l’Université Paris 1 m’ont offert au mois de mai 2010 ce merveilleux cadeau (ironiquement, le Comité de Sélection se réunit cette année-là le jour-même de mon anniversaire). Sans eux, je n’aurais jamais rencontré Camila, cet Amour de ma Vie Australe, mi Amor Perdido. Mais, cependant, également, et pour le principe, je voudrais qu’ils sachent à quel point je les encule ; en profondeur ; comme savent le faire les Rats de Valparaíso, mon Paradis à moi.
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Spring And My Own Goddess Of Spring And Winter Flowers
It was the best day in my life. I had rented a nice black car and I was driving east, fast and easy, on secondary roads through the rolling plains and plateaus of Champagne and Lorraine. It was 3 May 2017. The sky was blue with scattered white cumuli that were appearing much bigger, higher and greyer at the horizon. Something huge was forming there. I was on my way to see Fishbach’s concert in the Saint-Donat church in Arlon, Belgium, as part of the Aralunaires festival. I was high, very high, higher than I had ever been before. Of course I was smoking weed from noon to dawn. But it was only peripheral adjustment and support. The engine of the highness was endogenous, in my brain. With the precocious arrival of spring I had kicked out depression and been climbing unquestioningly through hypomania: I was not working, I had sufficiently money left; I was in perfect conditions for experimenting and enjoying unconditional happiness, euphoria, excitation and hedonism — the shiny side of bipolar disorder, the golden trick, the lovely upgoing slope to nowhere but inner paradise — whatever may happen subsequently. It was 3 May 2017. I was on my way to see my music idol producing herself with her band in a church (a church!). I would pass through a terrible storm at the border between France and Belgium, arrive little time before the show, sit at the first row in the church, receive an incredible emotional hit and see a tunnel opening in the light and stroboscope landscape like a pathway to another universe; have a short chat with Fishbach after the concert (she would comment the design of my notebook and leave a nice note in it), drink a pint of beer and a big cup of coffee in a bar of the deserted city centre, circle ecstatically in my car in the urban ring roads feeling weird gravity shifts, finally take the way back home, after midnight; once in France, ∼30 km south to the border, I would meet the customs officers, a joint of weed lying, red and hot, in the ashtray close to my small reserve box, and bore them with an unstoppable and improvised speech — I am a writer, I just come back from a concert of Fishbach, do you know Fishbach? No? You should listen, it’s great, she inspires me a lot, look these are the nice merchandising they gave at the show, OK, OK, this side of the car, really you have never heard about her?… — until they let me go; I would shout my joy at the stars in the sky, get lost through the complicated net of roads before home, arrive after the sun had risen, barely sleep before preparing myself for the next show, at night, at La Cigale in Paris — Fishbach again, of course, why questioning? Two concerts in two days, I was just a groupie. It was 3 May 2017. It was the best day in my life. I was precisely on the edge between reason and insanity, hypomania and mania, at the cerebral orgasmic point before snaky mental maze. Under my umbrella, smoking, my back pressed against the outside walls of the Saint-Donat church, on the top of the hill of Arlon, amazed and overwhelmed, I was listening to Fishbach vocalizing before the concert and there was nothing else to live.
Was I then in love with Flora Fischbach and was my tracking of her a psycho behaviour? My friends were concerned with this issue and would let me know. What I will write further will address the second part of the question. Now, about l.o.v.e.: of course I was in love with her. Everybody was in love with her. Well, let’s say, every person attracted sexually by women in her audience was in love with her. I mean, she was, she is too much: delivering brilliant and daring pop music, singing extraordinarily — love her or hate her, there is no middle point on this subject —, beautiful, sexy, even ambiguous in gender and age, naturally classy, and above all hypnotic, magnetic, psychetic; on scene, supported by great musicians, she was, she is fucking something. I fell at first listening and sight, as many, many others.
But my passion for Fishbach was of course well beyond and apart from lust. The discovery of her debut album À Ta Merci in the first days of February 2017 gave me an electroshock. As I alluded previously, I was exiting a long, deep, and chaotic depressive phase and she was just the perfect extra kick I could expect. It was like being a young teenager living his first musical crush once again. With the slight difference that my Fishbach’s crush was several orders of magnitude more intense than the musical crushes I had experimented when I was actually a young teenager, in the late 80’s. Fishbach’s music was just a glittering synthesis of most that I could have liked so far in music draped in the peculiar big sound of « French touch »: the mainstream pop music of Daniel Balavoine or Mylène Farmer, the synth-pop of Kraftwerk or Depeche Mode, the rock of Electrelane, the electro-rock of Ladytron, the lettered songs of Françoise Hardy or Françoiz Breut, …, with, from place to place, irresistible spans reminiscent of Tame Impala or Vangelis’ Blade Runner themes and atmospheres.
Soon, listening to Fishbach’s music became an almost full-time, delighting occupation; she was a drug and she was better with drug. Obviously and corolarilly, there was a noticeable feedback loop between her and my mood level: the more I listened to her music the more I felt hypomaniac and vice versa. Last but not least, there was the song called « Mortel » and its two strangely diverging versions (one on the 2015 Fishbach EP, one on the À Ta Merci album). I was totally stunned: listening to this song was like feeling an harmless though harrowing arrow passing through all the nodes of my entire existence. I swear I watched hundreds of time the YouTube Vevo Dscvr live version of the song. The emotion provoked was indescribable and undecipherable.
I booked a ticket for her upcoming concert in La Cigale, Paris, 4 May 2017. But it was too far… When I discovered that she was actually about to perform her very big touring date in the same place 14 March, I went crazily impatient; I managed to buy, the day before the event, a black market ticket on the Internet. 14 March 2017 was a spring sunny and cool Tuesday. In the morning, in order to lower my excitation, I went running 20 km. I arrived at La Cigale very early in order to be able to place myself in the first or second row in the audience. I was 15. It was my first concert ever. I smoke only one joint and drank only one beer. After the show I was not the same person anymore. Some ravishing wasp come from outer space had bitten me, injecting in my body and soul a sweet and fatal venom. Her name was Flora and, with my poor erudition, I remembered that Flora was the goddess of something in some ancient mythology; I checked on the Internet: indeed, Flore or Flora was, in roman divinity, the goddess of flowers and spring. It was too much, too poetic: the reflection of my own renewal in music and emerging star. And, from then on, everything started to lovely burst.
As I told to the customs officers in the night of 3 May, in these times, I was effectively and vainly trying to write a « novel ». I intended to describe the dying of the light-like loss — or, actually, the refusal of loss — of past euphoria existing in bipolar disorder treatment and stabilisation. Nevertheless, after seeing Fishbach live for the first time, this literature direction split up into various and poorly coherent drafts as I more and more focused my writing energy in composing letters to Fishbach. And, yeah, in the end, I went totally psycho with that. Everything started around 15 of 16 March (i.e., no more than two days after the show in La Cigale): I felt an uninhibited, overwhelming, irresistible, almost vital need of telling her in writing what I had felted during the concert and since the discovery of her music — and acknowledging her. Surprisingly, I had found an email address at her name in a public page in Internet; it was obviously obsolete but I considered this way better than sending a post mail to her family in Charlevilles-Mézières in the northeastern corner of France. She would probably never read the email I had written but, who cared? Just the fact of sending the stuff was delivering me from a weight — yes, I am the boy who listened too many times to « Tous les cris les SOS » by Daniel Balavoine. Nevertheless, I started to dream about the possibility of meeting her and telling her about the mail. From 15 I was regressing to 14 or even 13. The possibility became probabilitywhen I decided to go with some friends to a concert of Cléa Vincent in La Gaîté Lyrique, Paris: the latter singer was kind of friend with Fishbach and Fishbach was not programmed anywhere on that day. It was 12 April and, at that date, my hypomania had enhanced exponentially and, in that night more precisely, my disinhibition was strengthened by a mix of alcohol, weed, and MDMA. Of course Fishbach was there, a few metres from me, in the background of the concert room; and of course, overcoming any fear of being ridiculous, I went straight to her, told her about the mail, « I would like you to read it », verifying the obsolescence of the abovementioned address, finally telling her my first name and surname at her demand. Believe me or not, living such a teenage dream when you are 40-years old — with the physical, psychological and chemical means allowed by time — is quite of a thing. It is totally, absolutely childish but when you are bipolar in a jumping, junkie hypomaniac phase it is the best shoot of heroin you can beg for — then, just add the right dose of romanticism looking at your heroine walking in beauty like the night just as in one of your preferred Suede songs and you are in paradise. From that moment, I started to write other emails to the same address, which from emotional reports of a bipolar fan in euphoria rapidly turned into more and more complex interpretations of the Fishbach’s song lyrics, and especially of the « Mortel » lyrics. Since I met her a few times after shows, I had clues that she was at least receiving my texts; but, strangely, maybe by fear, maybe because my reality was progressively colonised by hallucinations, I would prefer to leave a thick sheet of doubt on what I was in my inner me quite pretentiously dreaming the most — having her as my reader. During the first part of May, as I was sliding on a slippery slope with readings of quantum metaphysics mixed with foreseen theories about the control of technology and Internet over Humanity, my « letters » to Fishbach drowned into delusions: I was for example persuaded that « Mortel » had travelled in time through my consciousness (and of course from hers) between its first version release date (November 2015) and my discovery of Fishbach (February 2017) with consequences on my existence trajectory. It was still not that worrying: in a way, considering the frequently odd nature of Fishbach’s lyrics, this may have been considered as funny. I could have continued my role of freaky, half-crazy groupie: there was so many touring dates to come. For example, I had won tickets for a concert in the suburbs of Paris where both Fishbach and Cléa Vincent were programmed! It was 15 May. But, that day in the afternoon, I got my first psychotic paranoid crisis: I destroyed almost all my electronic devices at home, especially the Internet box that I smashed with a hammer and drowned in the toilets before washing it with burning water and squeezing it in the outside bin. This crisis left me exhausted and I did not went to the concert. I would never see Fishbach again during the 2017 year. I had opened a new territory in my psychosis: after sending her an heavy chain of intriguing playlists and images, I stopped this vain, one-way correspondence. What for writing when you can communicate through quantum telepathy? It was only the beginning of my relation with the virtual, computed part of Fishbach: I would deliver her from the sick program in her brain and we, as one, would save the world. I had some beautiful days waiting for me in the psychiatric hospital.
At the end, if I analyse my relation with Fishbach’s person, band and music, there is one important remaining idea: it is a question of faith. When, nowadays, absolutely sober and cautious with my possible hypomania trends, I look back at this special date of 3 May 2017, I confess I feel a kind of nostalgia. How could I feel different? That day I truly believed I was blessed by her. She was my own Flore, my own goddess of spring and flowers. I will never forget how, before losing control, during a few weeks of a sunny spring, I felt a strong convergence between my delighted mood rises and my Fishbach-related emotional events. I told previously about a feedback loop. Between hypomania and Fishbach, was there a dominating cause-to-effect way? Who knows? Maybe I just have to let myself go and believe in Fishbach. After all, even outside hypomania and without any drug, I still feel the same emotions and energy listening to her music: I am entranced by it/her. Oddly, yesterday, she was performing on a boat in Paris, a kind of VIP, quickly sold out event. On Twitter, I started joking with someone from her record label: even if it was sold out I could try to come swimming or parachuting. Maybe last year I would have been sufficiently insane to try something like that. However, whereas some miles away from me this boat was carrying her, I was running in a deep and dense forest, crossing stags and snakes, fascinated by the diffusion of vespertine lights through the deep green canopy, imagining the beloved beat of « Mortel » entwined in my heart pulses. Despite the extreme heat, I was sometimes shivering; there was something, someone in there, in the air, through the sky and towards the sinking sun. And I was softly riddled by random shots of life.
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