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Les gens qui sifflent
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Quand les silhouettes mornes le matin se traînent et se croisent, quand les mines éteintes tombent, scrutent le trottoir, quand les échines sont courbes et trébuchent, oubliant la veille, regrettant le soir, quand on presse le pas, avançant droit, n’écoutant que soi, les oreilles fermées, toujours plus bouclées, repliées. Qu’on accepte de les délier, et on entendra tout bas, sortant des bouches ici et là, un extrait de musique soufflée, comme l’échantillon fugace d’un parfum déjà passé, que l’on tente de déchiffrer. Pour peu qu’on le connaisse, on s’y trouve immanquablement projeté, ou largué ailleurs, dans un autre temps, un autre souvenir ressurgi du passé, où les rues ne sont pas grises et les corps anesthésiés. Autrement, on se demandera ce que cela pouvait bien être que cette chanson, ces trois notes lancées au hasard, la tête haute, les lèvres pincées, jetées comme ça, par un inconnu. D’où provenait cette esquisse ? Un morceau aimé ? Un disque entendu la veille ? L'écume restée d’un tumultueux concert ? Ou le jingle entêtant d’une de ces pubs pour les assurances ou le café ? Mais au fond, peu importe ce que ces trois notes sont pourvu qu’elles suggèrent. A l’imagination un drame inextricable ou une scène légère, à l’oreille une symphonie torturée ou une marche militaire. Tout existe, cependant que l’air reste ancré et l’encre en l’air.
Zoé Fernandez
photo : Alexey Bednij © Copyright 
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Noël 1560. Les membres de l’expédition descendent difficilement les montagnes andines. Tous, mercenaires, soldats espagnols, prisonniers indiens, esclaves d’Afrique, vont à travers la végétation embrumée, rejoindre les rives du fleuve. Des lamas sont harnachés et transportent des vivres, des munitions et des outils. Les cages pleines de poules ficelées à leur dos, s’échappent parfois, et viennent rouler contre les falaises pour s’y fracasser sourdement. Deux hommes portent une cabine en bois rouge et aux rideaux de velours bleu, qui se balance parmi le cortège. Gonzalo Pizarro, jeune frère du conquistador Francisco Pizarro, ouvre la marche. A ses côtés, Don Pedro de Ursúa, qui prendra bientôt la suite du commandant à la conquête d’Eldorado, cité d’or rêvée, prétendument située au bord de l’Amazone, ou de l’un de ses affluents. Il voyage avec sa maîtresse, à qui appartient la cabine, Inéz de Atienza. Il y a aussi un noble, en armure, Fernando de Guzmán et un prêtre, Gaspar de Carvajal, chargé de convertir les populations amérindiennes, et par qui nous est rapporté le récit de cette épopée, au travers d’un journal. En arrière, on distingue une jeune fille aux cheveux longs, dont on oriente le pas, en contrebas, sur le sentier escarpé. Celui qui tient sa main, c’est son père, un soldat conquérant au passé trouble et violent, oublié au milieu des batailles péruviennes, et qu’on surnommait « Le Fou » (« El Loco ») Lope de Aguirre. Parmi les nuages qui nichent dans les hauteurs, des voix s’élèvent dans le lointain comme émanant de la montagne. Comme la brume, elles semblent y planer, hors du temps, surplombant cette avancée, ralentissant sa course, par le poids d’un héroïsme mystique et retiré.
Werner Herzog était à Rome quand il se souvint de Florian Fricke. Son dernier film, Aguirre, la colère de Dieu, était en post-synchronisation, et n’avait pas encore de bande originale. On cherchait du côté d’Ennio Morricone, sans y trouver son compte. Cela ne collait pas. Fricke était un musicien cinéphile, un temps critique cinéma pour le Spiegel. En 1970, il avait fondé Popol Vuh, un groupe de musique progressive, avec Holger Trülzsch et Frank Fiedler, alors qu’Herzog commençait sa carrière dans la mouvance du Nouveau Cinéma allemand. Les deux hommes s’étaient rencontrés en 1967. Herzog, tournant alors son premier long-métrage Signes de vie, fit apparaître Fricke dans le rôle d’un pianiste solitaire, égaré, au hasard d’une rue, entre mirage et réalité. Cinq ans plus tard à Rome, on passa un coup de fil vers l’étranger, depuis le téléphone d’une chambre d’hôtel.
Fricke composa à partir d’un instrument à clavier nommé « choir-organ », une sorte de Mellotron polyphonique mis au point par son ami, l’ingénieur du son munichois Herbert Prasch. Au cours du mois de juillet 1972, Fricke avait débarqué dans le studio de Prasch pour y installer le synthétiseur Moog III qu’il acceptait de prêter à Amon Düül II, célèbre groupe de Krautrock, le temps de l’enregistrement de leur cinquième album Wolf City. Le choir-organ, tout juste créé, était mis à contribution, sous les doigts du claviériste invité Jimmy Jackson, pour quelques morceaux (Surrounded by Stars, Green-Bubble-Raincoated-Man, Jail-House Frog, Deutsch Nepal). C’est probablement à cette occasion que Florian Fricke en fit pour la première fois l’expérience.
Puisqu’il ne semble pas, à l’heure actuelle, subsister de trace photographique, imagée, de ce qu’avait pu être en son temps le choir-organ, et afin de mieux nous représenter l’instrument auquel Fricke fut confronté, voici ce qu’on en raconta :
Les touches du choir-organ se trouvaient reliées à de fines bandes magnétiques, environ trois douzaines, tournant en boucle parallèlement les unes aux autres, et renfermant des enregistrements de voix d’hommes et de femmes, captées sur de longues notes tenues correspondant aux différentes hauteurs du clavier. Celui-ci était en outre marqué d’un code couleur qui prévenait des touches qui ne fonctionnaient pas. A la manière d’un orgue, cette large installation permettait ainsi l’émission de voix humaines, par le biais d’une manipulation technologique, comme un chœur à portée de doigts. La rotation continue des bandes, donnait quant à elle l’impression d’un chant infini, éternel, allant toujours loin devant, se propageant, s’entretenant comme une flamme sous le souffle ininterrompu. La lumière d’une bougie, dont le halo s’étend, crépite, brille, réchauffe le cœur. Dehors, le vent se lève et rêve d’horizons gigantesques.
Entre naturel et artificialité, là se trouve la musique d’Aguirre  : un chant de la terre des hommes, suspendu, nébuleux, universel, qui s’adresse au cœur et berce l’âme, apaise les maux et ouvre l’esprit, inlassablement, invariablement, toujours, continuellement.
Zoé Fernandez
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Miles en sourdine
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Sur les pas de Miles Davis, Ibrahim Maalouf quitte son film en trois dimensions (Diasporas, Diachronism, Diagnostic) et signe avec « Wind » une bande originale pour La proie du Vent (1927) de René Clair. Avec cet album néanmoins très intérieur, le trompettiste franco-libanais joue à fond le jeu de l’hommage en empruntant à Miles Davis les ambiances feutrées de Ascenseur pour l’échafaud, son jeu laconique, la place toute particulière laissée au silence. La trompette à quarts de tons d’Ibrahim Maalouf nous emporte au fil des titres comme à travers autant d’états intérieurs, de moments de vie, de ballades nocturnes qui émergent et disparaissent comme des évocations, des souvenirs. On peut, il est vrai, reprocher à Maalouf sa manière parfois maladroite et un peu « gadget » d’intégrer à l’univers du jazz des éléments de la musique orientale. Dans le morceau « Suspicions » notamment, toutes les couleurs musicales si chères au compositeur-interprète se trouvent condensées dans un motif constamment scandé qui, à force de répétitions, perd de son caractère spontané et en devient presque plombant. Malgré tout, ces quelques remarques n'effacent en rien la cohérence esthétique de l’album. Le contrebassiste Larry Grenadier, le batteur Clarence Penn, et le pianiste et arrangeur Franck Woeste, participent brillamment de ce voyage intérieur en même temps qu’ils préparent l’arrivée en fanfare de Mark Turner et de son saxophone qui mieux que personne sait traduire l’ « Excitment » qui s’empare de chacun à l’écoute de la piste n°6.
Zoé Fernandez
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Sur-sous estimés
Les surestimés
Stromae à votre portée
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Vous rêvez d’être le nouveau “Jacques Brel” ? C’est désormais possible grâce à notre sensationnel « kit » de composition spécial Stromae. Vous y trouverez l’emblématique calepin et son non moins célèbre stylo quatre couleurs qui aideront à la retranscription de vos jeux de mots préférés. Vous en tenez déjà un ? Inutile de creuser davantage. A vrai dire, cela suffira amplement. C’est presque fini ! Scandez à présent ce calembour en vous accompagnant du mini-synthétiseur CASIO mis à votre disposition. Félicitations, voilà votre refrain ! Concernant le nombre de répétitions, c’est à votre guise. Petit conseil, tout de même : “une fois” c’est belge, passé trente-six fois, ça commence à devenir bègue.
L’Empire Chédid
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Matthieu Chédid est-il le Napoléon Bonaparte des temps modernes ? En d’autres termes, comment appelez-vous un homme dans la fleur de l’âge, adepte des vestes à épaulettes et des cheveux hirsutes, qui fut un jour soldat (rose, je vous l’accorde) et s’empressa, une fois le succès assuré, de placer les membres de sa famille à la tête de ses nombreux territoires conquis ? A la sœur Anna, on accorda bien volontiers le royaume des deuxièmes voix attendues et des youhous suspendus, au frère Joseph, celui du touche-à-tout, n’excellant dans rien. Quant au père Louis, revint de droit le trône flottant du patriarche de façade, fantôme originel de cette fabuleuse dynastie.
Les sous-estimés
Demis Roussos, le prince malheureux
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Il était une fois en 1967, la ville d’Athènes, subitement refroidie par la dictature des colonels. Un jeune homme sans le sou apprend le métier de maître d’hôtel pour aider sa famille, endettée par la crise du canal de Suez. Le soir venu, il s’en va chanter, jouer de la trompette, de la guitare, de la basse, dans les clubs de la ville. Il ne tarde pas à rencontrer un certain “Vangélis” Papathanassíou, alors musicien dans un quintette de jazz, avec qui il fonde le mythique groupe de rock progressif : Aphrodite’s Child. Non, Demis Roussos n’a pas toujours été cette grosse créature kitsch et poilue des années 80 françaises. Derrière la bête, dévoilons le prince prisonnier du mauvais sort et écoutons ensemble “Rain and Tears”, le tube extrait de l’album “End of the World”, sorti en 68.
Le charme discret de Donovan
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Que les choses soient claires. Bob Dylan n’a jamais écrit “Catch the wind”. “Hurdy-Gurdy Man” n’est pas une chanson de Led Zeppelin. Les Beatles n’ont pas été n°1 aux États-Unis grâce à “Sunshine Superman”. Les Kinks ne sont pas non plus à l’origine du succès de “Mellow Yellow”, et pour cause. La paternité de tous ces titres revient à un seul et même écossais du nom de Donovan, idole de toute une génération, oublié au profit des nombreux artistes qu’il influença. On sait qu’au printemps 1968, il accompagna en Inde John Lennon et George Harrison, auxquels il offrit une leçon de picking, en même temps qu’il les initia à la méditation transcendantale. Quand on sait tout ce que ce voyage spirituel initia comme innovations décisives pour le groupe, on est en droit de se poser quelques questions, non ?
Zoé Fernandez
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Pour Stéphanie.
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