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Certaines œuvres s’épanouissent sur le substrat des rêves. Les tableautins de Botticelli se prêtent à une contemplation moins formelle que des panneaux plus larges et plus pesants : ils peuvent être rapprochés de soi — du moins à l’origine. Les deux scènes sont centrées sur une femme face à une enceinte : dans le premier cas, la reine Vashti, sur le seuil encore, en est répudiée ; dans l’autre, Esther s’apprête à passer le portique pour y entrer et devenir reine. Rien n’est parfaitement raisonnable dans ces représentations. Botticelli a ravivé ce qui était un archaïsme — la disproportion à mesure de l’importance des sujets. Les reines sont presque de même taille que les murs d’enceinte. Le sentiment de confrontation entre les femmes et l’édifice est renforcé par le traitement du paysage, feuillages et reliefs, des brouillis de couleurs ternes tandis que murailles et tourelles restent pâles, sans aspérités. Une fois le décor posé, le drame peut se jouer, ce que l’art de Botticelli rend avec une extraordinaire économie de moyens. La reine Vasthi a refusé de s’exhiber devant les courtisans : elle est renvoyée. Sa main tournée vers la terre rend sensible son humiliation. Esther, à l’inverse, dresse un doigt de défi à l’égard de la ville : reine, elle a réussi à protéger son peuple contre le massacre.
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L’armide, d’un regard, l’a saisi. Aussi le sculpteur mésopotamien n’a-t-il épargné aucun effort pour que le spectateur, lui aussi, soit captivé par le regard de la belle image. L’œil est écarquillé et la forme arquée se fait insistante — cernes, cils et larges sourcils. La différence des matières vient s’ajouter à cette première emphase : le lapis-lazuli contrastait avec le marbre et le marbre, avec le calcaire. Les autres traits sont suffisamment fades pour ne pas attirer l’attention : des lèvres fines et une chevelure esquissée seulement.
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Cette oeuvre amène à s’interroger sur les rapports entre l’art et publicité dans l’art d’aujourd’hui. Ici la marque sous la forme d’un fragment de carrosserie luisante s’imprime dans une colonne. L’équivalence est posée : pas d’art sans publicité. De fait, les expositions, voire les musées, n’existent plus sans les apports financiers de mécènes qui s’attendent en retour à ce que leur participation soit largement connue. Ce qui conditionne non seulement la production de l’art contemporain mais tout autant le développement et l’entretien des collections. Les œuvres modernes telle celle-ci procèdent souvent par collage d’éléments reconnaissables des marques : Warhol et les soupes Campbell, les aspirateurs Hoover de Jeff Koons, etc. Au-delà de la citation, les œuvres empruntent aux marques l’aspiration à être vues à tout prix en étant toujours plus clinquantes (le crâne endiamanté de Hirst), toujours plus grandes (Mc Carty) ou provocatrice pour le chaland (Serrano), toujours plus cinégéniques (avec les diverses expositions qui projettent des œuvres sur grand écran). S’agissant de l’influence de la réclame sur les collections permanentes, je m’interroge sur les politiques qui consistent à acheter de nouveaux tableaux aux dépens de l’entretien des fonds existants.
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Cette élévation démesurée est un enfoncement aussi - le ciel s’en trouve aboli. La contre-plongée exagérée ouvre la voie à cette perception ambivalente des cheminées d’usine. Cette nouvelle norme spatiale rend indistincts les uns des autres les trop petits humains en uniforme, sans visage, qui remontent la rampe. Ils croisent les wagonnets de charbon : choses et hommes, rien d’autre que des ressources pour l’entreprise. Dans cette nouvelle ère, l’art est mécanique autant que la société , s’éloignant des irrégularités du geste humain. Ainsi la peinture est-elle finement pulvérisée sur la toile et les lignes sont dessinées au traceur.
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Le détournement d’objets est un divertissement d’artistes parfois impécunieux mais toujours impertinents. La matière est à portée de main — pour qui sait voir. Ceci, devant vos yeux, est-ce un fétiche mumuye aux jambes trapues et au cou démesurément long ? Non ! Il s’agit d’un brûleur de cuisinière corrodé posé sur deux extrémités planes — littéralement un détournement d’objet. Le détournement est aussi symbolique et monétaire : la chose de nulle valeur puisque cassée et devenue inutilisable devient une œuvre une fois rebaptisée “Vénus du gaz” par Picasso ; elle n’a alors pas moins de dignité que les Venus paléolithiques. La cote du misérable brûleur s’aligne immédiatement sur celle de l’artiste. Ainsi les amateurs d’art sans le sou peuvent faire de nécessité vertu et, par la grâce de leur regard qui rédime toute forme en lui donnant un autre nom, glanant le ramas au coin de la rue, ils sauront le métamorphoser : la ferraille se muera en or dur.
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Alber Elbaz a habillé les belles plantes. Que le végétal soit une source d’inspiration pour les couturiers ne présente rien d’exceptionnel en soi mais la vision organique que déploie Elbaz dans ses créations frappe dès le premier regard. Dans la construction des silhouettes autant que dans le façonnage des ornements, aucune régularité immédiatement décelable. Ainsi les chenilles de soie mousse remontent sans dessein sur le corsage en gaze et s’y enchevêtrent - par contraste les fleurettes de velours rose sur les hanches ressemblent à une mignardise un peu vaine. Autre exemple de caprice végétal à l’œuvre : la robe d’automne où une feuille immense s’enroule autour du buste, irrégulièrement nervurée, aléatoirement déchiquetée sur les bords. Le tissu chatoyant ajoute à l’habit des réflexions dorées et mobiles — imprévisibles. La désaffection du couturier pour les formes régulières se retrouve paradoxalement dans sa robe papillon. L’architecture des délinéaments colorés, encore symétrique sur le corsage de tulle, s’évade ensuite en une confusion de lignes labiles, effet encore amplifié par le mouvement. Enfin, l’œil est en joie devant une des illustrations les plus extravagantes de l’exaltation des circonvolutions : la cape en compression de pétales rose vif qui vient transcender une mini-robe grège. Je ne peux pas ne pas associer au désintérêt d’Elbaz pour les lignes droites et les formes régulières la polysémie de l’adjectif « straight » : sont qualifiées ainsi les lignes droites mais également ceux qui vivent leurs amours dans les bornes de la norme. Tel n’était pas le cas du couturier comme le rappelle sa robe aux couleurs de l’arc-en-ciel.
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