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#Valvignères
oenodyssee · 5 months
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Numéro double
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Chez Jocelyne et Gérald Oustric // Gaec du Mazel // Valvignères // Ardèche // Côte-du-Rhône // 20 hectares
Saint-Thomé. Descendre du car. Retirer l’étuis rouge de la soute. L’étui en forme de L qui intrigue tant les voyageurs des trains et des bus que j’emprunte pour aller et venir entre Bordeaux et les lieux où je laisse mon vélo. De plus en plus souvent on ose me demander ce que le L contient. Mes réponses varient. Aux enfants, je réponds : - Un T . Aux vieux soupçonneux, je parle d’arme, de sulfateuse. Aux jeunes couples j’avance : - ma partenaire. Aux rêveurs de tous âges j’etcétère : - un autre étui (mais plus grand) contenant lui-même un autre étui (mais plus grand) contenant lui-même… Il arrive aussi que, pour rester vague,  je parle d’instrument.
Quelle est la vérité ? J’hésite moi-même. Disons que quelque chose se précise au fil des jours. Démêler. La housse en L taillée dans une bâche étanche incarnat contient en effet un coffre en cuir rigide de forme identique et fermé par des sangles à boucles, lequel contient en effet un cep de syrah en forme de T (tourmenté) gréé en instrument de musique électronique et informatique – que j’appelais encore métaphorminx ou hypercep avant d’arriver chez Jocelyne Oustric, il y a un mois. Jocelyne précisément dont la voiture se gare à ma hauteur.
On fait maintenant route vers Valvignères où se trouvent les vingt hectares de vignes dont ma très sympathique conductrice s’occupe avec son frère Gérald. Cette fois, ni domaine, ni château, ni mas, ni ferme mais GAEC. Le GAEC du Mazel. Si l’acronyme (Groupement Agricole d’Exploitation en Commun) fleure un peu techno, la réalité est qu’il permet à un petit groupe de professionnels (de 2 à 10) de s’associer au sein d’une entreprise tournée vers l’agriculture. Des frères et sœurs par exemple.
« Au départ, m’avait expliqué Jocelyne lors de ma première visite, Gérald était tout seul. Il avait repris l’exploitation de notre père et livrait le raisin à la coopérative. Comme la plupart des vignerons de son entourage il pensait ne pas aimer le vin et buvait surtout du Ricard. » Jusqu’à ce qu’au hasard d’un passage en Beaujolais il rencontre Marcel Lapierre, pionnier du vin nature, et goûte ses canons. « Là, il a tout de suite aimé… Ensemble ils ont essayé de convaincre la coopérative de prendre le virage du nature ; ils y croyaient vraiment, mais c’était peine perdue et Marcel a fini par dire à mon frère : - si tu veux boire ton vin, sors de la coopérative. » À cette période, Jocelyne s’est éloignée de Valvignères. Après avoir rêvé de devenir sage-femme, elle a passé plusieurs années à Londres.  « J’ai quand même fini par revenir en Ardèche où j’ai trouvé un boulot dans une entreprise informatique. C’est à ce moment, en 1998, que Gérald m’a proposé de monter le GAEC. Au départ on faisait tout ensemble, la taille, les vinifes, tout ça. Ce qui m’allait très bien vu je n’avais pas fait d’études agricoles. Ensuite j’ai eu mes enfants et je me suis plus concentrée sur la partie administrative. »
La voiture quitte maintenant la route pour emprunter un chemin bordé de vignes. Nous grimpons jusqu’à la forêt encore quasi méditerranéenne qui coiffe le coteau et nous arrêtons un plus bas, devant le grand chai du GAEC. Dans l’entrée deux piles de cartons remplis de bouteilles échangées avec d’autres vignerons. La première pile en provenance de Mulhouse où Gérald était en salon les deux jours précédents. La seconde de Latour de France d’où sa sœur revient pour la même raison. Plus loin, le grand pressoir mécanique dédié à certaines cuvées pour la qualité des jus qu’il produit, les cuves inox chemisées avec température réversible puis, un étage au-dessous, quelques contenants devenus inutiles depuis la réduction du domaine : « on est passé de 30 à 20 hectares il y a dix ans et on se demande souvent pourquoi on ne l’a pas fait plus tôt » ; le monte-charge, vestige des conseils de l’œnologue vagabond Jacques Néauport qui était contre le pompage « qui abime l’intégrité moléculaire des jus », aujourd’hui remplacé par une pompe péristaltique ayant les mêmes qualités.  « Comme Marcel, Jacques nous a beaucoup aidés, encouragés. Il faut dire qu’à l’époque on était très isolés ici. Personne ne comprenait ce que nous faisions. Ce n’est plus le cas maintenant, de nouveaux vignerons comme Anders Frederik Steen et Géraldine Croizier que tu as rencontrés le soir de ta performance sont arrivés, on peut discuter s’échanger des avis, déguster ensemble. »
Oui, le soir de ma performance. Se remémorer.  Nous étions quelques-uns devant la maison de Jocelyne installés en cercle entre de vieilles vignes de grenache et une parcelle de cinsault plus juvénile. On discutait de la chaleur extrême qui avait sévit pendant les vendanges, nécessitant – première ! - de reloger les équipes au camping municipal, à l’ombre de ses grands arbres. De l’épuisement, lui aussi exceptionnel qui en avait résulté. Jocelyne avait servi La cuvée Les Lèches 2021, grenache blanc, sémillon, sauvignon dont j’admirais la robe dorée parfaitement accordée à la blondeur concentrée de cette soirée d’automne.
Je m’inquiétais cependant du déclin de la lumière, espérant qu’il en resterait assez pour la partie du texte dont je confie la lecture au public. On attendait encore quelqu’un, Anders, qu’on entendit finalement débouler de loin, deux bouteilles s’entrechoquant dans sa besace. Le dernier convive assis et servi, je pouvais sortir la métaphorminx de son étui. Et là, – effet secondaire des Lèches ? – au lieu d’actionner la flûte de l’hypercep comme je le fais souvent en préambule de Rhapsode, je me suis entendu présenter – première ! – cette vieille syrah comme une partenaire. Expliquer. Comment tous les flux de sève, tous ses élans végétatifs, tout le stop and go de la taille, des travaux en vert et de la récolte, toute cette mémoire en apparence pétrifiée dans le bois et la contorsion de ses formes était encore active et, pourvu qu’on se laisse bouger, activante. Comment je l’avais découvert et comment je tachais à présent d’explorer la partition chorégraphique potentielle proposée continûment par ma cavalière.
Quelle nouvelle, prise, nouvelle passe – première ! – était alors apparue, dans le jour déclinant, les lectures délicates éclairées finalement au photophore, la fraicheur de la nuit, le silence un instant retrouvé avant les joies du banquet ? Quel ajout au pas de deux ? Un baptême, je crois, au Mazel. Dire. Le prénom soudain révélé de l’instrument : Médée.  
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valentine0805-blog · 4 years
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Merci Week-end !! 😍😍😍✌✌✌🤘🤘🤘 #weekend #apero #pizza (à Valvignères) https://www.instagram.com/p/CBYqjU2iPeE/?igshid=m6yn6hslxwg6
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