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Comme un roseau, poème
Un poème écrit dans le cadre des ateliers d’écriture de Laura Vasquez, et publié dans la revue Miroir.
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Métamorphose, poème
Un poème écrit dans le cadre des ateliers d’écriture de Laura Vasquez, et publié dans la revue Miroir.
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Écrire comme Nathalie Sarraute
Après avoir suivi la routine d'écriture très casanière de Susan Sontag, il était temps d'écrire dans un hors de soi, de rendre son bureau d'écrivain toujours plus nomade. C'est pourquoi j'ai choisi, pendant une journée, de m'essayer à la routine d'écriture de Nathalie Sarraute.
Selon la BNF,
C’est sans doute au cours de la deuxième guerre mondiale – parce qu’à l’époque il s’agissait des rares lieux chauffés en permanence – que Sarraute conçut le rituel d’écriture qu’elle suivit presque jusqu’à sa mort, à 99 ans. Tous les matins, même le dimanche, elle se rendait à un café, « Le Marceau », avenue Marceau, à cinq minutes à pied de chez elle. Elle s’asseyait toujours à la même table et se faisait servir une tasse de café et un pot d’eau chaude. Elle se munissait de feuilles volantes, de ses cahiers de brouillon et de deux stylos feutres, au cas où l’un d’eux viendrait à lui faire défaut. Le café était tenu par des Libanais et les conversations en arabe, qu’elle ne comprenait pas, lui permettaient paradoxalement de se concentrer. Dans ce brouhaha ambiant, elle pouvait sans déranger murmurer ce qu’elle était en train d’écrire.
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Pour commencer à écrire, je me suis donc rendue dans la matinée dans un café non loin de chez moi, je me suis assise devant une fenêtre et j'ai pris un thé (évidemment). J'avais plusieurs objectifs d'écriture ce matin-là : écrire un peu dans mon journal, faire de l'écriture automatique puis me concentrer sur un appel à textes en anglais. Le tout sur papier, puisque Nathalie Sarraute écrivait sur feuilles.
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J'ai passé une dizaine de minutes sur mon journal, comme un échauffement. Puis, j'ai utilisé une autre de mes méthodes "d'inspiration" pour lancer une session d'écriture automatique : j'ai tiré au hasard une carte dans mon jeu de tarot (j'utilise Le Tarot surréaliste) et noté sa signification. Je suis tombée ce jour-là sur le 10 de bâtons, la suite des bâtons représentant la folie et le 10, selon Massimiliano Filadoro, le Blanc-Seing. J'ai pris quelques notes sur ce que ls significations données m'inspiraient, puis j'ai amorcé un récit.
Finalement, cette histoire m'a semblée parfaite pour intégrer mon recueil de nouvelles en cours d'écriture. J'en ai rédigé une page, puis j'ai échaffaudé un plan narratif assez vague pour me permettre une certaine liberté dans la rédaction. En tout, j'ai passé une heure sur ce début de nouvelle.
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J'ai terminé cette matinée d'écriture en me concentrant sur un appel à textes, celui du tout nouveau magazine littéraire & artistique Nowhere Girl Collective, fondé par Dakota Warren. Le thème de l'appel à textes de novembre est ouroboros, un symbole cyclique qui renvoie à l'auto-manducation, à l'autodestruction et au cycle de la vie. À partir de ce sujet, j'ai rédigé le premier jet d'un poème :
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Ayant rempli tous mes objectifs d'écriture pour la journée, je me suis alors rendue au cinéma pour voir Le Règne animal, réalisé par Thomas Cailley. La question du devenir-animal y rejoint celle du devenir soi et du coming of age, mêlant ainsi réflexion sur l'adolescence et, plus généralement, sur la nature humaine. J'ai beaucoup aimé ce film, très bien réalisé et qui aborde avec justesse la notion de deuil.
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Alors, plutôt Susan Sontag ou Nathalie Sarraute ?
Pour ma part, la routine de Sarraute m'a complétement séduite, et m'a qui plus est permise de trouver un café près de chez moi, parfait pour aller écrire dans un équilibré mélange de bruits ambiants et de silence, de mouvement et de tranquillité. Mes productions m'ont beaucoup plus plues que celles écrites la semaine dernière, dont je me suis très rapidement détachée ; j'ai amorcé une nouvelle qui me plaît bien plus que la précédente et je suis pour l'instant relativement satisfaite du poème écrit pour l'appel à textes.
Sur ce, l'on se retrouvera dans un prochain article.
Littérairement vôtre,
Ève
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Écrire comme Susan Sontag
Vous connaissez peut-être ces vidéos Youtube où le ou la vidéaste choisit d'essayer la routine d'écriture d'un•e écrivain•e célèbre : récemment, Dakota Warren a essayé celles de Virginia Woolf et d'Ernest Hemingway. C'est ce concept que j'ai décidé d'adapter pour inaugurer la partie labo d'écriture de ce journal en ligne. Et pour commencer, qui de mieux que Susan Sontag, dont j'ai dévoré Reborn (1947-1963), le premier volume de ses journaux — et à ce jour un de mes livres préférés ?
C'est dans le deuxième volume de ces fameux journaux, As consciousness is hardened to flesh (1964-1980) que Sontag prend, en 1977, une résolution :
Starting tomorrow — if not today: I will get up every morning no later than eight. (Can break this rule once a week.) I will have lunch only with Roger [Straus]. (‘No, I don’t go out for lunch.’ Can break this rule once every two weeks.) I will write in the Notebook every day. (Model: Lichtenberg’s Waste Books.) I will tell people not to call in the morning, or not answer the phone. I will try to confine my reading to the evening. (I read too much — as an escape from writing.) I will answer letters once a week. (Friday? — I have to go to the hospital anyway.)
Pour résumer : se lever avant 8h, cultiver sa solitude matinale, ne pas sortir pour le déjeuner, écrire dans son journal, attendre la fin de journée pour lire.
Concernant l'écriture dans son journal, Sontag identifie comme modèle les Waste Books de Lichtenberg. Ces Waste Books consistent en de petits carnets dans lesquels le philosophe traçait chacune de ses pensées, même les plus brèves, même les inachevées, même les moins intellectuelles. À l'origine, un waste book désigne un cahier de comptes, celui dans lequel les marchands britanniques notaient leurs transactions au cours de la journée pour ensuite les réécrire au propre dans leur livre de comptes. L'idée de Lichtenberg est donc de garder une trace des mouvements de la pensée au cours de la journée, mouvements qui pourront être ensuite abandonnés ou approfondis.
Pour "écrire comme Susan Sontag", telles seront donc les marches à suivre : se lever avant 8h, écrire le matin et en début d'après-midi, garder une trace dans un journal des différentes pensées qui nous traversent (même les plus insignifiantes), puis lire en fin d'après-midi.
une journée dans la peau de Susan Sontag
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J'ai commencé ma journée à 8h, à la lueur des bougies : en prenant mon petit-déjeuner, j'ai relu l'idée de nouvelle tracée dans mon carnet pour pouvoir en commencer la rédaction dans la matinée, puis j'ai lu un chapitre de ma lecture en cours (Le Fantôme de l'opéra de Gaston Leroux) le temps de boire mon thé.
À 9h a commencé ma première session d'écriture, pendant laquelle je me suis concentrée sur mon projet du moment, un recueil de nouvelles. J'ai relu les nouvelles déjà écrites puis j'ai écrit le début de la suivante (un peu plus de 400 mots).
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Pendant une (courte) pause, je suis tombée sur cette citation d'Éluard que je vous partage aussi :
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Vers 10h, j'ai enchaîné avec une deuxième session d'écriture. Pour changer un peu de sujet, j'ai décidé de faire le dernier atelier d'écriture de Laura Vasquez (je rêve d'en ouvrir un!). Coïncidence pratique pour l'unité de cet article, l'atelier en question était fondé sur une réflexion de Lichtenberg, dans Le Miroir de l'âme. La consigne était de partir d'énoncés tautologiques pour arriver à l'expression d'un "je" en lien avec ces évidences, en se laissant porter par ce qu'elles évoquent. C'est loin d'être l'un de mes meilleurs poèmes (je commence même déjà à le détester), mais voici ce que ça a donné pour moi :
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J'ai profité d'avoir fait cet atelier pour envoyer ce texte et les précédents à la revue des Ateliers d'écriture pour lesquels je devais aussi rédiger ma biographie d'auteur. (Gardez l'œil ouvert — un de mes poèmes y sera publié le 8 novembre !)
Enfin, j'ai terminé cette matinée d'écriture en me penchant, sur les coups de 11h, sur la rédaction de cet article, écriture beaucoup plus simple pour garder un peu d'énergie créative pour l'après-midi.
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En début d'après-midi, dernière session d'écriture de la journée : j'ai commencé celle-ci par un peu de scrapbooking pour m'inspirer. Pour cette page, je suis partie d'un extrait d'article du magazine Lire sur Paul Valéry et son amour de la mer. On peut y lire que pour lui, la nage, « qui se soutient et se meut en pleine poésie », devient « le jeu le plus pur » qui donne son rythme à l'écriture ; ou encore qu'il décrit la mer Méditerranée comme la « scène d'un théâtre où ne viendrait agir, chanter, mourir parfois, qu'un seul personnage : la lumière ! ». À partir de ce thème assez large, j'ai écrit un court texte en écriture automatique, intitulé La Traque :
Nager c'est donner son corps aux monstres, le leur offrir en pâture, un acte gratuit de générosité pure : prenez ce que j'ai de plus cher et morcelez-le jusqu'à faire disparaître ses mots. C'est l'abandon avant d'être le néant, le don avant la destruction. Comme tout sacrifice, la nage a son rituel : dévêtir le corps de ses artifices quotidiens ; "goûter l'eau", comme la grenouille entrant dans sa marmite ; accepter de laisser son esprit au plongeoir puis partir, vite — partir où ? fuir quoi ? Fuir le carnage des émotions humaines, convaincus que l'eau viendra lécher nos plaies. Fuir l'atrocité sociale en laissant sa langue à la surface. Surtout, se fuir soi, chaque claquement d'un bras contre l'eau turquoise nous obligeant à ressentir, à toucher, à croire. C'est bien de croyance qu'il s'agit : croire que l'on soigne sa tête malade en poussant les membres dans une tension animale ; croire que l'on fuit (pour de bon, cette fois) les mots qui nous hantent, comme s'ils ne nous attendaient pas, sagement, au bout de la ligne ; croire que perfectionner, jour après jour, les techniques les plus complexes nous sauvera, le jour venu, de la noyade. 
Enfin, j'ai terminé ma journée par de la lecture : je suis presque à la moitié du Fantôme de l'opéra qui pour l'instant me plaît beaucoup ; c'est une lecture (très) facile et parfaite pour la période automnale.
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Quant à ma soirée, je l'ai passée à nager dans une piscine à l'eau turquoise...
Littérairement vôtre,
Ève
P.S. : Rendez-vous dimanche prochain pour une autre routine d'autrice...
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à la recherche de mes lectures estivales
Après mon année de préparation à l'agrégation de lettres modernes, passée à lire et relire la même dizaine de livres au programme, j'ai (enfin) pu lire ce que je voulais, et la variété de mes lectures en témoigne. De la poésie à l'essai-fiction en passant par de la littérature contemporaine et même une pièce de théâtre, mes lectures ont été relativement diverses, parfois géniales et parfois moins... mais revenons-en au début.
Alors que j'étais à Paris, prête à passer mes oraux d'agrégation, et ayant terminé mon énième relecture du Temps retrouvé de Proust (mon bijou), j'ai lu une poignée d'ouvrages qui m'ont accompagnée pendant ces temps instables.
Lectures parisiennes
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Mon premier livre hors-agreg a été Roses d'acier. Chronique d'un collectif de travailleuses du sexe chinoises, écrit par le journaliste Rémi Yang (que j'ai interviewé) et publié chez Marchialy. De ce livre, j'ai déjà parlé dans un article publié chez Diacritik et que vous pouvez lire juste ici.
Emprunté dans une bibliothèque parisienne, j'ai ensuite lu L'Invitation de Claude Simon, un auteur que j'adore et qui ne m'a encore une fois pas déçue. L'Invitation, c'est cette description cryptique de ce qui ressemble à un voyage d'affaires, dans un pays et avec des personnes jamais nommées, par un narrateur qui se veut avant tout observateur, voire critique. C'est dans un entralcs de violence et de beauté, comme de passé et de présent, que Claude Simon construit ce récit court et linéaire, que je ne peux que recommander si vous désirez découvrir ce majestueux auteur.
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Enfin, et vous le verrez par la suite, j'ai entamé un petit périple dans les méandres de la littérature contemporaine grâce à la plateforme NetGalley, qui permet de recevoir des services presse en version électronique. La première étape de ce voyage a été Rétrécissement de Frédéric Schiffter, un roman dont le potentiel n'a malheureusement pas été exploité : j'en parle un peu plus en détail dans ma critique Goodreads.
Lectures de plage
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Qui dit lectures estivales dit lectures au bord de la mer, avec iode et odeur de crème solaire pour complimenter celle du vieux papier de mes livres d'occasion.
Acheté en frippe à Paris, Trois femmes suivi de Noces, recueil de nouvelles de l'écrivain autrichien Robert Musil (connu pour son Homme sans qualités), m'a suivi jusque dans le sud, où j'ai adoré son mélange glaçant et presque psychédélique de psychologie et de fantastique. Là encore, j'en ai parlé un peu plus en longueur dans une vidéo, où j'évoque aussi les deux lectures suivantes : celle de closer, baby, closer, un recueil de poèmes tout récent de la poétesse Savannah Brown, dont je ne cesse de chanter les louanges, et celle de la pièce de Jean-Paul Sartre intitulée Le Diable et le bon dieu, immense coup de cœur qui rejoint ma collection de livres traitant du sacré, de la foi, de la morale, le tout dans un ouragan de violence.
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Dans ma fièvre vingtièmiste, j'ai enchaîné avec Enfance de Nathalie Sarraute, autrice que je n'avais jusqu'ici jamais lue. Construite comme un dialogue entre le je et son alter ego, cette autobiographie non seulement promet un certain plaisir de lecture, mais s'inscrit dans une interrogation passionnante sur le double je et la diffraction narratoriale qui anime le genre biographique depuis, au moins, La Religieuse de Diderot. Une merveilleuse lecture de plage.
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Deuxième lecture contemporaine de l’été, moins ambivalente que la première : j’ai apprécié la narration captivante de Sorj Chalandon dans L’Enragé, ce roman qui raconte l’histoire véritable d’un adolescent qui, enfin parvenu à s’échapper du bagne, doit réapprendre à vivre avec la violence qui couve en lui. Le style n’est ni incroyablement beau ni incroyablement mauvais, les personnages sont bien construits ; arrivée dans le dernier tiers, j’avais même du mal à lâcher le livre.
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Acheté à Paris lui aussi, j’ai lu le recueil de nouvelles de Nabokov intitulé Mademoiselle O, du nom de la première nouvelle du recueil. C’est une autre facette de l’écrivain que l’on découvre ici, dans de courts récits pétris de souvenirs personnels et d’observations, mais aussi dans des histoires presque absurdes qui s’inscrivent parfaitement dans l’esthétique de l’auteur. Les nouvelles sont très courtes, une bonne façon de découvrir l’œuvre magistrale d’un des plus grands écrivains du XXe siècle.
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Et parce qu’un ouvrage du XXe en cache toujours un autre… j’ai profité de l’avoir trouvé en boîte à livres pour lire Une femme d’Annie Ernaux, autrice que j’ai lue à plusieurs reprises, dont je n’apprécie pas particulièrement le style mais que je me fais un devoir de lire morceau par morceau. Dans ce récit, court à son habitude, Ernaux raconte la vie de sa mère, son éducation, sa modeste ascension sociale puis sa contraction de la maladie d’Alzheimer. Mais elle évoque aussi ce genre littéraire singulier qui lui appartient et qui se situe entre la littérature et la sociologie, le livre ne proposant pas seulement le récit de la mort d’une femme mais aussi celui de la naissance de l’écriture d’une autre.
Enfin, éloignons-nous du roman le temps de mes dernières lectures de plage : j’ai lu Lise Deharme, cygne noir de Nicolas Perge, une biographie toute récente de la poétesse surréaliste éponyme dont je n’avais auparavant jamais entendu parler. De son enfance à sa rencontre avec André Breton, en passant par sa multitude d’œuvres artistiques et littéraires, Perge raconte, en mêlant enfance, vie adulte et vieillesse, la vie mouvementée d’une autrice oubliée et pourtant essentielle à l’évolution du surréalisme en France. À lire, avant ou après la lecture de ses livres à elle.
Tes yeux sont deux cratères / de lave et de gouffres ouverts / semés d'étincelles et de feu / Tes yeux sont deux mondes perdus — Lise Deharme, Cahier de curieuse personne (1937)
À la biographie a succédé la philosophie, puisque j’ai lu Le Mythe de Sisyphe de Camus (il était temps !). Si les premières parties sur le suicide et la morale étaient certes intéressantes, j’ai surtout aimé les dernières parties, celles où l’auteur traite de littérature, et notamment des œuvres de Dostoïevski et de Kafka — mes deux écrivains adorés.
L’été prend fin
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Entre la préparation des cours et les formations, plus le temps de lire autant qu’au plus fort de l’été. Mes dernières lectures estivales ont été plus brèves, à commencer par le nouveau roman de Han Kang, Impossibles adieux, que j’ai abandonné (ironie du sort) au premier tiers. Son récit était haché, mal construit, trop peu envoûtant ; sa valeur esthétique semblait reposer sur la répétition d’un seul et unique motif, comme si l’autrice n’avait voulu écrire qu’à partir d’une image jusqu’à la vider de toute puissance stylistique ou émotionnelle.
Après cette déception, retour vers une valeur sûre : j’ai enfin lu les Journées de lecture de Proust, cette préface à sa traduction de Sésame et les lys de Ruskin. Outre le plaisir de retrouver les amples phrases de Proust, le livre est empli d’une douceur nostalgique puisqu’il revient sur des souvenirs de lectures d’enfance, sur la beauté qu’ils contiennent et sur ce que la lecture a d’unique pour le développement d’un esprit. C’est loin d’être le meilleur de ce qu’a fait Proust, mais c’est une lecture courte qui permet de voir, déjà, les germes de la Recherche.
Il n'y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passé avec un livre préféré.
Mon dernier livre de l'été fut L'Abîme, un roman contemporain de Nicolas Chemla, que j'ai... abandonné. Que n'était mon enthousiasme, pourtant, au début de ma lecture, lorsque j'ai vu ces phrases longues, ces mots envoûtants, cette intrigue prometteuse...! Malheureusement, cet enthousiasme s'est rapidement dégonflé quand le narrateur est devenu, peu à peu, puis tellement que je ne pouvais plus passer outre, l'archétype même du "vieux con réac'", qui déteste tout et tout le monde, sauf son chat qu'il passe des pages et des pages à décrire — quand il ne nous fait pas un descriptif exhaustif de toutes les publicités qu'il croise sur Google. J'ai dit ma déception sur Goodreads, mais pour résumer : abstenez-vous.
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Nota bene : pour la magistrale renaissance de ce blog, je lui ai ajouté une section "labo d'écriture", où vous pourrez (bientôt) retrouver des textes et poèmes signés de ma plume.
Littérairement vôtre,
Ève
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mes meilleures lectures de 2021
J'ai lu un total de 60 livres en 2021, parmi lesquels se trouvaient des incontournables, tels que Jane Eyre de Charlotte Brontë, et d'autres ouvrages bien plus discrets, comme le recueil poétique Trois rencontres de Vladimir Soloviev. Pour vous, j'en ai sélectionné 6 qui ont été mes plus belles découvertes littéraires de l'année — des livres que je vous souhaite de découvrir à votre tour et au plus vite.
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1. l'iliade (homère, viiie s. av. j.-c.)
Je me suis considérablement étendue sur ce livre dans un précédent article donc je resterai brève, mais ma lecture de L'Iliade fut sans conteste ma meilleure lecture de l'année. Tout, de cette prose poétique homérique aux images répétitives de sang, d'eau, de mort mais aussi de vie m'a plue et marquée, bien plus que ce à quoi je m'attendais. Difficile de recommander L'Iliade qui fait probablement partie des livres les plus conseillés et discutés au monde, mais s'il est encore aussi présent dans notre culture et notre imaginaire littéraire, c'est pour d'excellentes raisons.
→ voir mon article
2. naked lunch (burroughs, 1959)
Naked Lunch, c'est l'effervescence narrative du XXe siècle mêlée à l'effervescence personnelle des membres de la Beat Generation. Dans ce roman à l'esthétique à la fois épileptique et rabelaisienne, Burroughs donne à voir un monde sous-terrain (celui des drogués, des gays, des pauvres, des minorités en somme) dans ce qu'il a de plus absurde : avec les hallucinations et la paranoïa quotidienne des junkies viennent des histoires d'orgies où plaisir et mort s'entremêlent, de chirurgiens aux ambitions "frankensteinesques", plus généralement un sentiment généralisé de pure délire frôlant tantôt l'hilarant, tantôt l'angoisse de la redescente. Un chef-d'œuvre, tout simplement.
“You can smell it going in, clean and cold in your nose and throat then a rush of pure pleasure right through the brain lighting up those C connections. Your head shatters in white explosions. [...] This is a yen of the brain alone, a need without feeling and without body, earthbound ghost need, rancid ectoplasm swept out by an old junky coughing and spitting in the sick morning.”
3. la nausée (sartre, 1938)
Sachez-le : je déteste Sartre, Camus, et toute cette littérature brutale et aseptisée de la première moitié du XXe siècle. Et pourtant, j'ai trouvé dans La Nausée quelque chose de profondément poétique : l'errance existentielle du narrateur est intime et universelle, sa sensibilité est celle de l'artiste qui ne peut voir le monde sans se sentir immédiatement en retrait des autres et de sa propre existence. Il m'a été vendu (par ma très chère Emma) comme « le À Rebours du XXe siècle » et quelle ne fut ma surprise quand je me suis rendue compte que je préférais à un livre du XIXe siècle son petit frère vingtièmiste ...! J'ai particulièrement aimé un passage très distinct, celui où l'interlocutrice du narrateur évoque sa recherche frénétique du moment parfait... qu'elle finit par abandonner lorsqu'elle se rend compte que la vie réelle ne s'élève jamais à hauteur de notre imagination. C'est toujours cette brutalité assez rabat-joie des vingtièmistes mais avec une compassion et une tristesse qui donnent à ce roman son caractère si particulier.
« Et moi aussi j’ai voulu être. Je n’ai même voulu que cela ; voilà le fin mot de ma vie : au fond de toutes ces tentatives qui semblaient sans liens, je retrouve le même désir : chasser l’existence hors de moi, vider les instants de leur graisse, les tordre, les assécher, me purifier, me durcir, pour rendre enfin le son net et précis d’une note de saxophone. Ça pourrait même faire un apologue : il y avait un pauvre type qui s’était trompé de monde. »
4. le roman inachevé (aragon, 1956)
Un peu de poésie pour varier les plaisirs : j'ai lu cet été Le Roman inachevé d'Aragon (qui est bel et bien un recueil de poèmes) et je l'ai énormément aimé. Ce ne sont pas les poèmes dans lesquels Aragon joue inlassablement des répétitions et des sons (Dieu sait que j'aime beaucoup moins cette partie-là de son œuvre poétique) mais ce sont des poèmes d'une beauté souvent hors-monde, où l'amour et la poésie ne cessent d'être célébrés — il m'a rappelé quelquefois la poésie de Genet dans Le Condamné à mort et autres poèmes, un de mes livres favoris lus en 2020 et un de mes livres favoris tout court.
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5. les nuits blanches (dostoïevski, 1848)
Dostoïevski étant un de mes auteurs chéris, c'est sans surprise que j'élève une fois de plus un de ses livres au rang de meilleure lecture de l'année. Les Nuits blanches est un court récit centré sur un rêveur, sa rencontre avec une femme, leurs conversations, leurs promenades, ses pensées obsessives pour ces dernières et puis, toujours, en arrière-fond, ce doute : ne serait-il pas en train de rêver ? Ce personnage, c'est celui qui tend à préférer les rêves à la vie, qui se perd avec délectation et une tristesse sourde dans ses mondes inventés, lové dans un confort jamais tangible. Dostoïevski, avec son acuité incroyable lorsqu'il s'agit de créer des caractères, fait ici le portrait-type du lecteur, dans une prose toujours aussi merveilleuse.
« La nuit est tombée dans sa chambre ; son cœur est vide et triste ; tout un royaume de rêveries est en train de s’effondrer autour de lui, s’effondrer sans trace, sans bruit et sans fracas, vient de passer comme une image de songe, et lui, il ne se souvient pas lui-même de quoi il a rêvé. Mais une sorte de sensation obscure, qui fait gémir et trouble sa poitrine, une sorte de désir nouveau attire, chatouille, excite sa fantaisie et convoque imperceptiblement tout un essaim de fantômes nouveaux. »
6. risibles amours (kundera, 1969)
Sur ce recueil de nouvelles non plus je ne m'attarderai pas, puisque j'ai déjà développé ce que j'en pensais dans une vidéo (de 17 minutes, qui plus est) — je vous dirai seulement que je l'ai dévoré et que j'ai été happée par toutes ces histoires d'amours naissantes, finissantes, interrompues en cours de route ou changées à jamais par des fictions personnelles.
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Mentions spéciales
En poésie : les recueils Trois rencontres de Vladimir Soloviev, Requiem d'Anna Akhmatova et Ariel (The Restored Edition) de Sylvia Plath.
Au théâtre : le fameux Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand.
Pour les romans, nouvelles et entre-deux fictionnels : À Rebours de Huysmans, Behind a Mask de Louisa May Alcott, Le Journal d'un fou de Nikolaï Gogol et Les Diaboliques de Barbey d'Aurevilly.
Enfin, un essai (et non des moindres) à la fois politique et autobiographique : Le Consentement de Vanessa Springora.
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l'iliade d'homère (VIIIe s. av. J.-C.)
J'ai tenté plusieurs fois (deux, pour être exacte) de lire L'Iliade, cette épopée grecque à l'origine de toute création poétique, célèbre pour les épithètes et les métaphores de son auteur, mais la traduction que j'avais alors ne me plaisait guère — elle était en prose, d'une part, et je supporte très mal l'idée de traduire des vers en prose ; elle était probablement de piètre qualité, d'autre part, parce qu'un récit qui a su rester après tant de siècles passés ne peut pas me tomber des mains aussi facilement. J'ai alors écouté les personnes qui me conseillaient la traduction de Philippe Brunet, et c'est ainsi que j'ai pu découvrir la poésie d'Homère dans tout ce qu'elle a de grandiose.
L'Iliade est une épopée en 24 chants qui s'ouvre sur la dispute d'Achille et d'Agamemnon, dispute qui propulse Achille dans une colère telle qu'il se retire du combat alors même que les Achéens sont en pleine guerre de Troie. Elle se clôt sur la mort d'Hector et ses funérailles, Hector tué par Achille qui, après la tragique mort de Patrocle, finit par rejoindre le combat.
I— la mort
Un des éléments les plus marquants, dans ce récit de guerre, est le traitement qui est réservé à la mort : dans le fracas répété des armes et des coups (souvent) mortels, la mort surgit et arrête le temps, se donnant à voir dans ce qu'elle a de plus corporel. Homère montre la mort physique, du coup qui la déclenche au moment où la vie sort du corps tombé à terre :
Ce n'était pas un homme au cœur doux, aux pensées délicates, / mais farouche ! L'autre touchait ses genoux, de ses paumes, / pour l'implorer, mais lui, dans le foie, le frappa de son glaive, / et son foie glissa, le sang noir gicla sur ses membres, / inondant son bassin ; et l'ombre voila ses prunelles, / l'air lui manquant. [...] Et l'autre attendit, la main tombante, / voyant venir la mort. Le frappant de son glaive à la nuque, / il envoya promener la tête et le casque ; et la moelle / jaillit soudain des vertèbres. Il s'étendit sur la terre.
Le sang est omniprésent dans L'Iliade. Il coule entre les vers dans un enchaînement meurtrier de combats mi-humains, mi-divins, l'éparpillement de sang prolongeant le mouvement des épées jusque dans la chute inévitable du corps. C'est la guerre dans sa violence la plus inouïe et la plus cruelle qui est décrite, avec l'acharnement de la répétition, par Homère ; et c'est ce choix poétique de chanter véritablement la guerre qui fait de L'Iliade un enchaînement successif, presque continuel, d'hypotyposes.
Le Phyléide s'était rapproché : ce lancier vaste-gloire / lui planta sa lance pointue au travers de la nuque, / droit au milieu des dents, lui tranchant la langue du bronze. / Il s'effondra, ses dents sur le bronze froid retentirent.
Ces morts visuelles, au détail presque scientifique, présentent la mort telle qu'elle est : les métaphores et comparaisons se font plus rares, donnant à voir au lecteur la réalité de ce qui attend tout homme ou, du moins, tout soldat. La mort, ici, n'est pas un après, elle est seulement la fin de la vie, la chute du corps qui perd toutes ses fonctions et ce jusqu'à la vue, voilée par la Moire.
Malgré tout, certaines morts, aussi, sont d'une beauté étrangement calme :
L'autre reculait ; il toucha le fond de sa gorge, / en appuyant de sa lourde paume, en frappant avec force. / Tout son cou délicat fut traversé par la pointe, / il tomba pesamment, ses armes d'airain résonnèrent. / Et se mouillèrent de sang ses cheveux pareils aux Charites, / et, serrées d'or et d'argent, ses couettes à taille de guêpe. / Comme un homme nourrit un plant d'olivier, magnifique, / dans un champ solitaire, où l'eau ruisselle, abondante, / un jeune plant florissant et beau, que bercent les brises / selon le vent : il se couvre de blanches fleurettes écloses. / Mais survient soudain un vent soufflant en rafales, / qui d'un coup l'arrache au sol et l'étend sur la terre. / Tel fut le fils de Panthoos, Euphorbe âpre-frêne, / quand Ménélas l'occit, voulant le priver de ses armes.
II— la métaphore maritime
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La mer dans L'Iliade habite un bon nombre de métaphores, tout au long du récit. C'est le flot des guerriers se ruant sur leurs adversaires, le guerrier mugissant qui gagne en puissance tandis qu'il se rue sur l'armée ennemie ; c'est aussi le fleuve Scamandre contre lequel se bat Achille enragé et au comble du désespoir, c'est la fuite toujours fantasmée des Achéens qui ne peuvent rentrer chez eux que par bateaux. Dans l'épopée indéniablement terrestre qu'est L'Iliade (les guerriers s'affrontent sur terre, tombent face contre terre, disparaissent dans la poussière avant, pour ceux qui ont cette "chance", d'être enterrés selon la tradition), les flots de sang et le grondement des eaux hantent l'imagerie dans laquelle évolue le récit.
Lui, éclairé partout par le feu, bondissait sur la foule, / et tombait comme tombe le flot sur la barque rapide, / lorsque le gonfle le vent sous les nuages ; toute la barque / disparaît sous l'écume, le vent par rafales terribles / fait mugir le mât ; les marins, en leur âme, frémissent, / épouvantés ; il s'en faut de peu que la mort ne les prenne ; / ainsi le cœur des Achéens se fendait dans leur torse.
La guerre peut, comme la mer, se montrer violente, imprévisible et déchaînée ; elle nourrit l'image du débordement qui habite L'Iliade et participe de ce qu'on pourrait appeler une « épopée des passions » où le flux et le débordement des émotions humaines (ou divines) sont au centre du récit, l'habitent en même temps qu'elles l'influent.
III— une épopée des passions
Plus qu'une épopée guerrière, L'Iliade est un tableau des passions humaines et divines, passions qui débordent, s'entrechoquent, s'opposent puis se réconcilient. La fameuse colère d'Achille, l'orgueil d'Agamemnon, l'ardeur courageuse mais aussi la peur des guerriers face à l'ennemi et la mort, le désespoir endeuillé qui suit la mort de Patrocle puis l'empathie d'Achille envers la famille d'Hector ; toutes ces émotions bouillonnent, dirigent les actions ou l'immobilisme des personnages ensuite réveillés ou calmés par les dieux, qui eux-mêmes existent dans une cacophonie d'émotions.
Achille et Patrocle
Les deux premiers tiers du texte se font sans Achille qui, blessé par l'autoritarisme d'Agamemnon, reste ruminant dans sa tente avec Patrocle pendant qu'autour d'eux gronde la guerre. Contre le champ de bataille où les morts se succèdent dans les deux camps opposés, la tente se fait espace de paix, presque idyllique, où Achille et Patrocle ne sont pas soumis aux passions destructrices des hommes. Ainsi lorsque Ulysse et ses compagnons se rendent dans la tente d'Achille pour l'exhorter à combattre, ils le trouvent jouant de la lyre en compagnie de Patrocle :
Tous deux longeaient le rivage de l’onde retentissante, / ils suppliaient l’Ébranleur du sol, le Socle des terres, / de persuader doucement le cœur superbe d’Achille. / Tous deux gagnaient les baraques, les baraques myrmidoniennes. / Ils le trouvèrent charmant son cœur sur sa lyre bruyante / — fine, ciselée, avec sa traverse argentine : / il l’avait prise au trésor d’Éétion, au moment du pillage, / et en charmait son cœur, donnant voix à la geste des hommes. / Face à lui, Patrocle, tout seul, gardait le silence, / guettant l’instant où le chant finirait sur les lèvres d’Achille.
Mais l'acmé véritable du déchaînement des passions, dans la relation entre Achille et Patrocle comme dans l'épopée entière, intervient après la mort de Patrocle, lorsque Achille en prend connaissance et plonge dans une spirale de désespoir et dans une rage vengeresse folle qui le conduisent même à perdre le sommeil :
Seul Achille / pleurait, se souvenant de son cher compagnon, et, rebelle / à l'indomptable sommeil, se tournait d'un côté, puis de l'autre, / regrettant le courage et la noble vigueur de Patrocle, / et l'écheveau des douleurs, avec lui déroulées et souffertes, / à travers les combats de guerriers et la mer douloureuse. / Se souvenant, il venait à verser abondance de larmes, / quelquefois couché sur le flanc, quelquefois au contraire / sur le dos, d'autres fois sur le ventre : ou le long de la rive, / il se levait, pour errer, éperdu, sans manquer une seule / fois l'Aurore naissant au-dessus de la mer et des côtes.
La mer qui se fait, dans L'Iliade, incarnation des passions débordantes, devient ici une mer douloureuse, à l'image de la souffrance qui hante les nuits d'Achille, soudain seul. Dans un parallèle aux nombreux guerriers tombés lors du combat, Achille est dépeint dans une position allongée, il se roule dans la cendre comme eux s'écrasent dans la poussière et, là où la Moire clôt les paupières des morts, c'est « la noire nuée du chagrin » qui voile celles d'Achille :
Alors la noire nuée du chagrin voila ses paupières. / De l'une et l'autre paume, dans l'âtre, il prit de la cendre, / s'en versa sur la tête, souilla son noble visage. / Noire, la cendre tachait sa tunique nectaréenne. / Et roulant, s'étalant de tout son long dans la poudre, / il s'arrachait les cheveux, et les souillait de ses paumes. [...] / Antiloque, à côté, gémissait, versait force larmes, / tenait les mains d'Achille pleurant en son âme farouche : / il redoutait que du fer il ne se tranchât la gorge.
Le héros semble ici rejoindre Patrocle dans un substitut de mort : c'est la mort métaphorique, psychologique que provoque le deuil soudain sur l'âme. Sur l'insomnie endeuillée d'Achille, sur l'homosexualité latente de sa relation avec Patrocle et sur la réception de cette dernière, Philippe Brunet écrit :
Les vers sur l'insomnie d'Achille ont fait couler beaucoup d'encre. Des savants alexandrins comme Aristophane de Byzance et Aristarque les ont marqués de l'obel pour les athétiser. Dans sa tragédie perdue, Les Myrmidons, Eschyle s'exprime sans ambiguïté sur la relation charnelle d'Achille et Patrocle. Dans le Contre Timarque, l'orateur Eschine évoque au contraire la pureté de leur amitié chez Homère [...]. Pour Platon, dans le Banquet, et pour les Grecs des Ve-VIe siècles, Achille, le plus jeune, était l'éromène, et Patrocle, l'éraste. Mais dans L'Iliade, Achille est le plus âgé, puisque Ménoitios lui a confié Patrocle. La dignité sublime du poème n'exclut évidemment pas la passion.
L'épisode de la souffrance d'Achille est central dans L'Iliade et fonctionne en écho avec sa colère initiale. Car plus qu'une épopée guerrière, L'Iliade est avant tout un discours sur les passions qui nourrissent la guerre ; or, c'est la colère orgueilleuse d'Achille (donc son refus de se battre) qui propulse d'abord les Achéens vers la défaite ; puis c'est son désespoir (et avec lui, le désir de vengeance) qui conduit au terrassement d'Hector et à la victoire provisoire sur les Troyens. C'est aussi grâce aux deuils respectifs d'Achille et de Priam (le père d'Hector) qu'Homère dit l'empathie possible malgré tout, au-delà de la guerre et de la violence : « À ces mots, [Achille] prit la main du vieillard [Priam], sa main droite, / par le poignet, pour qu'il ne redoute rien dans son âme. » La communauté dans la douleur, pendant un bref instant, envahit l'âme et efface toute dissension politique.
Dans l'épopée des passions, la douleur d'Achille endeuillé se transforme peu à peu en une rage vengeresse, de même que sa colère envers Agamemnon s'était faite passivité orgueilleuse et indifférente :
Au milieu, Achille passait son armure. / Et ses dents, à grand bruit, claquaient ; ses pupilles jumelles / étincelaient de l'éclat du feu ; la douleur détestable / s'enfonçait dans son cœur. Avide de guerre troyenne, / il enfonçait les dons façonnés par les paumes divines.
L'Olympe
Les dieux dans L'Iliade régissent la guerre : ils dévient les flèches ou réajustent les tirs selon leurs préférences pour tel ou tel guerrier, ils font périr celui qui a blessé leur héros favori et se mutinent presque contre Zeus lorsqu'il leur ordonne de ne pas intervenir dans une guerre dont il connaît déjà l'issue fatale. Toutes ces interventions sont elles-mêmes le résultat de passions, de colère ou d'orgueil, de tristesse ou de joie ; cependant, plus que des personnages soumis aux passions humains, les dieux semblent incarner l'instabilité même de ces passions et du monde terrestre, où règnent le hasard et la coïncidence.
Ainsi les dieux grecs sont moins des divinités que le fruit d'un anthropomorphisme de l'incertitude bancale qui régit le monde humain : les coups ratés, les tirs réussis, la présence ou l'absence d'un guerrier disent le hasard du quotidien ; les guerriers retrouvant force et courage après avoir été encouragés par Athéna ou Poséidon, ceux perdant pied face à un ennemi à l'ardeur renouvelée disent la fluctuation profondément humaine des passions et, plus généralement, des émotions, sources mêmes de tout acte.
Il est indéniable que la présence des dieux grecs chez Homère constitue avant tout une évidence religieuse et culturelle ; cependant, leurs apparitions dans l'épopée et le rôle de guide qu'ils incarnent auprès des héros de L'Iliade les font centraux dans des lectures moins culturelles de l'ouvrage : ils sont ainsi ancrés dans une lecture psychologique de ce que j'ai appelé, avec redondance certes, une épopée des passions ; ils sont aussi primordiaux dans une lecture métapoétique du texte qui célèbre le pouvoir incommensurable de la parole.
Le pouvoir du dit
À la source des nombreuses passions qui grandissent ou terrassent les personnages de L'Iliade se trouve la parole : c'est l'ordre d'Agamemnon qui enrage Achille, les encouragements des dieux ou des guerriers les plus braves qui redonnent de l'ardeur aux troupes, les paroles prophétiques de Zeus ou de Patrocle qui voit le destin d'Hector, voire la poésie d'Homère qui redonne vie à une guerre depuis longtemps finie, dans ce qui se présente comme une longue hypotypose.
Les formules sont nombreuses qui disent le pouvoir des paroles, directes ou rapportées : « À ces mots, il bondit » ; « À ces mots, le dieu rallia les besognes des hommes » ; « À ces mots, il franchit le fossé »...
Le premier, Ulysse, rival de Zeus pour la ruse, / par le vieux cavalier Nestor fut tiré de son somme, / par son cri : aussitôt, l'appel entra dans son âme. / Il sortit de son gîte et leur lança ces paroles : / « [...] Quelle grande urgence vous presse ? » / Le cavalier Nestor, l'Ancien, lui dit en réponse : / « [...] suis-nous, allons en réveiller d'autres, capables / de décider au conseil s'il faut s'enfuir ou combattre. » / Il rentra un instant, Ulysse aux ruses nombreuses, / prendre son bouclier diapré, puis sortit les rejoindre.
De même, les prières des hommes aux dieux leur assurent un soutien surhumain qui penche la faveur sur un camp après l'autre : la seule parole qui échoue, c'est celle du guerrier suppliant l'ennemi qui s'apprête à l'occire — la parole, malgré tout, ne peut surpasser la violence et encore moins la soif de vengeance.
IV— notes sur l'édition
Comme dit au début, la traduction de Philippe Brunet est de loin la meilleure — bien que je ne l'ai pas comparée à beaucoup d'autres, et encore moins au texte grec. Son édition, aussi, est d'une qualité rare, notamment pour les moins familiers ou familières à l'œuvre d'Homère : chaque chant est précédé d'une page d'introduction où Brunet donne sa teneur : « le chant 5 est celui du commencement de l'action », le chant 7 est « le cœur du poème ». Surtout, il met au jour les parallèles existant entre les deux épopées homériques que sont L'Iliade et L'Odyssée : « Le chant 8 offre dans les deux épopées un sommet d'émotion particulier », « Le chant 23 donne tout son sens à L'Iliade et L'Odyssée. » Avec un tel éclairage, L'Iliade prend tout son sens, dans une traduction qui la rend aussi vivante et poétique en français qu'elle devait l'être en grec.
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Text
le lesbianisme politique. histoire, théorie, pratique
“My God, who wouldn’t want a wife?” – Judy Syfers, I Want a Wife, 1971
Le lesbianisme politique, qu’est-ce que c’est, au juste ? Car ces deux termes ont beau enflammer les réseaux sociaux et créer moult débats dans les milieux féministes et LGBTI+, personne ne semble prendre réellement le temps de les définir – or, s’il y a bien quelque chose qui me frappe par son improductivité évidente, c’est précisément le fait de débattre d’une chose que l’on ne comprend pas, voire que l’on ne prend même pas la peine d’essayer de comprendre. 
C’est pour cette raison exacte et, plus généralement, parce que le sujet me passionne, que je viens aujourd'hui dresser un tableau – synthétique, certes, mais qui se veut clair et nécessaire à une compréhension basique du sujet – du lesbianisme politique, de son histoire, de la théorie qu’il défend et des moyens de sa mise en pratique. Et si le format écrit vous intimide ou vous ennuie, n’hésitez pas à aller voir ma vidéo sur le sujet. 
0. définitions
Commençons donc par définir les concepts nécessaires à la bonne compréhension du sujet et des développements qui suivront : 
Tout d’abord, le lesbianisme, qui s’oppose à l’hétérosexualité (attirance romantique ou sexuelle pour le genre opposé du sien) et diffère de la bisexualité (attirance peu importe le genre de la personne en face), désigne l’attirance sentimentale ou sexuelle éprouvée par une femme pour une autre femme, et ce exclusivement : la lesbienne, contrairement à la femme bi(sexuelle), ne peut être attirée par un homme. On parle aussi d’homosexualité féminine ou de saphisme, en référence à Sappho, poétesse grecque du VIIe siècle av. J.-C. connue pour ses amours lesbiennes.
> Sappho, « À une femme aimée » (trad. E. Falconnet) :
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Le matérialisme (historique ou dialectique) est une théorie marxiste formulée par Marx et Engels (auteurs du Manifeste du parti communiste de 1848) au XIXe siècle. C’est une philosophie de l’histoire « selon laquelle les événements historiques sont déterminés non pas par des idées mais par des rapports sociaux » (Wikipédia). Elle place la lutte des classes au centre de l’histoire et en fait un rapport de force sous-jacent aux relations humaines.
Le féminisme matérialiste est un mouvement féministe radical, issu de la deuxième vague féministe (années 1960). Cette deuxième vague se concentre sur la place de la femme dans la sexualité et la famille, s’intéressant ainsi notamment aux violences conjugales et, plus généralement, misogynes. Le courant matérialiste met les outils du marxisme au service du féminisme : ainsi le patriarcat est théorisé comme un système social et politique et les rapports hommes-femmes sont abordés comme une opposition sociale, et non biologique. À l’instar du marxisme qui vise à l’abolition des classes sociales, le féminisme matérialiste cherche l’abolition des classes « genrées » et, par extension, du genre lui-même.
Enfin, le lesbianisme politique (ou « lesbianisme radical ») est un courant rattaché au féminisme matérialiste en ce qu’il prône la lutte contre le patriarcat en tant que système politique. L’idée majeure du lesbianisme politique, idée que l’on développera ici, est que cette lutte peut se mener au niveau individuel, via le refus de soutenir l’hétérosexualité et de relationner (= entretenir des relations) avec les hommes. 
Pour développer correctement cette idée et vous apporter un contexte nécessaire à sa compréhension, cette étude non-exhaustive du lesbianisme politique via ses textes phares se fera en trois temps : d’abord, l’histoire de sa naissance et de son développement ; ensuite, l’exposition de sa théorie et de ses principes politiques ; et, enfin, les moyens de sa mise en place ainsi qu’une brève démonstration de son utilité pratique et individuelle.  
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photo : https://commiepinkofag.org/post/84429787341/radicalesbians-1970s 
1. histoire
“Feminism is the theory, lesbianism is the practice.” – attributed to Ti-Grace Atkinson (Chicago Women's Liberation Union pamphlet, Lesbianism and Feminism, 1971).
Le féminisme étasunien puis occidental s’est construit en plusieurs « vagues » ou mouvements : 
première vague (milieu du XIXe siècle) : ce féminisme, qui surgit avec la révolution industrielle, est centré sur l’obtention du droit de vote et du droit de travail et est majoritairement bourgeois, libéral et essentialiste (l’essentialisme correspond à la pensée selon laquelle le genre est une réalité biologique : il n’y a donc pas de distinction faite entre sexe et genre, et pas de remise en question des rôles de genre dits gender roles).
deuxième vague (années 1960-70) : elle prend place après la Seconde guerre mondiale et cherche, non plus le compromis de la première vague, mais le renversement du système patriarcal en tant que tel. Le féminisme se divise rapidement en plusieurs courants qui se complètent ou s’opposent (certaines féministes critiquent l’institution du mariage, d’autres souhaitent une continuation des objectifs de la première vague, etc.) et il se diversifie au contact des combats des militant·e·s antiracistes et/ou LGBTI+. Ce courant se concentre notamment sur la question de la sexualité des femmes via des débats sur la contraception ou (entre autres) la notion de maternité.
troisième vague (années 1980) : c’est la généralisation de l’intersectionnalité ou convergence des luttes, qui observe un croisement entre les différentes discriminations et prône un féminisme à même de prendre en compte ces croisements (féminisme noir ou afro-féminisme, féminisme queer, ouvrier, etc.). 
quatrième vague (années 2010) : elle désigne l’engouement renouvelé pour le féminisme grâce aux réseaux sociaux. Cette vague se concentre notamment sur la lutte contre le harcèlement et les agressions sexuelles et est incarnée, entre autres, par le mouvement #MeToo. 
> Pour en savoir un peu plus sur les vagues du féminisme, c’est par ici.
La période qui nous intéresse ici, c’est donc celle des années 1960-80 (deuxième et troisième vagues), pendant lesquelles naît le lesbianisme politique. S’il commence à se développer pendant la deuxième vague, la plupart de ses textes phares sont publiés durant la troisième vague féministe : on pense à Compulsory Heterosexuality and Lesbian Existence d’Adrienne Rich (1980) ou encore à Love Your Enemy? The Debate Between Heterosexual Feminism and Political Lesbianism de Sheila Jeffreys (1981). 
Les années 1960 et 1970 ont constitué un moment particulièrement fructueux pour la pensée marxiste où se sont ouvertes de nouvelles voies à la suite de l’effondrement du stalinisme dans les années 1950. [...] Un tel contexte a favorisé l’éveil de nouvelles théories autour de plusieurs phénomènes ou auteurs qui avaient été passés sous silence par l’orthodoxie marxiste-léniniste. [...] De nouveaux thèmes élargissent le champ de la réflexion: la réalité des sociétés dites « primitives », la culture, les femmes, la question raciale, autant de perspectives nouvelles qui vont remettre en cause un certain type de marxisme. 
Dans ce contexte, de nombreuses femmes ont commencé, à partir des années 1960, à interroger la façon dont la gauche avait thématisé jusqu’alors la « question des femmes ». De larges secteurs du mouvement féministe de la deuxième vague ont recours au marxisme, de façon plus ou moins orthodoxe, pour développer de nouvelles théorisations. [...] Il fallait élaborer de nouvelles approches théoriques capables de rendre compte de l’oppression des femmes sur de nouvelles bases.
– Maira Abreu, « De quelle histoire le ‘féminisme matérialiste’ (français) est-il le nom? » (2017)
2. théorie
En 1971 est publié le pamphlet Lesbianism and Feminism, distribué par l’union de libération des femmes de Chicago (CWLU). Bien que quelque peu daté, il propose une réflexion nécessaire sur les rapports entre féminisme et lesbianisme dans les années 1960-70, et tente de définir la place de ce dernier dans le mouvement féministe en répondant à des questions telles que : peut-on être féministe sans être lesbienne ? être lesbienne suffit-il à lutter contre le patriarcat ou à s’extraire du schéma hétéronormatif de notre société ? etc. 
“I am suggesting that heterosexuality, like motherhood needs to be recognized and studied as a political institution” – Adrienne Rich
« Ce que je suggère, c’est que l’hétérosexualité, de même que la maternité, doit être reconnue et étudiée en tant qu’institution politique »
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> photo : http://le-beau-vice.blogspot.com/2012/03/adrienne-rich-1929-2011.html 
C’est en 1980 qu’Adrienne Rich, théoricienne féministe matérialiste, publie Compulsory Heterosexuality and Lesbian Existence, un article majeur et central dans le développement du lesbianisme politique, traduit en français sous le titre « La contrainte à l’hétérosexualité et l’existence lesbienne » (in La Contrainte à l’hétérosexualité et autres essais, 2010). Dans cet article, elle s’intéresse aux discours féministes de l’époque, plus ou moins ignorants de la notion de lesbianisme, et ramène cette ignorance constatée et ce rejet du lesbianisme par les féministes elles-mêmes à ce qu’elle nomme compulsory heterosexuality (« l’hétérosexualité obligatoire ») ou prescriptive heterosexuality (« hétérosexualité prescrite »). Elle définit ce concept, central dans la pensée mat��rialiste, comme le résultat de “the enforcement of heterosexuality for women as a means of assuring male right of physical, economical, and emotional access” (« la contrainte à l’hétérosexualité pour les femmes comme un moyen d’assurer le droit des hommes à un accès [aux femmes] physique, économique et émotionnel ») ; contrainte qui se met en place via le culte de la maternité, l’invisibilisation du lesbianisme qui fait de l’hétérosexualité la seule option possible ou encore l’affirmation de la supériorité de l’homme (intelligence, rationalité, objectivité...). 
“for women heterosexuality may not be a "preference" at all but something that has had to be imposed, managed, organized, propagandized, and maintained by force” – Adrienne Rich
« pour les femmes l’hétérosexualité n’est peut-être même pas du tout une “préférence” mais quelque chose qui doit être imposé, dirigé, organisé, loué par la propagande et maintenu par la force »
L’hétérosexualité obligatoire, pour résumer, désigne la contrainte à l’hétérosexualité imposée par le patriarcat et ses effets au niveau individuel : pour une femme, quelle que soit son orientation romantique ou sexuelle, c’est une recherche constante de validation masculine, une tendance à chercher la compagnie (amoureuse ou amicale) des hommes plutôt que des femmes, une volonté apparente et généralisée de relationner avec les hommes, même lorsque l’envie n’y est pas. C’est aussi, plus spécifiquement, ce qui limite les choix des femmes : l’hétérosexualité prescrite refuse le lesbianisme et enferme les femmes dans une obligation à considérer les hommes et leur regard sur elles, à voir les relations avec les femmes comme « moindres » ou dénuées de valeur – on pense ici aux paroles de Katy Perry dans I Kissed a Girl : “Don't mean I'm in love tonight / I kissed a girl and I liked it / ... / No, I don't even know your name / It doesn't matter / You're my experimental game”. L’hétérosexualité obligatoire, donc, renforce, voire mène à la misogynie et la lesbophobie intériorisées*. 
* Petit retour sur les définitions : la misogynie intériorisée désigne la capacité, pour une femme, d’être misogyne envers elle-même ou les autres femmes à cause de biais sexistes intégrés par le fait même de grandir dans une société patriarcale. Elle peut se traduire, entre autres, par une tendance au slut-shaming et au dénigrement généralisé des autres femmes. La lesbophobie intériorisée, de même, correspond à une intériorisation chez la femme lesbienne (souvent en questionnement) des biais lesbophobes causés par une société misogyne et homophobe – la lesbophobie étant la conjonction de ces deux discriminations. 
En 1981, Sheila Jeffreys publie Love Your Enemy? The Debate Between Heterosexual Feminism and Political Lesbianism, un pamphlet publié par le Leeds Revolutionary Feminist Group “because we think the discussion among feminists about political lesbianism is important.” L’idée globale qui y est développée est que l’hétérosexualité devrait être abandonnée par les féministes car elle est une composante essentielle de la domination patriarcale : “it is specifically through sexuality that the fundamental oppression, that of men over women, is maintained.” (« c’est précisément via la sexualité que l’oppression fondamentale, qui est celle des hommes sur les femmes, est maintenue. »). Le couple hétérosexuel y est décrit comme « l’unité de base de la structure politique de la domination masculine » (“the basic unit of the political structure of male supremacy”), car il renforce l’oppression patriarcale au niveau individuel, voire intime en rendant plus difficile l’identification d’un ennemi commun (les hommes) et l’organisation d’une révolte féminine. La pénétration y est vue comme une performance, qui ne prend pas en compte le plaisir de la femme, mais aussi comme un moyen de renforcer la domination patriarcale à une époque où le mouvement féministe progresse énormément – en ce sens, derrière la “libération sexuelle” se cache un encouragement des femmes à relationner avec les hommes. 
“Penetration is an act of great symbolic significance by which the oppressor enters the body of the oppressed. But it is more than a symbol, its function and effect is the punishment and control of women. […] Every man knows that a fucked woman is a woman under the control of men, whose body is open to men, a woman who is tamed and broken in. Before the sexual revolution there was no mistake about penetration being for the benefit of men. The sexual revolution is a con trick. It serves to disguise the oppressive nature of male sexuality and we are told that penetration is for our benefit as well. […] For a man it is an act of power and mastery which makes him stronger, not just over one woman but over all women.” – Sheila Jeffreys
« La pénétration est un acte véritablement symbolique par lequel l’oppresseur pénètre le corps de l’opprimée. Mais c’est plus qu’un symbole, car sa fonction et sa conséquence est la punition et le contrôle des femmes. […] Tout homme sait qu’une femme ba*sée est une femme placée sous le contrôle des hommes, dont le corps est ouvert aux hommes, une femme apprivoisée et usée / déformée. Avant la révolution sexuelle l’on ne se trompait pas sur l’enjeu de la pénétration en tant que bénéficiant aux hommes. La révolution sexuelle est une escroquerie. Elle sert à déguiser la nature oppressive de la sexualité masculine et l’on nous répète que la pénétration est un bénéfice pour nous aussi. […] Pour un homme c’est un acte de pouvoir et de maîtrise qui le rend plus fort, pas seulement plus fort qu’une femme mais plus fort que toutes les femmes. »
* L’on reste bien entendu ici dans le cadre des relations hétérosexuelles entre personnes cisgenres, les dynamiques de pouvoir étant résolument différentes dès que la question de la transidentité entre en jeu.
La suite du pamphlet est une série de questions-réponses permettant d’éclairer les interrogations fréquentes des féministes hétérosexuelles ou en relation hétérosexuelle, et de réactions critiques, négatives ou positives, concernant la réception dudit pamphlet et ses éventuels défauts.
Enfin, c’est en 1992 que Monique Wittig publie The Straight Mind and Other Essays, une collection d’essais traduite et publiée en français en 2001 sous le titre La Pensée Straight – un résumé du livre est disponible juste ici. 
« Dans une situation désespérée comparable à celle des serfs et des esclaves, les femmes ont le “choix” entre être des fugitives et essayer d’échapper à leur classe (comme font les lesbiennes), et/ou de renégocier quotidiennement, terme à terme, le contrat social. […] La seule chose à faire est donc de se considérer ici même comme une fugitive, une esclave en fuite, une lesbienne. » – Monique Wittig
* Le parallèle esquissé avec l’esclavage n’est selon moi pas très judicieux et nécessiterait, dans un essai plus développé, d’être remis en question.
Alors, la théorie du lesbianisme politique, qu’est-ce que c’est ? En résumé, c’est l’idée que l’hétérosexualité, dans le cadre d’une société patriarcale, est un outil permettant à la domination masculine de pénétrer (littéralement et symboliquement) les femmes à un niveau intime et individuel. Refuser l’hétérosexualité, c’est refuser le patriarcat dans sa forme la plus insidieuse ; c’est, surtout, préférer la compagnie amicale ou romantique, et souvent très politique, des femmes. 
D’une certaine manière, le lesbianisme politique découle de cette observation bien connue : « tout est politique », même les relations amicales, amoureuses et sexuelles. C’est à la fois un outil d’émancipation individuelle et une volonté de politiser l’intime afin de combattre un système de domination patriarcale qui s’exerce dans toutes les sphères de la vie d’une femme.
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> photo : http://www.dissidentmama.net/the-mystique-of-feminisms-red-roots/ 
3. pratique
En pratique, le lesbianisme politique se présente comme une solution et une échappatoire possible pour les femmes, qu’elles soient hétérosexuelles, bisexuelles ou lesbiennes (notamment lorsqu’elles en sont encore au stade du questionnement). Il prend forme dans un refus et un questionnement de l’hétérosexualité obligatoire : il s’agit de différencier attirance réelle et attirance prescrite par une société hétéronormée. Surtout, il s’agit de refuser consciemment les relations avec les hommes et d’encourager celles avec les femmes, en faisant un travail d’apprentissage sur soi-même : l’on doit ainsi apprendre à aimer les femmes (ce qui diffère grandement des formes de l’amour hétérosexuel), à rechercher leur compagnie et à s’extraire, petit à petit, d’une vision patriarcale et hétérocentrée (ou hétéronormative) des relations amoureuses et/ou sexuelles. Le lesbianisme politique est une forme de protection des femmes : s’extraire des relations hétérosexuelles, c’est avant tout s’extraire de relations amoureuses où la dynamique de pouvoir est fondamentalement déséquilibrée, et ce quel que soit le niveau de conscience politique de l’homme impliqué ; c’est aussi s’extraire du danger omniprésent des violences conjugales sous toutes leurs formes, majoritairement présentes dans les relations cis-hétérosexuelles – il n’y a qu’à voir les statistiques relatives aux viols et féminicides. 
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> source : http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/violences-de-genre/reperes-statistiques/ 
Un premier pas possible vers le questionnement des effets de l’hétérosexualité prescrite sur nos relations avec les hommes – que l’on soit hétéro, lesbienne ou bi –, c’est ce document, que j’enjoins toutes les femmes à consulter : https://www.docdroid.net/N46Ea3o/copy-of-am-i-a-lesbian-masterdoc.pdf.
Enfin, et avant de vous laisser avec une petite liste de liens vers des ressources complémentaires, je vous informe qu’en plus de cet article et de la vidéo correspondante, j’ai fait un live sur ma chaîne youtube où je réponds aux questions qui m’ont été posées suite à cet article/vidéo et où je précise certains éléments ; n’hésitez donc pas à l'écouter si certains éléments restent peu clairs. 
youtube
youtube
pour aller plus loin : quelques ressources complémentaires
vidéo “Qu’est-ce que le lesbianisme politique ?” de Club Misandre (Louise) : https://www.youtube.com/watch?v=jiex3m1CNGw
vidéo “gal pals and compulsory heterosexuality” de Sophie Jerrome : https://www.youtube.com/watch?v=GqB9Q0zgJIo
vidéo “let’s talk comp-het: labels, identity crisis, and my internal lesbophobia” de Elle Buss : https://www.youtube.com/watch?v=SLJPlrX3LoQ
podcast Binge Audio “Contraint·e·s à l’hétérosexualité” : https://www.youtube.com/watch?v=Q9E3ycMiJ_I 
vidéo “Féminisme : Monique Wittig, La Pensée Straight” de Game of Hearth : https://www.youtube.com/watch?v=WBcUaDKy7dU 
podcast France Culture “Face à un féminisme hétéro” : https://www.franceculture.fr/emissions/lsd-la-serie-documentaire/sortir-les-lesbiennes-du-placard-24-face-a-un-feminisme-hetero 
vidéo “What is compulsory heterosexuality?” de Tallulah Guard : https://www.youtube.com/watch?v=MqR6Lsbh98U 
sur Sappho :
Sapho / traduction nouvelle avec le texte grec par Renée Vivien, en ligne sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k825234.r=renee+vivien.langFR
Claude Calame, Choruses of Young Women in Ancient Greece, Rowman & Littlefield, 1996 : https://chs.harvard.edu/CHS/article/display/4309.claude-calame-choruses-of-young-women-in-ancient-greece-cover
Ellen Greene, Reading Sappho: Contemporary Approaches, Berkeley:  University of California Press, 1996 : http://ark.cdlib.org/ark:/13030/ft3199n81q/
vidéo Les Littératrices #2 Sapphô de Lesbos : https://www.youtube.com/watch?v=9q0eVZ1yU98
podcast France Culture – Sapphô de Mythilène : https://www.youtube.com/watch?v=cURASl2Uk1w
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la collectionneuse d’éric rohmer (1967)
Troisième volet des Six contes moraux du réalisateur français Éric Rohmer, La Collectionneuse est un film indubitablement esthétique et résolument ambigu dans sa réception immédiate. Que Rohmer ait recherché cette ambiguïté ou non n’est pas ce qui m’importe : ce que je veux proposer ici, c’est une lecture autre du film, qui place son aberrante misogynie sous un angle tout à fait différent, voire novateur.
La Collectionneuse est présenté comme un film centré sur Adrien, un homme d’une trentaine ou d’une quarantaines d’années qui choisit de s’isoler un temps dans une villa de bord de mer plutôt que de suivre sa compagne à Londres. Il est celui qui narre l’histoire, celui, aussi, dont l’évolution est nette : il décide dès son arrivée de changer drastiquement sa routine de vie, il s’essaie à l’oisiveté, lit les Œuvres complètes de Rousseau sous un arbre, au soleil, comme pour y suivre sa propre méditation. Et pourtant, il dit d’emblée à son ami, isolé avec lui, ne pas vouloir penser : il préfère la lecture à l’absence totale d’activité, car la lecture dirige ses pensées et lui permet de ne pas se perdre dans les siennes, dénuées d’intérêt. Dès lors, tout est dit, ou presque : Adrien ne cherchera jamais à penser par lui-même, et les jugements moraux et misogynes qu’il portera sur “la collectionneuse” ne seront que répétition de clichés et reproduction d’une morale banale et commune — celle qui régit la société patriarcale dans laquelle il a grandi. 
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L’impression qu’Adrien est le personnage principal de ce récit est évidemment fausse, elle n’est qu’une illusion écrasée avant même le début du film : car le titre, déjà, place “la collectionneuse”, jeune femme du nom d’Haydée, au centre du récit qui va nous être conté. Si c’est le point de vue d’Adrien qui est adopté, c’est Haydée qui s’accapare notre attention, de même qu’elle attire celle des deux hommes présents dans la maison — et de tous les autres hommes présents dans le film. Après les prologues d’introduction au film, Haydée est la seule femme que l’on apercevra, jusqu’à la fin ; elle est la première, et la dernière que l’on verra. Cet isolement de la femme dans un milieu masculin est signifié dès la toute première scène, prologue d’ouverture qui nous présente un personnage : Haydée. Exemple parfait du male gaze, cette scène muette, rythmée uniquement par le bruit des vagues, suit le corps de cette jeune femme qui fait des va-et-vient sur la plage : gros plan sur ses pieds, ses jambes, son ventre, ses épaules, sa poitrine, son visage. Travelling de la caméra qui suit son corps de bas en haut ou de haut en bas. D’emblée, Haydée est montrée d’un point de vue masculin : le titre exprime déjà le jugement moral dont elle sera victime, la scène d’ouverture en fait un être sexualisé avant même d’être un sujet parlant, pensant. 
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C’est une ambiance à la Lolita qui se met en place ici, la pédophilie en moins : Haydée vit la nuit, collectionne les amants, joue de sa beauté comme une star de cinéma, celle que Dolores Haze rêve d’incarner dans le roman de Nabokov. Comme dans ce roman, il s’agit de dépasser le premier sens du film — l’acharnement d’hommes misogynes et faussement moralisateurs sur une véritable “croqueuse d’hommes” — afin d’en découvrir un second, celui qui fait d’Haydée non pas un objet passif de fascination, mais un sujet pensant, aussi intellectuel qu’émotionnel. Et si Adrien lit Rousseau, elle lit un ouvrage sur le mouvement du romantisme allemand : ce n’est plus le portrait d’une femme régie par ses sensations physiques, mais c’est celui d’une romantique qui trouve dans les amours passagères un bonheur suffisant.
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Haydée étonne alors par son indifférence : face aux insultes et aux jugements des deux hommes — bien plus âgés — qu’elle côtoie, la femme perçue comme sulfureuse et débauchée reste de marbre, cigarette à la bouche et air blasé d’une supériorité dissimulée mais bien connue ; mieux encore, elle se met parfois à sourire, faisant d’une situation plus ennuyante qu’autre chose une scène légère, parfois comique. À un moment du film où Adrien et Haydée se réconcilient, après que le premier ait tenté un rapprochement physique qui conduit Haydée à s’enfuir, celle-ci lui dit : « Je ne pense rien ». Elle joue, alors, le jeu d’Adrien, de ces deux hommes qui, par leur âge et leur genre, se pensent supérieurs à elle ; elle joue le rôle qui lui était assigné dans la scène d’ouverture et qui est celui qu’ils projettent tous deux sur elle, celui que les hommes au cinéma ont projeté sur les femmes, bon nombre de fois. Haydée, dans sa nonchalance parfaite et sa joie simple, devient l’héroïne d’un récit où les hommes ne sont que de piètres personnages secondaires, narcissiques complexés, obnubilés par leur propre ennui et vacuité d’esprit.
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Ces deux images se trouvent respectivement au début et aux 3/4 du film : tandis que dans la première scène Adrien, personnage intellectualisé, surplombe Haydée qui téléphone à un de ses amants, dans la seconde — qui est celle de la réconciliation — Adrien s’excuse, cherche de lui-même cette réconciliation qui sinon n’aurait peut-être jamais eu lieu. Haydée, alors, se retrouve — littéralement et symboliquement — dans la position originelle d’Adrien, position d’une femme pensante (d’où le livre), position de pouvoir, aussi, sur Adrien et les hommes en général. Dans une des dernières scènes du film, enfin, Haydée se regarde :
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D’une certaine manière, elle renverse le male gaze qui lui avait été imposé dès le début ; elle n’est plus un corps exposé et déterminé par le regard masculin, elle est une femme qui se voit et détruit le regard masculin en portant, sur son propre reflet (ou plutôt, c’est le reflet qui regarde Haydée) un female gaze revendicatif. Tout au long du film, Haydée s’extrait de ce regard des hommes, d’abord en laissant partir son premier amant, puis en échappant au contrôle d’Adrien et en laissant l’autre homme (j’ai oublié son nom) partir ; finalement, elle s’extrait totalement du film lui-même avant sa conclusion en suivant des amis qui, rencontrés sur la route, s’en vont en Italie. Et si cette fuite semble être déterminée par celle d’Adrien qui abandonne une Haydée hésitante, elle est en réalité un choix d’Haydée qui, bien qu’hésitant, sort de la voiture, récupère ses affaires, et semble mimer une hésitation depuis longtemps disparue. Haydée part en Italie, libre et heureuse ; Adrien, comme par dépit, retourne à son amante qu’il avait pourtant refusé de suivre. C’est lui, le personnage hésitant du film, qui s’écrase devant une “collectionneuse” affirmée, confiante, qui, dans cette scène où elle épelle son prénom, réécrit le titre même du film pour remplacer le cliché misogyne par l’affirmation de son individualité.
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bruges-la-morte de georges rodenbach (1892)
Roman de l’obsession et du désir jamais assouvi ; chant funèbre qui, au son répété des cloches de Bruges, dit l’impalpable douleur du deuil et l’aliénation cruelle dans laquelle elle entraîne irrémédiablement le Veuf, l’Inconsolé. 
Bruges-la-Morte est dans sa forme une œuvre hybride, située au croisement de la tragédie classique et de la complainte lyrique. Tragédie en trois actes, elle construit peu à peu le caractère inévitable de sa fin, semant dès ses premières scènes les prémices de son dénouement. Dans une lente plainte désespérée, Hugues est peint déplorant la perte d’une femme que l’on ne rencontrera que via le culte qu’il lui voue — portraits, vêtements, bijoux sont collectionnés comme des reliques, faisant du salon soigneusement aménagé un autel, si ce n’est un temple en l’honneur de la sainte morte. Celle-ci, par ailleurs, ne sera jamais nommée : toujours, elle restera « l’épouse » et « la morte », n’existant plus que comme souvenir dans le cœur embrumé de Hugues Viane ; et la substitution de ces noms communs au prénom inconnu de s’inscrire dans un système d’analogies situé aux fondations mêmes du roman, et plaçant ce dernier, dès ses premiers instants, sous le signe de la ressemblance et du reflet. Le centre névralgique de ce système n’est autre, alors, que la ville de Bruges qui se métamorphose au gré des humeurs de Viane : comme les femmes du récit, elle est soumise au regard et à la perception du veuf transi, elle semble même ne faire qu’un avec les amantes, vivant et mourant avec elles. 
« Qu’avait-elle donc, cette femme, pour se l’être attaché à tout, et l’avoir dépris du monde entier, depuis qu’elle était disparue. Il y a donc des amours pareils à ces fruits de la Mer Morte qui ne vous laissent à la bouche qu’un goût de cendre impérissable ! »
Dans ce que l’on pourrait qualifier de deuxième acte, Hugues tente de ressusciter, en la recréant, la première femme aimée. Véritablement enchanté par une ressemblance factice, il se perd peu à peu — lui, le veuf éternel, l’époux fidèle, l’amoureux blessé —, s’égare dans un jeu de masques où la première femme reste cachée derrière les traits de la seconde (qui travaille, évidemment, au théâtre). En même temps que la ressemblance s’effrite, la sensation d’une issue tragique imminente propulse la narration dans un crescendo effréné où Jane, froidement, saccage le temple vénéré, comme un dernier affront porté au veuf déjà accablé d’une cinglante culpabilité. 
Afin de réconcilier la face et l’envers de la Morte, une seule issue : celle, fatale, d’une ressemblance parfaite et achevée entre la morte sanctifiée et la vivante cruelle.
« Cela lui faisait mal, ces cloches permanentes — glas d’obit, de requiem, de trentaines ; sonneries de matines et de vêpres — tout le jour balançant leurs encensoirs noirs qu’on ne voyait pas et d’où se déroulait comme une fumée de sons. Ah ! ces cloches de Bruges ininterrompues, ce grand office des morts sans répit psalmodié dans l’air ! Comme il en venait un dégoût de la vie, le sens clair de la vanité de tout et l’avertissement de la mort en chemin... »
La virtuosité stylistique de Rodenbach et la puissance évocatrice de ses analogies trouvent leur pendant — leur ressemblance, même — dans le chef-d’œuvre d’Hitchcock, Vertigo (1958). La frénésie re-créatrice de Hughes et de Scottie, qui tentent tous deux de ressusciter l’image d’un amour perdu, les enfonce dans leur aliénation et les conforte dans leur idéal amoureux. Surtout, ils subissent le même drame final, conclusion obligatoire à leur obsession compulsive : car au redoublement de la femme ne peut correspondre qu’un redoublement de la mort. 
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les frères karamazov de dostoïevski (1880)
Fresque familiale à la densité saisissante, dernier roman de l’écrivain russe, récit marqué d’une richesse psychologique, morale et religieuse, Les Frères Karamazov (Братья Карамазовы) est un véritable chef-d’œuvre narratif et poétique.
Dimitri, Ivan et Aliocha : trois frères, fils de l’enragé Féodor Karamazov, hommes aux caractères si précisément différents, liés, malgré tout, par un attachement singulier et un amour presque inexplicable. Trois frères mais aussi trois incarnations de « l’homme russe », de ses démons, de ses croyances comme de ses funestes délires ; trois morceaux de ce qui fonde l’âme russe, dont l’identité, au XIXe siècle, reste à définir. Aliocha, le plus jeune, apparaît comme un miracle au beau milieu de cette famille violente et torturée ; il croit au bien, et ce avec ferveur ; surtout, il croit à la bonté de ses frères, allant à l’encontre des préjugés et des rumeurs, comme si lui seul disposait dans sa vision de la clarté nécessaire. Pourtant, il a bien l’ardeur propre aux Karamazov, et la passion investie dans sa foi fait inlassablement écho aux passions destructrices de ses deux frères. L’aîné Dimitri, quant à lui, s’impose comme l’image reflétée de son père haï ; en rivalité constante avec ce dernier, il se définit en même temps avec et contre lui, bâtissant son identité autour de cette haine réciproque et presque naturelle. La compassion croissante d’Aliocha à son égard, cependant, s’accompagne de celle du narrateur et tend à esquisser, derrière la figure d’un fils indigne et d’un homme misérable, celle d’un esprit incompris victime des violences d’autrui. Entre les deux, Ivan incarne une forme de doute ; lui seul admet le scepticisme dans son discours, s’autorise l’erreur, le changement, la déviation. Habité des démons qui, bientôt, nourriront le roman fantastique russe — l’on pense immédiatement au Maître et Marguerite de Boulgakov —, Ivan existe dans un constant combat contre lui-même, cherchant dans la confrontation aux idées étrangères une réponse à ses propres tourments. Et lorsque Dimitri est accusé d’un crime qu’il jure n’avoir pas commis, ce sont ces trois rouages qui s’enclenchent pour donner à la narration une puissance sans mesure.
« Non, vis, dit-on, parce que sans toi il n’y aurait rien. Si sur la terre tout était raisonnable, il ne se passerait rien. Sans toi il n’y aurait aucun événement, or il faut qu’il y en ait. Alors je sers en rongeant mon frein, pour qu’il y ait des événements, et je crée le déraisonnable selon les ordres. Les hommes prennent toute cette comédie au sérieux, en dépit de leur intelligence indiscutable. C’est en cela que réside leur drame. Eh bien, ils souffrent assurément mais... en revanche, ils vivent, ils vivent réellement, pas fantastiquement ; car c’est la souffrance qui est la vie. Sans la souffrance, quel plaisir y aurait-il en elle ? tout deviendrait un service d’action de grâces sans fin : ce serait pieux, mais plutôt ennuyeux. Voyons, et moi ? J’ai beau souffrir, je ne vis tout de même pas. Je suis l’inconnue dans l’équation. Je suis une sorte de spectre ayant perdu tous les tenants et aboutissants et qui a fini par oublier jusqu’à son propre nom. »
Plus que tout, Les Frères Karamazov est un roman de la conscience : Dostoïevski, avec sa précision et son ardeur habituelles, fouille jusque dans les tréfonds de l’esprit humain, expose ses vices, avive ses cicatrices, scrute ses noblesses et ne rit jamais ni de ses illusions, ni de ses inévitables déceptions. La conscience religieuse et morale d’Aliocha, tourmenté par les bassesses terrestres et par ses inlassables interrogations existentielles ; la conscience torturée et passionnée de Dimitri, qui se méprise au moins autant qu’il aime frères et amantes ; enfin, la conscience philosophique d’Ivan, qui semble toujours hors de son propre récit, alors même qu’il est essentiellement central ; toutes sont disséquées par la prose tranchante et douce de Dostoïevski, par la lenteur caractéristique de ses mots et l’effervescence de sa narration. 
« C’est une beauté. Mais ce n’est pas cela qui la rendait belle alors. Ce qui la rendait belle à cet instant, c’est qu’elle était noble, et moi un misérable, qu’elle était dans la grandeur de sa générosité et de son sacrifice pour son père, et moi une punaise. Et c’est de moi, un misérable et une punaise, qu’elle dépendait toute, toute, tout entière, corps et âme. Cernée. Je te le dirai franchement : cette pensée, la pensée du scorpion, s’empara à ce point de mon cœur que, de seule angoisse, il faillit se vider de son sang. Il semblait qu’aucune lutte n’était plus possible : agir justement comme une punaise, comme une méchante tarentule, sans aucune pitié... J’en eus le souffle coupé. »
C’est comme si l’auteur avait mis dans ce dernier roman non seulement toute l’étendue de sa douleur, mais aussi toute la force de son amour. D’un récit aussi singulier, Dostoïevski a fait une stupéfiante déclaration d’amour à la Russie, à ses traditions, sa culture, son mysticisme ; et pourtant il ne se prive jamais d’en exposer les tares. Tout roman russe n’a pas pour enjeu de donner à voir l’identité russe, mais la lecture de celui-ci ne peut se passer d’une considération nationale ou historique. Il ne reste que quelques décennies au XIXe et une seule année à Dostoïevski ; or ce roman n’est pas celui d’une fin mais bien celui d’un renouveau et d’un espoir résolu : à Dimitri il ne reste que la planification d’une seconde vie, à Aliocha le dessin d’une vie future, à Ivan le début d’un amour qui surpasse, enfin, le doute et l’insensé. Les Frères Karamazov ne signe ni la fin d’une œuvre ni celle d’une époque ; il allie la richesse d’un dernier roman au courage d’un premier, affirmant avec force une identité littéraire qui ne laissera aux suivantes que le loisir d’y rendre hommage ou de provoquer, avec insolence, son inestimable qualité — et Nabokov d’écrire : « N’oublions jamais que Dostoïevski est avant tout un auteur de romans policiers... un maître du suspens. » 
« Et en effet l’homme a inventé Dieu. Mais ce n’est pas cela qui est étrange, et ce n’est pas que Dieu existât vraiment qui serait prodigieux, c’est qu’une telle idée — l’idée de la nécessité de Dieu — ait pu surgir dans le cerveau d’un animal aussi féroce et méchant que l’homme, tant elle est sacrée, tant elle est touchante, tant elle est profondément sage et tant elle fait honneur à l’homme. Pour ma part, il y a longtemps que j’ai renoncé à me demander si c’est l’homme qui a créé Dieu ou Dieu qui a créé l’homme. »
Si la première moitié du roman donne à la temporalité de son récit une lenteur nécessaire aux développements philosophiques et religieux menés par Ivan et Aliocha, la seconde prend peu à peu la forme d’une course au dénouement, où plus rien ne compte que l’issue de l’enquête en cours — et pourtant, l’on ne souhaiterait pour rien au monde que l’auteur abrège sa prose, et la lecture en est d’autant plus délectable que chaque parole prononcée, chaque évènement exposé en détails, s’il nourrit invariablement cette attente insoutenable, s’impose aussi comme nécessaire et tout simplement inévitable. Le génie de Dostoïevski est tel que tout fait sens, tout le temps et à chaque instant.
« Je me suis pour ainsi dire déchiré l’âme en deux devant vous, et vous, vous en profitez pour fouiller des doigts la déchirure dans les deux moitiés... »
Par ailleurs, si vous n’êtes toujours pas lassé·e·s de m’entendre parler de Dostoïevski, voici quelques articles présents sur mon ancien blog — classés par ordre chronologique d’ancienneté — où je loue ses autres livres (romans, nouvelles, et autres chef-d’œuvres) :
 Mes livres préférés de tous les temps (Crime et châtiment)
« Un hiver en Russie » avec Dostoïevski, Tolstoï et Tchekhov (Monsieur Prokhartchine)
Lectures estivales, partie 2 : août (Le Joueur) 
Les Possédés de Dostoïevski
Les Carnets du sous-sol de Dostoïevski
Le Rêve d’un homme ridicule de Dostoïevski
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lectures d’halloween et frayeurs cinématographiques
De longs mois se sont écoulés depuis mon dernier bilan culture (écrit comme filmé) ou même depuis mon dernier article sur ce blog, alors quoi de mieux pour célébrer mon retour si attendu qu’un bilan à thème, inspiré par cette période jubilatoire qui est celle d’Halloween ? 
La quasi-intégralité de mon mois d’octobre ayant été placée sous le signe de cette fête, je ne peux résister à l’envie de partager ces œuvres, romanesques comme cinématographiques, qui m’ont accompagnée tout au long de ces journées pluvieuses ou de ces soirées passées au coin du feu (bien qu’il fasse encore chaud dans mon bien-aimé Sud). 
L’année dernière, Halloween avait été l’occasion, pour moi, de relire tous les tomes d’une saga relativement connue ayant marqué, aux côtés d’autres séries fantastiques, mon adolescence : je parle bien évidemment de Twilight, dont j’ai réussi à relire, en anglais cette fois, les trois premiers tomes avant le fameux soir d’Halloween, qui, lui, avait consisté en un visionnage compulsif de tous les films Twilight, suivi d’une découverte de sa parodie Vampires Suck. Twilight n’est cependant pas ma série fantastique et halloweenesque préférée, puisque je reste une fervente adoratrice des livres Vampire Diaries et de la saga Caster Chronicles qui font partie de mes meilleurs souvenirs de lecture (pour vous situer un peu, on parle là de mes années collège). 
En ce qui concerne mes traditions de cette année, j’ai commencé par me lancer dans la série Netflix Chilling Adventures of Sabrina, qui m’a instantanément plue grâce à son héroïne nourrie d’idéaux féministes et qui tente de bouleverser un monde dans lequel elle peine à entrer ; la série a aussi retenu mon attention par sa représentation de personnes racisées et/ou lgbti+, sa cinématographie et son ambiance soignées, ainsi que ses nombreuses références à la Bible, à Faust, et à toute une culture artistique formée autour de la figure du diable. Qui connaît un tant soit peu mes goûts sait que je ne résiste pas à ces nids de références, qui donnent parfois à une œuvre un intérêt à même de la dépasser.
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Quant à mes lectures, elles furent peu nombreuses (mon temps étant a priori consacré à mes lectures universitaires), mais je me suis enfin attelée à trois ouvrages qui me tentaient depuis un long moment : d’abord, j’ai lu A Discovery of Witches, premier tome de la trilogie All Souls de Deborah Harkness, que j’avais acheté en octobre 2018 et que je m’étais réservé spécialement pour Halloween 2019. Si le livre en question est envahi par la romance (ce qui est loin de me déranger), l’autrice déjoue de nombreux clichés du genre et s’éloigne ainsi des défauts de Twilight. Elle ne se débarrasse pas de tous les topoï attendus, mais ceux-ci n’envahissent pas le roman et la narration s’écoule avec une fluidité quasi-parfaite. Le gros point positif de ce roman fut, pour moi, le fait qu’il prenne place dans un cadre universitaire, avec une héroïne principale historienne de la science, passant le plus clair de son temps à étudier des manuscrits datant du XVIe siècle. Plus qu’une simple romance, le récit s’attache à narrer l’histoire des créatures surnaturelles qui le hantent, et si certains phénomènes restent pour moi exagérés (l’héroïne semble être au centre de toutes les prophéties et de tous les mystères imaginables), le roman est sauvé, encore une fois, par sa richesse référentielle. 
Ma deuxième lecture d’Halloween fut le premier tome du manga Tokyo Ghoul, que je mourrais d’envie de lire depuis mon visionnage de son adaptation en anime, lequel fait sans aucun doute partie de mes animes favoris. Loin d’être déçue par le manga d’origine, je me suis rapidement aperçue de sa supériorité sur l’anime : les références à Kafka et au monde des livres en général, et ce dès les premières pages, ont été un point de non-retour dans l’amour que j’éprouve pour ce seinen et, plus encore, pour son personnage principal. 
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Enfin, je me suis plongée dans le très célèbre Frankenstein de Mary Shelley, parce qu’il était inadmissible pour moi de ne l’avoir toujours pas découvert. Si je n’en suis encore qu’au début, je peux néanmoins attester de la qualité de ce roman, au sein duquel j’ai hâte de m’avancer plus encore.
Finalement, côté cinéma, j’ai été ravie d’enfin voir Sleepy Hollow, réalisé par Tim Burton en 1999. Bien que l’intrigue soit par moments très prévisible, l’esthétique du film, à la fois dans son cadre et sa colorimétrie, a su me convaincre et j’ai sans conteste apprécié mon visionnage. Disponible sur Netflix, je le recommande sans hésitation à toute personne étant, comme moi, sensible autant à l’esthétique cinématographique des années 1990 qu’à celle de la période d’Halloween. 
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Quant au soir d’Halloween, il fut consacré à deux films : le très célèbre Psycho d’Alfred Hitchcock (1960) et le plus récent Scream, de Wes Craven (1996). Bien que résolument différentes, ces deux œuvres font preuve de divers liens, mis en exergue par la référence du second au premier, notamment dans cette scène :
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Et si j’ai beaucoup apprécié la tension ascendante du premier, bien que quelque peu réduite par le vieillissement des effets spéciaux (ou, plutôt, leur absence), j’ai aussi été heureusement surprise par Scream pour lequel, je l’avoue, j’avais quelques a priori. Alors, sachant reconnaître le caractère pionnier, voire tutélaire, du cinéma de Hitchcock, je n’ai pu résister à ce tissu référentiel offert par Wes Craven qui, avec le premier volet de Scream, fait en même temps hommage et tourne en dérision le genre cinématographique de l’épouvante, proposant ainsi une œuvre à même de nous offrir et l’expérience du cinéma d’horreur, et une réflexion satirique sur ce dernier.
Ce fut tout, donc, pour mes découvertes culturelles du mois d’octobre, en ce qui concerne le thème d’halloween. Sur ce, je vous souhaite de passer un bon mois de novembre (dans l’attente des fêtes de fin d’année, elles aussi venant avec leur lot d’irrésistibles traditions) et vous recommande chaudement le visionnage, comme la lecture, des œuvres évoquées. 
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l'été de nakamura shin'ichirô (1978)
L’Été, en japonais 夏, fait partie d’un cycle de quatre romans, portant tous le nom d’une saison et écrits entre 1947 et 1952 ; il est cependant le seul à avoir été traduit en français, probablement parce qu’il valût à son auteur le prix Jun���ichirō Tanizaki (谷崎潤一郎賞) en 1978. Souvent comparé à La Recherche du temps perdu de Marcel Proust, ce cycle de romans prend la forme d’une navigation délibérément confuse parmi les souvenirs de son narrateur, un écrivain japonais sujet à la nostalgie comme à l’oubli. 
Pour reprendre les mots que l’auteur lui-même (traduit par Dominique Palmé) incorpore dans son récit, ce roman se donne comme un « hymne exubérant à la sexualité », une « sorte de pèlerinage sur les traces de ces étés d’autrefois » qui s’accompagne d’un « arrière-goût de regret ». Car s’il est l’histoire d’un homme retrouvant ses souvenirs perdus, il est aussi celle d’un homme, seul et vieillissant, forcé de faire face à un poignant constat : si les souvenirs restent, les personnes, elles, peuvent disparaître. Alors, au fur et à mesure qu’il vit et revit sa jeunesse névrotique et ses amours plurielles, le narrateur perd, une seconde fois, cette femme en qui il avait vu l’amour, de même que s’échappent de sa vie amis, amantes et passagères silhouettes.
« Toutes les scènes de ma mémoire s’enchevêtrèrent, et mon champ visuel désormais troublé fut envahi par cette multitude de mortsqui, depuis peu, avant que je ne m’endorme, grouillaient souvent derrière mes paupières, et qui s’ébranlèrent de nouveau dans ma direction, en un flot inéluctable. Happé dans le tourbillon de cette vision, j’éprouvai vaguement, en un coin de ma conscience brouillée, la sensation de pénétrer une fois encore, à l’aveuglette, au plus profond du royaume de la mort, et je me hâtai, en allongeant le bras, d’éteindre la lampe de chevet. »
La confusion, propre au souvenir, qui hante la narration se fait à l’image d’une perception unique de la réalité ; car, nourrie des divagations de notre esprit et de nos divers domaines de référence (souvenirs, culture, rencontres…), chacune de nos perceptions est intrinsèquement personnelle et subjective ; ainsi, celle du narrateur est, elle, grandement influencée par la célèbre dichotomie Eros / Thanatos, et dénote de l’alliance de contraires présente dans la psychologie — et les relations — humaines. Tout le roman, alors, tourne autour de l’évolution de cette perception au fur et à mesure que le narrateur vieillit et, bien plus simplement, vit ; quant à la narration, elle se fait cyclique, puisque le récit de la vie passée et présente du narrateur ne vient nourrir que la perception initiale narrée dans l’incipit, elle ne sert finalement qu’à éclairer une association d’idées, d’abord obscure puis explicité par la subjectivité même du sujet pensant.
« son visage était empreint d’une solitude étrangement glacée, d’une sorte de désespoir sans cause et donc impossible à masquer, comme celui qui peut flotter autour des êtres qui, sentant l’épuisement les gagner bien avant d’être arrivés au terme de leur vie, se trouvent complètement désemparés. »
Mais L’Été se constitue, surtout, comme une ode à la volupté physique et à ses marques qui, elles, semblent survivre au passage du temps ; d’où l’omniprésence, frôlant l’étrange, de la sexualité qui vient obnubiler les pensées du narrateur, le désir et le manque venant s’accaparer l’ensemble de ses sens. Roman sur l’amour donc, avec une subtile volonté de le théoriser en le montrant sous toutes ses formes, certes, mais toujours via le prisme de la sexualité, via son expression corporelle et la plupart du temps charnelle. 
« et j’eus l’impression que ma conscience, bondissante quand elle contemplait ces souvenirs, était prise elle aussi dans une sorte de danse névrotique, pitoyable et éphémère, au-dessus du gouffre de la mort. »
Littérairement et historiquement parlant, ce livre est d’une richesse étonnante tant son abondance est précise et diverse : ainsi, nourrissant son roman de références à la littérature médiévale et classique japonaise, l’auteur ne s’interdit pas de développer, parfois sur quelques pages, un épisode de l’histoire politique ou littéraire de la Chine ou du Japon, ou encore de mentionner, et ce à foison, le Dit du Genji (源氏物語) de Murasaki Shikibu (紫式部), œuvre majeure de la littérature japonaise datant du XIe siècle, et dont l’intrigue se déroule pendant l’époque de Heian — une période historique qui sera, à de nombreuses reprises, mentionnée dans le roman de Shin’ichirô. Enfin, en ce qui concerne ses influences occidentales, l’auteur évoque, au sein même de son récit, la littérature de Kafka, et son roman, véritable tissu de références intertextuelles, s’illustre de quelques similitudes avec les œuvres de Proust, Joyce ou encore Claude Simon, s'affirmant ainsi dans une double tradition littéraire où se rencontrent classicisme japonais et modernisme occidental.
Cette richesse érudite, aux côtés de l’éparpillement maîtrisé des temporalités et de la prose poétique (bien que traduite) de Nakamura Shin’ichirô qui, pourtant, maintient une simplicité propre au récit du quotidien ; aux côtés, aussi, de ce délicat propos sur l’amour ; a su palier les quelques faiblesses du roman — sa longueur non proportionnelle au nombre de sujets traités, son insistance sur la sexualité du personnage — et en faire un récit plein de charme, à même de célébrer la saison estivale et sa lenteur commune à celle, violemment mélancolique, de la vieillesse.
« et quand la nuit, seule dans son lit, elle se souvenait des moments aussi violents qu’une tempête qu’elle avait vécus dans le bateau de pêche, sur le rivage, elle était envahie par le pressentiment qu’elle aussi allait se mettre à hurler à en perdre la raison. »
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faq — rentrée scolaire et organisation
On s’éloigne un tantinet, aujourd'hui, de ma ligne éditoriale habituelle -- essentiellement constituée de littérature et d’un peu de cinéma -- afin de répondre à quelques questions que vous m’avez posées sur instagram, à propos de la rentrée (que ce soit au lycée, en classe préparatoire ou à l’université) ou des études en général. Pour ce, j’ai divisé le tout par niveau d’études, puis par thème pour tout ce qui ne se rattachait pas à un niveau particulier (donc n’hésitez pas à ignorer les parties qui ne vous intéressent ou ne vous concernent pas !). 
Et juste avant de répondre aux questions, une petite précision sur mon parcours (qui influence forcément mes réponses) : après un bac littéraire, j’ai été deux ans en prépa littéraire (hypokhâgne/khâgne) puis je suis entrée en L3 à l’université, en parcours Lettres modernes, où je continue aujourd'hui en Master de Lettres / Recherche en vue de préparer l’agrégation (concours d’enseignement) et de réaliser une thèse de littérature (Doctorat). 
1. le lycée
Comment être bien organisé·e et rester motivé·e quand on habite loin de son lycée, et que par conséquent on a moins de temps pour travailler à cause des transports ?
Sur l’éloignement, j’avais, en ce qui me concerne, une heure de bus pour aller du lycée jusque chez moi, donc je travaillais en majorité au CDI avec mes ami·e·s (surtout pour les devoirs assez conséquents de type dissertation), et je gardais le temps que j’avais chez moi pour ficher mes cours ou faire des exercices rapides (maths, physique, langues vivantes...). Je pense que le mieux c’est d’utiliser les heures d’études, disponibles entre deux cours pour aller en salle d’études ou au CDI et s’avancer là-bas, afin de libérer les soirs de semaine et, au maximum, les week-ends ; puis évidemment en profiter pour faire les devoirs les plus urgents et réserver le week-end pour ce qui peut attendre. Ensuite, si ton temps de transport est vraiment long (plus d’une heure) tu peux en profiter pour travailler ou réviser (relire des fiches, organiser ses cours, etc.), ou même simplement pour te préparer un planning de travail optimal qui t’évitera de perdre du temps en organisation !
En bref, je conseillerai surtout d’essayer de toujours avoir un train d’avance en ce qui concerne les devoirs : c’est-à-dire faire les petits exercices le plus vite possible, commencer à réfléchir aux gros sujets de dissertations ou commentaires dès qu’ils sont annoncés mais aussi savoir donner la priorité aux devoirs obligatoires/importants, et donc gérer son temps afin de ne pas trop en perdre sur les matières plus faciles ou avec lesquelles tu as le moins de difficultés.
Comment tu as fait pour réussir au bac de français écrit (avoir des bonnes notes en dissertation, commentaire...) et est-ce que tu aurais des conseils de méthode pour le réussir ? 
Pour la méthodologie évidemment suivez celle donnée par vos profs et si elle ne vous a pas été donnée n’hésitez pas à demander ! De mon côté, je dirai surtout que l’important en dissertation c’est d’organiser ses idées comme si on construisait un texte argumentatif (donc faire attention au fil directeur, revenir souvent à la problématique — ça vaut aussi pour le commentaire — et profiter de cet exercice-là pour mentionner d’autres livres lus, d’autres œuvres d’art en général qui semblent pertinentes par rapport au sujet). La forme importe moins que votre réflexion donc si vous n’arrivez pas à faire trois parties et trois sous-parties ne forcez pas, préférez deux sous-parties cohérentes et complètes à trois sous-parties qui ne tiennent pas la route ! 
Pour le commentaire, l’accent est surtout à mettre sur l’organisation : il faut porter beaucoup d’attention au plan en ayant en tête l’idée d’une progression (le plus évident d’abord puis aller vers le moins évident, c’est-à-dire votre réflexion à vous et votre lecture du texte en sachant évidemment la défendre) ; et passer assez de temps sur l’analyse des textes (que ce soit un commentaire composé simple ou un corpus) afin de lier les thèmes correspondants et/ou omniprésents, et d’étudier le texte dans sa réalité lexicale et « corporelle ». Pour vous aider un peu à ce niveau-là, je vous laisse ici un lien vers mes anciennes fiches (avec figures de styles, outils pour l’analyse de texte et mouvements littéraires) : https://bit.ly/2NaPB4U.
Est-ce que tu pourrais parler un peu des épreuves anticipées de français (organisation, notation, ...) ?
Pour continuer, donc, sur le bac français : l’épreuve de 1ère consiste en une épreuve écrite avec corpus (sur 4 points) et commentaire, dissertation ou écriture d’invention au choix (donc seulement un exercice sur les trois, noté sur 16 points) ; puis une épreuve orale de commentaire composé en fin d’année (ou commentaire littéraire, selon comment vous l’appelez). 
En ce qui concerne l’épreuve écrite, encore une fois privilégiez la méthode vue en cours ; pour le corpus, faites attention à toujours lier les textes et à les analyser dans une dynamique de comparaison (points communs/différences), en fonctionnant, pour le plan, comme avec un commentaire composé de base. Pour l’exercice au choix, choisissez évidemment le sujet qui vous intéresse le plus, et dans lequel vous pensez pouvoir réussir : le commentaire composé est l’exercice de base, que normalement vous avez déjà pratiqué et qui ne porte que sur le texte donné (ce qui ne vous empêche pas de faire des références concises à d’autres ouvrages !) ; la dissertation est peut-être un peu plus étrangère en 1ère mais elle consiste en une réflexion sur un sujet donné, qui s’intéresse non pas à un texte mais à une question de littérature (plus large, qui est donc optimale si vous avez beaucoup de connaissance dans le domaine du sujet) ; enfin, le sujet d’invention est un exercice d’écriture, plus ou moins apprécié par les profs qui notent et qui fonctionne généralement au quitte ou double : soit c’est moyen, soit c’est excellent (mais si le sujet vous inspire et que vous n’avez pas trop peur de prendre un risque n’hésitez surtout pas à le choisir, c’est un peu le laissé-pour-compte du bac de français). 
Concernant la partie orale, je vois beaucoup d’élèves qui décident d’apprendre par cœur les plans donnés en cours par les profs mais, à moins que vraiment vous ne puissiez pas faire autrement pour quelque raison que ce soit, je vous déconseille complètement cette manière-là de travailler. D’abord, parce que la problématique vue en cours ne sera pas la même à l’oral (donc vous risquez le hors-sujet, même si forcément la thématique sera proche), ensuite, parce que ce qui est évalué, ce n’est pas votre mémorisation d’un cours mais votre capacité de lire un texte, de vous l’approprier et de l’analyser. Ce que je vous conseille donc, c’est, évidemment, de relire votre cours mais surtout de relire les textes, de relever leurs thématiques et figures de style et de vous intéresser aux auteurs/autrices, aux mouvements littéraires proches du leur, au contexte historique de chaque texte… Ce qui vous démarquera à l’oral, c’est ce que vous apporterez en plus du cours ; en plus de ça, si vous parlez de quelque chose de différent pendant votre commentaire, l’examinateur·ice (qui écoute des commentaires appris par cœur depuis 8h du matin) vous posera très probablement des questions là-dessus, sur vos goûts, votre culture personnelle plutôt que sur des questions théoriques assez répétitives et sur lesquelles vous ne serez pas forcément au point ! 
Pour réviser l’épreuve orale, j’avais, de mon côté, fait des fiches qui résumaient le contenu de chaque cours (ce que certain·e·s considèrent comme un plan tout fait) et révisé les figures de style, mouvements littéraires et thèmes généraux de chaque œuvre ! Pour la réussir faites très attention à la méthode travaillée pendant l’année, mais surtout apprenez à vous faire confiance pour éviter de tomber dans le par cœur (qui ne fait pas progresser). C’est l’un des premiers vrais oraux que l’on passe donc je comprends que ça en stresse quelques un·e·s, mais croyez-moi quand je vous dis que le mieux c’est de surtout travailler les textes et ne vraiment pas hésiter à tisser des liens entre eux (parce que s’ils font partie d’une même séquence ce n’est pas par hasard, donc si un thème ou une tournure de phrase vous rappelle un autre texte du programme mentionnez-le!!!). Et évidemment lisez les livres au programme, s’il vous plaît... 
À un moment tu avais dit que tu avais aimé l’allemand quand tu étais en prépa et je voulais savoir comment t’avais aimé cette matière, si tu avais des conseils pour aimer une matière que l’on n’aime pas vraiment (en l’occurence ici l’allemand) ? 
Concernant l’amour pour une matière il n’y a pas vraiment de secret, si j’ai aimé l’allemand en prépa c’est parce que j’avais un prof qui me plaisait, qui parlait uniquement allemand en cours (les profs de langue dans le secondaire ont tendance à beaucoup parler français) et qui était strict (contrairement à mes professeures de lycée), ce qui m’aidait à vraiment me concentrer plutôt qu'à me reposer dans mon laxisme habituel. Pour répondre à ta question de manière plus utile, je dirai que le mieux reste de trouver un intérêt commun avec la matière : dans le cas d’une langue ça peut être aimer un film ou une musique dans ladite langue, s’intéresser à la culture ou à l’histoire du pays, en bref essayer de lier nos goûts avec la matière qui nous pose problème, et se fixer des objectifs personnels (par exemple, le site Duolingo — gratuit — rend l’apprentissage d’une langue plus ludique, avec des classements, des scores, des objectifs à court terme...). 
(Et si vous voulez me suivre sur Duolingo c’est par ici → https://www.duolingo.com/profile/galateestears.)
Comment rester organisé·e dans ses cours toute l’année (énorme pari que je me lance à moi-même...) ? P.S. je rentre en seconde 
Je parlerai davantage d’organisation dans la dernière partie, donc je vais me concentrer ici sur la seconde et le lycée en général, tout en prenant évidemment en compte qu’une méthode d’organisation reste quelque chose d’assez personnel (on fonctionne tou·te·s différemment). En ce qui me concerne, au lycée je fonctionnais avec cahiers et agenda (pas très original, je respectais simplement les consignes données par les profs), et en-dehors de ça je n’avais pas l’impression d’être particulièrement organisée. Ce que je conseille surtout c’est de chercher un outil d’organisation qui te plaise et te motive (agenda, weekly planner/monthly planner, bullet journal, calendrier informatisé, qu’importe), et de suivre un schéma assez simple de travail au quotidien pour limiter le besoin de révision : c’est-à-dire écouter en cours (ce qui n’est pas évident pour tout le monde, mais si vous en avez les capacités essayez vraiment de vous concentrer et de prendre des notes, ou sinon parlez-en dès le début à votre prof pour voir si c’est possible de parler plus lentement/plus vite, d’envoyer les cours chaque semaine, de vous placer au premier rang ou à côté de quelqu’un de silencieux), de prendre des notes claires et de ficher votre cours à chaque fin de chapitre (c’est ce que je faisais en histoire-géo en terminale et c’était clairement la meilleure méthode d’apprentissage + ça évitait d’avoir à tout ficher au dernier moment). Enfin si vous avez des difficultés dans une matière particulière ne restez surtout pas seul·e face à ça, essayez d’aller parler à quelqu’un qui a des bonnes notes pour qu’iel puisse vous aider ou réviser avec vous, car non seulement on révise mieux à plusieurs (quand on se concentre) mais ça permet aussi de moins stresser, et d’avoir du temps à côté pour se reposer (et ne surtout pas négliger les autres matières) !
2. la prépa (hk/kh)
Combien de temps tu passais à faire ton travail personnel en prépa ? Comment tu arrivais à trouver du temps libre ?
En hypokhâgne j’allais beaucoup à la BU et au CDI mais j’évitais de travailler le dimanche (reposez-vous, par pitié), et sinon en hk comme en khâgne je devais bosser environ 1 ou 2 heures tous les soirs : en rentrant des cours je tapais sur l’ordi les cours de la journée pris à la main, et pour les devoirs (disserts et autres) je bossais au CDI entre les cours et pendant mes journées moins chargées. En khâgne j’étudiais un peu moins et il me semble que l’emploi du temps était un tantinet plus léger, mais je faisais vraiment le strict minimum (c’est-à-dire les devoirs obligatoires, parfois les facultatifs mais très rarement du travail en plus de mon côté) parce que j’étais moins motivée (j’ai préféré l’hypokhâgne à la khâgne) et que je ne voulais pas non plus me surcharger (la santé mentale passe toujours avant les études !!!). 
L’avantage de la prépa (comparée à la fac) c’est que ça reste une ambiance un peu “lycée”, donc c’est plus facile de se faire des ami·e·s et par conséquent de conserver un certain niveau de vie sociale (on révise à plusieurs, on sort — beaucoup —, on peut s’aider pour nos devoirs de vacances et faire des groupes de travail) ; mais ça reste difficile de trouver du temps pour soi si on ne prend pas la peine de bien s’organiser (donc il faut utiliser au maximum le temps libre dans la semaine pour travailler afin d’avoir un peu de temps pour soi le week-end).
Je voulais savoir dans quelles matières tu utilisais un pc en hypokhâgne (si tu en utilisais un), car la dose de cours me semble monstrueuse !
Dans mon lycée, on n’avait pas le droit à l’ordinateur en hk sauf pour les langues, donc je l’utilisais seulement 1 ou 2 fois par semaine pour l’anglais et pour l’histoire quand c’était autorisé ; je prenais tous mes cours à la main et je les retapais à la maison après (si possible le soir-même), ce qui peut paraître être une charge assez lourde mais ça me permettait de déjà bien connaître mon cours au fur et à mesure et d’avoir un cours propre et complet quand je devais ficher/réviser (j’ajoutais des images et liens, ouvrages mentionnés par les profs), ce qui était beaucoup plus agréable ! En khâgne, par contre, j’utilisais mon ordi pour toutes les matières sauf l’anglais et la spécialité lettres modernes parce que c’étaient des cours pratiques plus que théoriques (participation orale, exercices en classe, discussions, exposés...). Personnellement, je conseille toujours le manuscrit pour les notes de cours, à moins que l’ordinateur/la tablette soit nécessaire (handicap, profs qui parlent très très vite avec beaucoup d’informations, écriture peu lisible...), car ça permet de prendre le cours plus synthétiquement (en écrivant à la main on se doit de sélectionner les informations) et surtout — mais là ça ne concerne que moi — ça évite de se déconcentrer toutes les deux minutes (vidages de corbeille intempestifs, tri de dossiers, et encore pire pour celles et ceux qui disposaient d’une connexion internet). 
Par rapport aux lectures estivales obligatoires en prépa : comment tu t’y prends ? Est-ce que tu les travailles de ton côté ou tu te “contentes” de les lire ? 
Pour les lectures pré-hypokhâgne j’avais uniquement lu les ouvrages demandés et hormis pour la philosophie (où on avait eu un contrôle de lecture) et à la limite l’histoire et la géographie on n’en avait jamais reparlé ; pour la khâgne j’avais juste pioché Les Cinq leçons de psychanalyse de Freud que j’avais fiché, et j’avais fait quelques recherches (très succinctes) sur d’autres textes…. donc pas grand chose en somme…… et d’ailleurs j’avais publié ma fiche de lecture sur mon ancien blog, que vous pouvez toujours consulter ici si ça vous intéresse (ça vous aidera peut-être aussi à comprendre ce que j’entends par « ficher un livre ») : https://bit.ly/2Z6z4Fz. 
Je profite d’ailleurs de cette occasion pour vous rappeler (ou vous annoncer) que j’ai ouvert un dossier google drive pour partager nos fiches ou devoirs, donc si vous en avez déjà que vous aimeriez partager n’hésitez pas à me les envoyer par mail ([email protected]) et je m’en occuperai dans les semaines qui suivent ! J’ai déjà mis quelques unes de mes fiches ainsi que des travaux (dissertations et commentaires) que certain·e·s avaient envie de lire, en plus de quelques uns de mes brouillons de khôlles et DS en prépa, au cas où vous voudriez voir à quoi ça peut ressembler. Voici donc le lien du dossier partagé : http://bit.ly/drivegalatee !
3. l’université
C’est difficile de gérer la timidité à l’uni ? L’uni ça me fait peur car les auditoires sont grands et il y a beaucoup de gens, c’est silencieux pendant un cours ou pas ?
Pour commencer il faut savoir que l’ambiance de fac est très différente de celle du lycée, en ce qui me concerne je suis arrivée en L3 donc je ne saurais pas trop me prononcer pour les premières années mais personne ne fait trop attention aux autres (donc on perd la négativité du lycée qui peut venir avec son lot de harcèlement, de moqueries etc.), il y a toujours des groupes d’ami·e·s qui se forment et tout le monde parle un peu avec tout le monde mais quand on est timides c’est quand même un peu plus difficile qu’au lycée parce qu’il n’y a pas de négativité de la solitude, ce qui est positif car on peut être seul·e sans avoir peur d’être moqué·e ou rejeté·e mais du coup les gens font moins l’effort de parler aux autres. Après il y a toujours quelques personnes extraverties qui viendront te parler, qui te proposeront de manger avec toi etc., disons que ça reste amical·e mais c’est beaucoup plus difficile de forger des amitiés aussi fortes qu’au lycée. En L1 cependant, c’est probablement différent, je ne dirai pas que c’est facile parce que la timidité ne l’est jamais, mais je doute que la différence avec le lycée se fasse ressentir si brusquement. Le plus important, à mon avis, c’est de ne vraiment pas avoir peur de la solitude parce que tout le monde s’en fout, pas mal d’élèves mangent seul·e·s, parlent uniquement à 2 ou 3 personnes ou vont étudier seul·e·s à la BU.
Ensuite, pour les auditoires il faut d’abord prendre en compte que tous les cours n’ont pas lieu dans des amphithéâtres, par exemple en licence de Lettres on avait que deux cours en amphi, et en Master ils sont tous dans des salles de classe « normales ». Les données changent selon la filière mais, de mon côté, les amphis n’étaient jamais bondés, et pour le silence tout dépend de notre place : en étant toujours devant on n’est pas trop (voire du tout) affecté·e par les gens qui discutent ou font je ne sais quoi dans les derniers rangs. 
À ton avis pour la fac, il vaut mieux avoir un agenda ou un bullet journal peut suffire ? Penses-tu qu’il est nécessaire de faire des fiches de révision papier en plus de cours pris à l’ordinateur ?
J’ai fait toute ma licence avec un bullet journal donc oui ça suffit largement, il faut juste bien s’organiser et se faire une page pour noter les devoirs à l’avance (j’avais montré ça dans une très vieille vidéo). Concernant les fiches de révision ça dépend vraiment des cours, quand c’est du par cœur ou qu’il faut retenir beaucoup d’informations je fiche sur papier (comme ceci), sinon les cours à l’ordinateur suffisent amplement lorsqu’on prend le temps de les travailler a posteriori (ne pas se contenter de taper le cours et de le laisser dormir, essayer d’au moins le relire avant le cours suivant ou de le compléter avec des informations/liens/médias qu’on n’a pas le temps d’ajouter en cours, même juste le mettre au propre avec titres et insertion de citations peut faire l’affaire). 
Bonjour Emy, en septembre je rentre en L3 de Lettres Modernes et comme toi je ne suis pas passé par le cursus L1 et L2 à la fac. Je n'ai pas fait de prépa mais un DUT Métiers du livre donc la fac sera un univers complètement différent. Ma formation m'a permis de m'ouvrir a beaucoup de littérature, d'avoir une bonne base historique et les outils nécessaires pour la dissertation et le commentaire. Cependant, je n'ai pas eu les enseignements de grammaire, etc., je n'ai jamais fait de latin. Bref, j'ai un bon bagage mais je vais être quelque peu déboussolé car je n'aurais pas les même connaissances que les autres étudiants de ma classe. Cet été je fais une remise à niveau où je revois les termes littéraires, les courants, les pensées et l'histoire littéraire dans son ensemble. Au niveau des lectures, je suis sur la bonne voie. Mes questions seront plutôt axées sur la vie étudiante. En effet, mon DUT était « coupé » de tout, on n'etudie pas à l'IUT, ni à la fac, mais dans des salles spéciales dans la bibliothèque municipale. 
Je voudrais donc savoir comment tu t'es intégré et comment tu t'es organisé pour le travail. Est-ce que tu as réussi à te faire des amis dans un nouvel environnement où la plupart se connaissent déjà depuis la première année, peut-être même avant ? La L3 est-elle difficile et est ce que tu as du effectuer des « rattrapages » pour certains cours ?
Concernant la grammaire, il n’y a pas à s’inquiéter, car même les L3 qui sont là depuis le début ont parfois du mal avec cette matière, et comme tout le monde a un niveau différent, les profs reprennent tous les concepts importants ; et concernant le latin, tu peux demander à intégrer un cours de L1 si ça n’empiète pas sur un autre cours de ton cursus !
Ensuite, non, je n’ai pas eu de mal à m’intégrer car une bonne dizaine d’élèves venaient d’autres prépas, certain·e·s venaient de changer de fac, d’autres de cursus ou de spécialité... Il n’y a vraiment pas de quoi s’inquiéter à ce niveau-là car on trouve de tous les âges et de tous les niveaux en licence ! Là où les groupes sont beaucoup plus homogènes, c’est en Master, donc si on reste dans le même établissement après la L3 l’intégration devrait se faire assez bien. Je n’ai pas vraiment eu à rattraper mon niveau si ce n’est pour le latin (qu’en plus j’ai repris en cours de route au second semestre, bref pas une très bonne idée) ; les autres matières, comme je l’ai dit, s’adaptent bien au niveau de la classe (grammaire, théorie littéraire, stylistique, histoire de la langue...). 
Des conseils pour bien débuter un M1 littéraire ?
Le plus important, selon moi, c’est de bien s’informer en ce qui concerne les cours, devoirs à rendre et examens finaux ! C’est-à-dire savoir si un cours va être théorique (donc s’il va falloir écouter avec attention, ficher les cours, etc.) ou s’il va être pratique (ce qui nécessite du travail méthodologique plutôt que de l’apprentissage de connaissances) ; ça permet de bien s’organiser au niveau de la prise de notes, et surtout de savoir quelles matières demanderont le plus de temps de travail (par exemple privilégier une dissertation de type agrégation à un exercice de recherche sur cinq pages). 
De plus, évidemment, il faut penser au mémoire (s’il y en a un) dès le tout début de l’année (le mieux c’est d’arriver avec un sujet et un corpus un peu défini), afin d’avoir le temps de s’occuper du reste au premier semestre et de ne quand même pas arriver les mains vides au second. 
4. méthodologie, organisation, productivité
Je rentre en 3e année de licence info com et je dois réaliser un mémoire j'aurais aimé savoir si tu avais des conseils pour rédiger, trouver des infos et surtout bien choisir son sujet de mémoire (j'hésite entre 2) ? Et pour finir est-ce que tu aurais des conseils pour se mettre à bosser et arrêter de tout remettre à demain pour parfois au final même pas le faire ?
Alors je connais pas du tout la filière donc je peux pas trop m’avancer niveau méthode, il faut demander à tes profs d’abord, voir s’iels peuvent faire passer un document de méthodologie ou demander à des personnes qui auraient déjà réalisé ce type de mémoire ! Et pour les sujets, si vraiment tu n’as pas de préférence essaie de choisir celui pour lequel tu penses avoir le plus de compétences, ou si c’est possible tu peux trouver un moyen de les réunir en un seul (grâce à un thème commun, un élément qui les regroupe...). De toute façon un sujet de mémoire évolue avec l’avancée vers quelque chose de plus précis ! Et pour la productivité et la motivation j’y reviens dans les questions suivantes.
Quand tu lis des livres pour les cours, comment tu t'arranges pour garder en mémoire les choses importantes ? Tu prends des notes, fais des fiches, ou bien tu te débrouilles autrement ? (J'entre en khâgne et j'avoue qu'en hk j'ai jamais trop compris comment faire, faut dire que je n'ai pas trop essayé non plus)
Et aussi comment tu gérais tes envies de lectures personnelles avec les lectures pour les cours (surtout que tu étais en spé LM il me semble, ce qui implique beaucoup de lectures "imposées" ou du moins suggérées par les profs) ?
Ça peut paraître étonnant mais je ne lis pas beaucoup pour les cours (par rapport à ce que je lis “pour moi”), en prépa on devait avoir cinq livres au programme à tout casser que j’essayais de lire avant la rentrée ou avant que les cours sur ces livres commencent, et je ne fiche jamais les œuvres de fiction (roman, théâtre, poésie), je relève seulement les citations qui me plaisent ou qui, à la limite, me paraissent intéressantes à ressortir en dissertation ou en devoir sur table ! Et les “choses importantes” qui seraient à retenir sont forcément abordées en cours donc je ne fais pas d’effort particulier pour les garder en mémoire. À la fac, par contre, on a un peu plus de livres à lire (1-3 par matière et par semestre environ) mais encore une fois ça reste une proportion assez minime dans le nombre de livres que je lis en tout. 
Ensuite je ne sépare pas vraiment les lectures “pour les cours” et les lectures “personnelles”, parce que je lis des classiques pour le plaisir donc quand on nous donne des classiques à lire ça ne me donne pas vraiment l’impression de travailler ou de me forcer... J’ai seulement du mal quand on nous impose de la littérature contemporaine ou des livres traduits de l’anglais (parce que je préfère lire en VO), mais dans ces cas-là selon l’importance du cours je ne m’interdis pas la lecture en diagonale (par exemple si c’est pour un exercice non noté ou avec un très petit coefficient). 
Et parce que parfois on me pose la question : je trouvais en effet le temps de lire (beaucoup) en prépa, je profitais du trajet jusqu’au lycée (40min aller-retour), de l’attente le matin (j’arrive souvent 30min en avance), des pauses entre les cours, etc... 
Comment ficher ses cours sans le recracher entièrement ? Je n’arrive pas à synthétiser mes idées...
Je te dirai de commencer par relever seulement les titres (I. 1. a.), puis de définir ce que tu veux inclure dans ta fiche, c’est-à-dire des définitions, des exemples, des repères chronologiques ? Tous les cours ne sont pas “faits” pour être fichés mais si tu commences par surligner ce qui est important pour ensuite faire ta fiche, tu devrais au moins réduire le contenu de moitié ; et pour ce qui est de la mise en synthèse peut-être essayer de schématiser davantage en utilisant des flèches, des lignes, etc. ?
Question hyper bateau mais comment rester régulier·e ?
Des conseils pour être producti·f·ve ?
Évidemment, il n’y a pas de secret, et aimer ses études reste le meilleur moteur de productivité mais je vais essayer de vous lister un peu ce qui aide à travailler quand l’envie/l’énergie manque un peu (même si il faut aussi savoir se reposer!) ou qu’on a du mal à faire des efforts réguliers.
D’abord, pour aider à la régularité on peut essayer les méthodes d’organisation de type bullet journal en comptabilisant les heures passées sur chaque matière par semaine (dans la même optique, on peut se chronométrer en travaillant et se fixer un minimum d’heures, ou suivre la pomodoro technique — ce que je fais grâce aux vidéos de The Strive Studies), ou en mettant « travailler » ou « devoirs » dans tes to-do lists de chaque jour. Je pars toujours du principe que si on n’a pas envie de travailler ça ne sert à rien de se forcer ; cependant, pour retrouver un semblant de motivation, on peut toujours se concocter une liste de ce qui nous motive (ça peut être des films, séries, chaînes youtube, comptes instagram ou alors des objectifs de vie, n’importe quoi) et d’y revenir dès que l’envie de bosser vient à manquer. Pour moi, côté films, on trouve Si tu tends l’oreille, Legally Blonde, Call me by your name, à peu près tous les films de Godard ou de Truffaut (ils me donnent toujours envie de lire), Candy Jar ; côté séries on a l’indétrônable Gilmore Girls, Pretty Little Liars (Spencer Hastings is an icon), The Good Place pour les références philosophiques... Je suis assez facile à motiver parce que tout ce qui participe à cet aesthetic de l’étude dans un café, de dimanches passés à lire, de bureaux remplis de papier suffit à me donner envie de m’y mettre — c’est donc aussi dans cette optique-là qu’instagram m’aide beaucoup, que ce soit avec mon propre compte (prendre en photo son atmosphère de travail c’est déjà s’engager à travailler, et esthétiser la productivité la rend immédiatement plus attirante) ou avec d’autres comptes dits “bookstagram” ou “studygram” (quelques exemples ci-dessous de mes comptes préférés). 
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☞ mon propre compte, @galateesbooks
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☞ @thomreads (tumblr: @thomastudies)
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☞ @ealinette 
Tumblr media
☞ @kingy0studying (tumblr: @kingy0studying)
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☞ @libraryleaves 
Après, il est important de cerner ta manière à toi de travailler, si tu préfères faire de petites choses chaque jour ou passer 4 heures sur une dissert et la terminer en un week-end ; la régularité reste un concept très large que l’on peut envisager simplement comme un ensemble général, par exemple le fait que je lises minimum une heure par jour me permet déjà d’instaurer une certaine régularité dans mon travail, parce que la lecture fait partie de mes études (et là je fais une distinction entre travail « passif » — lire des livres, des articles, réfléchir à telle question, taper mes cours à l’ordi ou ajouter des éléments à l’intérieur, même publier une critique de livre sur mon blog — et le travail « actif » — bosser sur une dissert, rédiger une phrase/un paragraphe, ficher un livre (c’est-à-dire lire en relevant les informations qui me paraissent importantes et en schématisant les concepts mentionnés), etc.). Donc, pour la productivité comme pour la régularité, le plus efficace c’est d’en faire une habitude mais aussi un plaisir : rester une heure à la BU après les cours, travailler dans des café-librairies, mettre en place un éventuel système de récompenses (si je finis *telle chose* alors je pourrais faire *telle autre chose*). 
Comment tu fais pour garder la motivation/excitation de la rentrée, et pour travailler régulièrement toute l’année ?
Comme je l’ai déjà suggéré, c’est mon amour pour mes études qui reste ma plus grande source d’excitation ou de motivation, je prends du plaisir à travailler car j’adore la recherche littéraire, et j’ai hâte avant chaque rentrée parce que j’adore aller en cours, apprendre de nouvelles choses, écouter parler des profs passionné·e·s par les mêmes livres ou mouvements que moi... J’ai toujours été très scolaire donc je ne pense pas être très bien placée pour donner des conseils aux personnes qui n’aiment pas leur filière ou détestent aller en cours, le mieux que je puisse faire c’est vous conseiller ce genre de petits “tricks” qui permettent de se motiver en cas de mou mais je n’ai pas de solution miracle. 
Comment trouver ce qu’on veut faire comme études / comment choisir une bonne orientation ?
Plusieurs choses : premièrement, être sûr·e que l’on veut faire des études (on peut préférer entrer dans la vie active, se professionnaliser ou même faire des études courtes) ; ensuite, décider de si l’on veut, ou non, lier travail et passion et si oui, avec quelle passion la lier (j’ai choisi la littérature mais j’aurais pu, par exemple, choisir la photographie) ; enfin, ne pas oublier qu’on a le temps pour se décider et surtout le droit à l’erreur. En ce qui me concerne, il m’a fallu une prépa lettres et un semestre de L3 pour me rendre compte que je voulais passer l’agrégation et être enseignante-chercheuse ; donc si vous voulez explorer vos choix (faire une année d’histoire, puis une de psychologie ou changer pour aller en sciences) et que vous en avez les moyens surtout profitez-en ! Sinon, évidemment, ce qui aide le plus c’est de se renseigner sur les filières et métiers qui nous intéressent, en cherchant des vidéos youtube de personnes qui ont eu un parcours analogue ou qui parlent de leur quotidien — j’ai réalisé que je voulais faire de la recherche grâce à ces vidéos de The Bookchemist : « A Day in the life of a Literature PhD » et (surtout) « The ACTUAL life of a Literature PhD » (à regarder dans cet ordre-là pour une expérience optimale). 
Des conseils pour s'arrêter de travailler ? En études de lettres j'ai beaucoup de mal à mettre une limite claire entre boulot et repos. C'est probablement une séquelle de la prépa mais je pense que c'est également assez propre aux études littéraires/sciences humaines, le genre d'études où tu n'as jamais fini de travailler et où tu baignes dans ta passion, ce qui est parfois vicieux (ex "ce livre je le lis pour les cours ou pour moi ?") J'espère être claire
PS : je parle d'une limite surtout mentale. Faire la patate devant une série c'est facile, mais se vider vraiment la tête, beaucoup moins !
Ma réponse est un peu bateau mais je pense qu’il n’y a rien de mieux qu’une activité créative ou sportive, qui permet de penser, non pas forcément à autre chose, mais de penser tout en dépensant de l’énergie ailleurs que dans nos études (si on se concentre sur une peinture ou sur le fait de nager, on pourra toujours penser à nos études mais on y mettra moins d’énergie, et on pourra se vider la tête en se débarrassant d’éventuelles pensées omniprésentes de la meilleure manière qui soit, c’est-à-dire en les laissant sortir — dans cet ordre d’idée, la méditation et le yoga peuvent donc aussi aider). On peut étendre ça à une promenade ou même juste à prendre l’air, lire un magazine, s’occuper des tâches ménagères... Après je parle évidemment de mon point de vue, et sachant que je n’ai pas vraiment ce problème mes conseils restent somme toute très superficiels.
Comment fais-tu pour gérer les cours + ménage/rangement/courses/cuisiner/... ? Ça prend un tel temps et une telle énergie (physique et mentale)
Je me dois avant tout de rappeler que je n’ai pas de travail à côté de mes cours, ce qui allège évidemment beaucoup mon emploi du temps ; ensuite, j’organise simplement mon temps comme je le préfère, donc, dans mon cas, c’est ménage le dimanche, courses 1 fois par semaine (ou moins, ou juste quand le besoin se fait ressentir)... Concernant la cuisine ça ne me prend pas non plus beaucoup d’énergie, je fais selon le temps que j’ai, et cuisiner reste pour moi un plaisir donc je ne me prends pas la tête avec ça. Si tu as particulièrement du mal à gérer tout ça je pense que le mieux c’est de garder le dimanche pour tout organiser : faire le ménage, prévoir des plats pour la semaine, décider d’un jour pour les courses etc. ; ça évite le stress éventuel en semaine et ça permet de se garder une journée qui ne soit pas consacrée aux études.
Et voilà ✨ Si vous avez d’autres questions, n’hésitez surtout pas à me les poser : — directement sur Tumblr : https://booksfromtheunderground.tumblr.com/ask  — sur CuriousCat : https://curiouscat.me/galateesbooks  — en DM sur Instagram ou Twitter : @galateesbooks — ou en commentaire de ce post : (la boîte “commentaires” s’affiche uniquement sur ordinateur, à partir du domaine booksfromtheunderground.tumblr.com). 
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le fabuleux destin d’amélie poulain (2001)
Ode aux rêves et aux natures mélancoliques, Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain n’est pas seulement une injonction à l’extraversion ; il est aussi une célébration des cœurs introvertis, une glorification de la mise en beauté du monde par l’imagination. 
Et l’image s’esquisse dans cette volonté même de donner au monde de nouvelles couleurs : ainsi, la caméra, la colorimétrie, les effets cinématographiques viennent souligner et modifier le réel selon la vision qu’en a le personnage principal ; ils font du monde un lieu propice à la rêverie, où le temps peut être modulé — accéléré lorsque le bonheur s’empare du cœur meurtri d’Amélie, ralenti lorsqu’il fait place à la nostalgie. Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain est à la fois un éloge du cinéma en tant que régulateur et modificateur du réel, et un plaidoyer en faveur de la vie — la vie dans sa réalité physique, dans ce qu’elle a de plus concret, ce domaine dans lequel timidité et introversion peinent, jour après jour, à se tempérer.
Tumblr media
Rythmé par une musique enivrante, jouée tantôt au piano, tantôt au violon, le film de Jean-Pierre Jeunet éveille nos sens à une poésie pas si nouvelle : celle du quotidien. En intégrant loufoque et plaisirs enfantins à une réalité toute adulte, il souligne le pouvoir de chacun·e sur son propre quotidien, il appelle à l’action, celle qui surpasse les peurs enfermées depuis l’enfance et donne à la vie son impression d’intrépide — son impressionnante intrépidité. Amélie est un personnage merveilleusement bien construit, mais elle est aussi et surtout plus qu’un simple personnage : elle (re)présente la vulnérabilité humaine la plus ordinaire, sublime une vision du monde qui, aussi cocasse soit-elle, ne transmet qu’attendrissement et sympathie. La vie d’Amélie Poulain, ce n’est pas celle de n’importe qui ; et pourtant c’est celle de chacun·e d’entre nous, c’est l’exploration de l’esprit humain dans ce qu’il contient de plus vif ; c’est, finalement, la mise en valeur d’une ingénuité toujours présente, d’une innocence chérie qui, à l’âge adulte, devient vitale — car sans poésie la vie n’est que sursis. 
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les déracinés de maurice barrès (1897)
« car la vérité littéraire n’est pas toute la vérité »
Roman d’une époque (la seconde moitié du XIXe siècle), premier tome de la trilogie Le Roman de l’énergie nationale, fable de l’ailleurs et récit de l’ascension comme de la chute, Les Déracinés est une œuvre riche où s’entrechoquent références intertextuelles, profondeurs psychologiques et évènements historiques.
Sorte de traité de questionnement sur la morale et la possibilité d’appliquer une théorie philosophique (ici, kantienne) à une vie pratique marquée par le dépaysement, les luttes de pouvoir et l’insatisfaction des besoins vitaux, ce roman pose la question de la possibilité même d’une morale dans la misère, comme l’avait fait, en 1866, Crime et châtiment de Dostoïevski. Et en effet, l’omniprésence d'un contexte historique et politique soigneusement détaillé vient nourrir les fondations philosophiques du récit en les confrontant à un monde situé, tant sur le plan spatial que temporel. Cependant, Barrès semble mis en difficulté par ce contexte fourni duquel il peine à se départir : ainsi, son roman est la peinture d’une époque, d’un phénomène a priori propre à l’histoire contemporaine française du XIXe siècle, mais il ne dépasse presque jamais les limites de ladite époque. Et l’auteur de peindre la détresse d’une jeunesse passant d’une éducation rurale à l’effervescence citadine et aux luttes de pouvoir parisiennes.
« Certains jeunes gens, à vingt-quatre ans et avec notre éducation idéaliste, ne sont pas prêts pour la vie. Ils ont dans le sang toute la poésie des livres. »
Un grand nombre d’influences et de parallèles possibles se détachent de ce récit à la fois fictionnel et historique ; et dans les parcours de ces déracinés l’on retrouve le Crime et châtiment précédemment mentionné (Dostoïevski, 1866), le Bel-Ami de Maupassant (1885), des traces du naturalisme zolien (avec cette volonté d’échafauder un projet scientifique, de mener une étude des mœurs et des psychologies humaines), de même que l’on sent des affinités avec le roman flaubertien, ou encore le Rastignac de Balzac. Barrès, donc, s’inscrit dans une tradition littéraire qui, dans la dernière décennie du XIXe siècle, est déjà en fin de vie ; et son attachement à la figure du “parvenu” vient clore un topos majeur de la littérature dixneuvièmiste.
« Ce nerveux Sturel, en dépit de ses vingt-trois ans, a gardé des timidités d’enfant. Nulle femme, d’ailleurs, ne s’y tromperait : ce ne sont pas des caresses enfantines qu’elles apporteraient à ces cheveux noirs, à ces longs yeux mêlés de tristesse et d’ardeur. Cette voix basse intéressait les plus frivoles ; seulement, elles se plaignaient d’une certaine réserve qui, dès le premier instant, laissait comprendre qu’il se prêterait peut-être, mais jamais ne se donnerait, fût-ce pour une heure d’expansion. Il aimait la solitude et la perfection : timide, avide et dégoûté, il faisait des objections à tous les bonheurs et ne jouissait pleinement que de la mélancolie. Au reste, il sentait avec une intensité prodigieuse, mais, désireux de mille choses, il était incapable de se plier aux conditions qu’elles imposent. En voilà assez pour comprendre que celui-là aussi servira mal la tentative commerciale de Racadot. Il ne s’occupera que de s’exprimer. »
Maurice Barrès appartient donc davantage à la littérature de son époque qu’à ces œuvres qui transcendent le temps pour toucher à l’éternité, mais il s’y complaît avec rigueur et via l’exposition d’un style privé de bavures. Dès lors, impossible pour moi de ne pas aimer cette narration qui m’est si familière, de ne pas apprécier le style typique d'une époque que je chéris ou de renvoyer les thèmes abordés à leur banalité écrasante ; j’ai immanquablement adoré ma lecture et n’ai pu que me complaire dans la langue très fin-de-siècle de cet auteur.
La force des Déracinés, finalement, réside dans la capacité de l’auteur à dépeindre différentes psychologies, à exposer des réactions diverses à un même déracinement et une même éducation selon le caractère de chacun, leurs distinctions psychologiques et leur aliénation plus ou moins forte par l’argent, l’ambition et la recherche de pouvoir. Alors, de même que l’on assiste à la mort d’Hugo et, avec lui, du romantisme français, Maurice Barrès nous donne à voir le genre réaliste et psychologique à son apogée, afin de préparer au mieux son obsolescence prochaine.
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