Tumgik
#la phrase 'Le drame des bisexualités est de subir des discriminations associées à d’autres sexualités.' est un peu maladroite je trouve
thebusylilbee · 11 months
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"Invisibilisées, les personnes bisexuelles sont la cible de stigmatisations venant d’hétérosexuels, mais aussi d’autres personnes LGBT+. Mercredi se tient la Journée mondiale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie.
«Femmes, hommes… Il va falloir choisir !» Nous sommes en 2006, et Jann, alors âgé d’une vingtaine d’années, est assis dans un hôpital parisien, une aiguille dans le bras pour une prise de sang. «L’infirmière s’est permis de donner son avis personnel. Sur quoi ? Ma bisexualité, ma vie privée.» Quinze ans plus tard, le chanteur franco-gabonais de 40 ans est toujours agacé d’être perçu comme «une bête curieuse».
Ce mercredi 17 mai se tient la Journée mondiale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie. Si les deux premières font l’objet de campagnes de sensibilisation, la biphobie, et même la bisexualité, restent largement méconnues et invisibilisées. A cette occasion, près de dix personnes bisexuelles ont témoigné auprès de Libération des stigmatisations, discriminations et violences propres à leur orientation sexuelle.
Les clichés sont peu visibles, mais tenaces, comme en atteste le compte Instagram «Paye ta bi», près de 18 000 followers. «La bisexualité est considérée comme une identification transitoire vers l’homosexualité, ou au contraire une sexualité de circonstance qui ne remet pas en cause l’hétérosexualité de la personne», rapportait l’Institut national d’études démographiques (Ined) en 2018. «La bisexualité n’existerait pas, serait une passade, une mode, comme m’a dit un jour un journaliste. Bi depuis 1978, je ne suis pas une mode», s’amuse Vincent-Viktoria Strobel, porte-parole de Bi’Cause, créée en 1997. Selon l’association, la bisexualité désigne le fait d’être attiré «par des personnes, par deux identités de genre ou plus», la pansexualité, celui d’être attiré «sans considération de genre».
Un passe-plat supposé
En France, le nombre de bisexuels est difficile à déterminer, et serait largement sous-estimé. 0,9% des femmes et 0,6% des hommes, selon l’Ined, mais «il s’agirait de 3 à 5% de la population selon l’enquête de référence “Contexte de la Sexualité en France” réalisée en 2007», rapporte Félix Dusseau, doctorant en sociologie des intimités et des sexualités à l’université du Québec à Montréal. «Si l’on compte les expériences, on monte même à 10% de la population.» Or, la biphobie a des conséquences concrètes. 69% des personnes bisexuelles se sont déjà senties agressées verbalement en raison de leur orientation sexuelle, rapporte une enquête sur la biphobie auprès de 3 625 personnes par cinq associations, dont SOS homophobie et Bi’Cause. Un bisexuel sur sept a déjà été confronté à des discriminations de la part du corps médical, poursuit cette enquête. Enfin, la prévalence de tentative de suicide est trois fois plus importante chez les lesbiennes ou bisexuelles que chez les hétérosexuelles, rapporte Santé publique France.
Eléonore a longuement hésité à requérir l’anonymat avant de s’exprimer dans Libération. «Je travaille avec des enfants, je redoute la réaction des parents», explique cette assistante maternelle de Menton (Côte d’Azur). Un souvenir pousse sa prudence : «On déjeunait souvent avec une collègue de crèche, on parlait de nos vies. Un jour, elle m’a demandé le nom de mon ex. En entendant le prénom d’une femme, elle s’est décomposée et m’a demandé : “Mais tu ne m’avais pas dit que tu étais avec un garçon ?”» L’amie écourte le déjeuner, met une distance. Sa réaction n’est pas isolée. «Comme si en apprenant ma bisexualité, ils ne savaient plus à qui ils avaient affaire.»
Laura fuit un autre type de regard. Cette psychologue de 31 ans originaire des Hauts-de-Seine se remémore une soirée. La scène est banale : Laura bavarde avec un homme, sur un ton amical. Elle parle de son copain, évoque son ex-petite amie. «Son regard s’est illuminé. Il m’a lancé : “Tu dois être chaude pour des plans à trois”. J’étais devenue un objet à ses yeux, il me pensait adepte du libertinage.» Dans une société pétrie de représentations sexualisantes des femmes et des lesbiennes, les bisexuelles sont elles aussi hypersexualisées. Quasiment toutes les femmes interrogées pour cet article ont témoigné de propos similaires.
«Un silence, une gêne nous entourent»
Dire sa bisexualité dépasse ce qu’il est convenable d’entendre selon certains. «Comme si rien qu’en racontant nos vacances au travail, une chose naturelle pour les hétéros, on en avait trop dit, dénonce Louise(1), artiste rennaise de 28 ans. Quand on raconte son week-end à des collègues et qu’on est hétéro, ils s’imaginent des balades à la mer. Pour nous, ils imaginent directement des scènes de sexe, quelque chose de très intime.»
«La souffrance d’être dans le placard», Louise l’a toujours connue. Mais depuis qu’elle sort avec une femme, celle qui se définit comme «pan, bi, lesbienne, ça dépend des jours», découvre avec stupeur une autre souffrance, liée à la lesbophobie. «Je viens d’un milieu plutôt homophobe, des proches travaillant dans le BTP avec une culture très macho. Les mots “pédé” ou “fiotte” fusaient, et les lesbiennes, ça n’existait pas vraiment.» Au moment de son coming out, Louise entend les mots rêvés : «Peu importe ma fille, je t’accepte.» Avant de déchanter. «A Noël, je faisais des blagues sur les lesbiennes. On m’a clairement dit : “N’en parle pas trop non plus.”» Autour de la table, on pose des questions à son frère et sa copine, on photographie le couple hétéro… Rien de tel pour sa copine et elle-même. «Il y a comme un silence et une gêne qui nous entourent. On n’est pas célébrées de la même manière.»
«Le drame des bisexualités est de subir des discriminations associées à d’autres sexualités. Historiquement, les personnes bisexuelles sont fondues dans les communautés gay et lesbienne», rappelle Félix Dusseau. Ainsi, «les femmes bi peuvent subir de la lesbophobie. Or c’est aussi de la biphobie parce que leur identité n’est pas reconnue comme telle».
Les hommes bisexuels souffrent également d’homophobie. «Un homme bisexuel serait un gay undercover [qui se cache, ndlr], forcément suspect aux yeux notamment des hommes hétéros», analyse Félix Dusseau. Victor (1), 40 ans, connaît bien ce «soupçon» d’homosexualité, qui lui a coûté beaucoup d’amitiés. Plus jeune, entre copains, ils voyagent et se défient d’accumuler les conquêtes féminines. Habitué enfant aux rires de son père en voyant des gays à la télévision, Victor se résout à rire aux blagues crasses de ses amis, homophobes et misogynes. Il tente tout de même un début de coming out avec l’un d’eux. «Dès qu’il était bourré, il me hurlait des insanités autour de la pénétration, avec une telle haine…»
Violences intracommunautaires
La biphobie n’est pas l’apanage des hétérosexuels. Des propos violents proférés par des personnes elles-mêmes LGBT+ ont été mentionnés par la quasi-totalité des personnes interrogées. La psychologue des Hauts-de-Seine, Laura, dénonce aussi les agissements violents de certaines lesbiennes. Sur Tinder, il y a cette femme qui «ne veut pas que sa meuf ait été touchée par les sales mains d’un mec», des propos misandres qui trouvent leurs pendants misogynes chez certains gays rencontrés par Victor. Une autre a refusé de rencontrer Laura, «parce que les personnes bi seraient plus à risque d’apporter des maladies». Une dernière n’a vu en elle qu’«une petite hétéro en mal de sensations».
«Dans LGBT, le B existe dans le sigle… Mais il ne s’agit pas encore d’une culture à part entière», regrette Laura. Lou (1), Parisienne de 27 ans, acquiesce : «On n’a pas d’espace, pas de communauté, on est rejetées des deux côtés.» Le militantisme bi est d’ailleurs très peu représenté en France. A part Bi’Cause, seule la cadette toulousaine «To bi or not to bi» se concentre sur les bisexuels. «Quand on interroge les militants bi plus âgés, ils militaient dans des associations gays ou lesbiennes», confirme Félix Dusseau.
Face à la biphobie décomplexée, mais toujours sous les radars, certaines et certains s’organisent. Sur le groupe de discussion Bi’Cause sur Discord, des centaines de personnes se retrouvent en ligne. A Paris, Tours, Nancy ou Montpellier, de nouveaux groupes de paroles à l’initiative de particuliers voient le jour depuis le début d’année, sur le modèle des Bi’Causerie. Vingt-six ans après le lancement de l’association, «un mouvement est peut-être en train de se lancer», espère Laura.
(1) Le prénom a été modifié."
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