Psychanalyse, enfance et sexualité …ou sexuation?
(Partie III)
«Si les hommes savaient tirer la leçon de l’observation directe des enfants, il n’aurait pas été utile d’écrire ces trois essais. […] Mais pour ce qui concerne l’“extension” du concept de sexualité nécessitée pour l’analyse des enfants et de ce qu’on appelle des pervers, qu’il nous soit permis de rappeler à tous ceux qui, de leur hauteur, jettent un regard dédaigneux sur la psychanalyse, combien la sexualité élargie de la psychanalyse se rapproche de l’Eros du divin Platon.» Sigmund Freud
35 - Mais de quoi parle donc Freud dans ses Trois essais sur la théorie sexuelle (Drei Abhandlungen zur Sexualtheorie) lorsqu’il évoque la "sexualité infantile" (infantile Sexualtheorien), la satisfaction (Befriedigung), le plaisir (Lust), la jouissance (Genuss)? Gardons-nous d’entendre les mots de Freud autrement que comme des termes qui renvoient à des positions purement psychiques, faute de quoi il est impossible d’entrer dans la forme de la pensée freudienne. Tout terme chez Freud renvoie à une position psychique, dans un contexte singulier d’élaboration psychique, en tant que c’est par l’élaboration psychique que l’enfant se sera efforcé de surmonter sa séparation d’avec le corps maternel en imaginant son propre corps dont la construction est co-extensive de l’autonomie de sa pensée.
36 - Freud note cependant que si la vie sexuelle de l’adulte ne se déduit pas forcément de celle de l’enfant qu’il a été, c’est que d’avoir été définitivement séparé du corps maternel (l’objet sexuel originel perdu à jamais) l’aura fait traverser des errances (Abirrungen) causées par une multiplicité de découpages et de déplacements de l’attrait imputé à l’objet sexuel primordial qui reste unique et irremplaçable, la pulsion dite sexuelle ne visant pas dès lors à créer un objet, mais à retrouver, dans les objets existants, sur les différentes scènes de la réalité, des traces de l’objet originaire.
37 - S’il appert que Freud fait remonter la sexualité à la prime enfance, ses précises investigations sur la sexualité infantile pour la période antérieure à la sortie de l’Œdipe et à la puberté, l’amènent à la nécessité d’inventer nombre de concepts nouveaux, scandaleusement négligés, déformés et trahis par les traductions: parmi lesquels la Geschlechtstrieb (que je traduis donc par «pulsion d’espèce» et la Verlötung (soudure), deux termes qui apparaissent dans le même paragraphe, en conclusion de la première section du premier des Trois Essais: «Il nous apparaît que nous nous représentions le lien (die Verknüpfung) entre la pulsion sexuelle (Sexualtrieb) et l’objet sexuel sous une forme trop étroite. L’expérience des cas considérés comme anormaux nous apprend qu’il existe dans ces cas une soudure (Verlötung) entre pulsion sexuelle et objet sexuel, que nous risquons de ne pas voir en raison de l’uniformité de la conformation normale, dans laquelle la pulsion semble porter en elle l’objet. Nous sommes ainsi mis en demeure de relâcher [ou assouplir: zu lockern] dans nos pensées les liens entre pulsion et objet. Il est vraisemblable que la pulsion sexuelle [traduction fausse: il s’agit ici de la pulsion d’espèce (Geschlechtstrieb)] est d’abord indépendante de son objet et que ce ne sont pas davantage les attraits de ce dernier qui déterminent son apparition.»
38 - Pour Freud, il n’y a donc pas d’objet adéquat à la pulsion : il repère dans les cas dits "anormaux" une soudure artificielle entre la pulsion et l’objet, mais en vérité c’est la pulsion qui littéralement investit les objets conformément aux tendances du sujet en cours d’émergence. Chaque sujet invente et produit sa propre réalité comme source de plaisir par la médiation de ses fantasmes qui trouvent support dans des objets. La pulsion sexuelle (Sexualtrieb) sera dès lors apparue sous les auspices d’une recherche désormais active et répétée de plaisir [alors que pour le nourrisson, le plaisir ne se prenait que de manière passive, placé sous le signe de la satisfaction (Befriedigung) ou cessation du déplaisir par l’action extérieure du soin maternel].
Quant à la jouissance (Genuss) — qui est à distinguer de son acception lacanienne tirant les conséquences de la lecture de Hegel par Kojève et de la notion de dépense développée par Bataille — elle n’apparaît que corrélativement à la pulsion d’emprise (Bemächtigungstrieb) par laquelle se manifestent toutes les formes de violence à l’égard de l’Autre, que l’enfant sera conduit à sublimer par la pulsion d’élaboration psychique (Bewältigungstrieb) se doublant d’une pulsion de savoir (Wisstrieb) qui l’ouvre au travail de conception psychique en lui permettant d’expérimenter une forme de maîtrise (Bewältigung) sur ce qui lui échappait jusque là et le faisait se sentir impuissant jusqu’à la détresse…
39 - Par ses possibilités d’élaboration psychique, l’enfant peut non seulement compenser l’absence de la mère, mais aussi bien s’absenter de la mère, se retrouver seul, séparé du corps maternel, sans pour autant éprouver cet état de détresse absolue ou de perte d’appui que Freud nomme Hilflosigkeit. Dans Au-delà du principe de plaisir, il raconte ainsi le passage du Fort/Da au miroir: «Un jour où la mère avait été absente pendant de longues heures, elle fut saluée à son retour par le message «Bébé O-O-o-o», qui parut d’abord inintelligible. Mais on ne tarda pas à s’apercevoir que l’enfant avait trouvé pendant sa longue solitude un moyen de se faire disparaître lui-même. Il avait découvert son image dans un miroir qui n’atteignait pas tout à fait le sol et s’était ensuite accroupi de sorte que son image dans le miroir était “partie”.»
De ces jeux de substitution, d’occultation et d’escamotage, Freud puis Lacan tireront patiemment les plus précieux enseignements sur la structure: à savoir la façon dont s’élabore la question de l’identité sur le fond de séparations premières, l’identité imaginaire et aussi l’identité de jouissance ou de symptôme, en bref l’identité moïque. Car ce sont les conditions de ces séparations primitives qui font l’étoffe d’un sujet et partant feront aussi la cause de son moi, l’ombilic à partir duquel, le sujet humain pourra se figurer lui-même (stade du miroir chez Lacan).
40 - Il est désormais clair que le "sexuel" dont Freud parle dans la "sexualité infantile" est un sexuel qui ne concerne pas encore la sexualité, mais qui est à entendre au sens d’une quête d’identité, en guise de réponses, jamais satisfaisantes à la première question que se pose l’enfant sur son origine : «D’où viennent les enfants ?» (Woher die Kinder kommen ?), «Qu’étais-je avant d’être né?»…
La quête d’identité met en évidence l’importance primordiale et outrageusement négligée de la Geschlechtstrieb par laquelle l’enfant peut déjà s’identifier par l’image du corps à l’espèce humaine, en deçà (ou par delà) la division sexuelle, antérieurement à l’apparition des autres objets, la "pulsion d’espèce" donc, qui est indépendante de tout objet, et dont pour Freud «les cas considérés comme anormaux nous apprennent qu’il existe dans ces cas une soudure (Verlötung) entre pulsion sexuelle et objet sexuel».
C’est donc seulement parce que pour l’enfant se séparant du corps maternel il est impossible de rendre compte d’un lien (die Verknüpfung) entre la pulsion sexuelle (Sexualtrieb) et un objet sexuel sous une forme déterminée que Freud emploie l’expression "polymorphiquement pervers" pour signifier la jouissance non fixée de l’enfant, et comme le souligne avec à propos Jacques Sédat, lecteur attentif de Freud: «Il n’y a pas d’articulation fixe, permanente ou nécessaire, entre la pulsion, c’est-à-dire un sujet, et l’objet investi comme autre sujet sur la scène de la réalité. Autrement dit, la disposition polymorphiquement perverse de la sexualité infantile est pour Freud le contraire de la perversion au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Cette disposition polymorphiquement perverse constate l’inadéquation initiale, originaire, entre la pulsion et les objets disponibles sur la scène de la réalité, que la pulsion va pourtant investir.»
41 - «[…] entre la pulsion, c’est-à-dire un sujet, et l’objet investi comme autre sujet sur la scène de la réalité»: la formulation est ici plus que pertinente pour ce qui définit en propre le Discours Analytique dont Lacan attribue la paternité à Freud: la pulsion est du côté du sujet, comme le souligne Freud, car pour lui la pulsion (Trieb) n'est pas à confondre avec l'instinct (Instinkt): «les pulsions sont des êtres de mythe, grandioses par leur indétermination», la notion de mythe impliquant structure. Alors que l’instinct est un savoir inné qui met en rapport l’animal et son environnement, l’Umwelt de l’homme est toujours déjà médié par le langage, raison pour laquelle le sujet humain déploie ses pulsions (orale, anale, génitale, scopique et invoquante) comme autant de montages langagiers…
Les pulsions dont la source est le corps n’en réfèrent pas moins à la structure, et leur poussée constante ne relève pas de la physiologie, leur objet étant indifférent, leur but la satisfaction…
Pour les trumains, l’Unbewusste (un savoir qui ne se dit pas, un dire qui ne se sait pas) s’est substitué à l’instinct animal. Le langage venu à la place du "rapport sexuel" absent (non rapportable à la structure), une trace de l’instinct perdu reste perceptible dans la reproduction de l’espèce...
42 - Les quatre pulsions mises à jour par Freud à partir de ce moment inaugural de la sexuation en tant qu’arrachement de l’enfant au corps maternel, et tentative de compenser la déchirure qui en résulte par la construction d’un corps propre susceptible d’assumer la séparation, pour résumer, s’articulent donc ainsi:
-la pulsion d’espèce (Geschlechtstrieb) qui n’est ni sexuelle ni sexuée, ni fixée sur un objet extérieur, mais vise l’image du corps de l’Autre en tant que reconnaissance identitaire permettant à l’enfant de se situer dès l’origine comme "sujet pensant" toujours déjà séparé de son être et devant se constituer un corps propre à partir de l’image de l’autre [que Lacan notera i(a)]…
Par les nécessités de l’existence (départ inopiné de la mère, inaccessibilité du corps maternel, sentiment anxiogène d’impuissance…) la Geschlechtstrieb se trouve, destinée à rencontrer
-la pulsion d’emprise (Bemächtigungstrieb) qui pousse l’enfant non pas à investir un objet, mais à arraisonner un objet pour tenter d’établir un lien plus ou moins fixe avec cet objet, le maîtriser assez pour supprimer l’aspecr aléatoire qui caractérise les objets extérieurs, quitte à maltraiter l’objet en lui imposant violemment sa volonté, afin qu’il soit toujours maintenu à disposition, rendu conforme à la visée de la pulsion asexuelle, qui anime son objet…
La Bemächtigungstrieb est celle qui correspond au "Fort", premier moment du Fort/Da (cf. 31) qui en tant que volonté de maîtrise exercée sur l’Autre. Ceux qu’on appelle des "casseurs", par exemple, en restent à ce niveau là de la pulsion d’emprise, cherchant à entrer dans le secret des choses (ou des autres) en les brisant... se double de
-la pulsion d’élaboration psychique (Bewältigungstrieb) qui apparaît comme la seconde étape du Fort/Da, le "Da" en tant qu’il permet la sublimation de la pulsion d’emprise à laquelle la Bewältigungstrieb est directement corrélée, car promettant une maîtrise (Bewältigung) plus complète de l’objet comme de soi-même, en permettant à l’enfant de s’extraire de l’agressivité physique pure en rétablissant l’objet malmené par la pulsion d’emprise, en le faisant revenir, et dans cette restauration de l’objet s’opère non seulement l’élaboration de l’absence de la mère, qu’on n’a plus besoin de détruire, mais surtout un travail psychique sur soi-même, une maîtrise (Bewältigung) psychique de soi qui se substitue à la pulsion d’emprise, maîtrise qui, à ce moment-là, dépasse la destruction et la contrainte de répétition. C’est ce que Freud appelle la pulsion d’élaboration psychique par la possibilité d’articuler la maîtrise psychique de l’objet (jusqu’à là physique, portée jusqu’à la maltraitance…) par une élaboration psychique (représentation) â partir de laquelle l’enfant parvient non seulement à symboliser l’absence de la mère, mais apprend à se séparer lui-même du corps maternel par la médiation de
– la pulsion de savoir (Wisstrieb) qui génère en partie la sublimation de la pulsion d’agression par l’assomption pour le sujet dans ce passage du physique au psychique d’une forme radicale d’altérité fondée sur la perception qu’il y a toujours de l’inconnu chez l’autre et même de l’inconnaissable, que l’altérité de l’autre fait qu’il échappe toujours, au moins partiellement à toute emprise, que le sujet ne peut jamais être sûr des pensées de l’Autre qui lui restent opaques (la cure analytique apprendra au sujet à renoncer à vouloir savoir a priori ce que pense l’autre pour apprendre à l’écouter: puisque les corps sont séparés, les pensées doivent être séparées tout aussi bien).
43 - Rappelons ici que si Freud fait remonter l’activité sexuelle à la prime enfance, c’est qu’il en situe l’origine dans la sexuation opérée avec le corps maternel, ce qui fait de la mère l’objet libidinal primordial toujours déjà perdu pour l’enfant des deux sexes, appelé à structurer cette séparation constitutive par la traversée de plusieurs stades pulsionnels ainsi que du complexe d’Œdipe qui consiste à intégrer la fonction paternelle comme métaphore dans le développement de l’enfant (ce qui le conduira logiquement à choisir son objet dans l’autre sexe…)
Freud note toutefois que «l’activité sexuelle de l’enfant ne se développe pas du même pas que ses autres fonctions; elle entre au contraire, après une brève période de floraison de la deuxième à la cinquième année dans ce qu’on appelle période de latence» durant laquelle, l’activité pulsionnelle donnant lieu à la production d’excitation sexuelle ne serait nullement suspendue mais persisterait et livrerait une provision d’énergie qui serait utilisée en grande partie à des fins autres que sexuelles, à savoir d’une part à la fourniture des composantes sexuelles des sentiments sociaux, d’autre part (moyennant refoulement et formation réactionnelle) à l’édification des barrières sexuelles ultérieures.
Puis Freud ajoute que: «le fait de l’amorce en deux temps du développement sexuel chez
l’homme, soit l’interruption de ce développement par la période de latence, nous a paru mériter une attention particulière, semblant contenir l’une des conditions de l’aptitude de l’homme à développer une culture supérieure, mais aussi de son inclination à la névrose», non sans prendre le soin d’avertir: «Nous avons en outre constaté par des expériences que les influences externes de la séduction peuvent provoquer des brèches prématurées dans la période de latence, voire aller jusqu’à l’abolir, et qu’en l’occurrence la pulsion sexuelle de l’enfant s’avère être de fait de type pervers polymorphe ; également, que toute activité sexuelle prématurée de ce genre porte atteinte à l’éducabilité de l’enfant.»
44 - Insistons en citant une nouvelle fois Freud dans le texte: «Es ist lehrreich, dass das Kind unter dem Einfluss der Verführung polymorph pervers werden, zu allen möglichen Überschreitungen verleitet werden kann. Dies zeigt, dass es die Eignung dazu in seiner Anlage mitbringt.» (Il est instructif que l’enfant puisse devenir, sous l’influence d’une séduction, un pervers polymorphe, et puisse être entraîné ainsi à toutes les
transgressions possibles. Cela montre qu’il apporte cette aptitude avec lui dans sa disposition.)
Ce que Freud vise avec le mot "aptitude" n’est rien d’autre que la jouissance non fixée de l’enfant du fait que les objets ne font leur apparition qu’après la pulsion et lui sont par conséquent toujours inadéquats, la pulsion n’investissant un objet extérieur qu’à partir de l’apparition de la pulsion d’emprise (cf. supra) toujours couplée à une pulsion d’élaboration psychique qui amène le sujet à pouvoir étendre sa maîtrise mais aussi devenir lui-même, par les lois du langage, objet de jouissance (puissance) d’un autre…
Dans la perspective freudienne, la jouissance ne concerne que la pulsion de l’adulte exercée sur l’enfant ou un adulte.
Lorsqu’il s’agit des enfants, le sexuel dont parle Freud est donc bien cette compensation mise en place au plan psychique pour permettre au petit sujet d’assumer sa sexuation, c’est à dire sa séparation d’avec l’objet libidinal primordial qu’est le corps maternel, en se soutenant de son activité pulsionnelle qui est de l’ordre du fantasme et doit rester au strict plan du fantasme.
Pour le dire avec Lacan: «Faire l’amour, comme le nom l’indique, c’est de la poésie. Mais il y a un monde entre la poésie et l’acte. L’acte d’amour, c’est la perversion polymorphe du mâle. Ceci chez l’être parlant, il n’y a rien de plus assuré, de plus cohérent, de plus strict quant au discours freudien.»
45 - Si Freud insiste sur la déliaison fondamentale entre pulsion et objet, ce qui met l’enfant dans la disposition (mal interprétée) d’avoir été dite, par lui, polymorphiquement perverse — à savoir a priori non-fixée sur une jouissance spécifique — il ne manque pas de signaler qu’une séduction précoce et le non-respect de la période de latence chez l’enfant peut provoquer des brèches dans sa construction psychique, jusqu’à l’endommager gravement, rendre l’enfant inéducable, susceptible de développer des troubles sévères de la personnalité, pouvant aller jusqu’aux aptitudes à la prostitution et à toutes les perversions répertoriées par les adultes dont il sera devenu objet. Ce que Freud dénomme chez l’enfant du «polymorphiquement pervers» est le contraire absolu de la perversion telle qu’elle se donne dans le langage courant, où l’acception "pervers" désigne un comportement invasif envers un objet sexuel, pouvant aller jusqu’à l’extrême brutalité et l’asservissement aux sévices qui lui sont infligés…
NB: Dans la perspective psychanalytique, nonobstant le fait que psychose paranoïaque et perversion sont de structure différente, elles visent toutes deux à la maîtrise de l’Autre et gardent un lien étroit avec la sexualité:
-du côté de la paranoïa, on vise à maîtriser l’Autte par le contrôle de ses pensées, en cherchant à les diriger… Nous sommes ici dans le registre de la seconde des théories sexuelles infantiles, la théorie dite cloacale (cf. 19, 20, 21) qui correspond à un état maniaque où il y a deux corps mais un seul appareil psychique, de façon à ce que l’autre ne puisse échapper au sujet parce que ses pensées ne lui sont pas étrangères. Pour Freud, la paranoïa se soutient essentiellement d’une homosexualité refoulée, le persécuteur étant toujours du même sexe…
-dans la perversion (prise dans sa stricte acception psychanalytique, la perversion de structure n’étant pas à confondre avec la perversité, ni les traits pervers…) le pervers se fait l’instrument, et donc l’objet de la jouissance de l’Autre afin de pouvoir s’instaurer en maître et éducateur de sa victime-partenaire, dans la mesure où se sentant exclu de la jouissance, il a pris le parti de dénier l’inadéquation fondamentale de la pulsion à l’objet qui est toujours substituable à un autre… Le pervers avait initié ce procédé enfant, en s'identifiant à sa mère et en faisant d'elle une "mère-phallique" (dans son fantasme, cela ne signifiant pas qu'elle le soit réellement) lorsque, pendant ses absences, il allait dans son armoire humer ses vêtements, essayer ses affaires les plus intimes, imaginant ainsi connaître ses jouissances ; et c'est cette fixation qui l'a conduit à la perversion…
46 - Pour conclure provisoirement: la sexuation (génératrice de la douleur d’ex-sister) force le sujet à passer par une série de compensations fantasmatiques, dont la mise en branle de l’appareil psychique déterminera, en fonction du contexte d’éducation, les motions sexuelles qui l’animeront selon le Lustprinzip (principe de plaisir), dans une dialectique jouissance/séparation, où la jouissance consiste à se fondre dans quelque chose de plus vaste que soi, et la séparation à jouer la limitation de cette jouissance par l’assomption de son destin en tant qu’il définit la singularité du sujet porté par la tension du désir. Il y a donc ici deux pôles et ce qui gît dans l’intervalle, ce qui fait pour le sujet la distance qu’il peut maintenir entre les deux limites pour y respirer pendant le temps qu’il lui reste à vivre, et c’est cela que Lacan appellera le désir.
Le sujet (symbolico-réel) ne peut se construire que dans la séparation d’avec l’objet, mais le moi (imaginaire) souhaite selon Freud: « être en indivis (non séparé) avec l’objet externe».
L’éthique de la psychanalyse se conditionne donc depuis son origine d’une assomption des difficultés de la séparation (Abschiedsschwierigkeiten) et nous sommes en tant que sujet toujours confrontés à l’alternative : séparation ou soumission.
Voilà l’une des façons d’aborder le problème actuel du «Malaise dans la civilisation»…
11 notes
·
View notes