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#Habit Rouge L’Instinct
persolaise · 2 years
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Guerlain Habit Rouge L’Instinct, L’Artisan Parfumeur Abyssae, Givenchy Gentleman Reserve Privee, Sana Jardin Venus Of Verbena reviews
Will this be a hit?
Even though the folks at Guerlain don’t shy away from flankers, a new addition to the Habit Rouge range remains a rarity. So it’s not surprising that a fair amount of excitement has surrounded the arrival of Guerlain Habit Rouge L’Instinct, Delphine Jelk’s take on Jean-Paul Guerlain’s 1965 masterpiece. I reviewed the scent, as well as a few others, in a recent video over on YouTube. Here’s a…
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hocarre · 9 months
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Petite création d'une Yokaï
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Le village était calme, silencieux alors que le vrombissement des flammes couvrait les râles d’agonies de ces pauvres âmes qui rendaient leurs derniers souffles. Mais le bruit le plus horrible était ce son strident de plaisir que les deux monstres produisaient pendant leur union macabre, et cela pour une seule nuit. Cette chasse et guerre de territoire avaient réveillé une ancienne passion mortelle.
La Jorogumo avait tissé une toile épaisse pour maintenir solidement son coriace adversaire, un Tsuchigumo, qui était solidement entravé dans une toile gluante. Et cette yokai le chevaucher dans un rythme endiablé telle une reine araignée. Elle maintenait son partenaire monstrueux au sol, prenant son plaisir faisant craquer l’illusion de cette beauté fatale pour révéler sa véritable nature, une humanoïde aux caractéristiques arachnoïdes et monstrueuse. Les deux Yokais avaient lutté griffes et crocs tout en écrasant les habitations et ses pauvres habitants où c’était déroulé leur combat et cette lutte de forces égales avait été remplacé par cette union improbable. La Jorogumo se déhanchait sous la passion et fini par desserrer la prise qu’elle avait sur ses fils et le mâle en profitait pour filer sans demander son reste une fois sa tâche accomplie. Autant cet horrible monstre au corps d’araignée et à l’instinct de tueur était puissant et fort face à cette frêle femelle, autant, il était faible comme un humain face à cette dernière dans cette situation où elle pouvait le tuer et le dévorer en l’espace d’un instant. Mais son instinct de survie avait été le plus fort et il filait sans demander son reste, le fier guerrier au code d’honneur, devenait temporairement un fuyard que son clan pouvait destituer de sa place de chef.
La futur mère reprenait ses esprits et regardait les lieux avant d’émettre un cri strident qui rameutait auprès d’elle, toutes les araignées de la forêt, grâce à leur aide, elle aménageait les lieux rapidement recouvrant les ruines, de toiles d’araignées, d’ossements et de reste de bouillie humaine, un endroit parfait pour accueillir ses futurs ses cocons précieux qui allaient protéger sa progéniture. Ces derniers allaient mettre plusieurs mois pour délivrer, ou non, au monde, leurs petits habitants. Ce village qui était maintenant vide serait le sanctuaire parfait pour voir cette future vie apparaître et croître. Mais pour le moment, c’était un lieu de désolation, de mort, des fils de toiles volaient au vent, porté par les brises qui parcouraient les lieux. Cette même brise qui faisait tournoyer lentement et sur eux même, les poches d’œufs que l’horrible femme araignées avaient disséminer un peu partout. Certaines ne pourraient jamais voir le jour, d’autres auraient libérée de leurs coques collantes et résistantes, des araignées bien plus grosses que le commun des mortel, mais bien trop petites et frêles pour être un Tsuchigumo et bien trop difforme pour devenir une ravissante Jorogumo.
Mais un, un en particulier avait délivré un soir de pleine lune rouge, la seule création parfaite que cette union inhumaine et contre-nature avait formé. Une fillette, mi-humaine, mi-araignée, qui tiendra ses pouvoirs de sa mère, et l’appétit de son père, ce qui la mènerait à avoir une vie chaotique et non-lisse comme un fil de soie. Cette dernière s’était échappée de son cocon en l’éventrant et portait son regard vers la pleine lune, ouvrant tous ses yeux les uns après les autres. Yeux qui avaient une magnifique teinte rubis, bien plus claire que ses cheveux rouges comme le sang.
Elle avait fini par sortir de son reste de son cocon, ses pattes monstrueuses semblaient, vouloir s’effondrer sous son poids de fillette qui semblait avoir quatre ans. Elle fixait l’astre intensément, comme hypnotisée par celui-ci mais un bruit brisa le silence et elle s’enfuie le plus rapidement possible, avec une vitesse incroyable avant de se hisser dans l’ombre du feuillage de l’arbre qui avait apporté sa protection pour sa poche de soie. Elle scrutait les lieux, remarquant une chouette, le bruit provenait de ce petit animal étrange. Après un moment à la regarder, intriguée, elle savait ce qu’elle devait faire, son instinct se réveillait en elle, comme une fleur en train d’éclore. Elle savait quel bute, elle devait atteindre.
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angelitam · 2 years
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Habit Rouge L'instinct de Guerlain
Habit Rouge L’instinct de Guerlain
Habit Rouge de Guerlain dévoile une nouvelle version, Habit Rouge L’instinct. Habit Rouge L’instinct de Guerlain La légende masculine de Guerlain se réinvente dans cette version d’Habit Rouge. Un esprit de liberté, de puissance, comme un cheval indompté dont la fougue et la force inspirent cette eau de toilette intense. Habit Rouge L’instinct de Guerlain Habit Rouge est le premier parfum ambré…
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isfresh · 2 years
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Draft - Nouvelle : Camélia - 2015 (lecture 1H - écriture 21 jours)
Cet été, je le passais entièrement à la cueillette dans un gigantesque champ d’arbres fruitiers de la Charbonnière. Je m’y rendais de bon matin, avec le vélo de ma mère, et parcourais plusieurs kilomètres sur une route bordée de maisons coquettes filant plein Est. A mesure que je progressais sur cette route, les maisons se faisaient plus vieilles, les herbes poussant dans les jardins devenaient plus touffues et les arbres plus secs. Et c’est à la lisière de la forêt d’Orléans, près du château de la Charbonnière que j’arrivais à cette ferme qui bordait plusieurs hectares de vergers. Ces vergers appartenaient à un vieil agriculteur du nom de Claude. Claude avait passé sa vie dans la ferme qui était la possession de sa famille depuis un siècle. Autrefois véritable ferme paysanne, avec ses poules qui picorent dans la cour, ses moutons et chèvres chantant dans les étables, son moulin qui grince et son puits qui s’assèche et se remplit au rythme des pluies, elle avait perdu aujourd’hui le charme de son authenticité. Ses habitants l’avaient un par un quitté pour aller se fondre dans le rêve de la ville. Même les animaux avaient disparu, ou plutôt s’étaient changé en machines. La cour était envahie d’engins agricoles en panne et de brouettes qui avaient perdu leurs roues. Un entrepôt avait vu le jour et sa tôle n’avait pas tardé à rouiller. Des paires de bottes jetées ça-et-là témoignaient encore d’une activité qui persistait à survivre.
J’y arrivai le matin de bonne heure, aux alentours de 7h30, et rejoignait les saisonniers qui discutaient devant la ferme. Là, Claude, qui s’était levé avec le soleil, nous faisait tous monter dans son tracteur et nous dispersait aux quatre coins des vergers. Avec ses soixante-cinq étés au compteur, Claude ne s’économisait pas dans ses tâches. Grand et fort malgré ses cheveux gris, c’était un taureau tout de muscles et sans un gramme de graisse qui savait montrer l’exemple aux saisonniers en abattant en une demi-journée le double de leur travail quotidien. Il avait des yeux d’un bleu intense et un long visage à la peau raviné par le soleil, les pluies et les pesticides ; soit tous les aléas de la vie. Quand j’entendais son sifflement joyeux à travers les allées d’arbres fruitiers, je me mettais à accélérer alors la cadence car il risquait à tout moment me tomber dessus. Et alors, s’il me trouvait trop rêveur, il pourrait lui venir l‘envie d’améliorer mon rendement en essuyant ses bottes sur mon derrière.
Durant les deux mois de l’été, je cueillis plusieurs tonnes de succulents fruits. Il y avait des pommes Granny Smith, vertes comme des raisins et des Fujis, rouges, vertes et si acides qu’elles vous laissaient les dents toutes blanches. Il y avait aussi des poires Conférence bien juteuses dont le goût frais et tendre vous rafraîchissait pour plusieurs heures. Il avait fait très chaud tout le mois d’août et dans la chaleur de la journée, il n’y avait rien de plus désaltérant que de croquer à pleines dents dans ces fruits tout justes cueillis après en avoir essuyé et fait luire la peau.
Sous l’action du soleil, ma peau à moi s’était colorée d’un marron intense. Mon corps presque entier était tartiné de cette couche de miel venu des cieux. Sur mes bras, j’avais emporté les griffures jalouses de ces arbres. Les pommiers faisaient parfois plusieurs mètres de haut et il fallait toujours grimper sur une échelle et pénétrer tout entier dans les feuillages pour récupérer les précieux fruits. Je m’y plongeais en short et torse nu, à la sauvage, avec l’instinct animal des premiers cueilleurs. Durant cet été, les branches avaient tracé une multitude de cicatrices sur mes membres. Les plus anciennes m’avaient laissé de fines et longues griffures blanches sur les avant-bras et les jambes. Les plus fraîches complétaient ce quadrillage par des sillons rougeoyants. Les fruits que je cueillais étaient destinés à remplir les rayons des supermarchés de la région. Mais avant ça, elles allaient dans un panier que je portais sur le dos. Une fois plein, je déposais le contenu du panier dans une remorque qu’il fallait tirer dans les rangées au fur et à mesure que l’on progressait dans le champ. Cette remorque pesait plusieurs centaines de kilos une fois pleine et deux fois par jour, je devais la ramener à la force des bras jusqu’à la ferme. Claude stockait les fruits dans un immense compartiment réfrigéré en briques situé dans l’entrepôt. Quand je lui amenais une remorque, il fallait en prendre une nouvelle et alors, rebelote. Ce job estival et les coups de pieds attentionnés de Claude avaient incroyablement durci mes bras et mes jambes, m’avait redressé le dos et semblait même avoir élargi ma carrure. En plus de mon salaire, j’avais une nouvelle silhouette et c’est dans ces dispositions que je débarquais à la fac, une journée chaude de septembre, pour assister à ma pré-rentrée de première année de droit.
*
Le premier jour, les autres étudiants me regardaient curieusement. Il est vrai que mon aspect excessivement hâlé contrastait avec leurs mines grises et pâlottes. Certains avaient légèrement bruni leurs couleurs dans des cabines ou dans un soleil situé à l’autre bout du pays, voire du monde. Mais aucun n’avait cet aspect cuivré qui ne s’acquiert que dans l’effort, de 8h à 18h et en plein soleil. En vain, je voulus passer inaperçu. J’étais vêtu d’un short et d’un t-shirt tout neuf : j’avais le portefeuille et l’ego bien rempli et souhaitais par-dessus tout me fondre dans la masse pour en rejoindre l’élite. C’est la raison pour laquelle j’avais choisis le droit après le lycée. Enfin, c’est une des raisons que je donnerais, s’il me fallait en trouver une. La vérité, c’est que je n’étais intéressé par rien et apprendre le droit ne me paraissait pas plus dénué de sens que de m’exercer à la médecine ou à la plomberie. Et puis, il fallait bien faire quelque chose de sa vie et rendre fier ses parents non ? Enfin j’arrête là mes digressions car ce n’est pas une histoire sur les problèmes parents-enfants. Revenons donc à la fac.
Cette première journée, des deuxièmes années bénévoles nous firent visiter la faculté. Elle était située bien à l’écart de la ville, dans un vaste parc boisé qui comprenait de nombreuses forêts de chênes, d’hêtres, de bouleaux et de châtaigniers, ainsi qu’un grand lac où se baignaient plusieurs familles de canards et même quelques cygnes. Disséminés aux quatre coins du parc se trouvaient les bâtiments où l’on enseignait le Droit, les Lettres et les Sciences et chaque département occupait un territoire bien séparé des autres.
Nous visitâmes les amphithéâtres, les bibliothèques, les restaurants et rencontrâmes quelques professeurs et chefs d’administration qui nous firent des discours fastidieux sur le déroulement de l’année. Pour ma part, je m’occupais l’esprit en parcourant les formes de toutes ces filles qui se présentaient à mon regard. Je déchiffrais dans les traits de leurs courbes d’innombrables fantasmes, les imaginant nues ou en sous-vêtements, et m’imaginais leur faire connaître l’extase. A la fin de la journée, je me rappelle m’être assis seul sur le banc d’un abris-bus et là, je me perdis dans la contemplation des griffures sur mes membres. J’étais dans un état de béatitude enthousiaste propre aux adolescents et, plein d’optimisme, je me jurais de tout faire pour connaître une ou deux passions renversantes durant cette nouvelle année. J’étais un rêveur et il n’y avait pas pour moi plus beau rêve que celui de la Femme. Je la voyais comme le voyageur contemple une fleur pousser dans un jardin interdit d’accès. En rasant les murs et en marchant la tête droite, on peut la voir par-dessus la haie s’élever vers le ciel et dévoiler ses corolles aux rayons du jour. Il était interdit cependant de la cueillir. Pour cela, il fallait être aux bons soins avec son voisinage et pouvoir pénétrer dans le jardin. Et moi, j’habitais une cave ou rien ne pousse ; j’étais le pestiféré du coin.
Une légende dit que les premières fleurs qui ont poussé dans ce monde, choisirent entre toutes les terres, celles romantiques et sauvages de la belle Espagne. C’est dans ce pays que naquit Camélia. Je la rencontrais dès la première semaine de cours, et l’histoire que je vous conte est celle de ma rencontre avec cette fleur aux multiples pétales, cousine de la rose dont elle a pris la beauté et dédaigné les épines, une fleur qui déjoue les complots des jardiniers pour pousser si haut que tous peuvent la sentir et la contempler.
Dans le bassin orléanais, au nord de la Loire, la météo est aussi traitresse que les femmes de ce pays lointain qui poignardent leurs maris quand elles sentent que leur amour baisse. A Orléans, à la fin de l’automne, les températures peuvent monter et faire croire aux fleurs qui commencent à bourgeonner que le printemps est venu. De même en juin, on peut se retrouver soudainement à devoir revêtir pull, manteau et écharpe, et garnir ses poches de nombreux mouchoirs car nous voilà soudainement six mois en arrière. C’était une de ces journées au temps trompeur où je fis la connaissance de Camélia.
**
Durant la première semaine de cours, nous n’avions pas encore d’emploi du temps défini. Pour connaître notre programme du lendemain, il nous fallait nous reporter chaque jour aux panneaux d’informations situés à l’extérieur du bâtiment principal.
Les programmes du lendemain, qui figuraient sous forme de listes et s’étalaient sur plusieurs feuilles, avaient été accrochés pendant le dernier cours de l’après-midi. Ce jour-là, la température avoisinait les 13 degrés et la pluie résonnait en tombant sur les toits et sur les flaques d’eau, alors que la simple veille, il avait fait un temps évoquant Les Coquelicots de Monet. Les panneaux d’information se trouvaient sous un minuscule préau, pas plus grand qu’un porche de poissonnier et ne pouvait contenir au mieux qu’une cinquantaine de personnes. Nous, nous étions quatre cent étudiants voulant connaître le plus rapidement possible les groupes nous étant assignés. Quatre cent premiers années en Droit Privé, Droit Public, Histoire du Droit et Droit Européen qui jouaient des coudes et se chahutaient pour récupérer la précieuse information avant les autres. Les plus sages et les moins courageux attendaient dans le bâtiment que la foule se disperse. Quant aux hâtifs, ils avaient tous pris place dans cette arène sous le préau. La queue n’en finissait pas de grossir et bon nombre d’étudiants s’étaient retrouvés à la merci de la pluie qui tombait en trombe. Au 1er rang, une petite dizaine de personnes étaient collées aux tableaux et, du bout du doigt, cherchaient leurs noms parmi les différentes listes. Après avoir épluché une liste entière sans succès, les étudiants en première ligne devaient se reporter sur une des listes adjacentes, perdant ainsi leurs places et se retrouvant à attendre de nouveau. Le processus de lecture prenait ainsi un temps considérable. A l’arrière, les étudiants cherchaient à accélérer le rythme de lectures de ceux se trouvant devant eux. Ils poussaient, huaient, s’excitaient et se houspillaient, incapables de patienter une seule minute. Il est vrai qu’on se semblait piégé dans un monde d’une exaspérante lenteur : les étudiants mettaient un temps considérable pour débusquer leurs noms et s’échapper par une ouverture située sous les panneaux. Pendant ce temps, dans la fosse, quelques jeunes filles ballotées en tous sens invectivaient les pousseurs situés derrière, en vain car ces derniers étaient dans la même situation qu’elles. Les coupables étaient ceux situés à l’entrée du bâtiment ainsi que ceux qui se retrouvaient sous la pluie. Ces deux groupes formaient un étau qui pressait une bonne centaine de personnes. Certains se retrouvaient collés aux vitres des portes, incapables de bouger d’un seul centimètre, dans une position plutôt grotesque. J’étais moi-même dans la fosse, au beau milieu de ce spectacle. En ce qui me concerne, je gardais mon calme et j’observais sereinement les différents mouvements de foule pour avancer le plus efficacement possible. En mettant un pied en avant et l’autre en arrière, je gardais une parfaite stabilité qui me permettait d’atténuer les poussées venant de l’arrière garde. Quand un étudiant essayait de me doubler par la force, il me suffisait d’un regard pour lui faire calmer ses ardeurs. J’étais plus grand que la moyenne et un halo sauvage rayonnait autour de moi de par ma peau dorée. Par un langage muet du corps, j’arrivais à faire entendre ma voix dans ce tintamarre sans même bouger mes lèvres. Plusieurs minutes s’écoulèrent ainsi sans que l’on ne puisse avancer beaucoup. Non loin de moi, des jeunes filles évacuées sans ménagement du couvert du préau par les ressacs poussifs des étudiants se retrouvaient à la merci des pluies. Leurs cheveux trempés leurs collaient au visage et quelques-unes pleuraient de rage, maudissant l’administration de la Fac pour son absence d’organisation.
Tournant la tête dans l’autre sens, je vis à quelques mètres de moi, une fille qui me souriait. Elle me fixait d’un regard rieur et sans gêne aucune. Parmi tous les visages sévères et excédés, elle, silencieuse et amusée, m’avait choisi comme distraction pour une raison que j’ignorais. Elle avait de grands yeux noirs, des lèvres fines et le teint hâlé du sud. Sur sa petite tête menue reposait son sac qu’elle tenait d’une main et avec habileté, à l’instar de ces femmes maghrébines qui portent des plateaux de pain sur leurs têtes pour les emmener au fourneau. Je compris vite l’étrangeté de cette position en remarquant qu’une fuite dans le préau faisait couler une multitude de gouttelettes directement sur sa tête. Son sac était gorgé comme une éponge et de l’eau coulait sur ses tempes et dans son cou. Mais même dans cette situation critique, qui aurait fait perdre les nerfs à n’importe qui, elle gardait intact son sourire et m’observait avec la même curiosité que j’avais maintenant à son égard. Le hasard voulu qu’à ce moment-là, un mouvement de foule se fasse, si bien que cette jeune fille se retrouva juste à côté de moi. Libérée de la menace de l’eau, elle remit son sac sur ses épaules et plongea son regard dans le mien. Ses cheveux très courts et trempés frisaient dans d’incroyables boucles et formaient de petites pelotes sur sa tête menue. Je n’avais jamais vu, et encore aujourd’hui, de coiffure aussi singulière, mais malgré cet aspect étrange, elle était d’une beauté farfelue. Elle avait le visage fin et un magnifique sourire. Son expression semblait ne trouver de sens que lorsque les muscles de ses joues s’étiraient dans ce demi-arc plein d’espièglerie. Elle continua à me fixer ainsi, je cherchais alors quelque chose à dire et la seule chose qui me vint à l’esprit fut : « Sacré bordel ». Elle éclata alors de rire et le son qu’elle fit était un rayon de soleil. A son rire, des étudiants se retournèrent, tant ce son paraissait incongru dans cette situation. Et moi, je ne pouvais m’empêcher de sourire bêtement. Là, dans cette étroitesse humide, dans ces bousculements et ce froid précoce, je connus mon premier coup de foudre ; bien que je ne le sache pas encore. Nous n’ajoutâmes pas un mot et fûmes de nouveau séparés très vite. Après une demi-heure de patience sourde, je pus finalement accéder aux tableaux d’affichage et m’extirper à mon tour de ce guêpier.
Je ne dus pas patienter longtemps pour me retrouver à nouveau devant cette apparition. En effet, ce n’est que quelques minutes plus tard seulement que je revis cette fille au regard printanier. Dans le tram qui retournait en ville, je la vis là, qui m’observait fixement, avec toujours cet air jovial, presque moqueur. Je décidais d’engager la conversation avec elle. Elle me dit son nom, Camélia, et j’ignorais alors que c’était le nom d’une fleur. Nous nous mîmes à discuter et à plaisanter sur les événements qui venaient de se dérouler sous le préau. Elle riait à gorge déployée, attirant les regards des passagers et s’empressait de faire des commentaires amusants à chacune de mes observations, y jugeant des attraits qu’elle seule trouvait comique, tout en me tapant sur l’épaule pour me prier d’arrêter de la faire glousser ainsi. Ses commentaires avait quelque chose d’anachronique : elle s’empressait de traiter la foule des étudiants de « mouflets » ou de designer un cas précis de « vieille chaussette » car il l’avait poussé sans ménagement. Quand elle se lançait dans ces invectives, je ne décelais chez elle aucun plaisir à critiquer ou moquer. C’est comme si elle se plaisait à formuler ces expressions désuètes pour la simple joie de former un calambour mélodique. Elle était d’une totale absence de réserve et dégageait une incroyable joie de vivre qui déteignaient tout autour d’elle. D’autres étudiants qui étaient avec nous sous le préau de la fac étaient également présents dans le wagon et elle ne s’en gêna pas plus que ça. Ses différentes remarques amusaient d’ailleurs les garçons et faisaient rouler les yeux des filles qui détournaient alors leurs regards vers les vitres et la grisaille du monde extérieur. Un passager, mis de bonne humeur par son rire, engagea la conversation avec nous. C’était un sexagénaire usé, fatigué par la vie mais qui avait trouvé dans le rire de Camélia un miroir à la joie qu’il contenait encore dans son vieux cœur. Il la gratifia de quelques blagues et complimenta Camélia sur sa beauté, puis nous quitta en nous souhaitant une belle journée. Une fois qu’il eut passé les portes battantes du wagon, Camélia s’approcha de moi et me chuchota à l’oreille un étonnant propos :
-          « Quel adorable papi ! Un peu plus et il m’invitait dans son manoir pour prendre le thé et me conter les mœurs amoureuses sous l’empire et la troisième république ».
Elle dit ça d’un ton presque de regret, puis éclata de rire à nouveau. Il semblait impossible de pouvoir stopper sa bonne humeur.
Nous descendîmes ensuite au même arrêt et avant de nous séparer, je ne pus m’empêcher de lui proposer de prendre un verre un prochain jour. Elle fixa alors sur moi un regard surpris mais méfiant. Elle jaugea l’audace de ma proposition en une seconde et dut conclure que je n’étais pas un mauvais gars car elle accepta.
« Mais en tout bien tout honneur, n’est-ce pas ? J’ai un petit copain ».
Je répondis par l’affirmative sans réaliser tout de suite que je venais d’essuyer un râteau. Nous nous quittâmes ensuite en nous promettant de nous retrouver sur le campus et je partis alors à la suite d’un dernier bus, tout embaumé encore par les parfums de cette belle plante décidément peu commune.
A cette époque, je nourrissais une multitude de complexes qui me rendaient incapables de comprendre comment nouer une relation avec le beau sexe. Déprimé depuis le plus jeune âge par la vie, je gardais de ma condition une amertume certaine et une timidité qui n’allait pas vraiment avec mon physique. Plusieurs filles m’avaient couru après au lycée. Deux ou trois m’avaient même faite des propositions explicites qui ne laissaient aucune place au doute. J’étais cependant incroyablement con, taciturne et réservé, et complexifiais à outrance leurs messages non codés, décelant des moqueries là où il n’y avait que flatterie et confondant l’attention pour le dédain. J’idéalisais la Femme à un point ou je pensais l’amour comme un conte de fée. Pour moi, coucher avec une fille sans amour était un outrage à leur féminité. J’étais loin de supposer que les filles sont aussi friandes de libertinage que les garçons et rien dans mon entourage n’aurait pu m’amener à penser le contraire. Au lycée, nous avions eu une grosse dame du planning familiale qui était venu dans notre classe pour nous parler des risques liés aux MST. Elle nous avait également fait la démonstration d’un enfilage de capote sur un vieux godemichet usé, suscitant non pas rires et gloussements, mais un malaise et un ennui profond. Nous faisions partie de la génération qui avait grandi dans les années 90. Le Sida et ses sœurs, nous en étions parfaitement sensibles. De plus, internet et le porno étaient déjà entrés dans les mœurs et les foyers des ados. Les filles savaient enfiler une capote rien qu’avec la bouche et les garçons trouvaient leur inspiration sentimentale dans les vidéos streaming de Youporn. A la place de cette grosse dame et de son gode, un cours sur l’art de la séduction aurait été largement plus profitable à tous, et en particulier à moi. Ainsi, avant la fac, j’avais laissé filer un grand nombre d’occasion de bonheur terrestre et j’étais dans mon aveuglement tout juvénile, bien décidé à inverser la tendance pour cette nouvelle année.
*
Le lendemain, je racontais ma rencontre avec Camélia à mon ami à la fac : Balthazar. Le beau temps était revenu aussi promptement qu’il avait fui la veille. Le soleil baignait maintenant le parc de la faculté d’une douce chaleur propice au retour des tenues légères. Il était midi et nous étions sur un des bancs de la Fac situé sur le chemin de terre reliant les amphithéâtres à la bibliothèque. C’était un point de passage pour tous les étudiants de ce côté de l’université et Balthazar avait choisi de déjeuner à cet endroit pour son panorama stratégique. Il pouvait ainsi balader ses regards vers toutes les fraiches petites étudiantes qui, en cette rentrée, étaient encore émerveillées par tout ce qui avait trait au campus.  
Balthazar avait une année de moins que moi. Grand, mince et la mâchoire carrée, ses yeux marrons reflétaient d’une manière fourbe toute l’arrogance qu’il avait en lui quand il zieutait les filles. Arrogance qui se traduisait avec la même vilénie sur ses tenues vestimentaires. Il était soigné, classe même, et malhonnête, prompt à la critique et infidèle. Tout mon inverse. Mais nous formions cette combinaison que seul deux êtres opposés parviennent parfois à créer grâce aux tempérances et exubérances qui s’exercent l’un sur l’autre. Nous partagions en outre le même enthousiasme pour le beau sexe. Balthazar avait eu plusieurs petites amies et s’était fait connaître par toutes les filles de son lycée en giflant celle avec qui il sortait. Cette fille, une petite blonde à belles lèvres, qui venait d’acquérir toute la sensualité d’une jeune ex-vierge, chargea une de ses copines d’annoncer à B qu’elle rompait. Cette amie vint lui annoncer la nouvelle alors qu’il était au milieu de sa bande. B, furieux, était parti retrouver sa désormais ex-copine et sans aucune parole d’explication, l’avait giflé, puis quitté. Paradoxalement, ce coup d’éclat raviva la flamme de son ex et attira sur B toutes les attentions de filles qui voyait en lui le voyou parfait. B était ce genre de branleur qui d’un geste aussi violent peuvent acquérir la gloire et l’admiration de la population féminine. Par ailleurs il se vantait de connaître la vraie nature des femmes. Quand je lui eus raconté les circonstances de mon revers avec Camélia, il ne parut pas s’étonner.
-          Youn, d’après ce que tu me dis, cette fille doit être au mieux, une originale qui toute sa vie, bien que ça paraisse incroyable, n’a pas été influencée par les charmes qu’on lui faisait pour son esthétique. C’est une beauté vierge ou toute nouvelle. Ce qui est extrêmement rare. Ou alors, c’est une débile mentale. Si tu veux qu’elle en pince pour toi, qui n’a d’autre talent que de devenir ami avec les filles que tu convoites, tu dois te montrer tout aussi impétueux. Voire même le double.
Il tenait un sandwich à la main et me faisait face, debout, tournant sans cesse la tête de tous côtés pour interpeller du regard les filles qui passaient.
-          De toute manière, elle est prise, dis-je déjà vaincu. Et ça n’a pas l’air d’être le genre de fille à partir avec le premier type qu’elle rencontre.
Ma rencontre avec Camélia, bien que marquante pour mon jeune « moi » encore puceau de la volupté et de l’horreur de l’amour, était tout tendu vers l’immense champ de possibilités que cette nouvelle année pouvait m’apporter. Réussir à détourner un cœur déjà pris me semblait une difficulté insurmontable.
-          Tu te trompes Youn ! me reprit B. C’est le type de toutes les filles de partir avec le premier inconnu. C’est ce dont elles rêvent même. Crois-moi. Le romantisme d’une rencontre ! Les promesses d’un nouvel amant ! Il n’y a rien de mieux pour réveiller les instincts qu’elles couvent entre les jambes.
-          Tu déconnes. Elles ne pensent pas du tout à ça.
J’étais un romantique idiot.
-          Sois un mec ! me gronda B. Oublies-tu systématiquement tes couilles sur ta table de chevet quand tu te lèves le matin ? Allez, souris de toutes tes dents et mets lui la main aux fesses, tu verras comment elle réagit.
-          Mince, on n’est pas dans un film (sa théorie était réellement tirée d’un film)
-          Mais si ça marche. Une chance sur deux.
-          Ok, vas-y, montre-moi, le défiais-je
B me prit au mot et balada ses yeux de rapace sur un axe à 360°. Il me montra une étudiante qui marchait dans notre direction, seule, à quelques centaines de mètres de là où nous étions.
-          Regarde-moi cette fille, avec son trench. Elle a l’air bonasse.
-          Elle est trop loin, comment tu peux savoir de quoi elle a l’air.
-          Regarde-la !
Il prit sur lui de guider mon regard en m’agrippant la tête d’une main et la tournant vers ma gauche. Balthazar aimait toucher les gens. Je le fis fuir d’un geste.
-          Regarde-là, elle et sa tenue. Je peux te dire à sa démarche qu’elle a toute l’arrogance de son trench. C’est une de ces filles de bonne famille qui dîne de la soupe avec papa-maman avant de s’envoyer en l’air à la première fête étudiante. Je suis sûr qu’elle ne serait pas mécontente de se prendre une grosse bite.
En disant cela, il se mit la main à l’entre-jambe. La fille arriva sur nous quelques instants après. C’était une brune sans teint, en bottines et en trench rouge, portant un sac à main sur l’épaule, les mains dans les poches et le regard dans le néant. Une brise souffla et nous pûmes sentir tout le parfum de sa haute descendance. Quand elle fût à notre niveau, B qui lui tournait le dos, fit un mouvement vers elle à l’aveugle pour lui barrer la route : feindre la maladresse en vue d’engager la conversation était une de ses astuces. Je l’avais vu pratiquer cette technique à de nombreuses reprises et cette approche gauche était toujours un échec. Mais cela avait de l’audace et ça me faisait aussi toujours rire. Cette fois, la fille bien-née ne parut même pas faire attention à lui. Elle fit un léger écart et poursuivit sa route sans même remarquer B qui levait déjà les mains en l’air en signe d’excuses. Puis elle s’éloigna.
-          Elle a des pieds trop grands pour ses petites bottines, me confia-t-il. Chaque pas lui arrache une grimace, c’est pour ça qu’elle ne marche pas droit la salope ! »
C’était le traditionnel « Salope » lancé à mi-voix qui sauve la virilité des hommes quand ils vident les étriers devant une matrone. Sa fierté était intacte et moi, cette scène m’avait bien amusé.
Nous continuâmes à discuter jusqu’à ce que l’heure de reprise des cours arrive. A ce moment-là, Balthazar prit un regard troublé et j’entendis alors un bruissement de pas sur des feuilles mortes derrière moi. Une fille surgit alors de derrière mon champ de vision pour se placer à mes côtés. C’était … Camélia. Elle avait les chaussures boueuses et tout un tas de feuilles s’étaient accrochées à ses vêtements. Elle tenait un sandwich à la main et avait la bouche encore pleine de sa dernière bouchée.
-          Je suis à la bourre ! Je n’ai même pas le temps de finir mon sandwiche !
Elle se mit alors littéralement à se tourner elle-même en dérision, tout en époussetant de la main les feuilles qui s’étaient collées à elle. Elle se mit à rire et je pus réentendre ce son si doux et plein de soleil qui m’avait tant charmé la veille. Elle fit une pause le temps d’avaler ce qu’elle avait en bouche, puis me fit la bise sans même se présenter à Balthazar ni s’enquérir de qui il était.
-          Je t’ai vu assis, je me suis dit que j’allais venir te faire coucou. Oh la la, je crois que je vais finir mon sandwich en classe. Pas le temps ! Et j’ai horreur de me presser quand je déguste un bon sandwiche à la dinde. Je préfère avoir le temps de manger, comme ça je digère bien mieux.
-          Ah euh oui, tout à fait. Manger, c’est important, répondis-je
Avec une entrée aussi soudaine, mon esprit n’arrivait pas à former autre chose que de pures babilles. Je pouvais sentir le regard désapprobateur de Balthazar face à cette absence de réparti. Il avait compris qui elle était en un clin d’œil et il l’observait maintenant avec une curiosité scientifique.
Camélia revêtait ce jour-là une polaire verte pleine de bouloches et une sorte de treillis beige avec au pied des baskets encore boueuses. Elle nous expliqua qu’elle avait raté son arrêt de tram et avait dû couper par les sous-bois pour rejoindre les amphis de droit. B était particulièrement captivé par chaque détail de sa tenue vestimentaire et je savais qu’il me nourrirait de commentaires analytiques sur elle pendant des heures. Je devinais qu’il y aurait plus d’objections que d’encouragements ; objections allant de son entrée en scène à la couleur de ses chaussettes.
Quand l’heure pile arriva, Balthazar partit rejoindre sa promotion. En compagnie de Camélia, je me rendis à l’amphi Baudelaire. C’était un immense amphithéâtre de près de 500 places qui formait trois rangées de tables séparées par deux escaliers. Les sièges en mousse qu’il fallait rabattre pour s’assoir étaient accolés à de longues lignes de tables en bois clair. A l’avant se trouvait une estrade avec un bureau en bois surplombé par un immense tableau coulissant. Je rejoignis une des rangées du centre et m’y installais. Camélia me suivit et prit place à ma gauche, finissant son déjeuner en vitesse tout en commentant le goût des cornichons. Les étudiants finirent d’entrer avec bruits et chacun prit place sur une des rangées des trois ailes de l’amphithéâtre.
Pendant que je m’installais, une fille que je ne connaissais pas vint s’assoir à ma droite. C’était une autre sorte de beauté. Pimpante et fraîche, avec des cheveux châtains qui lui tombaient sur les épaules. Camélia lui fit un accueil chaleureux (visiblement elles se connaissaient de longue date) et une conversation s’engagea, avec moi entre elles dans la position désagréable de celui qui se sent comme la cinquième roue du carrosse.
Durant cette causerie dont je fus malgré moi exclu, mon portable posé sur la table vibra. C’était un message texte de B.
« C’est bien elle Camélia ? »
Je lui répondis en cachant discrètement l’écran, pour passer le temps et rendre moins gênant mon silence.
« Oui, tu l’as trouves comment ? »demandais-je
« J’aime bien la tenue, on aurait dit qu’elle revenait d’une cueillette aux champignons. Mais jla défonce ! J » répondit-il à son tour
 La vibration de la table et le sourire que je dus afficher à la lecture du message de B attirèrent l’attention de la nouvelle demoiselle sur moi.
-          Salut, je m’appelle Alice !
Alice avait des yeux d’un vert intense, une petite bouche et des taches de rousseurs qui parsemaient ses joues rouges. Sa voix était emplie de tonalités aigues et elle avait la fraicheur d’une rose. Elle s’installa en vitesse et sans autre préliminaires, m’asséna tout un tas de questions. La première porta sur le modèle de mon téléphone que j’avais posé sur le pupitre, puis sur le forfait, le prix, et continua son questionnaire avec une naïveté enfantine et sa curiosité porta sur un tas d’autres sujets comme mon style vestimentaire, l’origine de mes parents, mon ancien lycée et ainsi de suite. Comme elle parlait, je remarquais que la ligne de ses dents sortait légèrement vers l’extérieur, comme poussées par son débit oral. Camélia écoutait attentivement mes réponses et me posait quelques questions à son tour, mais la soif de connaissance d’Alice ne lui laissait que peu de temps de parole. Loin de me gêner, je me sentais fier d’être l’objet de ses attentions. D’habitude, je n’aimais pas me mettre en avant et dévoiler les détails de ma vie, mais entre ces deux muses, je me sentais très à l’aise. Alice écoutait attentivement les réponses que je lui faisais et laissais une marge entre chaque question pour que je puisse lui en poser à mon tour. Toute bavarde qu’elle fut, elle n’avait pas ce défaut qu’ont les cancans à toujours couper la parole pour le simple plaisir de s’écouter parler.  
Bientôt, le professeur entra et commença son cours devant les 400 élèves, dont deux tiers de filles. Mais même ainsi, nous continuâmes à parler tout trois en chuchotant, prenant de temps à autre des notes que nous complétions lors d’intermèdes en récupérant les notes de nos voisins. Nous n’étions que la première semaine et j’avais fait la connaissance de deux des plus belles filles de la promotion. Le lycée était décidément bien loin.
*
Je ne garde que peu de souvenirs des mois qui suivirent, si ce n’est les conversations que nous avions avec Alice et Camélia durant les cours ou les pauses déjeuners. Nous avions chacun fait d’autres connaissances au sein de la promotion et vaquions parfois de notre côté. Mais ces épisodes, nombreux les premiers mois, se faisaient de plus en plus rares à mesure que le semestre avançait. Je me demandais toujours ce qui poussait ces deux belles jeunes filles à s’afficher en ma compagnie.
Selon moi, j’avais un gros handicap par rapport à elles. Elles, étaient belles, bien mises et heureuses. Moi, de ma vie, je n’avais eu qu’une petite amie, au collège, et cette passion n’avait duré que trois semaines. Elles, avaient déjà connu plusieurs relations et exhalaient une aura toute féminine présageant qu’elles en savaient déjà long sur l’art de l’amour. Elles allaient au théâtre, au cinéma et dans les cafés, partaient en vacances au ski ou à l’étranger et achetaient leurs vêtements toute l’année. Moi, je passais mes soirées avec des amis dans des squats, des garages abandonnés, des halls ou dans des parcs publics, hiver comme été, à consommer des paquets de chips à trente centimes d’euros. Avant mon travail estival, j’avais vécu dans un luxe de prolétaire. Au lycée, j’étais habitué à emprunter les affaires de mon grand frère. Je m’introduisais dans sa chambre sans bruit au matin pour y dérober un jean ou vêtement qu’il ne mettrait pas dans la journée. Je récupérais parfois même ses frusques qu’il déposait dans la corbeille à linge sale pour pouvoir m’afficher avec, ne serait-ce qu’une demi-journée. Cette année, j’avais pu m’acheter quelques affaires qui me permirent de dissimuler quelque peu mon origine sociale. Avec mon travail et ma bourse, je jouissais dorénavant d’une relative et modeste sécurité financière mais il me restait quelques discrets détails qui trahissaient ma condition, comme ma paire de lunettes que je ne portais que rarement car l’une des branches cassée était rafistolée au scotch.
Bien sûr, je cachais cet aspect socialement dégradant de moi-même et inventais tout un tas de mensonges pour combler le fossé que je me figurais entre Alice, Camélia et moi. J’avais ainsi complété mon CV relationnel d’idylles amoureuses qui avaient duré des années, m’inspirant de filles que j’avais secrètement aimé et brodais autour de ces histoires, romançant les rencontres et les séparations. Dans ces contes que je leur composais, toujours je me retrouvais largué par ces belles brunes sorties de mon  imagination étoilé.
Tantôt avec Alice, tantôt avec Camélia, je passais des heures à parler de mes amours déçues et fictifs. Camélia perdait alors son exubérance et m’écoutait en prenant un air grave plein de compassion. Alice, elle, était plus active et souhaitait à tout prix que je rappelle ces bachelettes que j’inventais, persuadée qu’elles pourraient m’accorder une seconde chance. Je n’avais pas de scrupules à leur mentir ainsi. Les barrières injustes de la destinée, que j’avais matérialisée entre nos modes de vie distincts, m’ôtaient tout remord car sans ces mensonges, j’eus trop honte de rester en leur compagnie. A cette époque, j’avais eu une relation aussi brève que chaste avec une fille que je rencontrais au milieu du semestre. Quand elles l’apprirent, Camélia et Alice furent enchantées et voulurent connaître tous les détails. J’aurais pu dans cette histoire me donner un bon rôle ou exagérer mon audace mais je n’en fis rien. Je racontais cette aventure sans filtre, sans rien enjoliver ni ajouter, tant mes mensonges tenaient plus de la nécessité que du vice. Mais je restais toujours sur cette fourbe réserve tandis qu’elles, se livraient parfaitement à moi.
Camélia était né en Espagne, dans une ville près de Séville. Son père était un espagnol andalou qui travaillait dans l’industrie. Il rencontra la mère de Camélia dans un café. La mère de Camélia était la serveuse qui lui apportât un pichet de Sangria. Ensemble, ils partirent s’installer en France dans une ville proche d’Orléans. Camélia avait passé le reste de son enfance en France, grandissant à son gré et jouant dans un jardin plein d’arbres décoratifs qu’elle sublimait par ses rires. Elle ne parlait que rarement de son petit ami, toute occupée à rire de l’instant présent. Elle le rencontra à sa première année de lycée et ensemble, ils ne se quittèrent plus.
Je tombais vite dans une sorte d’admiration devant Camélia. Elle ne paraissait avoir aucune timidité ni complexe. Sa beauté était naturelle et dénuée de cet aspect hautain que portent souvent les belles filles à la plèbe. Sa gentillesse la poussait à discuter avec tout le monde sans gêne aucune et cet aspect de son caractère faisait graviter toute une communauté de garçons autour d’elle. Insensible aux nombreuses personnes qui avaient tenté de s’attirer ses faveurs, inconsciente même du charme qu’elle dégageait, elle ne flirtait jamais et restait tout à fait fidèle à son Cédric.
Alice, elle, était née et avait vécu toute sa vie dans la région orléanaise. File unique, ses parents l’avaient choyé et surprotégé, à tel point qu’elle ne rêvait plus que de voyages. Elle n’avait pas de petit ami, ce qui était extrêmement curieux pour une fille aussi belle. Elle me raconta par la suite qu’elle avait connu une passion désastreuse pour le copain d’une de ses amies l’année précédente. Pendant tout le lycée, elle avait gardé ses sentiments secrets même à ses plus proches amis, hormis Camélia . Sur ses conseils forts avisés, Alice avait eu le courage, durant la dernière année de lycée, de sauter au coup de son amoureux pour l’embrasser au beau milieu des couloirs bondés. Ce dénouement avait fort impressionné Camélia mais avait couté à Alice la perte de toutes ses amies qui se mirent à la traiter de trainée. Elle remontait seulement maintenant la pente de ce désastreux amour. Comme Camélia, elle aussi était très courtisée mais intéressait surtout les garçons bien nés pullulant en Droit qui avaient remarqué que son nom de famille contenait une préposition. Elle ne paraissait malgré tout prendre parti pour personne et vaquait avec désinvolture à ses occupations.
J’entretins vite une amitié désintéressé avec Alice. Nous étions devenus comme deux vieux amis se connaissant depuis longtemps. Je la jalousais un peu malgré moi car elle venait d’une famille noble, bien que rien dans son apparence ne le laisse supposer. Seul son nom de famille laissait entrevoir l’honorabilité de sa lignée.
En fac de Droit, un nom pareil ouvre des portes. Je me souviens qu’un jour, nous étions en retard au même cours de TD (des cours par groupes de 20 à 30 personnes tenus par des étudiants de 4ème année). J’arrivais avant elle et entrais avec cinq minutes de retard. La chargée de TD, une jeune femme de 24 ans, au ton mal assuré et à la tête aussi ronde que les gentes dames représentées dans ces peintures du Moyen-Âge, voulut assoir son autorité et ne s’embarrassa même pas de connaître mon motif pour me renvoyer. Rater un TD pouvait signifier l’arrêt de sa bourse, ainsi mon retard pouvait avoir de sérieuses conséquences. Cinq minutes plus tard, Alice arriva à la salle, présenta ses excuses et pus s’installer comme si de rien n’était. Elle s’étonna de mon absence et m’envoya un message signalant qu’elle venait d’entrer. Quand je l‘appris, j’en fus estomaqué. J’attendis la fin du cours, ruminant mes arguments et, dans la salle vide, je partis à la rencontre de la chargée de TD. J’étais enflammé. Dans une diatribe à la limite de l’insulte, j’appliquais les règles d’argumentation sans failles des arrêts de justice que nous bouffions à longueur de journée face à la jeune chargée de TD.
-          Je voudrais vous entretenir d’une certaine chose, Ma Demoiselle. Comme vous le savez, je me suis malencontreusement trouvé dans l’incapacité de rejoindre votre cours à temps. Celui-ci débutait à 15h00. J’ai appris par la suite que vous étiez vous-même en retard et êtes arrivé à 15h03. Je me suis moi-même présenté à 15h06 comme vous le savez, et c’est là que vous avez eu le beau geste de me refuser l’entrée, ce que je comprends tout à fait et ne saurais remettre en cause. Non, ce qui m’attriste en revanche, ce qui me chagrine même, c’est qu’à 15h12, soit six minutes après que je me sois vu refuser l’accès à cette respectable enceinte, vous avez accepté de laisser entrer Mme Alice De Boisvilliers. Alors, expliquez-moi, vous, jeune chargée de Travaux Dirigés en Droit Constitutionnel, avez-vous instauré une constitution propre à la condition féminine pour qu’elles se voient dispensé de règlement durant vos cours ?
-          Eh bien non mais…
-          Dans ce cas, si ce n’est le sexe, l’avez-vous laissé entrer par familiarité avec la couleur de ses cheveux ?
-          Non, c’est ridicule, j’ai…
-          Dans ce cas, si ce n’est ni l’un ni l’autre, il s’agit au mieux, d’un exemple flagrant de favoritisme, ou au pire, d’un cas avéré de racisme. Car pourquoi refuser son accès au noir et non à la blanche ? Allez-y expliquez-moi.
Elle ne put rien expliquer. Cette dernière fut apeurée et pour me calmer, promit de ne pas signaler mon absence. Alice et d’autres avaient assisté à la scène. Elle me dit plus tard qu’elle avait été très impressionnée, bien qu’elle ne comprenne pas l’objet de ma colère. Ah… ces doux enfants de France qui ne connaissent pas le goût âpre de l’injustice liée à une couleur ou une origine… Puissiez-vous jouir toute votre vie dans cette lumière incrédule qui vous rend aveugle aux ténèbres qui nous recouvrent… j’aurais souhaité lui expliquer ce que le racisme, ce que l’inégalité des chances institué par l’Education et ses représentants pouvait avoir de catastrophique… Mais cela m’aurait demandé bien trop d’énergie. Je me contentais de lui sourire, en lui disant que je ne savais pas me contenir.
Entre temps, de l’autre côté de la faculté, B avait jeté son dévolu sur une dénommée Marie Dupont qui était dans son groupe de TD. C’était une fille de la campagne issue d’une riche famille de propriétaires terriens. Fatiguée de contempler des tracteurs à longueur de journée, Marie avait voulu, après le lycée, connaître le frisson de la vie universitaire et était donc partie seule au grand désarroi de son copain et de ses parents.
Grâce à je ne sais quel enchantement, Balthazar était parvenu à la séduire suffisamment bien pour faire fondre ses défenses et annihiler son instinct de conservation féminin. Je ne la vis en tout et pour tout que deux fois car en dehors des cours, elle passait tout son temps dans son appartement à l’écart de la fac. Même à la pause déjeuner, elle rentrait toujours chez elle grâce à la Mini Cooper que ses parents lui avaient offert pour lui éviter de longs trajets quotidiens. Marie était aussi grande que moi. Elle avait une élégante chevelure brune qui lui arrivait au bas du dos et affichait un visage candide au maquillage discret. Gracieuse dans sa simplicité, on la remarquait à peine. B en était littéralement obsédé et m’en parlait pendant des heures. Il me détaillait avec soin ses tenues qu’elle achetait dans des magasins luxueux, les mots recherchés qu’elle employait, sa manière qu’elle avait d’ignorer le monde et de le regarder lui. Il aimait dessiner la forme de ses fesses sur ses feuilles de cours et se mettait à les caresser à même le papier, d’un air rêveur. Son objectif était, selon ses propres mots, de « sceller en elle et sur toute sa famille le déshonneur de la débauche ».Il me racontait également toutes ses tentatives pour la faire rire et lui plaire, mais malgré ses efforts incessants, B échoua à se faire inviter à passer une nuit chez elle. Les résistances de Marie Dupont tenaient dans le fait qu’elle avait déjà un petit ami avec qui elle entretenait une relation depuis la maternelle. Son copain était le gendre idéal, futur héritier de l’entreprise familiale, et faisait déjà partie de la famille Dupont, participant à tous les repas compris entre le jour de l’An et Noël.
Avec B, nous prîmes l’habitude de nous retrouver après les cours dans un kebab près de la fac. C’était un kebab semblable à tous les kebabs avec des tables et chaises en plastique souple qui glissaient sur le carrelage blanc dès qu’on y posait les fesses ou le coude. On y servait les traditionnels sandwiches de petits pains garnis de salade, tomates, oignons et viande d’agneau, accompagnés de frites surgelés. Le gérant, qui était aussi le cuisinier, le plongeur et le comptable, nous aimait bien et nous filait des frites à l’œil. Il était aussi un des rares de sa profession à cuire ses pains lui-même et à les fourrer de fromage cheddar. Cela rendait l’addition plus salée mais le goût en était extraordinaire. En y plongeant les dents, on pouvait oublier momentanément la solitude, l’amertume et la nostalgie qui nous recouvrait l’esprit. La viande grillée croustillait. Les tomates et la salade fondaient dans la chaleur du pain et formaient partie intégrante des sauces épicées qui vous picotaient avec délice la gorge et coulaient abondamment sur vos doigts. Ces sandwiches nous filaient la chiasse et des boutons mais leur goût était incomparable. C’était comme croquer dans les fesses d’un ange. Les frites, elles, n’étaient pas fameuses, mais ça restait des frites. Elles baignaient dans de la mayonnaise ou du ketchup et permettaient de tempérer ce goût olympien qui dressait son empire dans nos bouches. Nous les piquions avec des fourchettes en plastique qui finissaient toujours par se briser. On finissait alors de les picorer avec nos doigts.
Là, l’appétit en extase et le cœur comblé, B aimait faire un point sur ce qu’il savait de mes différents contacts féminins.
 -          Dis-moi un truc que je ne sais pas encore sur De Boisvilliers, la petite chienne (c’était le nom de famille d’Alice)
-          Alice, c’est une glace à la fraise. Tu sens qu’elle est restée quelque peu une enfant bien qu’elle ait déjà bien souffert à cause de l’amour. On dirait qu’elle se refuse à toute relation. D’ailleurs, elle vient de plaquer Simon Dindin (c’était le playboy de l’amphi) après seulement un rancart.
-          Non c’est une pute. Quoi d’autre ?
-          Ses parents sont douaniers
-          Douaniers ? Ouh les cochons ! Ses parents sont douaniers ! Les douaniers c’est encore pire que des flics. Ils se croient faire partie d’une milice spéciale, comme si c’était le FBI ou je sais pas quoi. Tu le vois dans leur regard et leurs questions à double sens, quand ils te contrôlent aux frontières. C’est comme s’ils avaient une troisième couille qui leur donne un surplus d’arrogance. Pourtant, ils ont toutes des têtes de buraliste ! Curieux que ta Alice ait ce type de descendance.
B était parfois lourd. Pour passer le temps, je trempais généralement une frite dans la mayonnaise. Voyant que je ne l’écoutais pas avec l’attention qu’il se pensait mériter, B aiguilla la conversation sur un sujet qui me laissait autrement plus bavard.
-          Et ta Camélia alors ? Je sens bien que tu la kiffe.
-          Elle est maquée, ça ne sert à rien de vouloir s’accrocher à elle. Elle vit comme si elle était seule au monde, laissant ses charmes rendre fous tous ceux qu’elle côtoie.
-          PPPfff, elle est dingo. Avec les dingos tu peux tout te permettre.
-          Quoi dingo ? Absolument pas. Cette fille aime vivre. Elle ne cherche pas à plaire, ni à faire rire. Elle est naturelle, généreuse, une bonne âme dans un corps plein de grâce. Elle a plus de charmes que toutes les filles de ta promo. Dingo, non. Unique serait le mot juste.
-          Pfff t’es amoureux toi ! Tu ne sais pas t’y prendre. T’as pas cette faim qui nous anime, nous les carnivores. Si tu veux bouffer de la meuf, faut que tu te mettes en chasse, que tu pistes, débusques et une fois que tu auras acculé ta proie, que tu la mordes au sang. Après ça viendra tout seul. Les autres meufs pourront sentir que t’as bouffé de la chatte et elles viendront toutes seules te chercher. C’est l’envie de conquête, le désir sexuel qui attire les filles. Regarde comment j’ai fait avec Marie. Elle était toute seule, paumée, elle débarquait juste de sa cambrousse. Des tas de types lui tournaient autour. Mais elle les regardait à peine. Avec un animal aussi farouche, faut pas faire le chaud, faut attendre l’occasion. Je vais t’expliquer comment je l’ai séduite. Peut-être que ça peut te servir avec ta Camélia.
Un jour je me suis retrouvé dans la même queue qu’elle au self. Cette débile, c’était la première fois que je l’y voyais et on aurait dit qu’elle n’avait jamais mis les pieds dans un self-service. Elle essayait de comprendre ou commençait la queue, ou payer, ou prendre un plateau. Elle était nerveuse et stressée. J’ai vu qu’elle tendait un billet au cuistot qui grillait les viandes et des gens se sont moqués d’elle. Elle a rougi mais je l’ai laissée se démerder. J’ai attendu. Puis elle est parti s’assoir seule. Là j’ai attaqué. J’ai pris que des plats sans graisse. Des légumes, des salades et des fruits. Avec du jus de tomate en boisson. Je suis arrivé à sa table et j’ai posé mon plateau, en lui demandant de me le garder le temps d’aller me laver les mains. Elle accepta et là je suis reparti, pour lui laisser tout le temps de contempler ce menu bizarre. J’ai attendu 5 minutes, suis parti pisser sans me laver les mains puis je suis revenu. J’avais remarqué qu’elle ne bouffait que de la salade et c’était jour de frites et pizza au self. Presque tout le monde bouffait ces merdes, et moi j’avais une assiette de carottes rappées et une salade au fromage de chèvre avec du raisin en dessert. Là ma gueule, je l’avais déjà à moitié séduite. Le mystère c’est la clé. L’originalité, la classe. Je suis revenu m’assoir l’air de rien et c’est ELLE qui m’a adressé la parole.
Ensuite, il repartait dans l’exposé de sa séduction. Exposé qu’il m’avait déjà bien répété une dizaine de fois.
-          D’ailleurs en attendant que tu finisses ton kebab, je vais l’appeler.
Je mettais toujours le triple du temps que prenait B pour finir mon pain garni, ce qui l’exaspérait beaucoup. De même lorsque nous devions écouler nos repas gras aux toilettes, il finissait toujours plus vite et venait tambouriner à ma porte pour me prier de me dépêcher. Il était vraiment comme ça, aussi exaspérant. Mais je restais avec lui car il avait toujours quelque chose de drôle à vous raconter.
Il prit mon téléphone et appela sa Marie. B le faisait pour simplement se donner en spectacle devant les autres clients. Plus il y avait de filles, plus il parlait fort. Moi, je l’écoutais dérouler ses bobards tout en mangeant et c’était mieux que la TV. Quand il raccrochait, il me racontait qu’elle salope c’était. Il ne pouvait pourtant pas s’empêcher d’appeler sa salope tous les jours.
Les semaines passèrent et le statut quo se poursuivit entre moi et le reste de la population féminine de la Fac. Quelques filles me courraient après mais elles n’étaient pas mon genre. B me poussait à les embobiner pour les baiser mais cette idée me faisait plus de peine que de plaisir. Tout menteur que j’étais, je n’aimais pas jouer avec les sentiments des autres. Et je lisais dans ces prétendantes la même détresse amoureuse que celle qui s’était fixé en moi, ce qui bizarrement me faisait les fuir. Quant à B et Marie, B avait réussi à se faire inviter chez elle peu avant les vacances. Il avait emprunté la voiture d’un ami et s’était rendu à son appartement. Il ne voulut jamais me raconter ce qui s’était passé ce soir-là, malgré mes questions incessantes. Tout ce que j’en puis dire, c’est qu’au second semestre, B changea de filière et Marie ne revint plus à la fac. Il n’aborda plus que rarement ce sujet qui l’avait pourtant tant fait jaser ces derniers mois. Et ce n’est qu’à la toute fin de l’année que j’appris le fin mot de cette histoire.
*
Les vacances de noël arrivèrent et passèrent à toute vitesse, comme les examens de janvier que je ne pris même pas la peine de préparer. Sans surprise, je me plantais à toutes les matières. Alice avait réussi dans toutes et Camélia n’en avait raté qu’une ou deux. Bouk quant à lui avait réussi son semestre et se rendait en fac de Lettres pour étudier les langues dans une filière presque exclusivement féminine, ce qui le mettait en joie.
C’est au début du second semestre qu’arriva Gregory. C’était un type sur lesquelles toutes les filles se retournaient. Il était vulgairement grand, large d’épaules et dans ses ricanements, on pouvait sentir l’assurance du type qui baise tous les matins. Il avait pour objectif de se faire Camélia. Il l’approcha un jour à la bibliothèque et l’amusa, ce qui est la meilleure des méthodes avec elle. Il pensait avoir un ticket d’enfer auprès d’elle car Camélia riait à gorge déployée à ses blagues (comme avec les blagues de tout le monde d’ailleurs). Avec ses grands airs, je le vis arriver à deux kilomètres. Ce n’était pas le genre de type qui devenait ami avec vous sans raison. Dans sa naïveté, Camélia fut très heureuse de se faire un nouvel ami et ne soupçonna pas chez Grégory de mauvaises intentions. Elles émanaient pourtant de sa personne comme les odeurs de tabac d’un cendrier. Alice, elle, restait silencieuse quand il était avec nous. Elle ne paraissait pas apprécier sa présence, ou sa taille exagérément longue qui lui faisait presque prendre deux sièges aux amphis et obstruait la vue des étudiants jusqu’à deux rangs derrière. Faisant semblant de me concentrer mieux sur les cours, je pris un peu de distance avec Camélia. Grégory, avait remarqué ma proximité avec elle. Il me demanda des conseils et voulut d’abord savoir si j’étais intéressé par elle. Je niais, ce qui le rassura. Puis il se mit à la plaisanter tout en m’interrogeant sur ce que je savais d’elle. Je n’appréciais pas du tout ses questions. J’avais l’impression qu’il me baratinait comme il baratine les filles. Parfois, il me rejoignait à la bibliothèque et me racontait ses histoires de cul comme on raconte sa soirée télé.
-          Tu vois cette fille, Jessica ?
Jessica était une belle portugaise à la coiffure toute frisée qui passait parfois du temps avec Alice et Camélia. J’avais essayé de me rapprocher d’elle avant de découvrir qu’elle avait un mec. J’avais vite abandonné l’idée d’en devenir intime, mais pas lui.
-          Elle m’a invité à son appartement et on a couché ensemble. Putain, j’ai rarement vu une salope pareille. Après avoir baisé, elle a pris ma bite et s’est mise à me sucer, avec la capote et tout ! Pendant qu’elle me suçait, je lui disais « Et ton mec va pas débarquer ? » et elle répondait « il est au foot. Il est tout le temps au foot ». Nan mais tu l’imaginais comme ça toi ? Et quand son mec pathétique a débarqué de son entrainement de foot, j’étais déjà loin. Et peut-être qu’elle l’a embrassé sans même se rincer la bouche. Nan mais tu imagines ? Tu l’imagines ?
Je n’imaginais rien. Ses discours faisaient monter de la bile de mon estomac.
-          Camélia elle est à fond sur moi ! Dis, tu crois qu’elle s’épile la chatte ?
Telle était cette grande gueule de Gregory. Il ne me cachait pas son impur dessein, sûr que je ne dirais rien, et il avait raison. Les vices des hommes ne se mélangent pas aux vertus des femmes, et inversement.
Je commençais à en vouloir à Camélia de trainer avec un type pareil. Un jour, à mon grand désarroi, elle me dit qu’elle avait envie de prendre du bon temps, et qu’elle s’ennuyait avec son copain. Elle l’avait rencontré en seconde et avait passé tout le lycée en sa compagnie. La proximité qu’ils avaient alors l’avait amené à reconsidérer maintes fois sa relation.
-          Je me dis que je suis jeune, que j’ai la vie devant moi. Il faut bien profiter de la jeunesse et s’éclater non ?
Je voyais dans cette révélation comme un oracle du sort à venir. Comme Jessica aux cheveux frisés, Camélia n’allait pas tarder à tomber sous le charme de Gregory, j’en étais persuadé.
Un samedi, nous devions nous retrouver avec Camélia, Grégory et deux ou trois autres personnes de la promotion à la bibliothèque d’Orléans pour réviser collégialement. A lieu de ça, je décidais de passer l’après-midi seul dans mon lit en position fœtale pour ruminer en paix ma jalousie. Camélia m’appela au moins trois fois. « Elle veut que tous ses amis soient avec elle, sûrement pour maximiser la fréquence de ses éclats de rire », pensais-je amèrement. Pour elle, je formais une partie de ses distractions. Pour elle, et pour toutes les filles je n’étais rien de plus qu’un ami.
Mais les dieux se montrèrent cléments envers la chatte de cette tendre Camélia. Il s’avérait que l’histoire entre Grégory et Jessica  s’était répandue à tous les cercles d’étudiant de première année de droit. Ce n’était pas étonnant étant donné que Gregory s’en vantait à tous. Camélia et Alice l’apprirent et en furent choqué. Pour elles, le couple était quelque chose de sacré et qu’on puisse tromper son conjoint était quelque chose de plutôt immoral. Suite à cela, Gregory ne roda plus autour de Camélia et se mit à sortir avec une fille qui était dans leur groupe de TD. Cette poupée, une brune sans expression, avait constaté le rapprochement entre son nouveau copain et Camélia qui s’effectua les semaines passées. Dans un délire bien féminin, elle se mit à jalouser Camélia et lui faire tout un tas de réflexion désobligeantes, allant même jusqu’à lui interdire de s’approcher de Gregory. Ce dernier lui avait confié que c’était Camélia qui lui tournait autour et qu’il lui avait fallu repousser ses avances avec toute l’entière ardeur de son cœur de mousquetaire. Toutes ces mesquineries propres aux donzelles, Camélia n’en avait cure. Jusqu’au jour où l’attitude de cette fille qui ne décolérait pas à son encontre, lui tapa sur le système et qu’elle manque de l’écraser en voiture. Il faut que je vous raconte cette histoire.
***
C’était au mois de février. Camélia avait réussi à économiser suffisamment sur les gardes de baby-sitting qu’elle effectuait après les cours pour s’acheter une voiture. C’était une petite Renault 5 blanche à cinq portes, une voiture vieille et modeste mais qui avait un moteur nerveux qui pouvait monter à 220 kilomètres par heure facilement. Dans sa coquetterie, elle avait apposé des autocollants de fleurs roses sur les ailes ainsi que des sapins odorants et des peluches sur le rétroviseur intérieur. Elle avait également garni de bonbons et chocolats la boîte à gants et tous les compartiments avant et arrière. Un vendredi après un cours d’anglais que nous avions en commun, elle se proposa de me ramener à Orléans. J’acceptais et montais avec elle dans sa super 5. Cette expression faisait rire Camélia. Je lui dis que c’était vraiment le nom du modèle, mais elle n’en croyait rien, préférant penser que c’était là une de mes tournures de langage. En voiture, je pus constater que Camélia se comportait sur la route de la même manière qu’elle se comportait dans la vie. Avec fougue et désinvolture, sans se soucier du monde. Une fois à bord, elle mit sa ceinture et démarra, roulant à toute vitesse en marche arrière sur le parking et freinant à ras d’une autre voiture garée derrière. J’avais à peine eu le temps de m’installer.
-          Oups ! Putain, j’ai failli rentrer dans la voiture ! dit-elle hilare.
-          Ouah, mais attends, t’as le permis depuis combien de temps ? dis-je
-          Oh, cela fait un an, mais je ne conduis pas très souvent !
Elle passa la première et repartit en faisant crisser les pneus sur le gravier. Elle roula à presque 50 km/h dans le parking, en surrégime, effrayant des étudiants qui se réfugièrent derrière une voiture garée. A la sortie du parking, au lieu de prendre la route, elle se mit à rouler sur le trottoir, heureusement désert. Elle roula dessus une dizaine de mètres durant, jusqu’à passer un dos-d’âne, puis se rabattu sur la route dans un grand cahot.
-          Mais t’es pas sérieuse ? T’as fait ça pour éviter le dos-d’âne ? Et après ça tu prends le trottoir à la sauvage ! dis-je les sourcils froncés
-          Oh, rabat-joie ! Tout le monde le fait !
Sur la route, elle fit rugir le moteur. Je mis vite ma ceinture et m’agrippais à la poignet. Camélia remarqua mon air anxieux et ça la chauffa. Elle fixait ses grands yeux noirs sur moi et commençait à partir en fou rire.
-          Merde, regarde la route !
Elle la regarda et à quelques mètres sur le trottoir, on vit la nouvelle copine de Gregory qui marchait en regardant son téléphone.
-          Regarde, c’est elle la conasse qui veut que j’arrête de parler à Gregory. Allez viens on lui fait peur !
-          Merde !
La fille de Grégory voulut traverser la route. Il n’y avait pas de voiture devant nous, si bien que Camélia fonça dans sa direction. Elle passa à deux mètres d’elle, à près de 60 km/h l’évitant de justesse d’un coup de volant au dernier moment.
-          Sacré nom d’une pipe ! s’exclama Camélia. Une folle tenait le volant et que je ne la reconnaissais plus.
Effrayée, la fille de Gregory s’était jetée à terre. On l’entendit pousser un cri et je n’eus pas le courage de me retourner, préférant me tasser sur mon siège et mettre une main devant mon visage pour éviter qu’on ne me reconnaisse. Camélia était hilare et se sentais un peu coupable, mais ça ne l’empêchait pas de s’égosiller de bon cœur. Je me mis moi aussi à rire alors et Camélia se mit enfin à conduire plus prudemment. Elle n’arrêtait pas de me jeter des regards en biais, toute fière du tour qu’elle venait de jouer.
-          Si t’avais vu ta tête !
Elle avait déjà oublié qu’elle avait failli tuer quelqu’un et toutes ses pensées étaient maintenant tournées vers ma réaction.
-          Merde, tu viens d’échapper à une condamnation pour meurtre. J’ai vraiment cru que t’allais lui rouler dessus. Cinq ans minimum, t’aurais pris. N’empêche, ça t’aurait laissé le temps de passer ta maîtrise de droit dans le calme d’une prison.
Elle se remit à rire, aux larmes.
Après qu’elle m’ait déposé en ville, je pris un bus et rentrais chez moi. Une heure ou une heure et demi plus tard, elle m’appela. La petite peste riait encore !
-          Ah mais Youn, tu me fais rire putain. C’était génial ! Faut absolument qu’on se voit plus souvent ! Depuis tout à l’heure, je repense à la tête que tu faisais. Et je n’arrête pas de rire. Toute seule. Les gens m’ont pris pour une folle ! Ça m’avait manqué que tu sois plus avec nous. On ne te voyait plus trop depuis la rentrée. C’est ce que je disais à Alice et elle était d’accord avec moi. Faut vraiment qu’on fasse ça plus souvent, c’était délirant ! Et ne va pas croire que j’allais l’écraser, cette fille dont je ne me rappelle même pas le nom. Si tu n’avais pas été là, je n’aurais rien fait de tel. Y’a qu’avec toi que je peux me lâcher comme ça. » Etc.
La conversation dura entre nous plus d’une heure. J’étais arrivé depuis bien longtemps devant la maison de mes parents et étais resté à discuter sur le perron. En raccrochant, je fis quelques pas. Les mots de Camélia résonnaient en moi et faisaient bouillir mon sang. Chacun de mes pas était léger, j’avais les joues rouges et chaudes et le cœur qui battait vite. Je ne pouvais me la sortir de la tête et elle m’obséda totalement. Je sus alors que j’étais amoureux.
*
Je passais le week-end suivant à me remémorer les mots de cette dernière conversation, tentant de déceler ce qui tenait du lieu commun et de la tendresse qu’elle pouvait éventuellement éprouver à mon égard. Je me figurais toutes ses attentions, tous ses gestes, ses éclats de rire, puis je repensais aux circonstances de notre rencontre. Sous le porche, par une forte pluie, elle trempée et amusée, n’ayant cure des malchances qui lui tombaient dessus, seulement occupée à rire et à jouir de la vie. C’était une fleur comme jamais ne n’en avais connu. Elle personnifiait la joie, le bonheur et tous les sentiments heureux. J’en étais vraiment amoureux. Puis je pensais à son copain, je pensais à mes mensonges pathétiques et je retombais dans le désespoir. « Peut-on vraiment entreprendre une relation avec quelqu’un après s’être montré si fourbe et malhonnête ? Mentir pour s’attirer une amitié, il n’y a rien de tel. Après tout ça, je ne me vois vraiment pas lui déclarer ma flamme. Dans l’espoir idyllique d’une relation, elle s’apercevrait des absurdités que je lui ai contées. Cette histoire n’a donc aucun débouché. » Puis je repensais à ses mots, son rire et cette façon qu’elle avait de me regarder. J’étais pris dans la douleur du combat intérieur du cœur, d’où la raison est exclue.
Si l’amour peut paraître une bénédiction, ce n’est rien de moins que le plus grand des désastres pour certains. A partir de ce jour, je me rendais en cours le cœur dans un étau. Sitôt que je m’asseyais dans l’amphi, je me mettais à trembler et sentais le sang battre à mes tempes en attendant l’arrivée de Camélia. J’étais incroyablement attiré par elle. Je voulais la prendre dans mes bras, la couvrir de baiser. Mais j’étais bien trop lâche pour me montrer aussi entreprenant. Au lieu de ça, je multipliais les gaucheries et me détestais d’être aussi faible. Ma proximité avec elle devenait un véritable supplice et ma seule consolation à cet amour sans espoir était mon amitié avec Alice.
Tout au long de l’année, nous apprîmes à nous connaitre et éprouvions un plaisir similaire à rester l’un près de l’autre. Alice était intelligente, brillante même. Elle faisait partie des meilleurs élèves de la promotion. Ce qui m’intéressait chez elle, exception faite de sa beauté, était ses goûts en matière de culture qu’elle me faisait partager. Elle aimait le cinéma norvégien d’Ingmar Bergman, la littérature de Marguerite Duras et se passionnait pour la vie de Frida Khalo, qu’elle connaissait par cœur et dont elle se sentait proche. Ensemble, nous nous rendions parfois dans un petit  cinéma de la rue des Carmes voir des films d’art et d’essai qu’elle choisissait. Elle était également très altruiste et tempérée dans ses mots, bien qu’elle fût aveugle à bon nombre d’aspect du monde qui l’entourait. Elle avait grandi fille unique et chérie, et sa conception du monde lui venait surtout de ses parents. Ainsi, elle était curieuse de tout ce qu’elle ne connaissait pas encore et me posait foule de questions sur ma vie. Je lui parlais des pays que j’avais visité, des jobs ou j’avais été employé, et elle m’écoutait, insatiable dans ses questions et sa soif d’en apprendre plus sur la vie. Sa présence amicale me faisait toujours du bien. Parfois, je l’accompagnais quand elle faisait les magasins, la conseillant sur les chaussures ou les robes qu’elle essayait. Nous entretenions une relation ambigüe à des yeux extérieurs mais ensemble, il n’y avait aucune gêne. C’était une beauté généreuse dotée d’une belle bonté. La complicité que nous développions ensemble faisait s’effondrer mes barrières et oublier mes maux. Je ne pouvais cependant pas lui parler de mes sentiments pour Camélia, sentiments que je ne m’avouais pas même à haute voix. Ni même à B. J’étais en effet redevenu le con coincé du lycée. Séparé de B ou d’Alice, je ne pouvais que penser à Camélia et les affres de mes méditations muettes ne m’amenaient qu’à une parfaite terreur accompagnée d’une sévère servitude à un maître invisible.
Après plusieurs semaines de cette auto-flagellation névrotique, je décidais de renoncer à elle. Mais plus je m’éloignais, plus Camélia s’accrochait. Parfois, j’arrivais presque au moment où le cours commençait et Camélia ou Alice me gardait toujours une place, guettant mon arrivée et me faisant de grands signes de la main quand elles m’apercevaient. D’autres fois, je m’asseyais à dessein avec une autre connaissance sur les rangs les plus élevés. Ça ne les décourageait pas et elles me rejoignaient alors à la pause. Ne pouvant lutter, je décidais de me résigner à un amour caché plutôt qu’au désespoir d’une déclaration à sens unique. L’amour volatile peut être étrange. Un jour tout est blanc, le suivant est un feu d’artifice de ténèbres. Mais dans l’inconstance de mes sentiments, une chose restait immuable : le rapport proportionnel entre ma détestation de soi et l’amour que je portais à Camélia. Plus il était grand, mieux je me haïssais. Après des heures de tourmente, j’étais arrivé au point de réflexion suivant : Je ne peux la rendre heureuse mais je peux l’accompagner, devenir son ami, la faire rire, et passer du temps avec elle. Peu importait que je ne sois pas son compagnon, tant que je pouvais être son ami. Le pathétique d’une telle situation ne m’effleura même pas tant cette nouvelle idée me fit du bien. Ainsi, je pouvais jouer un rôle qui me convenait.
Le reste du second semestre se passa ainsi. Côte à côte avec Camélia, nous ne suivions pas une ligne du cours. J’étais comme bercé par ses intonations de voix et cela me donnait une inspiration verbale toute particulière faisant que, d’ordinaire timide, j’étais on ne peut plus bavard. Quand elle se levait, aux différentes pauses je ne pouvais me lasser d’admirer furtivement ses formes : sa taille était veloutée, sa silhouette si légère qu’elle semblait flotter dans le tissus fin de ses habits. Ses autres courbes me laissaient tout aussi rêveur mais il m’était plus difficile de les observer sans me faire prendre pour un pervers. Le style vestimentaire de Camélia variait d’une semaine sur l’autre, d’une saison à une autre. Parfois elle venait rollers à la main (et c’était bien la seule personne de tout le campus, soit 20.000 étudiants, à venir à la fac en roller), habillée en tenues de sport que B aurait qualifié d’infâme. J’admirais fortement cette manière qu’elle avait de vivre comme si le monde n’existait pas, insensible aux regards et jugements de son genre qui claquaient pourtant dans son dos comme des fouets. C’était là une matérialisation banale de la jalousie que les femmes peuvent se porter entre elles. Dans l’amphi, Camélia avait acquise la réputation de fille manquant de manière. Cette réputation lui venait de sa façon d’expédier sans ménagement tous ses prétendants.
Plus la fin de l’année approchait, plus elle attirait auprès d’elle les personnalités les plus différentes. Elle les faisait cohabiter sous son attraction comme les comètes qui, dans leurs courses solitaires, font le tour d’une planète avant d’aller se perdre dans l’immensité. La moitié du temps, je restais avec mes propres connaissances, me contentant de la contempler de loin à travers ces groupes qui se formaient autour d’elle. Mais parfois, nous nous retrouvions tous les deux seulement, et ces moments étaient exquis. Je me mis à chérir ces instants passés avec Camélia où quand elle me parlait, je ne manquais jamais de tomber dans une béatitude collante et passive. Elle me lançait alors des coups de coude dans les côtes pour me réveiller.  
Une fois, Camélia me montra des photos d’elle-même qu’elle avait prise au photomaton. Je lui dis, d’un air plein de tendresse, qu’elle ressemblait à une enfant. Elle me regarda alors, troublée et silencieuse et me dit :
-          Tu es le seul à me dire ce genre de choses. Vraiment. C’est comme si tu voyais parfaitement en moi.
Cette parole me plongea dans la plus délicieuse des extases.
Quand le soleil revint pour de bon avec le printemps, nous nous retrouvions souvent sur les pelouses pour déjeuner. Alice s’installait sur sa veste et Camélia et moi à même l’herbe. Elles bavardaient, accroupies et les mains sur les genoux. Je discutais un peu puis finissais par m’allonger pour glaner quelques minutes de sommeil. Je m’assoupissais toujours vite, bercé par le murmure de ces deux fleurs et par la chaleur que diffusait le soleil sur nous. Elles prenaient plaisir à me jeter de petits brins d’herbes ou de pétales de marguerites, en dissimulant parfois dans mon sac ou dans mes vêtements. Nous nous retrouvions aussi en dehors de la fac pour boire des verres dans des bars. Je rencontrais ainsi le copain de Camélia, Cédric, et ma foi, c’était un gars super. Il avait passé un bac professionnel et travaillait dans la plomberie. Gentil, charmant, pas exubérant ni prétentieux, je ne pouvais m’empêcher de ressentir de la sympathie pour lui et approuvais le choix de Camélia de rester avec lui. Il avait la capacité de la rendre heureuse, moi qu’aurais-je fait, sinon rester à ses basques et la suivre partout où elle allait ? Et partout où elle allait, des regards se tournaient vers elle. Toute sa vie, elle se trouverait ainsi courtisée. Elle était une de ces princesses qui existent en dehors des contes. Un être si lumineux qu’à son passage, personne ne reste indifférent. Elle aurait mérité un prince, un château. Moi, je n’avais rien, si ce n’est mon cœur et ma personnalité, tous deux alors en lambeaux. Je ne pouvais nourrir en elle cette soif de rires, d’aventures et de plaisir simples. Et dans mon désespoir, j’étais heureux qu’elle puisse les trouver auprès de quelqu’un.
 Les dernières semaines de l’année s’écoulèrent sans que personne ne les voient filer. Notre quotidien était déjà rythmé par les travaux dirigés, les exposés, les cours magistraux, les dissertations et les commentaires d’arrêts donnés par des chargés de TD insupportables faisant parfois autant de politique que de pédagogie. Mais avec les examens finaux, on ressentait une anxiété qui flottait parmi les étudiants. Les visages devenaient plus sévères et les rires, plus rares. Moi, je n’en branlais pas une et commençais à réfléchir à ce que je devrais faire l’année suivante.
Les partiels du second semestre arrivèrent et se déroulèrent pour moi comme ceux de janvier. Pendant les longues matinées d’examens, je me contentais de noter sur des feuilles de brouillons des contes fantastiques que j’inventais, avec des fiches de personnages, des cartes, des scénarios et tout le reste. Dans l’immense amphi totalement muet, avec pour seule mélodie le bruissement des billes de stylos sur le papier, là dans la concentration des regards, le stress des étudiants, je m’évadais du monde de la plus belle des manières. Les dernières demi-heures, je rédigeais uniquement les introductions des dissertations. J’étais assez doué pour les introductions. J’avais totalement assimilé la manière de présenter un sujet, en partant d’une idée vague et générale et au fur et à mesure des lignes, en approchant le sujet de manière originale et parfois inédite. Je finissais en posant une problématique qui touchait à des points philosophiques ou sociétaux. Comme je ne souhaitais pas de note élevée, je me permettais des points de vue innovants, pertinents ou révolutionnaires qui enthousiasmaient mes correcteurs quand ils les lisaient, marquant en rouge la mention « Oui ! » ou « Très bien ». Puis ils tournaient les pages et s’apercevaient qu’il n’y avait rien de plus. Mes notes ne dépassaient ainsi jamais 05/20.
Après les journées d’examens, les discussions étaient toutes tournées sur le débriefing des sujets, chacun donnait son point de vue, exultait ou se morfondait de ses choix, du manque de temps, de ce qu’il n’avait pas pu finir d’écrire, de ce qu’il avait oublié. Je jetais un dernier regard effacé sur la foule des étudiants et m’éloignais pour prendre le bus qui me ramènerait vers ma solitude.
Un mois plus tard, les cours étaient finis et je me retrouvais en rattrapage avec Camélia. Le jour de l’examen, j’étais en voiture près de Chaingy pour débuter ce qui serait le premier boulot d’une longue liste de jobs que j’accomplirais tout l’été. Peu avant 8h, tandis que je cherchais mon chemin à travers les routes sans vie d’une zone industrielle, mon téléphone se mit à vibrer. C’était Camélia qui m’appelait. Elle devait être inquiète de ne pas me voir devant la salle d’examen. Je ne lui répondis pas et la laissais à son futur en fac de droit. Moi, j’avais choisi un autre chemin. Il me fallait trouver ma voie, trouver qui j’étais vraiment et surtout, surmonter ma peur de l’amour. Cela ne passerait qu’en menant une vie d’ascète ou de débauché.
Mais j’étais encore bien trop jeune, trop lâche et trop pris dans des rêves consuméristes pour prendre une réelle décision quant à mon futur. Et là, cher lecteur, vous vous direz peut-être «  Mais quoi, c’est là ta plus grande histoire d’amour ? Ou sont les baisers sous la pluie, les déclarations écrites sur du papier parfumé et glissées secrètement dans des casiers ? Où est le premier baiser, la première nuit, le premier je-t’aime, la rencontre avec les parents, la première dispute et tous les autres stéréotypes classiques ? » Et bien, je te répondrais, cher lecteur, que cette histoire n’est pas un stéréotype, c’est la réalité de ma vie, aussi pénible, aussi pathétique qu’elle puisse être. Dans la vie, vous rencontrerez peut être de ces gens-là, qui comme moi, sont si bizarres, maussades et renfermés qu’ils s’éloignent de la plupart des personnes qu’ils rencontrent et préfèrent l’atmosphère d’un cloître sombre à n’importe quelle fête ou soirée. Qui fuient le bonheur car ce n’est pour eux qu’une angoisse de plus à supporter. Si vous croisez sur votre route cette variété de l’espèce humaine, et si vous les remarquez, vous aurez tôt fait de les qualifier de cinglés, d’asociaux ou d’user d’autres quolibets sociologiques que vous ne maîtrisez guère. Ces êtres-là vous paraitront toujours étrangers. Ils ne baisent presque pas, sortent peu et ne connaissent jamais que des amours à sens unique. Mais quand ils rencontrent des êtres aussi naturels, aussi spontanés et aussi emplies de chaleur humaine que l’étaient Camélia et Alice, alors vous les verrez rire, sourire et générer du fond de leur âme un art que vous ne maîtriserez jamais, quand bien même vous le comprendriez. Toujours est-il que vous verrez alors quelle folie ils contiennent en eux. Car ils seront inspirés et c’est là un bonheur qui se refusera toujours au commun des mortels. C’est un bonheur qui n’est réservé qu’aux artistes. Et c’est le seul dont ils peuvent jouir.
Un jour de cet été 2007, je retrouvais B dans un fast-food du centre-ville. B avait aussi abandonné la fac et s’apprêtait à rejoindre une école de commerce pour la rentrée suivante. Il travaillait alors toutes les nuits dans une pompe à essence sur l’autoroute. Je le retrouvais habillé en survêtement du dimanche, attablé devant deux plateaux, l’un contenant une dizaine de pièces de poulets frits et l’autre débordante de frites.
« J’ai commandé pour nous, c’est tout chaud. Viens manger ! »
J’étais affamé. J’avais passé la journée à courir dans un immense entrepôt et à mettre dans des cartons du matériel médical à destination de centres de soin. Balthazar, lui, venait de se lever et devait dans quelques heures se rendre sur son aire d’autoroute pour prendre son service. Je pris place en face de lui et nous nous mîmes à dévorer voracement pièce après pièce les ailes et cuisses de poulets frits. Peu nous importait les tortures subies par ces pauvres poulets réduits à l’esclavage, marqués au fer alors qu’ils n’étaient encore que dans l’œuf. D’une si horrible mort, les prix Nobels de l’agroalimentaire avaient réussi à tirer un goût si doux, si croustillant, et s’associant si bien avec toute sorte de sauces, que l’âme de ces volailles ne pouvait que reposer en paix. Une fois repus et après avoir débriefé comme à notre habitude nos différents jobs, Balthazar me parla de Camélia.
-          Ecoute vieux, je te connais depuis longtemps maintenant. Faut pas que tu te tracasses pour cette fille. Tu l’as aimé, et c’est très bien. Mais va falloir que tu passes à autre chose. Comme moi avec Marie… »
Et il repartait sur l’exposé de sa Marie. Je vous jure, il était vraiment comme ça.
-          Tu ne m’as toujours pas dit pourquoi vous avez arrêté de vous voir, dis-je pour couper court à sa logorrhée.
B s’essuya les mains et me contempla avec un sourire ironique. Il était dans cet état d’ivresse que fournit un bon gueuleton. Cette fois-ci, je sentais que je pouvais peut être réussir à lui tirer les vers du nez.
-          Ecoute, pourquoi tu veux parler de ça ? C’est de l’histoire ancienne.
-          Tu plaisantes, t’es toujours en train de me rabâcher ton histoire avec ta Marie Dupont ! Je la connais par cœur, je pourrais écrire un livre là-dessus. Mais tu te gardes bien de m’en dévoiler la fin.
-          Inutile de mettre ça sur le tapis. C’est de l’histoire ancienne. Tu piges ?
-          Ok.. répondis-je dépité
B se leva et partit aux toilettes. Il revint cinq minutes plus tard, un immense sourire au visage qui lui servait à contenir un éclat de rire.
-          Qu’est-ce que t’as ? dis-je
-          Bon écoute, je veux bien te raconter l’histoire, mais ça reste entre nous, compris ?
Je fis instantanément vœux de silence et me penchai vers lui pour ne rien perdre de ce qu’il allait me dire. Il me chuchota alors :
-          Bon, tu te rappelles ce jour où je devais retrouver Marie chez elle ? Bah, j’y suis allé, j’avais emprunté la voiture de Joe et j’avais acheté des fleurs, des chocolats et ce genre de conneries. Elle habite une résidence près de La Source. C’est assez proche de la fac. J’arrive chez elle et elle m’ouvre. Putain, elle était habillée vraiment sexy la salope : petite jupe noire, haut noir décolleté. Maquillée, parfumée, porte-jarretelle et sous-vêtements de la marque décroche-moi-ça et tout. Bref, j’entre, elle m’installe et on commence à discuter. Elle n’avait pas dit un mot que je bandais déjà comme un âne. Mon pantalon faisait un pli, un tertre plus exactement, comme la racine qui grandit et forme un monticule sous la peau de la graine avant de pousser vers le soleil. Je commençais à transpirer et elle, elle me jetait des regards de feu tout en faisant glisser ses dents sur ses lèvres. C’était plus que je ne pouvais supporter. Là, Je la prends, je la retourne sur le canapé, je lui ouvre les jambes et me colle à son giron si fort qu’elle commence même à pousser des petits cris, comme ça « ah » « ah ». Mes mains s’infiltraient partout sous ses vêtements, sa peau était en feu et ses lèvres si douces ! Je lui ai fait oublier sa condition de petite bourgeoise de campagne, privilégié, choyé, enfant unique et gâtée qu’a passé toute son enfance à faire du cheval comme une grosse pute. Je lui ai fait oublier son père, sa mère et son copain, je les ai tous envoyé sur un bateau de l’autre côté de l’océan. C’est moi qu’avait pris possession de leur petite fille chérie, leur sainte Marie.
Il s’interrompit pour me tendre sa paume afin que je la claque en guise de félicitation.
-          Continue ! lançais-je
-          Bon, on passe dans sa chambre et là elle va se repoudrer la chatte ou je sais pas quoi dans la salle de bain. Je commence à me dessaper. Je reste en boxer et je commence à regarder de plus prêt sa chambre. Elle avait mis un foulard rouge sur la lampe et toute la pièce était tamisée dans cette couleur. Y’avait un tas de connerie zen bouddhiste, de l’encens, des statues de Ganesh et des genres de fontaine ou de l’eau coule sur un pousse de bambou coupé en deux, tu vois le genre. Ma parole, elle ne filait vraiment pas droit. Elle avait allumé de l’encens avant que j’arrive et y’avait plein de fumée dans la pièce et l’odeur me faisait tourner la tête et le bide. Et là mec, je me suis senti pas bien. C’était mon ventre. Ces putains de kebabs qu’on s’enfilait toute la semaine commençaient à faire des dégâts terribles. J’avais toute une armée de cavaliers mongols dans les intestins qui voulaient sortir et dévaster Rome. Marie était toujours dans la salle de bain à se préparer et me dire qu’elle arrivait tout de suite et moi, je ne savais pas s’il y avait une autre salle de bain, donc j’ai décidé de m’allonger sur lit et de prier pour que ça passe. »
-          Et alors ?
-          Et bah, le fait que je me sois allongé, ça a stabilisé la douleur mais mon estomac commençait à rugir, de vrais cris de guerre. Même Marie devait les entendre. Ces merdes de kebabs ne passaient vraiment pas. Et puis…. J’ai eu envie de péter. Je savais pas si ce serait un gros ou un petit pet, odorant ou discret mais je ne pouvais pas le retenir celui-là, il me tordait les boyaux et fallait absolument qu’il sorte. Je sentais qu’une fois après avoir pété, l’infâme sensation disparaîtrait aussi vite qu’elle m’est venue, et que tout irait pour le mieux.
-          Et qu’est-ce qui s’est passé ?
-          Et bah je me suis mis sur le côté, j’ai baissé mon boxer pour ne pas que l’odeur reste piégée sur moi. Putain, je peux encore ressentir la sensation de ses draps de satin couleur saumon et tout, c’était trop doux pour les fesses.
-          EEEEETTTTTT ??
Balthazar commençait à rigoler en baissant la tête, une main sur son front. Il rigolait tellement qu’il avait du mal à reprendre son histoire.  
-          Bah putain, c’est sorti dieu du ciel ! Putain j’ai honte.
Balthazar était hilare et ne pouvait plus parler, moi je n’étais pas sûr de comprendre encore.
-          Qu’est-ce qui est sorti ? T’as pété ?
Il reprit son souffle.
-          Putain, non c’est la diarrhée qu’est sortie. J’ai rien pu contrôler. Tout ça dans le pet le plus énorme qui ait pu être poussé par un homme. Un pet d’éléphant. Ça a fait un bruit immense qu’a fait trembler les cloisons et éteindre les bougies. Et ça a été suivi tout de suite par un gros SPLASSHHH. J’étais plié en deux, tétanisé car mine de rien, c’était douloureux mais ça faisait un bien fou ! J’étais incapable de bouger ni de me retenir ou quoi que ce soit.
-          Attends mais t’as chié dans son lit ??? m’écriais-je, comprenant enfin.
-          CHHHUUUTTTT.
Des regards se tournèrent vers nous et je riais à en pleurer. B aussi. Les autres clients du fast-food commençaient à nous dévisager étrangement.
-          Oui bordel ça pouvait pas s’arrêter, reprit Balthazar qui hoquetait maintenant. Ça coulait en cascade, en grumeaux, et j’étais plié en deux de douleur et de soulagement. Et là-dessus Marie elle entend du bruit et elle débarque.
Nous partîmes tous deux en fou rire. Impossible de nous arrêter. Balthazar réussit ensuite à livrer la suite de son histoire par petits mots. Il se tenait les côtes et d’abondantes larmes coulaient de ses yeux.
-          Putain… Elle vient… face à moi… Elle me voit avec le cale-bute baissé… Le cul à l’air… Elle demande « qu’est-ce qui va pas ? » Elle comprend pas…. Moi je pouvais pas parler… L’odeur… était cachée par l’encens. Puis elle s’est approché…. a senti….. elle s’est mise la main sur le nez… Et mon ventre a éjecté un autre jet …. Dans un gros SSSSPPPPPRRRRROUUUUT… Elle a ouvert grand ses yeux…. elle a bien mise cinq secondes à réagir… C’était les plus long secondes de ma vie… Puis elle a crié « Oh mon dieu » Et elle est partie s’enfermer dans les chiottes….. je l’ai entendue pleurer… puis elle s’est mise à crier ou prier, chai pas quoi …. Elle était folle… Elle pleurait même… Et elle répétait « Mon dieu mon dieu mon dieu » … et moi j’étais incapable de bouger… Plié en deux sur son lit de satin avec toute la merde des kebabs de la fac qui me sortait du cul.
Notre fou rire dura bien trente minutes. Nous pleurions tellement que le gérant, de derrière sa caisse s’était mis à rire avec nous et nous apporta des serviettes pour nous essuyer les yeux. Bientôt nous n’en pûmes plus. Les muscles de nos joues et de nos abdominaux étaient tout endolories. Balthazar reprit une énième fois son souffle et termina l’histoire.
-          Je me suis relevé, bordel y’en avait partout, c’était la plus grosse diarrhée de l’histoire. Ça avait même coulé sur le tapis. Et Marie, toujours dans la salle de bain me hurlait de partir et me menaçait d’appeler les flics. Donc je me suis levé, j’ai pris un bout de drap propre pour m’essuyer puis j’ai roulé tous les linges en boules, plus le tapis, me suis rhabillé et suis parti sans lui dire un mot. J’ai tout jeté dans une poubelle de la rue et suis rentré. La semaine suivante elle n’est pas venu en cours, ni celle d’après. Je crois que je l’ai faite partir en dépression ou un truc comme ça. Bordel, je crois qu’elle n’est pas prête d’oublier sa première année de fac !
-          Bordel, concluais-je, m’essuyant une ultime fois les yeux. Elle a dû penser que tu l’avais fait exprès… La pauvre
-          Putain, t’es le seul à qui j’ai raconté ça. T’as vu à quel point je te fais confiance salopard ?
Cette histoire et le fou rire qui en résulta me firent du bien. J’avais oublié ma dépression et ma solitude et me sentais parfaitement heureux. Ce genre de bonheur ne vient qu’avec de vrais amis. J’avais alors commencé à faire mon deuil de Camélia.
Je n’avais toujours pas décidé de ce que je ferais l’année suivante. Mon seul but était d’éviter une nouvelle année de fac ou perdu, je contemplerais les filles sans jamais parvenir à en séduire une seule.
-          Reparle-moi de ton école ?  dis-je à Balthazar.
Ou qu’il allait, et peu importe le prix que ça allait me couter, je n’avais pas envie de lâcher Balthazar de sitôt. Il me restait de longues années d’études à accomplir et parmi les déboires, les examens, les révisions et les mauvaises notes, j’étais bien décider à toujours me donner du bon temps et des fous rires en sa compagnie. Le meilleur remède à l’amour reste l’amitié.
Par la suite, je retrouverais maintes fois Camélia, et Alice également.
Il me revient en mémoire un souvenir particulièrement jouissif. C’était un début de soirée et j’étais attablé en terrasse en compagnie d’une tripotée de jeunes filles qui m’ennuyaient royalement. C’était les amies de Charlène, une coiffeuse sur laquelle j’avais jeté mon dévolu et qui m’avait invité à prendre un verre avec ses amies du boulot. Les conversations me barbaient au plus haut point. Elles ne parlaient que de leurs ciseaux, de leurs patronnes, de colorations et de shampoings, sans même faire attention à moi. Je commençais à regretter d’être venu courtiser cette coiffeuse quand soudainement, elles firent silence et contemplèrent quelque chose derrière mois. J’entendais un raffut pas possible de tables et de chaises. J’eus juste le temps d’entendre une amie de ma coiffeuse lui chuchoter envieusement « Regarde ce qu’elles sont belles ! » avant de me retourner et d’apercevoir dans un grand rayon de soleil, Camélia et Alice qui venaient dans ma direction, tous sourires et me faisant de grands gestes. La terrasse était bondée, elles avaient dû passer dans la rue et m’apercevoir puis se décider à venir me dire bonjour. Tous les regards des gens présents contemplaient ces deux déesses et Camélia s’empressait d’alpaguer les gens, riant de les déranger. Arrivant à mon niveau, elle me servit des sous-entendus du type « Eh bien, qu’est-ce que tu es bien entourée, ça va pour toi, tu ne t’ennuie pas ! » Charlène était bouche-bée. Elles m’embrassèrent et Camélia se mit à naturellement discuter et me blaguer avec les coiffeuses, qui ne savaient que dire. Je pris la décision de laisser là les pipelettes et partais en compagnie de Camélia et Alice. Le soir même, la coiffeuse m’envoya un nombre conséquent de messages explicites.
Camélia eut plusieurs autres copains dans les années qui suivirent mais elle ne semblait jamais rester célibataire plus de vingt-quatre heures. Nous nous retrouvions régulièrement pendant plusieurs années et c’est un été, deux ans après ma rencontre avec elle, que je garde mes plus beaux souvenirs de sa compagnie. Nous échangeâmes une danse dans un bal sur les quais un soir d’été, puis une course à vélo effrénée et de nuit dans les rues pavées d’Orléans, moi pédalant et elle assise sur le guidon, sa tête sur mon épaule, et riant, riant du danger et d’une mauvaise chute, comme si elle n’avait cure de la peur. Sa personnalité était hors du commun. Une personnalité qu’on ne rencontre que peu de fois dans sa vie et qui devait laisser en moi son éternel souvenir, souvenir auquel je me raccrocherais avec bonheur toute ma vie probablement, comme pour me rappeler qu’un jour, je fus bien amoureux. Elle n’avait peur de rien, et rien ou presque n’aurait pu entacher son sourire.  Mais du temps a passé et bien que l’idéalisant toujours, je ne retrouverais jamais cette tendresse qui me faisait trembler à son approche.
Un soir où je bossais comme serveur dans un bar du centre-ville, elle vint me présenter son nouveau copain. Je débarrassais alors des verres dans une salle ou s’organisait tous les vendredis une soirée salsa. Avec un plateau plein à ras bord que je tenais d’une main, je naviguais parmi les danseurs et danseuses qui tournoyaient avec passion, tentant d’éviter leurs valses amoureuses. Il me fallait garder intact l’intégrité des pintes et verres à cocktails d’où il ne restait que des fonds de liquides multicolores et des tranches de fruits à la chair aspirée. Je me frayais ainsi un chemin de table en table, parmi les troupes de toupies danseurs qui virevoltaient aux rythmes d’une musique cubaine faite pour la fête si ce n’est l’amour. Et je vis Camélia avec son nouveau Jules qu’elle connaissait depuis un mois. Elle portait une jupe argentée et un haut blanc, léger et transparent, qui laissait voir un soutien-gorge noir. Elle était rayonnante, plus que d’habitude si je puis dire. Là, elle m’annonça qu’elle était enceinte. Je la contemplais alors avec un sourire d’affection, l’embrassais et la félicitais, réellement heureux de son bonheur. Avant de la quitter, je lui dis que toute sa vie, jamais elle ne cesserait de m’étonner.
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skip-chiantos · 3 years
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Chapitre 1
30 jours pour écrire/Jour 13/13.08.2021
Thème : Un étrange objet venu des profondeurs de la Terre
(Ceci est un extrait du roman que j’écris depuis un petit moment déjà, mais je n’ai jamais trop osé le montré, des retours serait les bien venus !)
Chapitre 2 ;
Un vent violent agitait la forêt. La cime des arbres s’agitait dangereusement. Au milieu de cette forêt, dans une clairière ou poussaient de l’herbe rouge, se dressait un if. L'herbe rouge était couché sur le sol par la puissance des bourrasques, créant un tableau mouvant. Les rares fleurs étaient tordues par la douleur du blizzard. Un papillon passa calmement au-dessus des herbes, insensible aux rafales. Il n'y avait aucun bruit, pas même un souffle au milieu de cette tempête. Et malgré tout ce mouvement dans la forêt, seul un arbre ne semblait pas atteint. L'if était insoumis à cet étrange zéphyr. Au pied de ce dernier, dans ces racines tortueuses, se trouvait un escalier. Cette étrange descente était un enchevêtrement de racines et de roches. Elle menait à l'entrée d'une grotte. Perdue au fond de ces entrailles, gisait un laboratoire démoniaque. Le vent hurlait à l'intérieur, mais la flamme des bougies ne bougeaient pas. Les chandeliers qui les soutenaient sortaient des murs, comme si toutes les racines de cette foret s’était rejoint en cet endroit. Le laboratoire était composé d’une bibliothèque poussiéreuse, peuplaient de livres écrit des langues que plus personne ne savait parlais. D’autres étagères encombrées de bocaux remplis d'étranges créatures, figés à jamais. Dans un coin, un trône avait poussé. Une créature était assise dessus. Un être encapuchonné, vaporeux et dense à la fois ; on croyait discerner des pattes de boucs à la place de ces pieds. Sur les murs, 13 phrases suintaient des murs. Plus personne ne comprenait leurs sens. Sur la paillasse, 4 petits cavaliers, sortis d'un étrange jeu d'échecs, étaient posé sur une carte du monde. Des fleurs poussaient à côté, chacune dans un pot différent. Elles fleurissaient et pourrissaient à toute vitesse. Le gong d’une horloge résonna par-dessus le bruit du vent. L’être encapuchonné se leva et se dirigea vers les fleurs ; un seul pot possédaient une fleur qui ne fanait pas. L’être inclina la tête et tendis une main rachitique, composé de 7 doigts, vers une petite fiole. Il fit couler le pus dans la fiole sur la fleur. Elle se fana délicatement, et un crane poussa à la place. D’une blancheur impeccable. L’être le prit entre ces deux doigts et le réduisit en une poudre blanche. La fleur recommençait déjà à pousser. Il empaqueta la poudre blanche dans un petit pochon, et les glissa dans son habit. Son regard luisait étrangement au fond de la capuche.
Il est une force omniprésente. Elle est le lien entre les atomes, le pourquoi l’existence de toutes choses. Et le comment de leur fin. Elle était l’instinct, la force gravitationnelle, le fond diffus cosmologique, la matière noire. Elle avait tout créer et avait laissé les choses se faire. Tout fonctionner comme un grand ensemble. Mais cela l’ennuyait. Elle avait donc donné à une espèce des capacités différentes des autres, et pour la guider, elle lui avait fournis la croyance. Ils avaient cherché à comprendre, avait donné des noms aux objets, aux concepts, avait cherché à les maîtriser. Mais l'Homme n'avait rien respecté. Durant son règne, il m’avait donné de nombreux nom ; Dieu, Satan, la destinée.... Je ne suis que la Force, le Chaos et mon règne est venue. Petit à petit, je reprends possession de ce monde. Le règne humain touche à sa fin.
Un grondement mélodieux s’échappa de la capuche. Le Chaos se dirigea vers la bibliothèque et tira un dès d’un livre. Il le lança ; 2. Il se dirigea vers l’escalier et commença son ascension depuis les profondeurs de la terre. Toutes les bougies furent soufflées par le vent. Dehors, dans la tempête, son capuchon ne bougeait pas. Il avançait calmement au-dessus de tout. Au-delà du temps.
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dekasileia-rpg · 4 years
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Dk - Land
Les lands ont des climats et des spécialités différentes. Vous pourrez ainsi consulter, afin de vous aider dans vos publications, les caractéristiques de chacun d’eux. 
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Romanov ressemblerait à la Russie. Pays froid la plupart du temps, on le reconnaît par ses belles neiges blanches et ses grandes forêts. Le land est ainsi connu pour ses exportations de bois vers les autres lands et ses mines de pierres précieuses, bien vendus sur le marché.
La population suit la devise de la maison Romanov : Famille, sagesse et pouvoir.  Il y a une majorité de blonds. 
L’emblème du land est le loup blanc. Il représente l’instinct et la soif de liberté qui se fait ressentir par le côté très conseilliste des Romanov. 
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Wuttemberg serait l’Allemagne d’antan. Coin pluvieux de Dekasileia, le land est relativement connu pour son climat humide, ses magnifiques forêts qui s’étendent sur des kilomètres et ses plaines vertes. A la frontière avec Romanov, on peut voir de belles montagnes au sommet enneigé. Les routes y sont impraticables lors des fortes tempêtes de neiges. Wuttemberg est connu pour le gibier, exporté aux quatre coins du royaume après les chasses. C’est un lieu de chasse très prisé. 
La population suit la devise : fier et puissant. Ils sont de fervents royalistes et sont fiers de voir un Wuttemberg sur le trône. 
Leur emblème est le cerf, pour son côté majestueux mais également pour sa douceur et sa capacité de contourner les obstacles avec grâce. C’est un animal intuitif, qui sait aussi faire preuve de vigilance. 
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A Bade, le climat est souvent celui de l’automne. Les feuilles sont rarement vertes et empreintes des teintes orangées à longueur de temps. Le climat y est donc humide mais pas trop froid. Bade est très connu pour ses forges qui fonctionnent à plein régime et l’amélioration des outils du quotidien, à la pointe de la technologie. Pourtant, Bade est peu prisé et un énorme flux migratoire a pu être aperçu ces derniers temps, depuis l’arrivée des Vikings sur leur terre. La peur y règne en maître.  Leur animal totem est le renard, rusé, les Bade savent faire preuve de discernement pour les tromperies. Ils sont dotés d’une grande sensibilité physique et émotionnelle et sont ainsi connus pour savoir échapper aux obstacles rapidement.  A Bade, la population y est royaliste étant donné le lien de parenté qu’a Aurora de Bade, mère du feu roi Hans le juste. 
Devise : Dur comme un roc. 
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A Saxe, le climat est humide. Montage et terre se rejoignent par delà lesquels survolent les rapaces. Saxe est connu pour leur très bons archers ainsi que leur fabriquant qui construisent leur flèche à base de plume d’aigle.  Leur emblème est un aigle aux ailes déployées. Pour eux, l’aigle représente la faculté de concentration et le discernement. Savoir saisir le moment opportun en plein vol.  La population est guidée par la devise : le sang appelle le sang. Ils se sont alliés aux royalistes et sont de hargneux vengeurs. 
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Lannoy est très peu prisé depuis quelques générations. Le land a perdu de sa popularité avec l’ancien Lander, Philippe Lannoy, lorsqu’il a épousé une roturière. Il n’a pas su donné d’héritier et ses frasques avec l’ancien marché noir ont souvent fais parler de lui. La réputation des Lannoy n’est pas souvent la meilleure à entendre. Pourtant, le land, malgré son climat grisonnant et humide, possèdent les plus belles mines d’or du land. Très prisé pour cela, ils sont de grands fabricants de bijoux et d’objets de qualité. Ils ont aussi de très beaux rosiers.  L’emblème de la famille Lannoy est la lionne. Changée dernièrement par le lander Henry Lannoy pour ses soeurs. Le lion signifie pour eux la force, l’affirmation de soi et les émotions fortes. Les Lannoy sont connus pour ne pas savoir gérer leurs sentiments et leur impulsivité.  La population Lannoy, est guidée par la devise : Rugir jusqu’au dernier soupir. Les Lannoy ont porté allégeance aux royalistes mais le dernier lander a affirmé sa position dans les rangs des conseillistes. Le nouveau Lander Edan Lannoy ne cache néanmoins pas son soutien pour Philae Wuttemberg. 
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Aragon est connu pour ses fortes chaleurs sèches. Bordée par l’eau, le climat est difficilement viable pour ceux qui n’y sont pas habitués. Les tenues y sont légères et très colorés, notamment dans les tons rouges. Aragon est le spécialiste des vins, exporté dans tout le royaume. Les habitants d’Aragon sont connus pour être de bons guerriers, bien moins fort que York mais certainement plus agiles. 
Leur animal Totem est le lynx, connu pour sa rapidité et son excellente vision, c’est un animal très solitaire.  La devise est : notre foi est invincible. Ils ont foi en les conseillistes et sont de fervents alliés des Romanov. La population y est très pieuse. 
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Lancaster est un pays aux couleurs froides et aux climats humides, ce qui n’empêche pas le soleil de pointer son nez. La lavande diffuse son odeur sur tout le land, doué dans la création de parfumerie, ils sont également très connus pour leur calligraphie, l’encre et la fabrication d’ouvrages qui pullulent au sein des temples.  Leur animal totem est l’Hermine, signifiant la pureté.  La population suit la devise : libre et fort. Ils furent longtemps royalistes mais les choses ont changés avec l’arrivée d’un Romanov à la tête du land.  
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Condé est notre France. Ses couleurs vertes sous son climat tempéré sont bien particulière. Condé est connu pour ses longs lierres qui prennent souvent possession des murs de pierre. Ils sont connus pour avoir les meilleurs architectes du royaume et les plus belles peintures.  Leur animal totem est la paon, connu pour sa majestuosité, il symbolise l’immortalité. Le paon est également connu pour donner l’alerte en cas de menace. Conde reste donc une belle fille qui se veut prête à repousser les menaces.  Leur devise : Nous écrivons notre destin. 
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La belle Borja est le land de la poésie, de la peinture et des arts. Le climat y est plutôt sec et chaud mais il est supportable. Les lands sont bordés de fleurs et l’on peut s’y rendre au son des musiciens qui n’hésitent pas à accompagner votre voyage de leur douce mélodie.  D’un point de vue économique, Borja est connu pour leur chevaux, leurs beaux étalons parfaitement dressés. C’est ici que le commerce a lieu. Borja est aussi un grand complexe d’agriculture.  Leur animal totem du cheval leur procure une envie de vivre qui dépasse l’entendement. Ici, on aime les plaisirs, on est des passionnés. Leur envie sauvage de liberté nourrit leur fougue à tous les états.  Leur devise : La lumière dans les ténèbres corresponds bien à ce land de merveille qui saura vous remonter le moral. 
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York est connu pour son climat humide. Ses grandes plaines vertes sont néanmoins le lieu d’entraînement des soldats. Le land a longtemps était dirigé par Calixta, deuxième épouse du roi Hans et ancienne épouse de William d’York. Ils sont ainsi bien plus avancés dans les moeurs que n’importe qui en permettant aux femmes de prendre l’épée et la manier. Les soldats de York sont réputés pour leur force. 
Leur animal totem est l’ours qui signifie d’avoir une grande confiance en notre force. C’est aussi de très bons leaders. 
Leur devise : Pour assurer la paix, prépare la guerre. Ils sont conseillistes. 
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mo-barabd · 6 years
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Zezelj © Mosquito – 2014
Tomks-7, la ville-prison absente de toutes les cartes. Vladimir y a été conduit après avoir détruit toutes les horloges d’un port et tabassé le policier venu l’arrêté. Vladimir est à Tomks-7 pour une durée indéterminée. Chaque jour, il fait le pain pour les habitants de la ville… et chaque jour il rêve de s’envoler pour rejoindre la femme qu’il aime.
M., la ville esseulée au cœur des terres. Seul un fleuve la relie à la met mais en été, il est presque à sec. A M., des gens rêvent de grands espaces, de voyages. Et Simon, le vieux matelot, n’a pas perdu l’habitude de lire ses cartes maritimes. Il s’accroche à un fragile espoir de pouvoir de nouveau prendre le large et initie son petit-fils à ce savoir.
Dealer, marin, catcheur, prisonnier… tous ont ce point commun d’être planté là, dans la ville qui les voit vieillir et qui les use. La ville qui bouffe leurs illusions et leurs rêves d’enfants.
… des rêveurs…
Que l’on soit à Brooklyn ou ailleurs, on remarque en premier lieu l’austérité qui entoure chaque chose, chaque individu. Des bâtiments qui mordent le ciel, la nuit qui englouti tout et fait naître la peur, le brouillard qui camoufle les bruits et invite le marcheur à presser le pas.
Danijel Zezelj est un auteur que j’ai eu l’occasion de lire à plusieurs reprises. Son coup de pinceau nerveux, la matière  qui fait le sel de ses illustrations, le côté vivant des univers qu’il crée… je m’en régale. Les jeux d’ombre et de lumière créent une ambiance qui n’a nul autre pareil. Il a l’art d’installer une ambiance dès la première case et de nous faire sentir le danger, la peur. Il a l’art de dresser des villes sur le papier où crépitent le bois qu’on brule, où craquelle la feuille que l’on déplie, où bruisse le feuillage et grincent les portes.
Tomsk-7 est un recueil de huit nouvelles. A chaque fois, on change de lieu, de personnages. A priori, ils ne se connaissent pas. Au lecteur d’attraper le fil. Ici pourtant, on est moins à l’instinct que dans ses albums muets (Chaperon rouge, Industriel ou Babylone). Ici des héros ordinaires parlent, échangent, pensent. La voix-off et les phylactères nous guident mais on ne peut s’empêcher d’être à l’affût et surtout, surtout !, on scrute/on mate/on contemple ces planches magnifiques toutes de noir et blanc bruts.
Pour les yeux et l’ambiance !
Tomsk-7
One shot Editeur : Mosquito Dessinateur / Scénariste : Danijel ZEZELJ Dépôt légal : novembre 2014 80 pages, 13 euros, ISBN : 978-2-35283-282-9
Bulles bulles bulles…
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Tomsk-7 – Zezelj © Mosquito – 2014
D’autres pépites à découvrir chez les bulleurs de la « BD de la semaine » :
Blandine :                                         Fanny :                                                     Caro :
Sandoval – La Padula © Paquet – 2011
Fayolle © Magnani – 2013
Mastragostino – Ranghiasci © Steinkis – 2017
Mylène :                                               Iluze :                                                   Karine :
Westerfeld – Puvilland © Rue de Sèvres – 2017
Morvan – Tréfouël – Evrard © Glénat – 2017
Vaughan – Staples
Nathalie :                                       Gambadou :                                          Moka :
Moreau © Guy Delcourt Productions – 2017
Bidault © Warum – 2017
Nicoby © Vide Cocagne – 2013
Blondin :                                             Noukette :                                       Stephie :
Roulot – Rodier © Dargaud – 2018
Lepage © Futuropolis – 2017
Toulmé © Guy Delcourt Productions – 2017
Saxaoul :                                              Jérôme :                                              Jacques :
Tan – Dargaud – 2007
Rabaté © Futuropolis – 2018
Mangin – Démarez © Casterman – 2018
Madame :                                         Sylvie :                                                  Alice :
Zep © Rue de Sèvres – 2018
Morizur – Duvoisin © Bamboo – 2018
Fabcaro © 6 Pieds sous terre – 2015
Soukee :                                              Bouma :                                            Aurore :
Toulmé © Guy Delcourt Productions – 2014
Ferdjoukh – Pitz © Rue de Sèvres – 2018
Tubiana – Franc © Dargaud – 2018
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Tomsk-7 (Zezelj) Tomks-7, la ville-prison absente de toutes les cartes. Vladimir y a été conduit après avoir détruit toutes les horloges d’un port et tabassé le policier venu l’arrêté.
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Exposition : L’aventure de la couleur – Centre Pompidou Metz-
Du 24 février 2018 au 22 juillet 2019
Visite le 26 février 2018
Commissaire de l’exposition : Emma Lavigne
«D’abord, il n’y a rien, ensuite un rien profond, puis une profondeur bleue.»
Gaston Bachelard
En 1977, la couleur est au cœur du projet architectural du Centre Pompidou Paris. Cette exposition continue ce questionnement au travers de la présentation d’une quarantaine d’œuvres qui rendent compte du souci des créateurs contemporains de maîtriser la couleur tout au long de l’histoire de l’art contemporain.
Par la présentation d’une quarantaine d’œuvres, le centre Pompidou Metz propose un parcours où la couleur évoque l’émotion et la sensation puis entraîne vers la réflexion et la méditation.
DÉCOUPER A VIF DANS LA COULEUR
Méthode du collage
Matisse, porte d’entrée de l’exposition : “Je ne songe plus qu’à faire chanter mes couleurs sans tenir compte de toutes les règles et toutes les interdictions.”
Portfolio Jazz – Henri Matisse- 1947
“Dessiner avec des ciseaux. Découper à vif dans la couleur me rappelle la taille directe des sculptures. ” Henri Matisse
Henri Matisse pense son Portfolio Jazz comme une synthèse entre peintures, sculptures, et dessin. Cela constituera l’intégrale de son travail jusqu’à sa mort en 1954.
Apothéose de Marat – Jean Dewasne – 1951
Cette toile accueille le spectateur dans l’exposition.
« J’étais plein d’admiration pour la logique implacable de sa pensée. […] La rigueur même de cette démarche coïncide avec celle qui me fait imaginer mes futures œuvres»                      Jean Dewasne
Ce collage préparatoire éclaire la place particulière du travail préliminaire chez Dewasne. L’idée du tableau vient d’un premier jet à la gouache, exécuté très librement, qui est ensuite épuré et structuré suivant des tracés régulateurs. Le dessin est donc le lieu où la composition prend forme, où la ligne délimite la tache colorée, où l’intellect recadre l’instinct. Il est ici recomposé par découpage, selon la méthode utilisée par Matisse dans les gouaches découpées de Jazz (1946), exposées en 1949. Reporté ensuite sur panneaux, le dessin est modifié en fonction du format. Si la composition d’ensemble de la peinture reste ainsi la même, les rayures diminuent ou disparaissent, les formes se condensent et acquièrent puissance et monumentalité. Comparé à la manière lisse du grand panneau final, le dessin garde, au contraire, la fraîcheur et le dynamisme de l’inspiration première. Sitographie du Centre Pompidou.
New Day – Bridget Riley – 1992
Connue pour ses peintures d’Art Optique, Bridget Riley est connue pour créer une dynamique visuelle et sensorielle. Elle reprend la technique des gouaches découpées pour faire ses dessins préparatoires.
Méthode du pliage
« Mes toiles ne sont pas un écran où je projette mes visions, mes rêves, mes désirs. Matisse disait aux peintres : « Coupez-vous la langue ! Moi j’ajoute « Crevez-vous les yeux !» Simon Hantaï. 
Meun -Simon Hantaï –  1968
Hantaï entreprit la série des Meuns  après avoir quitté Paris et vécu pendant une année sans peindre à Meun (en lisière de la forêt de Fontainebleau. Les Meuns procèdent du nœud plutôt que du pliage. La toile est rassemblée aux quatre coins, formant une sorte de « sac fortement aplati et brutalement recouvert de peinture » Olivier Turpin Site Transverse
« Les couleurs sont ce dont on se souvient le mieux » V.Kandinsky
Wassily Kandinsky – Bleu de ciel – 1940
Alors qu’il emménage à Paris, à Neuilly, pour fuir le nazisme, Kandinsky découvre une couleur nouvelle forte et douce dans le ciel qu’il voit de sa fenêtre, selon ses mots. Rompant avec l’époque sombre du moment, l’artiste nous emmène dans un monde de rêve avec ses formes colorées. “Les couleurs sont les habitants de l’espace.” Kandinsky
“C’est l’esprit qui voit avec les yeux”. Yves Klein
Aventure monochrome – Yves Klein – 1957
“Le pigment pur exposé par terre devenait un tableau de sol et non plus une cimaise : le médium fixatif était alors le plus immatériel possible, c’est la force d’abstraction possible.” Yves Klein
Pour cet exposition, le centre a répandu le pigment IKB (breveté: International Klein Blu. Du coup, la couleur devient un produit) selon un protocole pré-établi, comme aussi pour l’installation du mur opposé à celle placée au sol. Cette installation renvoi aux peintres indiens qui peignent au sol et entraîne le spectateur vers une méditation soutenue par la couleur.
Entrer une légende
“Jamais par la ligne, on a pu créer dans la peinture une quatrième, cinquième ou quelconque dimension : seule la couleur peut tenter de réussir cet exploit. La monochromie est la seule manière physique de peindre permettant d’atteindre à l’absolu spirituel.” Yves Klein
LA COULEUR VIVANTE
“J’ai découvert le néon. C’est une couleur vivante, une couleur par delà la couleur. La plume et le pinceau sont dépassés. Le néon exprime plus fidèlement la vie moderne. Il existe dans le monde entier”. Martial Raysse.
Améric América – Martial Raysse – 1964
“Cette matière couleur artificielle et fluorescente fait écho à la pointure industrielle et fluorescente par l’artiste à la même époque. “Exposition
  En 1963, Raysse s’installe à Los Angeles, qui lui rappelle avec délice l’univers cristallin et hédoniste de la côte d’Azur. Il est alors sollicité par les plus grands musées européens et plusieurs galeries américaines. Son langage pictural est proche de celui des artistes du pop art, notamment de Roy Lichtenstein. (…) Sitographie du Centre Pompidou
Raysse beach – 1962 – 2017
Grâce à des expériences immersives et sensorielles, le visiteur était invité à sortir de sa passivité habituelle face à l’œuvre d’art.
Martial Raysse pastiche les grands maîtres au travers de cette série .
Made in Japan -La grande odalisque – Matial Raysse – 1964 –
L’artiste prend modèle sur Ingres mais il fait de son odalisque une muse de consommation.
Pier  and Ocean – François Morellet –
Avec l’installation Pier and Ocean, qu’il crée en collaboration avec l’artiste japonais Tadashi Kawamata, Morellet rend un hommage vibrant aux compositions du maître hollandais. . Sitographie du Centre Pompidou. 
  Maquette du Centre Pompidou- Renzo Piano (1937) et Richard Rogers (1933) – 1971/1977
Les architectes imaginent un lieu de création et d’exposition ouvert sur la ville où la couleur est pensée comme un code et structure l’espace: le jaune signale le transport de l’électricité, le vert celui de l’eau, les tuyaux bleus celui de l’air et le rouge, le déplacement des visiteurs et des œuvres.
276 (on color yellow) – Joseph Kosuth (1927) – 1990/2016
Joseph Kosuth  est le fondateur de l’art conceptuel où l’œuvre devient un énoncé. Il reprend ici le commentaire n°276 des investigations philosophiques de Ludwig Wittgenstein portant sur la perception des couleurs.
“Mais, enfin, n’entends-tu pas quelque chose de tout à fait  déterminé quand nous regardons une couleur et que nous nommons nôtre, notre impression qu’elle nous donne ?” Joseph Kosuth
Jamais deux fois la même – Travail in situ- Daniel Buren (1938) 1968/2018
Le principe est posé par l’artiste en 1968 : l’œuvre ne doit pas être exposée à deux endroits différents, ni être réalisée deux fois de la même couleur. Les artistes posent des bandes de la couleur ou blanches de 8,7 cm de largeur dans l’ordre de leur choix. Du coup, il y a d’infinies possibilités.
                            Visite de l'exposition "l'aventure de la couleur" au Pompidou Metz Exposition : L'aventure de la couleur - Centre Pompidou Metz- Du 24 février 2018 au 22 juillet 2019…
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