La Zone
Défi d’écriture 30 jours pour écrire, 21 août
Thème : Camille/quand le chat n’est pas là
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Il s’appelle Camille. Elle aussi. Et les deux autres aussi, qui les suivent en essayant de ne pas se faire distancer. Tout comme celle qui attend au volant de la camionnette. C’est presque une comptine. Cinq Camilles qui vont au marché. Un marché pas cher du tout.
Que voulez-vous, quand le chat n’est pas là, les souris dansent. Et c’est un gros matou qui est de sorti ce soir.
Les Camilles aiment beaucoup cet endroit. La Zone est une terre sauvage, un lieu de vie et de nature, un endroit précieux que l’avidité humaine n’a pas encore salopé. Les Camilles n’apprécient pas du tout le projet de construction en cours. Pas du tout du tout.
Alors ce soir, tandis que le promoteur du projet est en train de vendre sa version en pleurant sur un plateau télé quelconque – le pauvre chou, victime de toutes les vilaines Camilles du pays – les Camilles sont de sortie sur le chantier. Et font leur petit marché.
Ils passent par derrière, loin des gardes, et sautent les palissades assemblées à la va-vite. Ils agissent vite et bien. Ils attrapent les chaines, les pinces, tous les outils qui leur tombe sous la main…
Mais les Camilles ne sont pas des voleurs. Ils rendent très, très vite ce qu’ils ont pris. En choisissant soigneusement quoi en faire.
Et lorsque les Camilles repartent, ils laissent derrière eux un chantier nettement plus en chantier – outils enchainés, moteurs sabotés, le tout décoré d’un message soigneusement graffé : « Ne Touchez Pas A Notre Zone »
Il faut bien ça pour que le message arrive à destination.
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Dans ma vie antérieure, tu étais ma mère
Dans ma vie antérieure, tu étais ma mère.
Peut-être que tu ne te considérais pas comme telle, mais tu l'étais, tu étais la première personne que j'aie vue en naissant, la première personne pour qui j'ai ressenti de l'amour.
Tu étais ma mère.
Bien sûr, tu étais trop jeune pour t'occuper de moi, trop jeune pour m'élever convenablement. Ça, tes parents n'ont pas cessé de te le répéter. Ils t’ont dit qu'il valait mieux que tu te sépares de moi.
Pour notre bien à tous les deux.
Mais tu n'as pas voulu, tu t'es battue, tu as crié, encore et encore, jusqu'à ce qu'ils cèdent. Tu t'es battue et, têtue comme tu es, têtue comme je te connais, tu as gagné.
Tu m'as donné un nom. Tu m'as nommé, et je n'ai jamais été si heureux que ce jour. Tu m'as accepté comme ton fils. Ce nom, toutes tes amies le trouvaient ridicule, et les gens riaient à l'entendre, mais moi, j'en étais fier. C'était mon nom. C'est la première chose que tu m'as donnée.
Et tu ne t'es pas arrêtée là, tu m'as donné plein d'autres choses. Tu m'as fait des cadeaux, tu m'as offert des câlins et des mots doux. Tu m'as offert ton amour.
Tout n'était pas parfait. Tu m'as donné de la douleur aussi, de la peine, de la terreur.
J'ai eu peur de toi.
J'ai eu peur de toi et je me suis caché, je me suis enfui, plusieurs fois. Et ça te rendait triste. Ça te rendait si triste que j'aie peur de toi, alors que toi, toi, tu ne voulais que me couvrir d'affection. Tu ne voulais que me montrer ton amour. Et tu ne comprenais pas. Tu ne comprenais pas que nous n'avions pas la même manière de nous aimer.
Je t'ai blessée.
J'ai fait couler ton sang. J'ai laissé une marque dans ta chair. Puis plusieurs. Tu as pleuré. Mais ça ne t'a jamais empêché de m'aimer, de revenir vers moi. Encore et encore.
Tu t'es remise en doute. Tu t'es demandée ce que tu avais fait de mal, ce que tu avais raté en m’élevant. Et tu en avais raté des choses, dans mon éducation. Tes parents n’arrêtaient pas de te le faire remarquer. Tu étais trop jeune. Mais tu m'as toujours aimé, et ça, tu ne l'as pas raté.
Tu as grandi. Tu as donné ton amour à d'autres gens. Tu as été déçue. Tu as pleuré.
Tu as pleuré pour tout et n'importe quoi. Tu as pleuré pour un mauvais résultat, pour tes parents, pour tes amis, pour les garçons que tu fréquentais...
Et moi, j'étais toujours là.
J'étais toujours là, et tu mettais ta tête contre mon cou, et tu pleurais, et moi, je restais là, et je t'écoutais pleurer. Et tu finissais par te calmer, et j'étais toujours là.
Et les amis, et les garçons, et les chagrins se succédaient, et j'étais là, comme une éternelle constante dans ta vie.
Et je ne te disais rien par ce que je n'ai jamais su quoi te dire, je n'ai jamais pu te parler.
Nous avons déménagé. Tu as déménagé, et je suis venu avec toi. Je t'ai suivie. De toute façon, je n'aurais rien pu faire d'autre. Je ne voulais pas être séparé de toi. Tu ne voulais pas être séparée de moi.
J'ai grandi. J'ai découvert le monde extérieur. J'ai découvert qu'il y avait des tas d'autres choses, à part toi, et tu as eu peur.
Tu as eu peur que je ne parte, tu as eu peur que je ne t'abandonne. Tu n'as pas voulu me laisser voir ce qu'il y avait au delà de toi. Mais tu as renoncé. N'y a-t-il que face à moi que tu aies déjà perdu un combat ? Peut-être. Tu as compris qu'il fallait me laisser libre, que c'était normal. Que quoi qu'il arrive je reviendrais toujours vers toi. Tout comme toi tu étais toujours revenue vers moi.
Tu as rencontré un homme. Je ne l'aimais pas. Je ne l'aimais pas par ce qu'il était différent des garçons. Par ce qu'il vivait avec nous. Par ce que tu lui donnais de l'amour.
Tu lui donnais des câlins et des mots doux, et ça sonnait faux, par ce que c'était moi, et moi seul, qui devait recevoir de l'amour de toi.
Je ne l'aimais pas et je lui ai montré, mais lui, lui a compris que s’il voulait rester avec toi, il faudrait rester avec moi. Alors il a fait des efforts. Des efforts pour me supporter, et c'était dur.
Et j'ai compris qu'il t'aimait, qu'il t'aimait vraiment, et qu'il fallait que je l'accepte. Alors je l'ai accepté. Et j'ai même presque commencé à l’apprécier. Presque.
Et puis... et puis les choses se sont déroulés très vite.
Je ne sais pas si je n'avais pas vu le camion, ou si je n'ai juste pas été assez rapide pour l'éviter, mais durant un instant, j'ai eu peur, et l'instant d'après, j'étais mort.
Tu as pleuré.
Tu as pleuré et tu as crié mon nom, le nom que tu m'avais donné. Et l'homme à eu beau te serrer dans ses bras, tu n'as pas cessé de pleurer. Tu continuais à pleurer, et ce qu'il te disait ne changeait rien. Il te disait que c'était normal, l'ordre des choses. Que si ça n'avait pas été par le camion, je serais mort autrement.
Qu'à dix-sept ans, un chat était déjà vieux et que j'avais eu une belle et longue vie, remplie d'amour.
Et pourtant, moi, je ne te l'ai jamais dit. Je n'ai jamais pu te le dire.
Dans ma vie antérieure, tu étais ma mère.
Et nous voilà face à face l'un avec l'autre, et tu as l'air épuisée, là, allongée dans ton lit, dans ta chemise d’hôpital, mais tu me souris.
Et de nouveau, tu es celle que je vois en premier lorsque j'ouvre mes yeux.
L'homme sourit aussi. Il me sourit, il te sourit.
Tu places ton auriculaire dans le creux de ma main, et je ferme celle-ci de manière tout à fait instinctive.
Et tu ris, et tu ris et je ne regrette pas d'avoir sacrifié mes huit autres vies pour cet instant.
Pour renaître humain.
Pour enfin, enfin, pouvoir te le dire.
Je t'aime, maman.
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