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hikarinokusari · 4 years

Text

“ Amdapor “

Titre : Nixyan. Troll. Amdapor. Chaque mot fonctionne. Genre : Tous publics. Présence d’insultes. Vagues allusions à un travail non posté sur le net. Résumé : Spec gromelle à Amdapor. Et à un moment le plot se pointe. Remerciements : @xyanmajor pour l’idée de base, et parce que c’était elle qui m’a demandé d’écrire qqch sur le sujet. Et pour le spite que j’ai eu à répéter sur discord : “ si j’ai dit que je te le ferai.” pendant plusieurs mois parce que je suis bornée. Et aussi, j’ai emprunté Nixyan Shadowclaw pour le texte, son personnage. Notes de l’auteur : Mon drabble de trois lignes ne suffisait pas à satisfaire la personne sus-nommée, alors j’ai fait un vrai texte plus long pour elle. Après coup, c’est trop long pour un plot qui tient en trois lignes et ça explique la narration et le rythme chaotique. Aussi, ça fait un an que je l’ai écrit, j’ai toujours pas relu et j’ai pas envie. Avertissement : Si vous êtes adeptes de texte de 3k mots. Ca en fait le triple. Donc attention, c’est “long”.

Les ruines d’Amdapor s’étalaient à perte de vue, dévorées par les caprices du temps et des esprits gardiens de la Sylve qui avaient condamné l’insolence de la cité. Par respect ou par crainte superstitieuse, de nombreuses personnes préféraient éviter les vestiges de cette civilisation. Spectral, lui, ne faisait pas parti de ceux qui redoutaient la colère des divinités tutélaires de Sombrelinceul. Toutes ses certitudes quant aux divinités s’étaient effritées lorsque Dalamud s’était effondré sur Eorzéa. Elles s’étaient ensuite entièrement dissipées lorsque sourde à ses prières, Menphina lui arrachait l’âme qu’elle l’avait enjointe à aimer. La courte bénédiction de cette prétendue déesse était devenue bien trop vite la pire des afflictions. Les dieux n’accablaient pas leurs priants dans l’esprit de l’homme, ou si tel était le cas, il ne souhaitait pas vénérer de tels dieux. Spectral espérait chaque matin que son esprit cesserait de s’accabler avec cette pensée mais elle ne cessait de se rappeler à lui à la moindre occasion. Il avait trouvé comment s’échapper de ses tourments intérieurs en se reconcentrant vers d’autres sujets, en forçant son esprit à mobiliser toute sa force de concentration vers d’autres activités. Le travail restait sa meilleure échappatoire à ce jour pourtant, sans qu’il ne comprenne pourquoi, aujourd’hui l’exercice s’avérait plus difficile qu’à l’accoutumée.

Le plan de voyage vers Sombrelinceul avait vite été préparé, et il avait eu tout le loisir en effectuant la reconnaissance du terrain de laisser son esprit vagabonder sur le passé de cette ville et sur la manière par laquelle elle avait été ravagée par la colère destructrice des dieux mécontents du conflit qui l’opposait à Mhach. Ultimement, il en était revenu à réfléchir sur ce que lui inspiraient les divinités et les cultes qu’elles faisaient naître ; notamment celui des Agneaux de Dalamud qui avaient réussi à invoquer de nouveaux êtres venus du néant par le biais des rituels interdits de sang.

Spectral s’était demandé sur tout le chemin qui l’avait fait descendre du Camp du Dragon à Sombrelinceul s’il aurait pu faire parti de ce cercle de personnes à l’esprit dérangé. Il s’était persuadé que non, mais avait-il été si différent d’eux il y a cinq ans de cela ? Sans qu’il s’en aperçoive, la pointe des griffes de ses gants effleura les tatouages sombres qui descendaient sur ses joues. Les croyances … Sa tribu se peignait le visage pour honorer une divinité perdue et oubliée, reléguée au rang de légende par bien des éorzéens. Des certitudes pieuses qui ne blessaient personne. Ceux qu’il cherchait aujourd’hui sacrifiaient leurs comparses pour conjurer les avatars mineurs d’une créature depuis longtemps scellée dans les sous-sols de la cité morte.

Quelle différence y avait-il aux sacrifices de bétails qu’offraient les siens ? Offrir sa vie était un choix qu’ils comettaient en connaissance de cause.

Alors, à quel moment les croyances personnelles nuisaient-elles à autrui ?

Qui était-il pour juger de leur erreur ou du danger qu’ils représentaient pour leur entourage ? De tous temps, les divinités et les êtres supérieurs consolaient les craintes de l’humanité. Un comportement que personne ne critiquait mais que tous blâmaient lorsque les priants se donnaient les moyens de conjurer les créatures en lesquelles ils croyaient.

En soi, quel mal y avait-il à cela ? Pourquoi les laisser prier des dieux tabous et ensuite se plaindre des actes qu’ils entreprendraient pour tirer leurs maîtres du néant ?

La griffe dorée quitta doucement le visage marqué du miqo’te qui reprit sa marche silencieuse dans la cité morte. Sa prise sur Vipérine se referma lorsqu’il entendit le lourd battement d’ailes des papillons gigantesques qui hantaient les lieux. Les dieux seuls savaient à quel point il détestait ces créatures et les spores qu’elles libéraient à chaque mouvement. À l’abri des arcades brisées, le miqo’te guetta avec animosité l’insecte survoler le plafond détruit.

Spectral avait affronté et vaincu un nombre de bêtes assez important au cours de sa vie et de ses contrats. Après autant de combats, il pouvait sans mal affirmer qu’entre toutes les cibles qu’il avait eues à abattre, les papillons étaient celles qu’il détestait du plus profond de son être. Ces créatures aux vapeurs mortelles étaient bien plus dangereuses à ses yeux que les engeances de Niddhog : leurs toxines puissantes pouvaient rendre fou bien des guerriers, ou détruire le corps de leurs victimes quelle que soit l’armure qu’elles puissent porter.

Qui plus est, il les trouvait d’une inélégance rare. Si les motifs de leurs ailes étaient des plus ravissants – parfois, même s’il lui co��tait de l’admettre – leurs corps visqueux le mettait mal à l’aise. Les longs poils éparses tout au long de leur abdomen et de leur thorax le répugnait jusqu’à faire créer des nœuds au creux de son estomac dès qu’il les entrapercevait. Quant à leurs gigantesques trompes, un simple regard sur elles lui hérissait le poil. Vus de face, le jeune lancier les trouvait déjà répugnants mais placé comme il l’était en dessous de l’un de ses individus, le niveau de dégoût qu’ils faisaient naître chez lui atteignait un maximum rarement atteint.

Les pattes griffues de l’animal, trop fines pour un corps si grand, s’accrochèrent à la pierre abîmée qui pleura des larmes poussière en accusant le poids de la créature. Le miqo’te grimaça et regretta un moment la mission qui l’avait conduit jusqu’ici, sous cet insecte immonde. Odin, qu’il détestait ces choses.

Dire que les gens leurs donnaient des noms.

Cette fille aussi en avait adopté un apparemment. Il se rappelait avec quel engouement elle lui avait presque mis le ver volant sous le nez quand elle l’avait ramené. Spectral soupçonnait qu’elle ait « trouvé » cette larve minuscule la dernière fois qu’ils étaient venus sur les lieux. Lui, pour reconnaître le terrain et elle … Elle … Certainement pour prendre un œuf de ces bestioles et s’amuser à parader avec jusqu’à ce qu’il n’éclose et prenne sa taille adulte puis qu’elle meure intoxiquée par toute la poussière nocive que dégagerait cette monstruosité née du Fléau.

Le chasseur fronça les sourcils. De tous les animaux que les aventuriers appréciaient, de toutes les petites créatures mignonnes que les jeunes filles aimaient – cette fille était jeune non ? – il avait fallu qu’elle se prenne d’affection pour la plus détestable d’entre elles.

« Un morpho, crétin ! » qu’elle avait piaillé avec colère quand il lui avait fait remarquer que son nouvel animal de compagnie n’était rien d’autre qu’une affreuse bestiole. Il était bien heureux qu’elle ne soit pas dans ses pattes aujourd’hui, qui sait si elle n’aurait pas cherché un compagnon de vol à son « morpho » immonde, paré d’autres couleurs que ce bleu surréaliste qu’ils arboraient tous d’ordinaire.

Les gens osaient leur donner des noms agréables à l’oreille : « Morpho ».

Il leur préférait le nom d’immondices.

Quelle fille adopterait un ver à ailes sachant qu’il deviendrait la chose-même qu’il avait sous les yeux ? Les femmes d’Ishgard n’adoptaient pas des papillons d’Amdapor : les plus raffinées d’entre elles les enfermaient sous verre comme des trophées scientifiques.

Les chasseuses les plus aguerries de chez lui avaient des chocobos et chassaient à l’arc sur leur dos. Un chocobo, c’est tellement plus mignon qu’un papillon monstrueux, bien plus intelligent et bien plus utile au quotidien. Certains des membres les plus aguerris de son clan adoptaient même les tigrons dont les parents avaient été massacrés par les braconniers. Bien que dangereuses, ses bêtes restaient dressées et obéissantes à leurs maîtresses. Pas comme ces papillons qui volaient en libérant leurs poussières mortelles au gré de leur instinct stupide, quand ils ne venaient pas agresser les archéologues qui osaient s’aventurer dans la cité.

Franchement, qu’est-ce qu’elle pouvait bien leur trouver à ces choses ?

Le vrombissement lourd des ailes bleues du Morpho géant vint agresser à nouveau l’ouie de Spectral qui s’autorisa un soupir de soulagement lorsque l’animal disparut – enfin - de son champ de vision. Un léger nuage de poussière flotta un moment le long du chemin qu’emprunta la bête, provoquant l’abaissement des oreilles du miqo’te dans un geste de méfiance. Halone lui en soit témoin : un jour, il éradiquerait ces créatures jusqu’à la dernière.

Un instant passa avant qu’il ne s’autorise à sortir de l’abri que lui procurait les arcades et ne reprenne sa longue marche pour trouver le moindre signe de ses cibles. Il avait espéré compter sur ses sens de l’ouie et de l’odorat aiguisés pour débusquer les cultistes rapidement et quitter cette cité maudite par les dieux. En vain. Si rituels interdits il y avait, Spectral craignait qu’il n’arrive bien trop tard pour y mettre un terme. Il sentait au fond de lui que quelqu’un était déjà intervenu. Ce Guerrier de la Lumière admiré en tout Eorzéa se sentait toujours obligé de venir résoudre chaque problème qui apparaissait dans ce pays. Le lancier ne serait pas étonné que ce « Héros » ait déjà chassé les mages d’Amdapor.

« Héros ». Il détestait presqu’autant ce mot que les Morpho. Il détestait presqu’autant la personne qui portait ce titre que les papillons qui partaient se reposer sur les murs en ruines de la cité. Il y avait tant d’aventuriers qui se sacrifiaient jour après jour dans l’ombre de cette personne. Tant de personnes qui accomplissaient des exploits au quotidien sans jamais gagner la reconnaissance de leurs concitoyens.

Spectral prit une grande inspiration pour chasser ce héros de son esprit, et se reconcentrer sur autre chose. Ce qui était sûr, c’était que Nixyan elle, était loin d’être une aventurière qui pourrait un jour porter le titre d’Héroine.

Il se prit à sourire alors qu’il imaginait la fille du Soleil s’engager dans une noble quête et réussir à s’en sortir sans créer de dangers plus grands encore que ceux qu’elle aurait vaincus. Dans sa grande sagesse, le Cristal Mère avait trouvé une autre âme à bénir que la mage blanche, et le Miqo’te lui en était très reconnaissant. « Nixyan, héraut d’Hydaelyn » n’aurait jamais sonné juste.

Le guerrier poursuivit ses recherches jusqu’à ce que le soleil termine sa course pour laisser place à la douce lueur argentée de la Lune. Réconfortante et apaisante, elle ouvrait la période de la journée qu’il chérissait. De nuit, il trouvait qu'Amdapor avait un charme envoûtant. La lueur mystique des épées des Dullahan qui entamaient leur patrouille en contrebas et des éclairs dégagés par les succubes qui sortaient des trous d’où elles se terraient créaient un ballet de couleurs appréciables.

Toutefois, leur existence attestait de la présence du groupe qu’il devait arrêter. Il ne lui suffisait plus qu’à remonter la ligne de monstres jusqu’à leurs invocateurs et son contrat serait rapidement rempli.

Les yeux fixés sur les êtres du néant qui se réveillaient, Spectral tenta de comprendre les mouvements des patrouilles aléatoires des géants précédés par les magnifiques démones dénudées. Décidément, toutes les femmes qu’il croisait ces derniers temps se baladait à moitité nues.

Elle aussi, elle se promenait nue. Ou presque. Aux yeux du lancier, elle était déjà bien assez déshabillée. Elle ne cessait de lui rétorquer que ça lui permettait de mieux intéragir avec l’éther ambiant – lui soupçonnait qu’il ne s’agisse d’une pauvre excuse pour exhiber son corps aux yeux de tous. Après tout, les gens du soleil qu’il avait croisés partageaient tous ce même attrait pour les habits peu couvrants. Pourquoi serait-elle différente ?

Spectral n’avait jamais réussi à modeler l’éther environnant et à le plier à ses envies. Magie et sortilèges lui étaient inconnus. Il s’était bien intéressé à la théorie de ces disciplines par le passé, rêvant de pouvoir projeter des gerbes de flammes pour se réchauffer plutôt que d’aller chercher du bois et devoir allumer un feu « à l’ancienne ». La magie noire et son apprentissage s’était avérée difficile et très vite, le miqo’te avait compris qu’il ne pourrait jamais user du moindre sort dans sa vie de tous les jours. Quant à la magie blanche … il savait que ses efforts pour apprendre cet art se révèleraient tout aussi vains que ceux déployés jusqu’alors pour la magie noire. Il était rapidement apparu au lancier que les arts magiques lui seraient impossibles à utiliser.

La magie requérait un lien particulier le plan éthéré, un lien dont Spectral semblait coupé depuis sa jeunesse. Il avait toujours souhaité communiquer aisément avec les éthérites, toujours voulu soigner rapidement ses blessures, ou celles de ses compagnons de route par lui-même ...

S’il avait été capable de manipuler l’éther, peut-être que tout aurait été différent.

Le regard orangé du miqo’te balaya la zone en contrebas, à la recherche d’un chemin sur qui lui permettrait d’éviter le plus d’affrontements. S’opposer aux Dullahans était déjà une entreprise difficile, et seul, il savait qu’il ne pourrait pas affronter les géants qui gardaient l’endroit et les succubes dont les pouvoirs runiques étaient redoutables.

S’il avait été capable de magie, il aurait pu éviter bien des situations. Peut-être même ne serait-il pas là, à errer loin des terres qui l’avaient vu grandir et qu’il passerait sa nuit à boire une délicieuse boisson chaude à l’abri du froid.

S’il avait pu être mage, alors peut-être alors n’aurait-il pas croisé le chemin de Nixyan, et peut-être n’aurait-elle pas pris cette mauvaise habitude de pister sa trace quel que soit l’endroit où il souhaitait se rendre. Une hypothèse de vie dans laquelle il se serait plu - bien plus que plu à vrai dire. Il s’imaginait parfaitement retourner dans l’une des bâtisses de pierre typique du Coerthas, éreinté par une soirée passée dehors mais vite revigoré par les odeurs cacaotées alléchantes qui s’échapperaient d’une tasse fumante, attendant patiemment son retour.

Une hypothèse de vie qu’il préférait à la réalité et dans laquelle il allait encore se complaire s’il ne veillait pas à reconcentrer à nouveau ses pensées vers un autre sujet.

La guérison était une affaire de temps, lui avait-on dit. Alors il patientait en attendant que les plaies se referment, sachant pertinamment qu’elles ne cicatriseraient jamais.

Spectral tenait en haute estime les maîtres de la magie, bien qu’il ne l’ait jamais dit à haute-voix. Ces gardiens d’un savoir qui lui échappaient représentaient pour lui tout ce qu’il ne serait jamais : quelqu’un capable de sauver autrui. Depuis toujours, il comptait sur les plantes, les potions et autres remèdes confectionnés par les alchimistes pour pallier à ses blessures.

Si blessure grave il y avait … alors peut-être n’aurait-il pas autant de chance qu’autrefois. Et peut-être ne souhaitait-il pas avoir cette chance à nouveau. Il n’était pas reconnaissant pour avoir survécu ni mêmes pour les soins prodigués alors. Sorti de l’inconscience après avoir été blessé, il n’avait pas accepté ce qu’il avait découvert à son réveil. On l’avait sauvé, certes, mais sauvé dans quel but ?

Toute sa vie depuis deux ans n’était qu’une répétition d’habitudes. Seuls le nom et l’apparence de ses cibles apportaient un peu de changement mais rien n’arrivait à combler le vide qu’il ressentait au creux de son âme. Le temps passait, et la guérison se faisait attendre. Alors il continuait, il patientait, espérant qu’enfin ses plaies se referment dans l’angoisse d’oublier pourquoi elles avaient un jour existé.

Chaque jour qu’Hydaelyn faisait n’était qu’une succession d’actions mécaniques sans grand intérêt. Se lever, se préparer, traquer une âme dont le glas avait sonné et réclamer son dû une fois sa mission accomplie et enfin tenter de se reposer. Ignorer les cauchemars qui hantaient ses nuits, et quitter à regret les rares rêves du passé qui se jouaient lorsqu’il trouvait le sommeil.

Et toujours tout recommencer. Jour après jour il craignait le sommeil et les visions qu’il lui apportait. Nuit après nuit, il errait en Eorzéa pour avoir la tête de cibles qu’on lui demandait d’abattre, sans y trouver une quelconque satisfaction.

Il ne trouvait là qu’un échappatoire aux pensées qui tournaient en boucle dans son esprit, et cet échappatoire ne suffisait malheureusement pas à apaiser son âme. Il en revenait toujours à se tourmenter et à se morfondre d’une réalité inexistante. Ce quotidien l’ennuyait, mais il préférait ses journées mécaniques à l’ennui et l’inaction. L’inaction le poussait à réfléchir, et sans sujet de distraction, ses pensées gravitaient toujours autour de la même idée.

Ah si seulement il avait su comme Nixyan, convertir l’éther en énergie magique. La jeune femme, malgré son caractère … enjoué … savait déployer un voile protecteur agréable, d’une douceur telle que Spectral le sentait se confondre avec sa peau lorsque l’incantation du sort s’achevait. Un sort bien pratique, il fallait l’avouer.

C’était un des avantages à la présence de la miqo’te du soleil à ses côtés. Ses boucliers étaient d’une efficacité fort appréciable, quant au reste … eh bien, il devait l’avouer aussi : avoir quelqu’un qui l’accompagnait et pouvait apporter des soins était un soulagement. Quand la jeune femme daignait rester calme, sa compagnie était quelque chose dont Spectral ne se plaignait pas outre mesure. Fallait-il encore qu’elle soit calme ou concentrée : un exploit qu’il ne l’avait vu réaliser que lorsqu’elle concentrait son mana pour produire sa magie.

À pas feutrés, Spectral progressa derrière les colonnes brisées de ce qui avait dû être autrefois une grande agora. Ses oreilles alertes pivotaient à chaque son hostile qu’il entendait et lorsqu’il perçut derrière lui la voix dénaturée d’une succube, il était trop tard pour s’échapper.

L’être du néant incanta des paroles muettes, laissant ses lèvres articuler des sons que seuls les siens pouvaient entendre. D’un bond maladroit sur le côté, le miqo’te n’évita l’orbe de foudre que de justesse. Déjà sur lui, la créature envoûtante avait appelé les gigantesques gardes en renfort et le pas de course lourd des dullahan fit vibrer le sol de pierre abîmé avant de poser sa main anormalement longue sur le front du lancier pris de court.

Il n’eut pas le temps de reculer ou de tenter une quelconque riposte que déjà, il sentit son corps s’alourdir et sa vue diminuer dangereusement. Les sons se firent plus lointains et il crut reconnaître un rire dans les murmures silencieux de son ennemie. Incapable de réagir ou de se débattre, il crut entendre le bruit lourd de sa lance lorsqu’elle glissa de sa main pour heurter le sol.

Spectral avait ressenti au cours de sa vie bien des choses. Il avait connu la joie la plus puissante, la morosité, il avait senti sa colère se muer en rage voire en haine, il avait déjà été saisi par l’effroi ou par la honte. Mais jamais jusqu’à aujourd’hui n’avait-il eu le sentiment d’avoir été imprudent.

Rendu aussi inoffensif qu’un chaton par les maléfices de la créature du néant, le lancier soulevé à une trentaine de centimètres au-dessus du sol commença à se demander quelle était l’erreur qu’il avait commise. Puis rapidement lorsqu’il commença à suffoquer démuni face à la puissance de la magie exercée contre lui, il comprit.

L’inconscience le gagna bientôt, tandis qu’impuissant, il sentait l’air lui manquer de plus en plus.

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Quand Spectral reprit ses esprits, il tomba nez à nez avec son chocobo qui piaillait son inquiétude tout en le poussant du bout du bec dans des mouvements un peu brusques.

La gorge brûlante, la voix du miqo’te se brisa lorsqu’il murmura le nom de sa monture, troublé. Puis il remarqua sur sa droite une silhouette qu’il n’aurait jamais cru revoir un jour en train de l’observer en silence. À ses pieds gisaient les corps sans vie des monstres qui l’avaient attaqués, tranchés net par la double hache que maniait le hyur qui l’avait sauvé.

- « C’est une brave bête.» fit-il, pour engager la conversation.

Spectral ne put qu’acquiescer d’un mouvement de tête silencieux, encore sous le contrecoup des sortilèges dont il avait été victime. Il vit s’avancer vers lui l’homme en armure et fouiller dans une besace accrochée à la selle du chocobo écarlate. L’animal cessa de piailler et, docile se laissa conduire par l’homme qui venait de sauver son maître.

La main gantée du guerrier de la Lumière tendit ce que le miqo’te identifia comme un elixir et il l’accepta sans mot dire, incertain de ne pas être en train de délirer. La main encore désagréablement lourde, Spectral porta le flacon d’elixir à ses lèvres et en ressentit les effets presque immédiatement. Sa gorge apaisée, il demanda incrédule :

- « Qu’est-ce que vous faites ici ? »

- « Les Padjals m’ont demandé d’enquêter sur cette cité. » lui confia l’autre. « Vous devriez partir, cet endroit n’est pas sûr pour vous. »

Le miqo’te cligna plusieurs fois des yeux face au Guerrier qui lui faisait face, sentant la tête lui tourner désagréablement. Etait-ce du à l’éther liquéfié que contenait l’elixir, ou au tourbillon de sentiments menaçant de l’engloutir ? Le lancier n’aurait pas su répondre.

Les yeux bleus clairs du Guerrier de la Lumière se posèrent inquiets sur la silhouette prise de tremblements du Gardien de la Lune.

Il le détestait autant qu’il l’admirait pour ses haut-faits, d’une rage stupide et injustifiée – il le savait. Il avait entendu lors de sa convalescence chez les Fortemps la manière par laquelle le Guerrier de la Lumière avait échappé de justesse à une lame d’éther mortelle. Spectral connaissait l’histoire ; il savait comment cet homme avait échappé à un sort funeste. Il voulait seulement comprendre pourquoi ce héros n’avait pas pu sauver la seule personne qui aurait mérité de l’être ici-bas.

- « Pourquoi … » murmura-t-il, la voix brisée.

- « Je crois … que je n’aurai pas supporté d’enlever à Edmond un autre de ses enfants. » sourit-le guerrier. « Vous devriez partir maintenant. Votre chocobo saura vous ramener en lieu sûr. »

Accompagnant ses paroles d’une flatterie sur le plumage écarlate du volatile, le Héros d’Eorzéa continua d’observer le miqo’te désemparé face à lui. Le regard que ce dernier lui laissait était un réel crève-cœur, brillant de larmes menaçant de tomber sur ses joues salies par la poussière.

- « Vous avez tous les droits de m’en vouloir, Messire Daar’jen. » s’excusa-t-il en lui tournant le dos pour prendre les rênes du chocobo de la Penne. « Je m’en veux aussi ... Plus que jamais. »

Avec lenteur, il s’approcha du miqo’te muet et posa sa main libre sur son épaule tremblante, dans un geste de réconfort. Les yeux ambrés du gardien de la lune se levèrent vers lui et il répondit d’une voix neutre à la question silencieuse qu’ils lui posaient :

- « Zephirin est mort. »

- « Comment ? » répondit-il, sentant un poids s’enlever de sa poitrine.

- « Anéanti par sa foi pour Thordan. » se confia le Guerrier de la Lumière. « Je l’ai détruit. »

L’homme marqua une pause en brisant le contact visuel :

- « C’est fini. »

- « Ca n’en finira jamais, Héros. » fit Spectral en se relevant, fébrile. « Ca ne cessera jamais, et vous le savez. »

Son gant attrapa les rênes de Crimson et ce fut à son tour de tourner le dos au messager du Cristal. Il n’osa pas le regarder lorsqu’il admit qu’il lui en était tout de même reconnaissant :

- « Merci. »

Le pied à l’étrier, il se mit en place sur la selle du chocobo qui piailla, bêtement satisfait d’avoir retrouvé son maître sur son dos. Le guerrier de la lumière quant à lui ne partageait pas la joie de l’animal, et c’est inquiet qu’il interrogea le miqo’te :

- « Vous aventurer plus loin à cette heure serait pure folie. Vous ne comptez … »

Spectral ignora les sourcils qui se froncèrent de désapprobation face à lui tandis que sous lui, l’oiseau s’impatientait :

- « Nous sommes ici pour les mêmes raisons. »

- « Vous n’êtes pas en état de combattre. » refusa l’homme.

- « Protégez-moi. » lui intima-t-il, la gorge serrée.

Sans plus de cérémonie, le miqo’te claqua ses talons gentiment contre les flancs de sa monture qui entama la marche d’un pas fier et lent, piaillant un « Kweh » en écho avec les sentiments de son maître lorsqu’il passa devant le guerrier d’Hydaelyn. En passant Spectral murmura plus pour lui-même que pour le Guerrier de la lumière :

- « Montrez-moi ce qu’il a vu en vous. »

Le hyur derrière lui monta à son tour sur son chocobo, noir comme la nuit qui les enveloppait, puis emboîta le pas à Spectral. Les deux hommes cheminèrent à travers les allées de nouveau désertes d’Amdapor dans le plus grand des silences.

- « Soul. » finit par dire le Guerrier de la Lumière en plaçant son chocobo au niveau de celui de son compagnon de route improvisé. « Je m’appelle Soul. »

- « Grand bien vous en fasse ... » lui répondit Sepctral, ans adresser un semblant de regard vers le guerrier qui tentait de briser la glace entre eux. « … Soul. »

Le guerrier rétorqua un léger sourire avant de confier :

- « On m’avait dit que vous étiez du genre difficile, mais tout de même. »

Les oreilles du miqo’te s’abaissèrent presque immédiatement dans un geste de colère :

- « Qui s’est permis de vous dire quoi que ce soit à mon propos ? »

- « À votre avis. » claqua Soul, son visage dénué de toutes traces du sourire précédent.

Un silence pesant retomba entre eux et s’installa confortablement, sans qu’ils n’essaient plus de le briser. Par moments, alors qu’ils surveillaient les horizons à la recherche du moindre mouvement suspect, leurs regards se croisaient et se détournaient presque aussitôt.

Au fond de cette cité, le hyur sentait une puissance éthérique monter en puissance à chaque seconde qui passait. Hydaelyn l’avait béni et lui avait permis jusqu’alors de ressortir indemne de toutes les épreuves dont il avait dû triompher. Ses compagnons de route quant à eux n’avaient pas forcément tous eu cette chance.

Face à eux se dressèrent bientôt de nouveaux Dullahan, immobiles mais bel et bien éveillés. Leurs yeux écarlates brillants fixés sur eux, ils n’esquissèrent pas le moindre geste de menace alors que les deux chocobos ralentissaient leurs marches plusieurs yalms loins d’eux.

- « Ils ne nous laisseront pas passer. »

- « Ils ne nous laisseront pas repartir non plus. » s’amusa le miqo’te, les oreilles tournées vers les silhouettes sombres qui rampaient derrière eux.

Il descendit souplement de sa monture et se plaça dos au Guerrier de la Lumière, la lance prête à frapper :

- « J’espère que votre chocobo sait se battre. »

- « Je crains plus pour vous que pour Meteor à vrai dire. » rétorqua le Guerrier de la Lumière en posant à son tour le pied à terre dans un saut lourd mais sûr.

D’un geste mécanique, il s’empara de la hache gigantesque qu’il maniait pourtant avec aisance. Un bref regard derrière lui fit comprendre que le Gardien de la Lune protégerait ses arrières et lui laissait les deux imposants colosses qui s’animaient.

Le sol trembla bientôt, en écho aux pas pesants des deux statues qui s’avançaient vers eux.

- « Un petit sort de protection ne serait pas de refus … » plaisanta Soul, avant de partir à la rencontre de ses deux opposants.

Les épées gigas décrivirent des arcs-de-cercle pour chasse l’importun qui fonçait sans peur vers eux. Elles soufflèrent leur violence contre le guerrier, qui trop véloce pour eux malgré son arme imposante les frappa sans relâche sans jamais recevoir les coups qu’elles lui destinaient. Les lames s’essoufflèrent bientôt avant de tomber lourdement sur le sol, accompagnées dans leur descente par les armures vides qui les maniaient.

Le fracas de métal sur le sol couvrit le dernier son d’agonie d’un des monstres achevés par le lancier d’un coup de lance dans l’abdomen. Aucun de leurs assaillants n’avait échappés aux assauts de leur duo improvisé. Quand Spectral eut terminé de s’assurer du bout de sa lance que les êtres du néant gisant à ses pieds qui l’imitaient, il chercha du regard le Guerrier de la Lumière. Ses yeux parfaitement habitués au noir ambiant, c’est sans mal qu’il le vit lui faire signe de s’avancer avant de le voir s’enfoncer dans l’entrée que gardaient les deux dullahan vaincus.

- « Attends-moi là … » murmura le miqo’te pour son chocobo qui lui emboîtait le pas en roucoulant sa victoire.

Docile, l’animal se stoppa et sa tête s’inclina sur le côté dans un Kweh incompréhensif, avant de continuer à suivre son maître en dandinant. Spectral finit par convaincre sa monture de ne plus le suivre après de longues secondes passées à lui refuser l’entrée vers les sous-sols d’Amdapor. Adossé contre une colonne de pierre qui soutenait l’arche de la porte, le Guerrier de la Lumière les observaient tous les deux, un sourire moqueur sur ses lèvres.

Meteor – son propre chocobo - était couché près de la porte, patient. Son animal était plus habitué à ce genre d’excursions à n’en pas douter. De ce qu’il avait compris au détour des conversations avec le Chevalier des Cadenas, le miqo’te était un chasseur – pas un explorateur – et son gigantesque oiseau n’était pas habitué à laisser son maître vagabonder sans lui. Pourtant, après un vif échange de protestations piaillées et menaces feulées, le volatile céda et se posa lourdement près de Meteor en tournant la tête, boudeur, pour ne plus voir son maître.

- « Cette bête n’écoute rien. » s’excusa le lancier.

- « Tel maître, tel chocobo. » répondit Soul, invitant d’un geste de la main Spectral à passer devant. « Vous y verrez plus clair que moi. »

Le miqo’te opina silencieusement du chef, et prit la tête de leur duo. D’anciens puits de lumière laissait filtrer par endroits la lumière pâle de la lune et éclairait faiblement les sculptures de pierre brisées gigantesques qui décoraient les couloirs.

Bientôt, ils pénétrèrent dans une pièce circulaire sombre qui s’illumina d’elle-même grâce à des torches aux flammes bleutées. Activées par un ancien mécanisme magique, les lueurs vacillantes du feu d’éther éclairent un lion de pierre couronné, prisonnier dans une pose de repos paisible. Ses ailes sculptées entourant ses pattes croisées dans un réalisme plus que saisissant, il fixait les intrus de ses yeux gris immobiles.

Plus troublé par cette sculpture que Spectral ne semblait l’être, Soul intima la prudence lorsque le Gardien de la Lune s’avança pour passer son chemin. L’éther bouillonnait anormalement en ces lieux, et pourtant, le lancier y semblait totalement insensible.

Spectral n’y voyait là que la conséquence de l’issue funeste qui avait eu raison de la civilisation d’Amdapor. Un lieu ravagé par la magie, hanté par l’éther qui l’avait détruit. Rien de plus. Soul quant à lui, se doutait que la vérité était toute autre. Pourtant, il lui était impossible de la décrire ou même de la penser. Un simple frisson le long de sa colonne lorsque ses yeux s’étaient posés sur Amdapor ; un frisson qui l’avait à nouveau saisi lorsque ses yeux clairs avaient croisé la surface lisse de pierre du lion ailé. Son instinct l’alertait d’un danger qu’il ne comprenait pas pour l’instant et qui n’avait rien à voir avec ce qu’il avait pu affronter jusqu’alors.

Une menace endormie, piégée dans la cité de pierre, attendant patiemment son heure pour se réveiller. Rampant dans la lumière à visage découvert et pourtant invisible, il la sentait s’animer à mesure qu’ils progressaient dans la cité en ruines. Ne décrochant pas son regard de la statue qui gardait l’endroit, il la contourna et rejoignit Spectral qui l’attendait en silence, sa queue agitée trahissant son impatience.

Il y avait là quelque chose qui aurait mérité qu’il enquête, mais la présence d’un compagnon de route à ses côtés contraignit le guerrier de la Lumière à le suivre sans prendre le temps de s’attarder sur la magie qui baignait l’endroit.

Leur progression se fit sans heurts, pourtant à mesure qu’ils s’enfonçait toujours plus profondément dans les sous-sols, le sentiment de Soul ne faisait que se renforcer. Il savait également que son compagnon de route n’était pas tranquille, ses oreilles ne cessaient de s’agiter et de se tourner, entendant des bruits que lui, ne distinguait pas.

Seul l’écho de leurs bottes troublait l’atmosphère muette du sanctuaire de magie, et pourtant le poil hérissé du miqo’te trahissait la présence suspecte et lointaine de cette menace. Invisible. Innommée. Inévitable. Le hyur surprit ses mains trembler d’autant d’excitation que d’anticipation.

- « Elle est tout prêt … » murmura-t-il.

- « Elle nous suit depuis l’entrée. » avoua le miqo’te, ses oreilles rabattues.

Soul s’arrêta de surprise mais, comprenant que Spectral ne répondrait certainement pas à ses questions, il ne chercha pas de réponses et reprit sa marche, inquiet. Il ferma un instant ses paupières alors qu’ils progressaient, concentré sur les flux d’éther qu’il avait appris à percevoir lors de sa brève étude de la thaumaturgie à Ul’dah. Discrète derrière eux, il sentit une présence qui les suivait, gorgée d’une lumière froide qu’il ne reconnaissait pas. Il allait demander à Spectral s’il s’agissait là de l’importun dont ils avaient « discuté » quelques minutes auparavant mais il fut coupé net dans sa question par le grognement mécontent du miqo’te :

- « Tu vas te taire à la fin ? »

Ses oreilles semblaient tenter de s’abaisser encore plus bas qu’elles ne l’étaient. Son regard orange baigné de colère observaient par-dessus l’épaule du Guerrier de la Lumière qui se tourna lentement, après s’être assuré que Spectral ne s’adressait pas à lui.

Loin derrière eux, il crut distinguer une forme sauter rapidement d’un barreau de l’escalier de pierre qu’ils avaient descendus à l’autre. Soul eut sa réponse, mais le frisson qui le saisissait n’était pas dû à l’étrange bestiole qui les suivait « depuis l’entrée. »

- « Elle vous parle ? » finit-il par demander au lancier qui semblait défendre a créature de s’avancer dans un feulement de menace.

Se balançant d’un pied sur l’autre, la boule de poil blanche finit par sortir de sa cachette en ricanant et à descendre joyeusement les marches de pierre pour les rejoindre. La queue hérissée du miqo’te fouetta l’air dans des mouvements agacés et il reprit sa marche d’un pas rapide et mécontent :

- « Vous avez le luxe de ne pas entendre cette bestiole, alors continuons . » Il marqua une pause alors que sa mâchoire se serrait. « … avant que vous ne puissiez connaître la douceur de ses paroles. »

Le guerrier de la lumière arqua un sourcil et attendit, curieux à l’égard de cette bête. Bientôt, alors que Spectral franchissait un pont d’éther cristallisé, les grandes oreilles d’un gremlins s’agitèrent de gauche à droite devant lui avant que la bestiole ne lui saute dessus en maugréant dans la langue qui était la sienne :

- « Ah ! Des horribles grands pieds ! … On ferait mieux de les couper et de te botter le cul avec ! »

Les grands yeux dorés du monstre se levèrent vers Soul, circonspect. Il n’eut pas le temps de répondre que déjà la boule de fourrure éclatait d’un rire sournois :

- « Peut-être que ça t’apprendrait à avancer ? »

Trop légère pour qu’il ressente quoi que ce soit, la créature sauta plusieurs fois sur ses bottes de fer dans un geste destiné à les écraser en répétant de sa voix criarde :

- « Ecrasés, écrasés tes grands pieds : tout finira écrasé ! Tu finiras écrasé ! »

Puis, ayant fini de s’acharner sur ses protections, la bestiole ricana de nouveau et coupa l’échange visuel qu’elle avait avec le Guerrier de la Lumière qui regrettait fortement sa curiosité :

- « Peut-être qu’il ressemblera enfin à quelque chose ? Une tête écrasée vaut mieux que celle qu’il a ! »

De son pas dansant, le monstre poursuivit sa route avant de se tourner une dernière fois vers le Héros d’Hydaelyn laissé sans voix :

- « Va-t-en, tu ne m’intéresses pas ! Tu n’intéresses personne ! Tu es vide, laid et stupide ! » Il accompagna ses paroles d’un geste de sa petite patte griffue avant de se mettre à courir vers le miqo’te déjà loin d’eux.

Soul commençait à comprendre pourquoi le lancier pressa le pas. Il était certaines menaces qui ne blessait pas de la manière que l’on espérait d’elle. Il se mit à courir pour rejoindre son compagnon d’aventure, et pour fuir la bestiole collante qui les avait pris pour cible. Celle-ci s’accrocha au passage à l’une des bottes qui la devança, et elle grimpa habile et aussi légère que les mogrettes jusqu’à l’épaule de Soul pour lui susurrer dans un cri sourd :

- « Le puant va pleurnicher si tu meurs ! »

Le guerrier de la Lumière s’arrêta presque aussitôt et tenta par tous les moyens de faire descendre l’immonde créature de poils et de lumière qui esquivait chacun de ses gestes en ne manquant pas des les commenter. Lorsque Soul tenta de dégager la créature d’une claque bien sentie vers elle, elle l’esquiva à nouveau en courant vers son autre épaule :

- « N’espère pas que ton ami mourra vite et bien aujourd’hui - il rate tout ce qu’il fait ! »

Son autre gant levé en anticipation du déplacement du monstre resta figé en l’air ; et le monstre resta posté, ricanant d’un rire doucereux, sur l’épaule du Guerrier :

- « Comme toi. Raté ! »

Puis, vive comme l’éclair la créature descendit de son perchoir humain et s’élança à la poursuite du miqo’te qui ne semblait pas du tout se soucier de la disparition momentanée.

- « Tu ne laisseras rien derrière toi quand tu crèveras ! Pas même ton pote, le raté ! » lui hurla-t-il en ricanant avant de fixer de ses grands yeux jaunes Soul qui le talonnait pour rejoindre au plus vite le lancier et fuir ce moulin à paroles :

- « Les têtes vides ne laissent rien quand elles explosent ! » s’excita la bête alors que Soul lui passait devant, pressé de ne plus entendre la chose qui s’acharnait sur eux : « Ecrase le vide, rien ne s’en échappe ! Rien ne s’échappe jamais d’ici ! »

La créature ne sembla pas vouloir les suivre, elle se posta au niveau du pont d’éther et continua sa logorrhée jusqu’à ce que Soul ne puisse plus distinguer la moindre de ses paroles. Il finit par rejoindre Spectral, assis au-bas des marches d’un escalier semblant remonter vers la surface, ses doigts gantés posés sur ses oreilles rabattues vers le sol. L’homme finit par enlever lentement ses mains et lever son regard exténué vers le guerrier de la lumière, essoufflé par sa course. D’un regard entendu, ils continuèrent leur marche rapide en voyant à nouveau la boule blanche sautiller d’un air guilleret vers eux.

- « Pitié, marchez plus vite. » pressa Spectral. « C’est fatiguant à la longue. »

- « Tu peux essayer de la fuir, mais ta puanteur te collera toujours ! »

- « Vous l’entendez d’ici ? » s’enquit Soul, en augmentant la cadence de sa marche par égards pour son compagnon de route.

- « C’est quoi le nom de ton parfum ? Défaite ? Médiocrité ? »

- « Malheureusement. Elle s’était déjà pris d’amitié pour Crimson et moi la dernière fois que nous sommes venus ici. Ta gueule ! » s’époumona le chasseur, excédé par le flot ininterrompu de mots.

- « Ta gueule, ta gueule qu’il dit ! Avec celle que tu te traînes, t’es bien parlé pour causer ! »

- « Elle ? … Elle ne s’arrête jamais ? » fit le guerrier, excédé par la ténacité du gremlins qui les collait.

- « J’ai l’habitude. »

- « Comment pourriez-vous avoir l’habitude de … ça … » l’interrogea Soul, sceptique.

- « Nixyan ne s’arrête jamais de parler non plus. »

Avant que le guerrier de la Lumière ne puisse poursuivre la conversation, il remarqua avec surprise que derrière eux, le monstre avait cessé de piailler pendant quelques secondes avant de ricaner sans raison et de se rapprocher d’eux en sautillant d’une jambe sur l’autre sans ajouter un mot de plus.

- « Approche toi encore d’un pas, et je te tue saloperie. » le menaça Spectral, la pointe de sa lance tournée vers le Gremlins qui leva les pattes, moqueur, avant de rétorquer :

- « Tu te crois dangereux ? T’es même pas capable de tuer l’ennui ! »

- « Si tu veux nous suivre, tu la fermes. » ordonna le Guerrier de la Lumière, prenant sur lui d’adopter le registre verbal du Gremlins pour tenter de se faire obéir.

- « Oh je vois, c’est marche ou crève ? » la créature éclata de rire et grimpa sans autorisation sur la tête du hyur, partagé entre envie de meurtre et profond dépit avant de sauter sur la tête du miqo’te et de sauter plusieurs fois sur place sur sa tête avant de retrouver le sol avant de se faire attraper.

- « Moi je marche vite alors j’espère que vous vous dépêcherez de crever ! »

Dans la plus grande des surprises, le gremlins cessa d’harceler les deux hommes et poursuivit sa route à leurs côtés, ponctuant leur marche à nouveau silencieuse de rires désagréables. Ils remontèrent tous trois à la surface en grimpant les marches de pierre et se retrouvèrent face à un balcon détruit par endroit, donnant sur le reste de la cité d’Amdapor.

En contrebas, les morphos bleus dansaient un ballet fantômatique au-dessus de leurs œufs et des ruines de la cité. À quatre pattes, le gremlins s’approcha du bord et pointa les insectes du bout de son doigt en s’agitant frénétiquement, comme fasciné.

- « Nixyan aussi, elle a fait ça. » grommela Spectral en posant les yeux sur les papillons, ignorant le reste des nids et des sculptures de pierre qui dormaient parmis les décombres quelques mètres plus bas. « Quand elle les a vus. »

Soul allait demander qui était Nixyan lorsque les ricanements du Gremlins le coupèrent dans son élan.

- « Héhéhéhéhé … » agité par des spasmes de rire, le gremlins bondit en arrière. « Âmes perdues, attirées par la lumière ! »

Un nouveau frisson glacial remonta le long de la colonne vertébrale de Soul et d’instinct, sa prise se raffermit sur les bandes de cuir enserrant sa hache. Il vit Spectral reculer à son tour, les oreilles rabattues non plus de colère, mais d’inquiétude.

De lourds battement d’ailes – bien différents de ceux des Morpho – se firent entendre et couvrirent les couinements mauvais du monstre. Devant les deux guerriers se présenta bientôt un ange de pierre couronné par une lumière irréelle, qui les fixait de ses yeux jaunes fendus d'une pupille verticale. Sans prévenir, la scultpure douée de vie abattit son épée sur eux et fit s’écrouler une partie du balcon.

- « Vous vouliez que je l’écrase ! » le gremlins s’étrangla de rire alors que l’ange attaquait de nouveau – malgré une riposte immédiate des deux guerriers . « C’est vous qui allez être écrasés ! Kuribu vous écrasera ! Vous finirez écrasés, écrasés comme des insectes ! »

Mauvais mais trouillard, le monstre se sauva vers l’escalier lorsque l’ange de pierre se rapprocha un peu trop près d’eux et que la pointe de Vipérine frôla de près ses longues oreilles. Malgré l’attaque à laquelle il venait d’échapper par miracle, le gremlins ne s’arrêta pas de brailler :

- « Elle a faim ! Votre fin est proche !»

Il n’arrêta ses commentaires que lorsque les assauts mêlés et parfaitement coordonnés des deux guerriers eurent raison de l’endurance de la statue animée, et que le cristal rouge qui ornait son poitrail se ternit avant de se briser en de multiples éclats en contrebas. Le monstre ne trouva plus rien à dire et s’avança avec prudence vers le bord, sur le reste du balcon détruit puis descendit avec prudence et agilité rejoindre les deux guerriers exténués.

Ses deux grands yeux jaunes restèrent fixés sur les éclats de cristal brillant alors que l’aube rosissait le ciel nocturne, comme happés par la richesse des pierres brisées à portée de ses pattes. Le gremlins s’empara d’un des morceaux et le porta devant ses yeux, fasciné, oubliant totalement la présence des deux guerriers à qui il avait souhaité la mort plus d’une fois durant les deux dernières heures.

- « À ton tour l’affreux. » grogna Spectral alors que le Gremlins recouvrait ses esprits et levait ses bras vers son visage difforme dans un geste de défense futile.

- « Laissez-le. Son éther est trop dépendant en lumière pour lui permettre de sortir d’ici. Rester piégé dans cette ville est une punition suffisante. » le dissuada Soul, en posant sa main sur la hampe de la lance.

- « Je vous avais prévenus, crétins ! » se défendit l’animal en se cachant derrière la botte de fer du Guerrier de la Lumière, fixant dans un air de défi le miqo’te.

Un coup de botte frappa la boule de poils sans prévenir et celle-ci se tut un instant avant de revenir s’accrocher à la cuisse du guerrier pour prévenir tout nouveau coup en ricanant de son rire mauvais.

- « La tête vide a raison ! L’imbécile, il nous dévorera tous, sa fin est proche. La tienne aussi ! » Le gremlins pointa du doigts vers un cercle tracé au sol et des statues de pierre humaines brisées sur le sol, figées dans des positions terrifiées.

Soul grimaça, incertain de comprendre ce qu’il s’était passé. Spectral quant à lui s’éloigna d’eux pour inspecter les statues, l’inquiétude se lisant sur son visage d’ordinaire calme. Sur la cuisse du guerrier de la lumière, l’autre patte griffue s’enfonça dans les protections de cuirs qui recouvraient sa jambe :

- « Je les avais prévenus, ils n’écoutent jamais ! Jamais ! Personne ne m’écoute jamais ! Votre fin est proche mais pas la mienne ! »

La créature remonta le long du dos de Soul et arrivé à son épaule, lui sussura quelques promesses :

- « Lui aussi, il va crever bientôt, je peux te dire quand ! Je peux te dire comment ! … » Voyant que Soul l’ignorait, il poursuivit : « Et comment sauver ton pote, ça aussi je peux te le dire crétin ! »

Les yeux bleus de Soul observèrent les mouvements intrigués du Miqo’te qui tournaient autour des statues de pierre figées d’effroi. Il tenait ses côtes d’une main, grimaçant à chaque petit pas qu’il faisait pour tenter d’identifier les victimes du sort pétrifiant qui les avaient frappés et qu’il ne comprenait sans doute pas.

Spectral lui avait demandé de le protéger avant de le suivre en Amdapor ; ce qu’il avait fait tant bien que mal. Il se persuada intimement que le Gremlins les avait prévenus jusqu’alors du danger qui les avaient attendus et d’un bref signe de la tête pour la créature, il consentit à l’écouter vider sa poche de venin. Il le regretterait certainement, mais peut-être la créature pourrait-elle lui en apprendre sur l’origine de ce qu’il avait appelé Kuribu lors du combat.

Les yeux avides de la créature brillèrent aussitôt d’envie et elle ordonna au Guerrier :

- Les cristaux rouges, tu me les donnes et t’ouvre tes esgourdes !

Soul se baissa pour ramasser les éclats, mais ne donna que le plus petit et le plus ridicule d’entre eux à celui qui les quémandait. La créature ricana et parla, comme promis :

- « Ils vont venir le chercher, les grands corbeaux ! Ils le dévoreront vivant ! Tu ne le sauveras pas, tu ne sauveras personne ! »

- « Mais toi, tu sais comment faire n’est-ce pas. » commenta le Guerrier, d’un ton détaché.

- « Donne-moi le délice rouge de Kuribu ! Je te le dirai le destin du puant ! » Le héros de Lumière donna un nouvel éclat au gremlins, qui le fixa, fasciné par sa lumière ternie, avant de le dévorer de ses dents pointues et de s’exclamer :

- « Donne lui des lys, s’il pue moins, les corbeaux le laisseront agoniser ! » La créature passa sur l’autre épaule et enroula sa queue autour du cou du guerrier, qui par réflexe, l’arracha d’un geste brusque sous les rires mauvais du monstre blanc. « Des lys rouges, comme ces cristaux, comme ses cristaux ! Ou des lys blancs, comme les tiens, comme les siens ! Qui sait de quelle couleur il sera son cristal, lorsqu’il éclatera ? La fin est proche, la tienne arrive bientôt et la sienne bien trop tôt ! »

- « Tu es totalement fêlé toi. » murmura le hyur, dépité.

- « Fêlé mais pas brisé, pas comme vous ! Tu ne peux sauver personne, mais tu peux empêcher celui-là de courir à sa fin en attendant que ne vienne celle de tous ! »

La bestiole retrouva le sol dans un bond léger et souple, avant de se retourner vers Soul et de terminer son discours par un très attendu :

- « Crétin ! »

Spectral se rapprochait d’eux en boitant et le gremlins recula sur le côté en ricanant, ses yeux avides guettant le miqo’te blessé :

- Si vous n’avez plus rien à faire ici, je suis d’accord pour rentrer.

- Vous connaissiez ces gens ?

- Je crois que c’étaient mes cibles, confia-t-il, troublé.

- Rentrons dans ce cas, j’en ai suffisamment vu pour aujourd’hui.

Derrière eux, le gremlins leur emboita le pas en silence, lorgnant sur les morceaux de cristaux rouges que le guerrier de la Lumière gardait précieusement dans sa main. Les deux hommes eurent tôt faits de retrouver leur montures et de quitter Amdapor, sous le regard mesquin du gremlins qui ricana en les voyant s’éloigner avant de sauter de son promontoir de pierre et de suivre leurs traces les yeux brillants de malice.

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- « Tu as fait équipe avec le Guerrier de la Lumière et tu oses me dire que tu n’as pas honoré le contrat, Spectral ? »

Assis face au miqo’te dans l’une des chambres d’auberge de Gridinia, un hyur aux oreilles légèrement pointues le fixait d’un regard sceptique. Ses jambes élégamment croisées, il s’adossa entièrement contre l’assise de cuir du canapé où il s’était installé et attendit une justification de la part de son employé :

- « Ils étaient déjà morts Eligos. »

- « Tu connais les termes de notre accord. Pas de récompenses pour un travail dont tu n'es pas l'auteur. »

- « Nixyan m’a aidé. C'est même elle qui est à l'origine de leur fin. »

- « La gamine qui te colle ? » cracha le paladin. « Elle n’était pas avec toi sur place que je sache. »

- « Elle nous a rejoints en cours de route. »

- « Fais-toi payer, crétin ! Hey, bâtard, écoute-moi, le bon à rien n’aurait rien trouvé sans moi ! »

En entendant les couinements aigus qui lui étaient adressés sortir de sous la table de bois abîmé, les yeux d’Eligos se rétrécirent légèrement de surprise.

- « Tu reviens bredouille, mais en plus tu ramènes un gremlins d’Amdapor pour m'insulter. »

- « Mon gremlins de d’habitude me manquait. » se justifia le miqo’te, un sourire narquois aux lèvres avant de poser sa main sur la tête poilue de la bestiole qui rétorqua un rire en entendant une méchanceté de la part de celui qui venait de l’adopter. « La différence n’est pas si grande entre le premier et le second, tu ne trouves pas ? »

- « J’ignore qui est ta « Nixyan », Spectral et si elle ressemble à ce point à ta bestiole, je ne suis pas sûr de vouloir la recontrer. » fit le paladin, partagé entre amusement et dégout pour la créature aux longues oreilles qui crachait des insultes à intervalles réguliers envers lui – ou son nouveau propriétaire. « Je peux savoir comment tu l’as fait sortir de la cité ? »

- « J’en sais rien. »

- « Comme ta Nixyan, « tu ne sais pas comment il t’a suivi ? » »

Eligos était sceptique. Il n'appréciait guère que l'homme solitaire qu'il tentait de séduire depuis plusieurs mois à force de contrats juteux s'entiche de parfaits inconnus. L'attachement à autrui desservait les plans qu'il réservait à sa future recrue. Il avait déja prévu d'enquêter sur le pourquoi du comment une gamine s'entêtait à suivre l'un de ses chasseurs, mais le manque de temps et d'informations lui avait toujours fait repousser son enquête. Quoi qu'en ce moment, le nom de l'élementaliste revenait bien plus que de raison dans leurs conversations et dans les rapports écrits du Chasseur. Bien trop souvent même pour le chevalier d'Ishgard qui se décida à commencer son enquête dans les jours qui suivraient.

- « De vrais jumeaux. Le même poil blanc, aussi agaçant l’un que l’autre quand ils l’ouvrent – et dieu sait qu’ils ne s’arrêtent jamais, de l’ouvrir - aussi mauvais lorsqu’ils s’énervent. Aussi avides pour les choses qui brillent et … je ne sais toujours pas pourquoi ils me collent, l’un comme l’autre. »

- « Je n’ai vraiment pas hâte de la rencontrer, ton élémentaliste. » sourit son vis-à-vis.

- « Considère que tu l’as rencontrée aujourd’hui. Dis bonjour à Eligos, Nixyan junior. »

- « Va crever ! » obéit le gremlins, joyeux.

- « Tu vas vraiment garder cette immondice auprès de toi ? »

- « Je me suis bien habitué à sa grande sœur miqo’te. »

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