Permettez que je vous présente le début du chapitre 2 (La perversion de la langue à des fins politiques, analyse de la langue covid et de sa sémantique) extrait du livre Le débat interdit, co-écrit par Ariane Bilheran, qui outre le fait qu’elle est originaire du même village que moi (Morosaglia) est à de très nombreux égards une femme remarquable, qui n’a pas oublié ce que "logique" veut dire… Forza surellama!
«Les mots peuvent être comme de minuscules doses d’arsenic: on les avale sans y prendre garde. Ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu’après quelque temps l’effet toxique se fait sentir», nous avertissait Klemperer. Et c’est bien un certain type de langage politique fondé sur une sémantique frauduleuse, sous couvert de science, qu’il convient d’étudier. Nous nous fondons ici essentiellement sur ce qui se passe en France, mais ces analyses peuvent être élargies, car ce phénomène est mondial. La langue, trésor commun à disposition de tous, a été trafiquée par la "parole" politique et médiatique, ce qui a modifié son usage, et dévoilé par là même les intentions mensongères et totalitaires, car comme le disait Klemperer, l’usage de la langue ne ment pas. «Pour se justifier, ils
changèrent la valeur habituelle des mots par rapport aux actes qu’ils qualifient», disait l’historien grec Thucydide au sujet des hommes politiques responsables de la guerre du Péloponnèse.
LES MOTS, PERDANT DE LEUR VALEUR, PEUVENT PARVENIR
JUSQU’À INVERSER LA DÉSIGNATION DES VICTIMES ET DES BOURREAUX.
Nous subissons ce viol politique de la langue, c’est-à-dire un changement de connotation axiologique des mots. Les mots, perdant de leur valeur, peuvent parvenir jusqu’à inverser la désignation des victimes et des bourreaux : «Beaucoup de malhonnêtetés naissent quand on massacre la langue, qu’on met le sujet à l’accusatif et le complément d’objet au nominatif, brouillant ainsi les cartes, intervertissant les rôles des victimes et des bourreaux, abolissant les distinctions et les hiérarchies en de crapuleuses orgies de concepts et de sentiments qui altèrent la vérité.»
Dans cette crise sanitaire, les mots sont pervertis par un processus d’avilissement de la langue. Ils sont enlevés et pris en otage, par exemple dans cette curieuse métaphore du virus pris «en tenaille» (discours du 31 mars 2021 d’E. Macron), sur laquelle nous reviendrons infra.
Les sophismes au principe de la politique déployée
La nouvelle langue Covid restreint le champ de notre réflexion en nous ôtant la possibilité de penser au-delà de son nouveau lexique, avec ses articulations pseudo-logiques. Comme nous l’avons indiqué, le caractère complexe de la réalité est supprimé pour la réduire à une conception binaire de la santé, de la société, de l’économie et du politique. Tout d’abord, la pseudo-argumentation s’établit à partir de sophismes. Le raisonnement correct suppose des syllogismes vrais, ce qui a été analysé notamment par le philosophe grec Aristote dans l’Organon. «Le syllogisme est un discours par lequel, certaines choses étant posées, quelque chose d’autre en résulte nécessairement du seul fait de ces données.» Cette nécessité provient exclusivement de la forme du syllogisme, et non de sa matière ou composition. Il comporte deux prémisses, une majeure et une mineure, dont résulte une conclusion. La manipulation du discours consiste à créer de faux syllogismes, appelés des «sophismes», à l’insu des auditeurs sans que le déroulement logique du sophisme soit rendu visible. C’est d’ailleurs en cela que résident les manipulations de l’art oratoire, dont les dernières générations sont d’autant plus victimes qu’elles n’en étudient plus les ressorts au sein de l’Éducation nationale, loin des enseignements de l’ancienne Instruction publique. Revenons à notre syllogisme: il pourrait donc être valable ou correct avec des prémisses fausses (ou seulement
vraisemblables). Prenons des exemples.
DANS CETTE CRISE SANITAIRE, LES MOTS SONT PERVERTIS PAR UN PROCESSUS D’AVILISSEMENT DE LA LANGUE.
EXEMPLE 1
Majeure:
Tout homme est rationnel.
Mineure:
Or le lion est un homme.
Conclusion:
Donc le lion est rationnel.
Le syllogisme est juste d’un point de vue formel. La conclusion est fausse en raison de la fausseté de la mineure.
EXEMPLE 2
Majeure:
Tout ce qui est rationnel est immortel.
Mineure:
Or l’âme humaine est immortelle.
Conclusion:
Donc l’âme humaine est rationnelle.
La conclusion est vraie, mais le syllogisme n’est pas valable (en raison de l’ordre des termes). Elle aurait tout aussi bien pu être fausse, car elle ne provient pas du raisonnement (elle est vraie «par accident»).
Corrélativement, il existe deux types de manipulations de raisonnements, dits sophismes (formel ou matériel), provenant:
1° soit de la fausseté (ou du caractère seulement vraisemblable) d’une des prémisses ou des deux (sophisme matériel),
2° soit de la forme non valide du raisonnement (sophisme formel).
Aristote fait aussi la distinction entre syllogisme parfait et syllogisme imparfait – dont les prémisses sont implicites.
Dans cette crise sanitaire, les deux types de sophismes sont présents. Les caractères non fondés de la gravité de la pandémie et de l’efficacité des mesures sociales opèrent comme des prémisses fausses, engendrant des restrictions de liberté. La forme non valide du raisonnement s’organise autour de propositions disparates et d’amalgames incessants, qui empêchent toute possibilité d’articulation logique vraie (cf. infra).
À propos du syllogisme scientifique, Aristote précise: «Par démonstration j’entends le syllogisme scientifique […], il est nécessaire aussi que la science démonstrative parte de prémisses qui soient vraies, premières, immédiates, plus connues que la conclusion, antérieures à elle, et dont elles sont les causes.» Un syllogisme scientifique est donc un syllogisme valide dont les prémisses sont vraies (alors qu’un simple syllogisme est seulement valide). La certitude délirante collective, de type paranoïaque, s’est fondée sur des premiers principes erronés, puis une construction du discours orchestré sur la foi, sans acceptation du moindre doute. Cette foi s’est organisée, dès l’origine, sur trois sophismes, non dévoilés mais présents dans le fond idéologique des discours et des décisions politiques, et que nous exposerons ainsi:
1° L’épidémie justifie une dictature.
2° Seul un vaccin peut faire barrage à l’épidémie.
3° Un vaccin est le seul moyen qui sauvera l’humanité du grand danger qui la menace.
Nous pourrions proposer également des sophismes similaires, qui se rajoutent aux premiers et sont autant de croyances erronées admises en
certitudes et répétées ad nauseam: il n’y a pas d’autre traitement que le vaccin (le vaccin est considéré comme un traitement), on ne sortira pas de la crise tant qu’il n’y aura pas le vaccin, la Constitution n’a plus lieu d’être car nous sommes en état d’exception, ce qui justifie un gouvernement par décrets (la loi est confisquée), etc.
Sophisme1: «l’épidémie justifie une dictature»
Majeure:
Un grand danger justifie une dictature (de destituer les citoyens de leurs droits inaliénables).
Mineure:
Or l’épidémie est un grand danger qui menace l’humanité.
Déduction:
Donc l’épidémie justifie une dictature.
Analysons la majeure. Il est vrai, dans l’histoire politique, que la dictature a pu être une réponse apportée à un grand danger menaçant la patrie, mais le sophisme évacue la nature même de dictature, qui ne justifie ses mesures d’exception sur les droits des citoyens que parce qu’elle est limitée dans le temps (six mois). La majeure est donc fausse, car elle n’est que partiellement vraie.
La mineure est un mensonge, puisque l’épidémie – requalifiée de façon arbitraire de «pandémie» par l’OMS le 11 mars 2020, sans une définition claire du mot pandémie – n’est pas un grand danger qui menace l’humanité.
Pourtant, elle a été traitée comme telle.
Que nous dit, en effet, le directeur général de la Santé en mars 2020 à la suite de cette décision de l’OMS ? «Le mot fait peur, mais une pandémie n’est qu’une épidémie qui se diffuse sur tous les continents. Elle n’est pas plus virulente ou plus grave parce qu’on l’appelle “pandémie”.» Le terme est équivoque, car la pandémie peut concerner une diffusion géographique, mais aussi une répartition dans la population. Richard Horton, directeur de The Lancet, indiqua à ce sujet sa préférence pour le terme syndémie. Mais alors, pourquoi le monde entier a-t-il traité cette épidémie comme s’il s’agissait d’un grand danger menaçant l’humanité, avec des décisions politiques entraînant des situations tragiques dans les populations? Famine, misère économique, incertitude du lendemain, solitude et enfermement des personnes âgées et des personnes vulnérables sur le plan psychiatrique, etc.
On apprend, en outre, que l’OMS a changé son système d’alerte sur les pandémies, c’est-à-dire sa grille de lecture antérieure, qui n’est plus opérante pour qualifier le coronavirus. D’autant plus que, d’après cette ancienne grille de lecture, l’épidémie de SARS liée à l’apparition d’un coronavirus n’avait pas du tout été qualifiée de «pandémie» en 2003, bien qu’elle eût touché 26 pays. Le critère de propagation mondiale semble donc arbitraire, selon le bon vouloir de l’OMS. La déduction, à partir d’un demi mensonge et d’un mensonge entier, ne peut donc qu’être erronée. Rien ne justifierait une dictature, qui au demeurant n’en serait plus une, mais aurait basculé en régime totalitaire, puisque le régime d’exception des mesures sanitaires extrêmes et de la politique intrusive de contrôle a duré plus de six mois consécutifs, et que s’ajoutent une volonté de transformation en profondeur de la société et de la nature humaine, ainsi qu’un véritable système idéologique de mensonges fondant l’action politique.
Sophisme 2: «seul un vaccin peut faire barrage à l’épidémie»
Majeure:
Seul un bouclier immunitaire peut faire barrage à une épidémie.
Mineure:
Or un vaccin est le seul moyen d’acquérir ce bouclier immunitaire.
Déduction:
Donc seul un vaccin peut faire barrage à l’épidémie.
La majeure peut constituer une vérité, à la condition de bien définir l’immunité, dans toute sa complexité. Admettons la majeure pour vraie, toutefois. La mineure est, en revanche, tout à fait contestable, puisqu’un vaccin n’est pas le seul moyen d’acquérir un bouclier immunitaire, et d’ailleurs, un vaccin peut produire l’effet inverse sur certains sujets, en détruisant leur immunité par les effets secondaires ou des chocs anaphylactiques par exemple. Il ne s’agit donc pas d’une vérité, non seulement dans sa réduction à «le seul moyen», mais en outre dans son affirmation première, puisqu’un vaccin peut au contraire détruire l’immunité chez certains sujets. La déduction sera nécessairement fausse, puisque constituée d’une majeure que nous admettons pour vraie (quoique cela soit également contestable) et d’une mineure erronée.
Sophisme 3: «un vaccin est le seul moyen qui sauvera l’humanité du grand danger qui la menace»
Le sophisme 3 est élaboré à partir des postulats et conclusions des deux premiers sophismes, dont nous avons déjà analysé qu’ils conduisent à des déductions erronées.
Majeure:
L’épidémie est un grand danger qui menace l’humanité, et seul un bouclier immunitaire peut faire barrage à l’épidémie.
Mineure:
Or un vaccin est le seul moyen d’acquérir ce bouclier immunitaire, et seul un vaccin peut faire barrage à l’épidémie.
Déduction:
Donc un vaccin est le seul moyen qui sauvera l’humanité du grand danger qui la menace.
Construite à partir de postulats erronés, la conclusion «un vaccin est le seul moyen qui sauvera l’humanité du grand danger qui la menace» ne peut qu’être fausse. Cependant, cet «objet fétiche» qu’est le vaccin, au regard de la certitude délirante qui a posé en principe que «l’épidémie est un
grand danger qui menace l’humanité», est reconnu comme tel dès mars 2020 par le champ politique. Avant même le recours à l’expérience, à des remèdes et à des traitements dont il faut rappeler qu’ils ont fait l’objet d’interdictions formelles, la solution «miracle» est proposée à un délirant postulat supposé dès le départ, et autorisant des décisions politiques démesurées: nous sommes persécutés par un virus qui met l’humanité en grand danger.
Puisqu’il a été beaucoup question de charlatanisme en 2020 en France, gageons que ces sophismes, au cœur des discours politiques sur la question, relèvent du charlatanisme en logique, et d’un pseudo-raisonnement qui ne
s’embarrasse plus de la recherche de la vérité. Ce pseudo-raisonnement, nous l’appelons en psychopathologie, lorsqu’il est systématisé autour de la persécution (nous sommes «en guerre» contre un virus qui nous veut du mal), une «folie raisonnante»: cela relève du champ de la psychose paranoïaque, folie délirante qui se propage aisément d’un psychisme à l’autre dans les groupes, notamment à partir de la langue.
Les biais interprétatifs occultant
l’argumentation principale, le délire paranoïaque perd son interlocuteur dans les détails, souvent soignés et éloquents, parfois insignifiants, mais en réalité sortis du contexte.
Le délire leur fait dire «autre chose», qui soutient sa construction.
L’argumentation principale de fond est toujours soigneusement évitée, de même que la contextualisation du problème et son historicité, pour noyer dans des détails dont l’interprétation vise à stigmatiser le persécuteur désigné, qu’il s’agisse de personnes ou d’objets personnifiés (en l’occurrence, ici, le virus étranger, qui ne manque pas d’être personnifié ensuite dans les personnes qui ne souhaitent pas se faire vacciner: elles sont porteuses saines, puis porteuses malades, et finalement sont le virus lui-même.
Elles seront dites à éradiquer, de même que le virus aujourd’hui est
vécu comme l’élément menaçant
à abattre). En somme, il s’agit d’absorber l’individu dans des détails vides de sens, et d’orienter ses comportements selon des ordres absurdes, sinon contradictoires dans le temps. C’est bien l’objet de la politique qui a prévalu en France en 2020 et encore au premier trimestre 2021, à l’heure où nous avons entrepris ce livre. Ces détails vides de sens sont de surcroît changeants, afin de ne plus pouvoir appliquer un modèle logique et prédictif aux décisions prises (…)
8 notes
·
View notes