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#y avait des soirées où vraiment on était là sur nos chaises à attendre qu'il soit 2h quoi
maviedeneuneu · 2 years
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Ptits souvenirs et anecdotes de mon expérience chez Ryanair
Au niveau des horaires on travaillait 6 jours de suite pour avoir ensuite 3 jours de repos. On faisait 3 jours du matin (entre 3h et 15h selon les gens) et 3 jours de l'après-midi/soir (entre midi et minuit en gros)
Et ben faut savoir qu'on se retrouvait toujours à être les 6-7 mêmes personnes à devoir finir à 2h du mat (alors qu'il n'y avait plus d'avions qui partaient après 22h-23h max...) et qu'on n'avait rien à faire c'était tellement chiant et rageant
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arcadiasarchives · 4 years
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Le Prix du Souvenir
C'était étrange d’être assis avec mes amis après tout ce qui s'était passé. Le vieux pub dans lequel nous nous étions pratiquement installés depuis l'université avait toujours la même apparence. La table que nous avions toujours réquisitionnée, même si l'endroit était bondé, avait toujours la petite pancarte "réservé" écrite en rouge que la propriétaire avait installée quand nous étions devenus ses meilleurs clients. La table était encore tachée, et à un endroit brûlée là où les filles avaient tenté une petite expérience qui s'était déroulée aussi bien qu'on pouvait s'y attendre. Mes amis étaient toujours les mêmes, ils faisaient toujours les choses stupides, attachantes et exaspérantes qu'ils avaient toujours faites et qu'ils feraient probablement toujours. Mais bon, pourquoi seraient-ils différents ? Lorsque tout à commencé nous nous étions tous promis que rien ne serait différent et rien ne s'est produit pour changer cela. Pas vraiment. Mais il y avait quand même quelque chose de différent. C'était moi qui étais différent. Parce qu’ils pensaient que j'avais oublié, mais je me souviens. De tout.
Je me souviens du début, de la magie et des secrets que nous avons tous gardés. Je me souviens de l'adrénaline et du bonheur de faire partie de quelque chose, même si c’était dangereux. Je me souviens de l'obscurité, des batailles, de la guerre. Mais je ne suis pas censé, je m'en souviens de ça aussi. C'est terrible de continuer cette mascarade alors qu'ils sont tous si manifestement inquiets pour moi. Même le vieux grincheux Samael fait de temps en temps un voyage spécial pour voir discrètement si je vais mieux. Sous prétexte de déposer des devoirs oubliés ou de rechercher des papiers manquants. Il est difficile pour les autres de m'emmener à l'université pour le voir pour des examens secrets, car je ne prends pas de "cours du soir" comme eux. Bien sûr, sa magie, aussi sournoise soit-elle, n'a rien détecté parce qu'il n'y a rien à trouver. Il n'y avait pas de vieux sorts qui entravaient ma mémoire. Aucun traumatisme cérébral. Pas de malédiction, ou d'esprit, ou autre chose de ce genre. Non, juste de bonnes vieilles menaces et de la violence. C'était étonnant de voir à quel point ces choses fonctionnent encore. C'est un peu choquant qu'un homme avec autant de pouvoir au bout des doigts y ait toujours recours, mais il a toujours eu l'air d'un type traditionnel. Me voici donc assis dans un coin pendant que Jax et Kieran tentent de se disputer discrètement à l'autre bout de la table sur la façon de se débarrasser d'un liche. Alice fait de son mieux pour parler par-dessus leurs voix, en me racontant un truc vraiment bizarre qui s'est passé à la librairie aujourd'hui. C'est intéressant mais je suis sûr que la vraie histoire est encore meilleure, la façon dont elle traîne par endroits et doit réfléchir pendant une seconde signifie que c'est toute la magie qui a été retirée pour moi. Mais c'est le prix que je paie pour les garder en sécurité. Ou du moins plus en sécurité. Je sais qu'Adrian n'a pas été renversé par une voiture en traversant la route et que Maya ne s'est pas brûlée les mains en cuisinant. Mais je ne peux pas les protéger de tout. Pas avec ce dans quoi ils fourrent leur nez tout le temps et au moins de cette façon, il n'y a pas de grands méchants qui attendent à chaque coin de rue.  Juste à tout les autres coins de rue.
Nicolai, Seth et Grace débarquent en ayant l'air plus qu'un peu plus fatigués au moment où Alice s'apprête à dire aux garçons d'aller se faire foutre. Je peux le deviner parce qu'elle a toujours ce regard vraiment énervé juste avant de le dire. Ils devenaient un peu trop bruyants pour qu'on les ignore et j'allais bientôt devoir leur demander de quoi il s'agissait. Je n'aime pas le faire mais je ne peux que faire semblant d'être si inconscient pendant si longtemps avant qu'ils ne commencent à réaliser que c'est intentionnel. Ils ne viennent pas à la table et mon cœur saute un battement quand Jax va leur parler. Ça ne peut pas être bon, ce n'est jamais bon, et je me sens croiser les doigts sous la table. Je n'ai jamais cru à la chance, je n'y crois toujours pas la plupart du temps, mais j'ai commencé à la tester de temps en temps, juste au cas où.
"Hé, apparemment Samael a dû déplacer notre cm, donc on va devoir partir maintenant si on veut tous pouvoir prendre nos affaires." Jax me regarde avec un air apologétique, c'était après tout la première soirée que nous étions tous censés passer ensemble depuis un bon moment. "Je suis désolé, mec."
"C'est bon, vous contrôlez pas vos cours." Je souriais pendant qu'Alice se levait, me hérissant les cheveux en même temps. Samael réorganisant les cm était un code pour : information, possibilité de combat, donc pas de quoi s'inquiéter mais mon estomac se tordait quand même à l'idée.
"On va le faire demain ou après-demain, promis." dit-elle en faisant le tour de la table pour prendre son manteau, les autres faisant tous un signe de tête enthousiaste.
"Je vous y tiendrai." Je me demande si ma joie est aussi fausse à leurs yeux qu'à mes propres oreilles. Si c'est le cas, ils ne disent rien et je les regarde partir, ignorant la façon dont mon estomac se tord à l'idée que cela pourrait très bien être le moment où l'un d'eux ne reviendra pas.
Ma Ginger Beer a tout à coup l'air beaucoup moins attirante. Les bulles qui éclatent de temps en temps me rappellent combien tout était fragile. Comme la vie était fragile. La vie de mes amis. Et voilà que disparaît ma résolution d'arrêter de boire. Je vais décevoir Alice et Adrian. Ils sont si heureux que j'ai arrêté de boire qu'ils n'ont même pas posé de questions. Ce qui est bien parce que je n'ai pas trouvé de raison valable et, bien qu'ils m'aiment, aucun d'entre eux ne va acheter les trucs génériques que les gens proposent. Moi, ma raison est purement logique. Quand je suis bourré, je ne peux pas toujours contrôler mon cerveau. Si je n'ai pas le contrôle de mon cerveau, je peux dire ou faire quelque chose qui me trahit. Alors maintenant, je ne bois que quand je suis seul, ce qui est assez triste, mais même ça, c'est une chose rare. Ce soir, ce sera une de ces choses rares. Je serai sobre bien avant de voir qui que ce soit.
"Quand exactement vas-tu mettre fin à toutes ces absurdités ?"
En levant les yeux de ce qui n'est probablement que mon troisième verre de whisky, je trouve Maggie, les mains sur les hanches, me lançant un de ces regards. Ces regards réservés aux personnes qui la contrarient ou à celles qui ont besoin qu'on leur donne une leçon sur la vie. J'ai déjà eu ce regard auparavant, pour ces deux raisons, mais je ne vois pas pourquoi je le justifierais maintenant.
"Hein ?"
Ce n'est certainement pas une de mes réponses les plus éloquentes, mais c'est la première fois que je bois depuis un certain temps, mon cerveau est un peu léthargique.
"Vous m'avez entendu jeune homme. Ce n'est pas bien ce que vous leur faites." Elle m'a réprimandé alors qu'elle s'asseyait en face de moi.
Je ne pense pas que mon sang ait jamais refroidi aussi vite de toute ma vie.  Et cela inclut la fois où je me suis accidentellement retrouvé face à face avec un chien de l'enfer. Ce fut aussi la première fois que je me suis retrouvé face à face avec un chien de l'enfer, ce qui n'a pas vraiment aidé. Par contre, le point positif, c'est que j'étais pratiquement sobre maintenant.
"Je suis désolé quoi." Le regard qu'elle m'a lancé aurait pu faire fondre la pierre et j'ai immédiatement levé les mains en signe de capitulation. Maggie n'était pas quelqu'un que vous vouliez voir en colère. "Désolé, désolé, je voulais juste..."
Son visage s'est adouci alors que j'essayais désespérément de trouver quoi dire. Elle ne pouvait pas savoir ce qui se passait. Pour commencer, elle n'avait aucune idée de tous les trucs bizarres dans lesquels on s'était fourré. Si elle avait remarqué quelque chose, cela ressemblait probablement à une sorte de jeu cruel auquel je joue aux dépens de mes amis. Rien que d'y penser, j'ai envie de vomir.
"Chéri, parfois je me demande ce qui a bien pu pousser Samael à vous choisir."
Ok, c'était bizarre, elle ne devait pas connaître Samael, elle n'avait aucune raison de connaître Samael plus qu'elle ne nous connaissait. Certainement aucune raison pour ce commentaire très précis. Peut-être que j'ai déjà trop bu. Si ma tolérance à l'alcool est aussi faible, ma vie est vraiment merdique. Maggie secoue la tête comme elle le fait quand elle surprend des gens qui se comportent mal dans son bar. C'est ce visage déçu de la mère avec un soupçon de défi que personne n'a jamais osé contrer. Je ne suis certainement pas sur le point de commencer.
"Comment pensez-vous que Samael trouve des gens doués avec du potentiel. Ce n'est pas comme s'il allait les chercher."
Et oui, ça a beaucoup de sens.  Le panneau réservé avait été mis en place peu de temps après que Samael ait commencé à donner des cours de magie à Kieran, Grace et Ace. Il a fallu un peu de temps avant que nous autres n'apprenions ou ne nous joignions à eux, mais oui, c'était à peu près au même moment. J'ai pris mon verre, mais je n'étais pas complètement convaincu que l'alcool était la bonne réponse. Tant de petites choses que j'avais remarquées au fil des ans commençaient à prendre une toute nouvelle vie. Le fait que les chaises et les bancs froids en bois dur avaient soudainement été remplacés par des chaises et des bancs rembourrés juste après qu'Alice et Alec aient passé la nuit à être jetés à travers des murs. Personne ne remarquait jamais quand l'un de nous ressemblait à la mort. Ace étant interdit d'accès. Je me suis rapidement détourné de cette dernière pensée pour revenir à l'affaire en cours.
"Tu l'as dit à Samael ?" Ce qui était certainement ma préoccupation la plus pressante, car non seulement je n'avais aucun moyen de l'expliquer sans me trahir, mais son cerveau allait immédiatement sauter à la pire conclusion possible.
"Bien sûr que non." dit Maggie avec un air plutôt agacé, comme s'il était évident qu'elle ne (le) lui dirait pas.  Vu qu'elle m'avait dit il n'y a pas une minute qu'elle était la raison pour laquelle il nous avait choisis, je pense qu'elle aurait pu me donner un peu de mou. "Je suis sûr que vous avez des raisons. De très bonnes raisons même."
"Oui."
Maintenant, elle me regarde de façon impatiente et je sais qu'elle veut que je lui dise. Je ne devrais pas, c'est trop dangereux, ça pourrait tout détruire. Mais en même temps, je veux le faire. J'ai besoin de conseils, je dois savoir quoi faire parce qu'il n'y a pas moyen de continuer comme ça indéfiniment. A part un parfait inconnu, je ne vois personne de mieux à qui le dire. Si elle dit la vérité - personne ne sait rien d'elle, je doute que quelqu'un ait des soupçons, et si elle n'a pas encore parlé à Samael, elle ne le fera pas maintenant. Mais tout se résume à cela, n'est-ce pas, si elle dit la vérité. Parce que si elle ne le fait pas, cela signifie qu'elle fait partie du groupe de Kyle, ce qui va tout détruire. Je déteste vraiment ma vie parfois, et quand je pense que tout allait très bien il y a quelques mois à peine. Bien sûr, c'est Maggie, donc si je ne lui dis pas, elle va tout faire sortir de moi d'une manière ou d'une autre. En plus, je veux lui faire confiance.
Cela ne me prend pas autant de temps que je l'aurais cru, mais suffisamment pour que je sache que c'est la bonne chose à faire pour moi, même si je le regrette un peu. Maggie semble compatissante, sa main reposant sur la mienne, et c'est l'un des sentiments les plus réconfortants qui soient. Je m'éloigne de l'idée de ne pas savoir quoi faire et je termine ce qui est maintenant mon cinquième whisky en me demandant où je pourrais aller en chercher d'autres si cela finit vraiment mal.
"Je suis si fière de toi Xander, je sais que rien de tout cela ne peut être facile." Elle sourit au petit bruit que je fais, bien que je ne puisse même pas dire si le bruit est un accord ou non. "Mais je pense que la meilleure chose à faire maintenant est de tout dire à Samael."  La panique a dû se manifester sur mon visage car elle a immédiatement levé la main pour mettre fin à mes contestations. "Pas les autres, juste Samael. Vous pensez qu'on peut faire ça ? C'est possible de dire non."
J'y pense un instant, ma tête commence déjà à acquiescer. Samael saura quoi faire. Samael a toujours une réponse.
"Oui, je pense qu'on peut faire ça."
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fallenrazziel · 5 years
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Les Chroniques de Livaï #428 ~ L'HISTOIRE EST A CEUX QUI L'ECRIVENT (décembre 845) Hadulfo Ibsen
L'histoire de Livaï comme vous ne l'avez jamais lue. ​Le personnage le plus populaire de L'Attaque des Titans, le soldat le plus fort de l'humanité… Qui est-il vraiment ? Qu'a-t-il dans le coeur ? Qu'est-ce qui a fait de lui ce qu'il est ? Je me suis mise en devoir de répondre à ces questions en vous livrant ma propre vision de sa vie, de ses pensées, des épreuves qu'il a traversées, ainsi que celles des personnes qui l'ont côtoyé, aimé, admiré, craint, détesté. Si j'essaie le plus possible de respecter le canon, quelques libertés seront prises sur les aspects de sa vie les plus flous. Quelques personnages seront également de mon invention. Livaï, un homme que l'on croit invincible et inatteignable… Est-ce bien sûr ? Jugez-en par vous-mêmes.
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Je tapote nerveusement la table du bout des doigts en me demandant si j'ai bien fait de venir ici. Après tout, il s'agit peut-être bien d'un piège. Ce militaire était peut-être brigadier et je prends le risque évident de finir mes jours dans un cachot abandonné, où on me causera un "accident" pour m'évincer. J'aurai dû prendre la peine de me déguiser un peu, pour avoir une longueur d'avance sur mes futurs... interlocuteurs. Mais je n'ai pas beaucoup d'argent et ma garde-robe se limite presque à ce que je porte sur le dos.
J'ai choisis une table à l'écart, dans un recoin abrité, qui me permet de garder un oeil sur la porte d'entrée. Les murs qui m'entourent me garantissent une discrétion absolue. J'en suis déjà à mon troisième café et ma bourse est presque vide. Sina... dans quel guêpier me suis-je engagé ?
Je me fustige moi-même de mon imprudence. Je n'aurais pas dû parler à cet homme étrange... Mais la joie de rencontrer une personne intéressée par le sujet qui a occupé presque toute ma vie m'a fait perdre le sens commun... Il semblait sincèrement intrigué par tout cela. Mais quand il a parlé de ramener quelqu'un avec lui, j'avoue avoir eu peur pour ma vie...
J'aurais pu ne pas venir ; mais me voilà. Si je suis réellement tombé sur un explorateur intègre, alors il reste une chance pour que tout ceci se finisse parfaitement bien. Mais je ne veux pas me créer de faux espoirs. Je vais attendre encore quelques minutes le temps de finir mon café, et si rien ne se passe, je m'en irais, voilà tout.
Au moment où je formule ce projet en pensée, la cloche de la porte se fait entendre et une petite silhouette sombre se présente. Je le reconnais. Le petit homme regarde autour de lui, s'arrête sur moi, et je hoche la tête de façon presque imperceptible. Il n'y a personne avec lui. Ouhla, cela sent les ennuis... Il ressort presque aussitôt et j'entends déjà la cavalcade des gardes dans la rue, prêts à me tomber dessus. Je m'oblige à rester assis mais des fourmis commencent à me monter le long des jambes... Je ne veux pas aller en prison... Pas comme ce bon vieux Jaco...
Je ferme les yeux deux secondes et quand je les rouvre, le petit homme est de retour, et se tient dans l'ombre d'un individu très grand, portant un chapeau et un imperméable très quelconques. Mince, ils n'ont pas l'air de militaires du tout... Je devine le regarde d'aigle du grand homme qui me transperce depuis l'autre bout de la salle, et le bruit des clients semble tout à coup moins fort ; comme si tout le monde retenait son souffle... Pourtant, personne ne regarde les deux nouveaux venus.
Ils se dirigent vers moi à grandes enjambées et je m'attends à présent à les entendre me dire mes droits avant de m'embarquer. Je ne le sens pas du tout, cette journée va finir dans le noir... Mais alors, le grand homme se penche un peu vers moi, me tend la main et m'annonce tout bas que lui, Erwin Smith, est ravi de faire ma connaissance, car son subordonné, le caporal Livaï, lui a longuement parlé de moi.
Je m'efforce de ne pas m'écrouler de soulagement sur ma chaise ! Toute cette tension est mauvaise pour mon pauvre coeur ! Je comprends alors que le petit homme - le caporal Livaï, le champion de l'armée humaine, qui aurait pu le croire ? - a voulu s'assurer que j'étais bien là et seul avant d'aller chercher son supérieur. Mesure de précaution. Ah, quelle idée j'ai eu de m'en faire ! Tout s'explique !
Ils prennent place devant moi et commandent également des boissons ; thé pour tous les deux. Il me reste assez de café pour finir la soirée ; je n'aurais peut-être même pas le loisir de boire, j'ai tant à raconter... Je ne veux pas perdre de temps alors je décide d'y aller de moi-même. Une fois les consommations déposées, je m'assure que personne ne traîne dans les parages et je me lance.
Je suppose que le caporal vous a déjà dit beaucoup de choses sur moi, major. Il répond très poliment qu'il aimerait malgré tout en savoir plus sur ma vie personnelle. Ma vie personnelle ne peut être dissociée de mon travail. Je me nomme Hadulfo Ibsen. Ce nom ne vous dit sans doute rien car bien qu'écrivain, je n'ai jamais signé de mon vrai nom. C'était l'usage dans le cercle que je fréquentais. Celui des... hérétiques.
J'ai toujours été fasciné par l'histoire de nos origines ; celle de notre peuple, je veux dire. Il y avait tant de questions sans réponses valables que je me suis interrogé dès mon plus jeune âge. Les Murs surtout me semblaient une énigme absolue. J'ai vécu à Krolva, à l'ombre de la grande Rose, et quand j'ai levé pour la première fois les yeux sur elle, c'est comme si elle avait voulu me parler, me révéler des choses. Ses deux soeurs m'intriguaient tout autant, alors très tôt j'ai décidé que je ferais d'elles mes muses.
C'était une autre époque. En ce temps-là, on pouvait parler et écrire plus librement. Il n'y avait pas autant de censure qu'aujourd'hui. Certes, il n'était pas conseillé de fanfaronner, mais on pouvait mener des recherches sur ces sujets sans s'attirer les foudres royales. C'est le culte du Mur qui a tout changé. Du temps de ma jeunesse, ce n'était qu'une secte considérée comme un ramassis de fous et d'illuminés, qui ne comptait que quelques membres. J'en ai fait partie pendant un temps. J'avais entendu dire qu'ils connaissaient certains secrets à propos de ce qui m'intéressait. Je n'ai jamais été croyant, mon affection pour les trois déesses était scientifique avant tout. J'ai été très déçu. Ils se contentaient de prêcher et de débiter des prières très banales, même si je sentais la présence d'un genre de discours codé... S'ils possédaient des secrets, alors ils n'étaient connus que des plus hauts placés. On les disait déjà liés avec la famille royale... C'était très intriguant pour un jeune homme comme moi.
Le major n'a encore prononcé aucune parole et semble boire mes mots ; le caporal, lui, cille à peine et son regard est fixé sur moi.
J'ai quitté cette secte sans regret et je me suis lancé seul dans mes études. J'ai rencontré beaucoup de gens exerçant dans divers domaines : l'histoire, l'architecture, le folklore, la géographie, l'art... J'ai visité toutes les villes, tous les lieux pittoresque pouvant me renseigner sur nos origines ; j'ai écouté des mythes locaux, familiaux, des superstitions... Ce qui est ressorti de tout ceci, c'est une évidence. Les Murs ne pouvaient absolument pas avoir été construits par la main de l'homme. A cette époque, si on s'en tient à la chronologie officielle, ils n'étaient pas si anciens. Et pourtant, personne n'était capable de révéler comment ils avaient été érigés ! C'était totalement fou ! Et le pire c'est que personne, à part quelques-uns comme moi, ne se le demandait !
Ici, Smith pose sa main sur mon bras, les yeux brillants, et me dit qu'il a pensé exactement la même chose. Oui, au bataillon d'exploration, vous êtes presque entraînés à penser à contre-courant. Mais c'est très rare en vérité. La majorité des gens vivent dans un flou perpétuel sur leur passé, et pire encore, ils semblent s'en satisfaire comme si c'était normal ! Je ne l'ai jamais compris. C'est comme si un voile était posé sur leurs yeux... Mais pourquoi vous et moi ne sommes pas affectés ? Qu'est-ce qui a conditionné notre clairvoyance ?
Je vais vous donner une partie de la réponse. Le cercle d'initiés dont je vous ai parlé n'a jamais perdu la mémoire, et des récits et enseignements du monde ancien ont été conservés par eux, sous forme orale ou écrite. Le monde ancien, c'est ce qui existait avant que nous venions vivre ici derrière ces murailles. Nous sommes bien venus de quelque part, n'est-ce pas ? Du monde extérieur. Il doit être bien plus vaste encore qu'on ne l'imagine. Les récits sur les océans, les déserts, et tout ce qu'ils contiennent... C'est ce dont se sont souvenus les anciens. Mais à part ça, ils n'ont pas de réponse à donner concernant notre passé ; même à eux cela demeure caché. Les secrets des Murs doivent se trouver à l'extérieur. Mais vous seuls pouvez sortir ; nous, nous sommes coincés ici...
J'avale une gorgée de café qui ne me brûle pas car il est presque froid. Nos ancêtres ont transmis leurs connaissances à certains élus qui les ont transportées ici. Au début, on les a laissés faire, puis on les a persécutés. Vous, Erwin Smith, vous descendez peut-être d'un de ses initiés. Quelqu'un de votre famille peut-être...
Il m'interrompt et me révèle que c'est son père qui lui a appris à être curieux et à poser des questions. Ah ! je le savais ! Je connais cette flamme dans vos yeux, j'avais la même à votre âge ! Votre père devait être un grand homme ! Il a bien fait de vous initier !
Il baisse la tête sans répondre mais je devine avoir évoqué quelque chose de douloureux... Je reprends vite le fil de mon récit afin de ne pas l'embarrasser. Donc, après avoir rassemblé absolument tout le matériel possible au sujet des Murs et avoir constaté que presque rien ne s'accordait avec la version officielle, j'ai décidé d'écrire un livre ; mon seul et unique, l'oeuvre de ma vie, imprimé à nos frais en peu d'exemplaires... Je n'ai jamais eu d'enfant et cet ouvrage est devenu un peu comme mon fils bien-aimé. C'est mon ami Jacoberto qui s'est occupé des illustrations. Un sacré coup de crayon qu'il avait...
Quelques mois après la publication, le vent a commencé à tourner. Les affiches annonçant que certains ouvrages seraient mis à l'index pour cause de sécurité d'Etat se sont multipliées. Jacoberto et moi craignions pour nos vies. Puis un jour, il a disparu. Il avait une famille que j'aurais pu prendre en charge, mais je devais penser à ma survie. Quand j'ai constaté que ma maison avait été mise à sac pendant mon absence, j'ai décidé de disparaître. Quitter à jamais la belle Rose me fendait le coeur... J'ai emporté le strict nécessaire, de quoi remplir une valise, mes livres les plus précieux, et je suis allé me perdre dans les bas-fonds. C'était le meilleur endroit pour disparaître. Je savais bien que je risquais d'y mourir, mais mieux valait partir en jour prochain en homme libre que croupir tout de suite en prison, voire finir pendu.
J'ai vécu pendant des années de petits travaux. Je proposais mes services en tant qu'écrivain pour personnes illettrées, je faisais la lecture. Et puis je suis tombé sur cet orphelinat souterrain, dont le concept m'a plu. J'y ai enseigné un temps l'écriture et la lecture ; et maintenant que j'y pense, il me semble avoir collaboré avec un certain Mr. Smith là-bas. Peut-être était-ce un de vos parents éloignés... Savez-vous quelque chose à ce sujet, major ?
Il secoue la tête négativement mais m'informe tout de même que son père était professeur d'école et qu'il s'absentait deux jours par semaine sans dire où il allait. Il était très jeune et ne s'en souvient pas très bien. Le caporal, lui, précise qu'il se rappelle bien de l'existence d'un établissement de ce genre - les rumeurs courant sur ses origines modestes sont donc fondées - mais qu'il n'y a jamais pénétré. Je vois... Et bien, un jour, lui aussi a disparu, et l'orphelinat a fermé ses portes. C'est à ce moment que la misère a commencé à me serrer la ceinture. Je vivais de presque rien et quand c'était trop insupportable, je devais me résoudre à vendre un livre ou deux au marché noir afin de gagner quelques sous. Mais la lecture me manquait et je finissais toujours invariablement par m'en racheter un au lieu de nourriture.
La peste a presque eu ma peau. J'ai survécu mais je souffre de graves problèmes de santé depuis. Cela n'a jamais arrêté ma passion pour les secrets des Murs. En vivant sous terre, j'ai appris encore d'autres choses stupéfiantes à leur sujet. Tenez, prenez Sina, le Mur contre lequel s'adossent les bas-fonds. On y pense jamais mais Sina plonge très profondément sous terre. C'est déjà stupéfiant, mais il y a mieux. J'ai discuté avec de vieux terrassiers pleins d'anecdotes fascinantes qui se sont transmises. Les bas-fonds sont à l'origine une grotte naturelle quelque peu excavée par la main de l'homme. Ces braves ouvriers m'ont raconté que le Mur Sina ne se contentait pas de traverser les bas-fonds du sol au plafond ; il descendait encore plus profondément, des mètres et des mètres plus bas, si profond qu'on ne pouvait en découvrir la base.
Cela m'a stupéfié. J'avais la preuve ultime que les Murs n'étaient pas une oeuvre humaine. J'ai alors repensé aux discours des révérends du culte du Mur - qui était devenu très puissant durant mes années sous terre. Avaient-ils raison ? Depuis, je suis persuadé qu'une force surnaturelle a présidé à cette construction. Pas un dieu, comme ils le disent, mais quelque chose qui y ressemble... Et ce n'est pas tout. Certains habitants des bas-fonds prétendent que lorsqu'ils se promènent près de la muraille - on ne peut l'atteindre qu'en traversant le quartier est et en se dirigeant vers l'extrémité nord-est du point le plus haut et escarpé du quartier -, ils peuvent parfois entendre comme un profond soupir rauque, cadencé, très lent et très profond ; comme une respiration...
Le caporal émet un tcch incrédule, la joue écrasée sur la paume de sa main, mais le major n'a aucune réaction. C'est le genre d'homme à éprouver des émotions si violentes que pour un observateur extérieur, il aurait l'air de ne rien éprouver du tout. Je ne suis pas fou, je vous assure. Je suis allé vérifier. C'est vrai qu'il y a un son très étrange à cet endroit, mais comme personne n'y va en général, cela passe inaperçu. On pourrait le prendre pour un simple écho souterrain naturel, mais... croyez-le ou non, j'ai eu l'impression qu'il y avait quelque chose là-dedans ; de gigantesque, et qui dormait... et qu'il ne fallait pas réveiller...
Les années ont passé, je n'avais plus un sou, mais j'ai gardé un de mes biens les plus précieux : mes papiers d'identité. Avec eux, je pouvais retrouver la surface. J'ai constaté que j'étais vieux, et que mon passé était derrière moi. Je suis remonté il y a quelque temps et j'ai essayé de me reconstruire une petite vie discrète. Plus d'écriture pour moi. J'ai réussi à récupérer quelques économies que j'avais cachées avant de m'enfuir et je vis de cela à présent. J'écume les marchés pour tenter de me refaire une collection d'ouvrages convenables. J'aime être entouré de livres, voyez-vous ? Et c'est ainsi que je suis tombé sur le caporal l'autre jour ; avec cette belle première édition très rare du "Royaume des Trois Déesses". Son auteur a été très malin. Il a glissé des allusions aux secrets des Murs dans son texte, que seuls des initiés peuvent déchiffrer. Je ne doute pas un instant que vous l'ayez remarqué, major Smith ?
Il approuve, et je m'autorise une petite pause. Narrer ainsi mon histoire m'a fatigué, mais aussi rappelé tant de choses... Cela a quelque chose d'un peu sinistre de se pencher sur sa propre vie et de constater qu'il reste devant vous bien moins d'années qu'il n'y en a derrière... Vous savez, j'ai soixante-huit ans, et je ne peux plus me battre comme auparavant... Les jeunes comme vous, c'est vous qui avez l'Histoire entre vos mains, qui l'écrivez. Moi, je ne suis plus qu'une archive. M'avoir permis de vous parler est déjà un honneur. Je n'en espérais plus tant au crépuscule de ma vie. Si j'ai pu vous être utile...
Smith affirme que je leur ai été plus qu'utile, et que c'est lui qui est honoré de m'avoir parlé. Ecoutez, je peux peut-être faire un peu plus... Je fouille dans mon veston et en sors le livre, racorni, aux pages froissées, à la couverture si familière... Je n'ai jamais pu me résoudre à le vendre, celui-là... C'est sans doute le dernier exemplaire en circulation. Je le pousse sur la table vers Smith qui le regarde avec respect. Ne faites pas attention au nom d'auteur, c'était mon pseudonyme - Bisen Flodauh, une anagramme un peu piteuse, je dois dire. Dedans, vous trouverez le fruit de mes recherches, rien ne manque. Aah ! regardez ce dessin ! Jaco avait vraiment un de ces talents !... Paix à son âme...
Il m'est très précieux mais je vous l'offre. Il ne me sera d'aucune utilité dans la tombe. Vous y puiserez sans doute des vérités utiles. Et pour vous, caporal, voici l'édition récente du sixième tome du "Royaume des Trois Déesses", comme convenu. Vous avez amené l'autre ? Il exhibe alors le volume et nous procédons à l'échange. Ah ! quel bel objet ! Les livres sont vivants, vous savez ? Rien de ce qu'on leur fait dire n'est sans conséquence. La moindre phrase engage toute notre humanité. Nous sommes ce que nous écrivons, ce que nous lisons. Ecrire un livre, c'est accoucher d'un enfant imprévisible... Je vous confie le mien.
J'estime que notre entrevue doit maintenant se terminer ; je suis bien fatigué... Je me lève et coiffe mon chapeau. Smith se lève pour me saluer et je l'informe que je préfère sortir avant eux. Je m'adresse pour la dernière fois à ces deux jeunes hommes. Restez curieux. La vérité est une vertu et quelque chose me dit que vous la trouverez. Il faut se battre pour elle, bec et ongles. Et la transmettre au peuple. C'est un droit. Quels que soient les sacrifices, si vous cherchez la vérité, alors vous serez des hommes de bien.
Retrouvez Maria. Et si vous en avez l'occasion un jour, écoutez battre le coeur de ses deux soeurs...
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devonis · 5 years
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Chapitre 2 : Par Lui
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Rayan
Je rangeai des documents dans mon casier en salle des professeurs, lorsque je surpris une conversation entre mes collègues. Ils discutaient du remue-ménage que provoqua le retour du groupe Crowstorm en ville. Apparemment, les racines de leur groupe se trouvaient ici, et le fait que certains membres étudiaient à Anteros n'améliorait pas la concentration des fans.
-Attends, la compétition de surf arrive, je ne t'explique même pas le raffut dans les amphis. Encore en TD, dans les classes, on parvient plus facilement à gérer l'ambiance, mais quand deux-cents voire cinq-cents élèves ont décidé de foutre en l'air le cours magistral, t'as plus vraiment la main.
-Et encore, on s'en sort plutôt bien en Art, les élèves ne sont pas aussi nombreux qu'en LEA et LC. J'ai croisé Maria l'autre jour, elle venait de clôturer son cours un bon quart d'heure avant la fin tant les élèves étudiants étaient ingérables. Beaucoup réclamaient le silence mais beaucoup d'autres étaient simplement là pour grapiller des points…
-Ouais, mais là tu parles de ses premières années, c'est normal ils sont en pleine transition entre le lycée où c'est au prof de calmer le jeu et la fac où là t'es confronté à des élèves plus vieux que toi, même s'ils sont aussi en première année, et qui sont plus rudes envers leurs camarades afin d'étudier au calme. C'est ça que j'aime aussi en fac, les élèves ont leur responsabilité quant au bon déroulement du cours. Comme ils doivent travailler beaucoup plus par eux même qu'au lycée, ils ne peuvent pas se permettre d'avoir un cours entrecoupé. Après, t'auras toujours deux trois petits malins, mais ceux-là partent vite en général.
-C'est sûr, intervint Monsieur Lebarde. Pour ma part, je n'ai pas à me plaindre, les élèves sont attentifs, mais alors, j'ai une sainte horreur des retardataires ! Et il y'en a une qui m'agace particulièrement ces temps-ci.
-Oh ! T'es plutôt laxiste habituellement, que se passe-t-il ? Si ce n'est qu'une seule élève, tu devrais être en mesure de la virer de ton cours.
Toujours dans mon coin, je déglutis en me demande de qui mon collègue pouvait bien parler. Même si j'ai ma petite idée… Il s'en est déjà plaint l'autre jour. J'eus un petit sourire crispé en coin, en repensant à ma rencontre avec mon élève, plus tôt dans la journée. Si c'est d'elle dont il parle, c'est un peu ma faute si elle est arrivée en retard… me dis-je en refermant mon casier.
-Bah, ça reste une bonne élève, ses comptes rendus sont étoffés et au dernier contrôle continu elle a eu une excellente note, mais elle dérange tout le monde avec ses retards ! (Il but son café d'une traite) Tallulah Loss n'est pas une mauvaise personne, mais je ne pense pas pouvoir tolérer un retard de plus.
Donc, il parlait bien d'elle… Je me sentais coupable dans un sens. Je savais qu'elle avait cours, et mon collègue était du genre à être là bien avant ses étudiants, il commençait sa leçon rapidement.
-Elle est dans ton cours aussi, non ?
Personne ne répondit, j'ignorai à qui il venait de s'adresser.
-Rayan ?
Je posai aussitôt mon attention sur lui, l'air curieux.
-Tallulah est bien dans ton cours aussi, non ? Elle a beau avoir un bon potentiel, son attitude est un peu dérangeante je trouve, pas toi ?
Je haussai un sourcil, mais tentai au mieux de ne pas paraître trop impliqué dans cet échange.
-De mon côté, je n'ai pas à me plaindre. Une participation un peu timide, mais une fois lancée elle sait défendre sa position par de solides arguments.
-Elle n'a donc jamais interrompu ton cours inutilement ?
Inutilement… Je trouvais qu'il y allait fort. Un retard ça arrivait à tout le monde, à croire qu'il avait oublié ses années fac. Je secouai la tête en guise de réponse et replongeai mon nez dans mes cours, penché au-dessus d'une petite table près de la fenêtre. J'entendis Monsieur Lebarde dire qu'il demanderait aux autres professeurs de ce qu'ils feraient des retardataires indésirables. Du coup, ils se mirent tous à lister les élèves qu'ils avaient dans le collimateur. Finalement, professeurs et étudiants étaient très similaires quant à la critique qu'ils se portaient les uns envers les autres.
En contrebas, à travers la fenêtre, mon regard fut hâtivement attiré par la silhouette d'une femme trottinant dans la cour, un portable plaqué contre son oreille. Mon cœur fut enserré par un sentiment chaudement affectueux et je souris, sûrement l'air béat. Talullah s'en allait hors de la fac, et je me demandai bien où elle pouvait se rendre avec tant d'empressement. Au café ? A cette idée, je ne pus faire autrement que me remémorer ce soir, où je l'eus aidé à ranger les tables. Ce qu'il s'est passé ensuite…Le geste que j'ai eu.
Il fallait que je fasse attention. La savoir si accessible envers moi me troublait, je ne faisais qu'être tirailler entre les limites que je m'imposais et mon attirance pour elle. Franche dans ses mots, franche dans son regard. Une timidité qu'elle enfouissait en elle une fois sa spontanéité farouche évadée. « On ne fait rien de mal… » m'eut-elle dit.
Dans un sens, c'était vrai, rien ne nous interdisait de discuter plus intimement. Mais les esprits ne sont pas si ouverts que cela dès qu'un amour sort du lot. Je risquai mon poste autant qu'elle risquait de passer l'année la plus exécrable de sa vie si nous décidions de ne pas faire abstraction de notre fascination mutuelle. Puis, cet air égaré qu'elle pouvait arborer en regardant dans le lointain de ses pensées. Que pouvait-elle y voir ? A qui pouvait-elle songer ?
Mon portable vibra et mon écran s'illumina en affichant le début d'un message. Mon regard se posa sur l'arrière-plan. Tu devrais pourtant m'avoir servi de leçon… Je m'efforçai de chasser mes sombres pensées avant de lire le message que je venais de recevoir. Leigh ?
« Bonjour Rayan ! Ta commande est bien arrivée, il faudrait cependant que tu passes me voir pour effectuer des retouches. J'ai bien l'impression que les manches seront un peu grandes. Préviens-moi quand tu seras dispo'. Leigh. »
Je lui prévins aussitôt que je ne pouvais passer qu'en soirée.
« Ce n'est pas un problème, je pars de la boutique vers 21h, tu peux toujours passer samedi, mais ce sera mon employé qui s'occupera des retouches… »
-Hm, je vais plutôt passer ce soir.
Je lui répondis aussitôt, puis m'installais plus confortablement à la table pour avancer dans mon travail. Je me mis à vérifier l'heure une fois que le soleil se couchait, la nuit tombait de plus en plus tôt, je ne voulais pas passer voir Leigh trop tard. Je terminai par envoyer les notes que me réclamaient les élèves au sujet du cours que j'eus annulé au dernier moment. Plutôt que de prendre du retard dans le programme, j'eus volontiers accepté leur demande en envoyant le cours en plusieurs partis.
Une fois cela fait, je rangeai mes affaires et constatai que j'étais le seul encore présent en salle des professeurs de ce bâtiment. Je n'avais pas fait attention aux départs de mes collègues. Je vais essayer de faire plus d'efforts pour échanger avec eux… me dis-je en fermant la lumière puis la porte. Certaines salles diffusaient de la lumière à travers les fenêtres. Notamment à la BU, où quelques élèves restaient tard pour réviser.
Cela m'était arrivé de la voir, penchée sur ses fiches, se balançant distraitement de droite à gauche sur sa chaise. Cela suffisait à me faire sourire tout le long du chemin jusqu'à ce que je n'entre chez moi. Me ce soir ce n'était pas le cas. Je me demandai si elle était au café…J'avais envie d'y passer, mais je ne voulais pas faire attendre Leigh plus que de raison.
Depuis mon retour dans cette ville en fin Juin, je ne m'étais jamais vraiment senti à mon aise. Tout avait tant changé ! Je reconnaissais certains commerçants qui avaient parfois mal vieillit, ainsi que leurs enfants qui étaient désormais de mon âge. Mais nous étions redevenus des étrangers pour les uns et les autres, et mon seul véritable lien vers une vie social était ce modiste, Leigh, un homme de deux ans mon cadet, mais qui dégageait une sagesse déconcertante que je n'avais nullement. Et une incroyable sympathie !
Sans non plus acheter des centaines de magazines de mode ou d'accessoires, j'aimais les beaux habits et je choisissais minutieusement les boutiques où je comptais faire des achats aussi fréquemment que possible. Sa boutique n'existait pas du temps où j'allais au collège et lycée ici, mais je n'eus de cesse d'en entendre parler. Curieux, je me décidai un soir à m'y rendre et je fus agréablement conquis pas ses créations et autres collections qu'il semblait ramener de loin, de ce qu'il m'eut dit.
De visite en visite, et à force d'échanger allègrement avec lui, nous finîmes par échanger nos numéros et prendre un café pendant notre temps libre. Une sympathie mutuelle naquît très rapidement.
Il était vingt heures trente quand j'arrivai dans son établissement. Il ne restait que peu de clients et la plupart patientaient en caisse. Je cherchai Leigh du regard mais ce dernier sembla m'avoir vu arriver aux vues des grands signes qu'il me faisait depuis l'entrebâillement d'une porte qui menait à une salle réservée aux personnels. Je l'y rejoignis, sous les regards curieux des clients et employés. Après une poignée de main et une bise il m'incita à venir avec lui dans l'atelier du fond de sa boutique.
-J'ai bien reçu la chemise que tu as commandée, mais j'ai eu beau leur avoir envoyé tes mensurations, rien n'y fait, j'ai l'impression que ça va bailler au niveau des manches ! Comme c'est du surmesure, je préfère te la faire essayer et faire des retouches moi-même.
-Pas de problème, lui souris-je en posant mes affaires dans un coin. Je me mis torse nu, tandis qu'il me demandait comment s'était déroulé ma journée tout en repassant les micro plis dessus ladite chemise. Avoir autant de passion pour un tel art était admirable, doublé à cela sa bienveillance, je ne doutais pas du bonheur de sa compagne. Quoi qu'avec ses voyages, ça ne doit pas être facile non plus…  Me dis-je avant de me recentrer sur sa question.
-On est tous en alerte, profs comme étudiants, les contrôles continues sont en marches, et les partiels de fin d'année approchent. Décembre et Janvier ne vont pas être de tout repos !
-J'ai cru comprendre oui, Rosalya reste tard le nez dans ses bouquins. Elle dort mal, et au lieu de se rendormir, elle profite de ses insomnies pour réviser.
-Elle va se rendre malade, j'ai eu une période comme ça, et le résultat n'était pas très concluent.
Leigh m'aida à enfiler la chemise et commença à examiner les manches.
-Ah, oui…même au deuxième cran ça ne me tient pas les poignets, dis-je en constatant la largeur des manchettes.
-Rah, pas vrai ça, pesta-t-il en pinçant des épingles à des endroits précis sur les manches et épaulettes : Je suis rassuré, ce soir elle m'a promis de lâcher ses fiches et d'aller voir sa meilleure amie à son lieu de travail. Faut qu'elle s'aère l'esprit…
J'allais répliquer lorsque je vis ses mains trembler légèrement, mais suffisamment pour en faire tomber une éguille. Lui d'ordinaire si calme, je le trouvai très anxieux.
-On peut faire ça une autre fois, Leigh. C'est bientôt l'heure de fermer la boutique, tu veux sûrement rentrer chez toi.
-O-oh, non, ne t'en fais pas ce n'est pas…(il désigna la chemise avant de croiser mon regard, soucieux) Je peux te poser une question plutôt indiscrète ?
Pris au dépourvu, je restai un moment silencieux puis, accompagné d'une certaine hésitation je lui accordai sa question. Je voyais bien que ça n'allait pas, et même si cela ne faisait que quelques mois qu'on se côtoyait, j'appréciai beaucoup mon cadet.
-T'as déjà eu des enfants ?
Autant je ne trouvais pas la question si indiscrète que cela, mais il était clair pour moi que je ne m'y étais pas du tout attendu. Reprenant contenance, je rétorquai enfin :
-Non, pour tout te dire je suis célibataire.
-Ah…
Ma réponse n'eut pas le don de le détendre. Je passai outre mes doutes et demandai finalement :
-Pourquoi cette question… ? Rosalya et toi avez des projets ? Si c'est le cas, je ne pense pas être le meilleur conseiller, vu ma situation amoureuse du moment !
Je terminai avec une pointe de légèreté et cela eut pour mérite de le faire ricaner. Après nous être adressé un mutuel sourire sincère, il se remit à la tâche en me demandant de ne pas bouger et de garder pour moi ce qu'il s'apprêtait à me dire. Aussitôt, je compris ce qui allait suivre.
-Rosalya est enceinte de trois semaines. Les insomnies qu'elle a en ce moment, le médecin pense que c'est à la fois dû à son début de grossesse mais aussi aux partiels à venir. Elle doit l'annoncer à ses meilleurs amis ce soir, de mon côté, je ne savais pas à qui en parler…j'ai cru que j'allais exploser ! (Il se râcla la gorge) J'espère juste, ne pas t'avoir mis dans l'embarras.
-Bien sûr que non, Leigh. Je vais sortir une phrase un peu clichée, mais c'est la vie. Certes, elle est parfois pleine de rebondissement !
-Haha, crois-moi, des rebondissements dans ma vie j'en ai connu et mon petit frère aussi. Je sentis son rire jaune à travers ses paroles.
-Lysandre, c'est ça ?
Il opina du chef.
-Je n'sais pas comment je vais lui annoncer ça. Je ne sais même pas comment il va prendre le fait d'être oncle …
Je l'incitai à se stopper dans les retouches de ma chemise et l'obligeai à me regarder.
-Déjà, comment toi tu prends la nouvelle ? le questionnai-je, d'une voix qui se voulait rassurante.
-Oulà ! fit-il en haussant les sourcils : Je suis…(il pouffa, le regard perdu dans le vague) confus, perdu…mais en même temps tellement heureux. Je veux dire… Rosalya c'est toute ma vie, notre relation n'a pas été toute rose au début, pour la simple et bonne raison que je suis quand même plus âgé qu'elle ! Mais c'est une femme tellement forte, et déterminée dans tout ce qu'elle entreprend, si courageuse face à ce que la vie lui réserve ! Et savoir que c'est cette même femme, Rosalya, qui va porter en elle pendant neuf mois une partie de mon être j-j'suis…
Il s'interrompit lorsque sa voix se mit à trembler d'émotions. Les manches chargées de pinces et d'éguilles m'empêchaient d'étreindre mon ami aux bords des larmes. Puis zut ! Je m'extirpai tant bien que mal du vêtement épineux et passa un bras autour des épaules de Leigh en les frictionnant vigoureusement.
-T'as intérêt à préparer une collection enfant avant l'été prochain ! plaisantai-je. Je parvins à le faire rire sincèrement. Je sentais ses muscles se détendre d'un coup, j'étais certain qu'il venait de se soulager d'un poids. Même si cela ne semblait pas une mauvaise nouvelle à ses yeux, garder tout ça pour lui semblait être trop imposant. Cela me toucha d'avoir été son confident. D'autant plus que ce n'était pas une légère révélation. Cela va être un grand changement dans sa vie.
-Je vous souhaite du bonheur à tous les trois, déclarai-je avec enthousiasme et franchise.
-Merci de tout cœur, Rayan.
Finalement, nous passâmes un peu plus de temps que prévu ensemble et quittâmes sa boutique tous les deux, ses employés déjà rentrés.
-Bon, les clés sont là, les lumières sont éteintes, la caisse vide, la réserve et le bureau fermés, les stores baissés, l'alarme mise. On peut y aller ! J'ai reçu un message de Rosalya, elle va rentrer tard, j'aimerai t'inviter à boire un verre, tu as encore un peu de temps ?
Je me voyais mal refuser son offre après ce que nous venions de partager, et je n'en avais pas vraiment l'envie. Nous trouvâmes un bar de nuit, et terminâmes notre soirée autour d'un cocktail. Cela faisait un moment que je n'avais pas quitter le nez de mon travail, c'était agréable, notamment de passer ce moment avec une personne comme Leigh.
Néanmoins, je ne fus pas mécontent de retrouver mon lit. Je pris soin de ranger ma nouvelle chemise avant de me déshabiller et me lover sous mes couettes. J'ignorai si les confidences de Leigh avaient un lien avec ça, mais je rêvais de faire un cours à trois-cents bébés assis sur des chaises hautes en plein amphi. A mon réveil, il ne me fallut pas moins d'une seconde pour aller me faire couler un café avant de prendre une douche revigorante.
-Trois-cents bébés…c'est fini les verres avec Leigh après le boulot !
Après avoir petit déjeuné, je terminai de me préparer et rassembler mes cours. Deux heures avec elle… Je me trouvai ridicule, je n'avais pas encore posé mes yeux sur Tallulah qu'elle accaparait déjà mes pensées. J'espérai la savoir enthousiaste vis-à-vis du sujet d'étude que j'avais concocté. Du moins, je passais vite par la déception et l'inquiétude. J'étais arrivé plutôt avance, certains étudiants étaient déjà là, mais pas celle avec qui je m'impatientai à débattre en cours.
Son amie Chani semblait également nerveuse, elle se tournait sur sa chaise en regardant les portes du fond. Mais Tallulah ne se montra toujours pas. Quand l'heure de démarrer mon cours arriva, je réclamai le silence général et obtins l'attention de tout le monde. Enfin, de toutes celles et tous ceux qui étaient présents. Tout en demandant si tout le monde avait bien pu récupérer les parties du cours annulé, je resongeai à la discussion qu'eurent mes collègues la veille au sujet des retardataires. Je préfèrerai qu'elle soit en retard qu'absente. J'ignorai si le destin en avait décidé ainsi, mais mon vœu fut exaucé. Clairement, je n'entendis absolument rien. Debout face au tableau j'écrivais quelques notes en lien avec mon cours et de la problématique du jour.
Quand je refis face à mon auditoire, je la vis. J'eus tellement envie de rire, la voir si essoufflée et embarrassée, j'en déduis qu'elle avait dû courir pour arriver le plus vite possible ici. Mon cœur s'emballait de joie, et je me sentis plus en forme que jamais pour tenir mon cours. Bien vite, les étudiants se mirent à réfléchir de leur côté. Bien que j'eusse préféré qu'ils me partagent leur idée à haute voix, ils s'entêtaient à les rédiger sur les blocs notes et autres post-it que je leur avais autorisés à prendre avec eux.
Le visage encore rougi par sa course, et ses cheveux chocolat négligemment attachés qui retombaient sur sa nuque parsemée de sombres tâches de rousseurs, Tallulah semblait absorbée dans ce qu'elle écrivait. Aujourd'hui, je veux vous entendre débattre. Sautant de mon perchoir, je déambulais dans les rangés en prenant au hasard le carnet de mes élèves. Quoique le sien, je devais bien avouer que ce fut plus volontaire qu'autre chose…
Je les feuilletai tous en silence, sous les yeux ahuris de mes victimes. Du coin de l'œil, je pus voir Tallulah qui me reluquai d'un air tétanisé. Ça va bien se passer, prenez confiance en vous bon sang ! Voulus-je lui dire, mais je me contentai de noter les idées les plus pertinentes et qui pouvaient avoir un lien avec la problématique. Bien développé, ils peuvent comprendre.
Maintenant je leur demandai en quoi toutes ces idées pouvaient nous être utile. Les étudiants chuchotèrent entre eux, puis, deux élèves commencèrent à débattre à haute voix, l'un ne comprenant pas la présence des nouvelles technologies et l'autre expliquant que ce n'était qu'un lien indirect pour relier le tout à notre problématique.
Puis, la main de celle dont j'attendais le plus la participation, réclama la parole. Si ce fut une intervention timide au premier abord, le fait que le jeune homme insiste sur « l'inutilité » de l'idée sembla avoir échauffer son esprit. Sans que je puisse en placer une, Talullah démontra qu'à travers cette idée on pouvait en ressortir le fait qu'un artiste qui se retrouve face à des contraintes, doit se creuser d'avantage les méninges pour alimenter son imagination, que seule l'inspiration venue du saint esprit et les muses n'étaient pas suffisantes.
Lorsque je la sentis s'enflammer sur un autre sujet, je décidais d'intervenir pour passer au débrief. Après quoi, les élèves furent bien plus disposés à débattre tous ensemble en reliant chacune des idées inscrites au tableau avec les démarches de l'auteur de Game of Thrones dans la réalisation de son œuvre. Les deux heures passèrent à une vitesse folle, et je fus plutôt fier de voir les trois quarts des élèves déçus de ne pas pouvoir poursuivre le cours. J'étais vraiment satisfait de leur performance ce matin-là !
Seuls les étudiants à qui j'eus pris les carnets de notes vinrent à mon bureau les récupérer. Ce fut plus fort que moi, mais je vins glisser quelques mots au creux de son oreille. Je fis une plaisanterie au sujet de son retard, mais elle ne s'en amusa que peu et s'affola. Je la rassurai d'une part elle n'avait pas eu beaucoup de retard, et d'autre part, elle n'avait dérangé personne. Je repensai une nouvelle fois à ce que disait Monsieur Lebarde au sujet de ne plus l'accepter en cours au prochain retard. Tout comme lui, je m'occupai de beaucoup de classe, et il fallait tout de même faire preuve d'objectivité : il y avait des élèves pires que Tallulah. J'ignore si je suis réellement objectif, mais je ne soutiens pas sa véhémence.
-Votre amie semblait désespérée de ne pas vous voir arriver. Elle se retournait sans cesse jusqu'à ce que je n'écrive la problématique au tableau, l'informai-je tandis que nous nous éloignâmes de la file.
-C'est un amour, déclara-t-elle sans demi-mesure, un sourire éblouissant aux lèvres. Mon cœur bondit à nouveau. Le timbre si chaleureux de sa voix me charmait. Attendri et conquis, je ne pus retenir mon propre sourire de s'étirer : gentille est passionnée, c'est une jeune femme vraiment adorable, termina-t-elle les yeux remplis d'admiration à l'encontre de son amie.
Elancé par mes émois, je m'apprêtai à lâcher le fond de mes pensées qui risquaient de dévoiler certaines choses que les étudiants encore autour de nous ne devaient en aucun cas savoir. « Vous l'êtes tout autant à mes yeux. » Je déglutis difficilement et changeai rapidement le tournant de ma phrase.
-C'est toujours bon d'avoir un soutien en cette période de votre dernière année. Quoi que, comptez-vous viser plus haut ?
J'essayai de garder une voix la plus posée possible.
Ma cadette m'avoua avec une moue soucieuse qu'elle n'avait pas encore de projet. Au fond de moi, je sentis que mon rôle de professeur était de la rassurer sur ce point. Elle devait loin d'être la seule dans ce cas.
-Concentrez-vous sur le présent, votre mémoire doit déjà bien accaparer votre esprit, laissez le temps au temps. Ne voulant pas paraître trop intrusif, j'ajoutai, non sans rougir un tantinet embarrassé : Enfin, ce n'est qu'un conseil, v-vous faites ce que vous voulez.
Elle eut un petit rire mais m'adressa un regard, vraisemblablement touchée par mes mots.
-Merci, vos conseils sont comme un soutien à mes yeux.
Sa voix chaude et grave sembla me couvrir avec sensualité. Je retins mon souffle alors que nos yeux se croisaient. Ce regard atypique… la couleur brune dominait mais deux tâches nuançaient son iris gauche. Une tâche grise et l'autre bleue qui se trouvaient juste sous la pupille et le reste était marron, comme l'entièreté de l'autre iris. Les teintes restaient sombres, ce qui accentuait la force de son regard qui me captivait.
Tallulah fut celle qui interrompit cet échange aussi intense que silencieux. Je crus voir une ombre voiler son regard et j'eus l'impression de la sentir désenchantée, pourtant elle me sourit et me souhaita une bonne journée.
Dans un souffle, je l'appelai d'une voix aussi sourde que fébrile. Mais la foule fit disparaître sa silhouette, et je décidai d'en faire autant. Une fois seul, perdu dans la cour, je sortis mon portable et me mis à fixer mon fond d'écran dont la vue ne put que faire se serrer mon cœur… On le sait, nous deux, que ce n'est pas une bonne idée d'essayer d'aller plus loin.
Il fallait à tout prix que j'étouffe l'intérêt que je portais à ma cadette avant que je ne me remette à jouer à un jeu dangereux pour elle. Voilà ce que je me répétai avec fermeté toute la journée, ce qui m'étais facile à faire tant que je ne la croisai pas. Et justement… Un soir de plus, nous tombâmes de nouveau sur l'un l'autre. Presque littéralement d'ailleurs, pressé de rentrer chez moi après cette journée éreintante, nous nous fonçâmes dessus, tandis que je sortais de la cour et qu'elle y entrait.
Tallulah parut aussi surprise que moi, mais m'adressa un sourire rayonnant quoi qu'un peu gêné. Celui-ci suffit à me désarmer et je lâchai un ricanement.
-Décidemment ! fis-je, en me mettant sur le côté. Pour une étudiante vivant dans le dortoir vous êtes souvent dehors.
J'eus préféré voiler mes profondes inquiétudes à la savoir de nouveau dans les rues en pleine nuit et surtout seule, par une touche de sarcasme. Les fois précédentes, elle m'eut clairement fait comprendre qu'elle était à même de gérer cela. Pas que je doutais d'elle, mais ce fut surtout en ce qui pouvait lui arriver, dont je me méfiai…
De fil en éguille nous vînmes à discuter avec légèreté, peut-être trop, au point que je gouttai à nouveau à sa spontanéité déconcertante. Tallulah venait clairement de m'inviter à prendre un verre avec elle, et je ne sus quoi répondre si ce n'était que ce n'était pas convenable. J'essaie juste de faire bonne figure face à mes résolutions… Mais à chaque fois qu'elle se trouvait en face de moi, mes barrières tombaient et il m'était bien difficile de réfréner mes envies de passer plus de temps avec elle. C'est moi-même qui voulait discuter plus amplement avec elle sans interruption l'autre fois dans l'amphi… Il semblait que mes mots n'étaient pas tomber dans l'oreille d'une sourde ! Je souris, non sans me mordre les lèvres, aimant à croire qu'elle désirait également passer plus de temps en tête à tête avec moi.
Finalement, ce fut plus fort que moi mais je cédais autant à son invitation qu'à mes envies. Je lui promis d'aller la voir à son travail pour me faire offrir ce verre et discuter avec elle. On s'était mis d'accord pour attendre encore un peu, avant de se voir dans un autre contexte.
Soudain, un de ses amis nous interrompit. Tallulah se raidit autant que moi, mais à l'inverse de ce qu'il s'était passé la première fois que nous fûmes surpris ensemble, elle ne laissa pas le temps au nouveau venu de poser une quelconque question. Je sentis bien qu'elle jouait la comédie, mais cela sembla tout de même fonctionner et son ami s'excusa platement pour son retard. Il était temps pour moi de prendre la poudre d'escampette ! Je voulus les saluer, lorsqu'une remarque faite par le jeune homme m'interpella et me coupa net dans mon action.
-Bah voyons, si je connaissais l'adresse de Rosa, je serais partie mon vieux !
-Et te laisser féliciter le futur papa Leigh toute seule ? Rêve ma fille ! Allez, on est parti !
Le futur papa Leigh ? Est-ce que ça ne serait pas…
Je restai quelques secondes à les observer se chamailler, jusqu'à ce que Tallulah ne lance un regard plein de reproches à son ami qui venait visiblement de gaffer. Sentant clairement que j'étais de trop, je préférai partir pour de bon. Je les saluai et pris le chemin du retour. Néanmoins, je ne pus que très difficilement mettre de côté mon hypothèse que Tallulah et Leigh se connaissaient.
Si c'était le cas, alors je sentais qu'il allait être difficile pour moi de respecter les résolutions que je peinais déjà à honorer.
A suivre…
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Rose-Anna
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Ce texte date d’il y a quatre semaines, je n’ai pas pu le publier plus tôt!
Trois semaines.
Ça fait trois semaines que notre inespérée petite pinotte nous a surpris en naissant à terme, mais trois semaines plus tôt que prévu.
C'est comme si elle avait voulu s'excuser de n'être pas arrivée avant, de nous avoir fait attendre. «Scusez, scusez! Voilà! Me voilà! J'ai fait mon temps et, sans plus tarder, me voilà!»
Rose-Anna, notre toute belle.
Appelez ça le destin, le stress ou ce que vous voudrez, mais elle est née pile au moment où j'avais mis tous mes papiers en ordre à l'école. Je savais que je ne revenais pas après la relâche (qui commence en ce moment), alors j'avais pris le maximum d'avance dans mes premières évaluations de session. Je m'étais donné le temps de corriger et de comptabiliser un premier texte de mes élèves.
J'aurai juste pas eu le temps de le leur remettre!
Alors, ce soir-là, j'ai quitté le collège en lançant à la blague à mes collègues que je pouvais accoucher le lendemain, tout était en ordre, ne me restait que des semaines de retours d'évaluations et d'exercices préparatoires pour la suite du cursus.
Ben, ma fille m'a entendue et a crevé ses eaux après que son père et moi n'ayons eu que trois heures de sommeil dans le corps!
Ça, ça voulait dire que peu importe le déroulement des prochaines heures, on aurait notre fille dans les bras au plus tard dans 24 heures. Les risques d'infection utérines, et donc du foetus, sont plus élevés quand les eaux sont rompues, alors les équipes médicales procèdent à des césariennes si on fait mine de ne pas accoucher naturellement dans les 24 heures.
Louif a été un super partenaire. Sans ses mains fortes sur mes points de pression, je n'y serais pas arrivée. J'avais peur qu'il ait mal aux mains ou aux bras tellement il a forcé sur mon cas! Y'a des moments où il s'est senti seul (et peu utile: ajout de Louif!), car la fatigue et la douleur me confinaient dans une bulle étrange, mais j'ai pu lui confirmer que je pensais à lui tout ce tempslà, que juste sa présence me faisait du bien.
Bref, on a travaillé pour que les contractions évoluent et ça a fini par payer! Avec seulement trois heures de sommeil dans le corps, j'ai marché, sautillé, fait des fentes, et piétiné pendant douze heures avant de pousser notre petit trésor dans la vie.
Je m'étais dit, en sportive que je suis, que ce serait le match de ma vie. Je ne m'étais pas trompée. Nos corps sont forts, mesdames, la vie est forte.
Mais sérieux, prenez la péridurale! C'est tellement pas grave!
À cause d'un concours de circonstances, je ne l'ai pas prise. Le bain a eu raison de mes derniers centimètres. Juste avant le bain, j'avais signé les papiers de péridurale, mais ça a été trop vite par la suite.
Ça se fait, OK, je ne vous dirai pas le contraire puisque j'ai accouché sans aucune médication. Pas même de synthroid pour la glande thyroïde! Oublié à la maison! 
La mode est à l'accouchement naturel, comme si la médication était le Mal absolu. Ça n'a pas rapport, OK? Si t'as trop mal, prends la péridurale, point final. (Haha, ça rime en plus!)
Bref, j'vous épargne les détails, mais ça a bien été. Et je n'ai pas pleuré.
Je venais de passer plusieurs heures perdue dans ma tête, ne me demandez pas qu'est-ce qui s'est passé à quelle heure, je n'en ai aucune idée! Faut demander à Louif, c'était lui, le maitre du temps! Quand la petite est née, j'ai récupéré le contrôle de mon corps, j'avais enfin l'occasion de respirer, de relaxer... avec cette petite chose gris-mauve, gluante et crayeuse sur ma poitrine.
On a aussi pu sortir moins de 36 heures après la naissance. Tout allait bien, alors on a eu notre congé.
Ensuite, ça a été la danse des visites. En deux semaines, on avait vu - et parfois revu - tout notre monde pour lui présenter notre belle Rose-Anna.
Au travers de tout ça, on apprenait à vivre en mode lendemain de veille en permanence! En même temps, on ne peut pas vraiment se plaindre, Rosie nous fait de belles nuits aux trois heures depuis le début, ce n'est pas trop mal. Toutefois, du sommeil par intermittence, même par grosses siestes, ce n'est jamais comme une nuit continue.
T'sais, le jeudi, c'est commun de sortir et de se coucher tard, parce qu'on se dit: «Bah, c'est un soir de semaine, mais au pire, c'est vendredi demain, puis j'ai la fin de semaine pour me refaire!» Souvent, on a alors le vendredi un peu poqué.
Bon ben, c'est tous les jours ce genre de vendredi pour nous! On est fonctionnels, mais la sieste est toujours possible et tentante.
Ce qui nous a stressé durant les premiers jours, c'est que, comme Rosie nous a surpris, eh bien notre paperasse n'était pas prête du tout!
Quand nous n'avions pas de visite, on se ruait sur nos ordis et tablettes pour déclarer la naissance de la petite, patenter notre RQAP, courir après tel ou tel formulaire auprès de l'employeur, et ce, durant les heures d'ouverture de préférence. Avec une choupette qui demande à manger, une maison à nettoyer (pas eu le temps avant) et, accessoirement, nos propres corps à nourrir et à laver, ben c'était un beau défi de se mettre à jour dans toute cette bureaucratie!
En plus, n'oublions pas que, moi, j'étais, et suis toujours, en convalescence! La rétrogestation, c'est du sérieux! C'est vraiment pas le temps de jouer la superwoman, surtout si je souhaite recommencer le sport et ne pas me ramasser avec l'estomac dans les talons, littéralement!
J'exagère, mais plein de choses doivent reprendre leur place après l'évacuation de bébé hors de la bédaine, plein de choses qui peuvent se placer n'importe comment si on s'excite trop vite.
Ça fait près de quatre semaines que je ne fais rien du tout! J'en faisais plus enceinte, c'est tout dire! Mais bon, faut c'qu'i'faut!
Bref, tout va bien. Je n'irai pas dire que c'est le nirvana, que la maternité a transcendé ma vie, que j'ai enfin accompli mon rêve et que je suis maintenant une vraie femme et blablabla, vous me connaissez mieux que ça.
C'est génial, être parent, c'est vrai. On a cette petite bête entre les mains et, pour ma part, tout un univers de patience devant l'expression de ses besoins. Y'a pas un pleur qui m'exaspère. On est en amour avec notre fille, surtout qu'on n'y croyait plus, quelque quarante semaines plus tôt, de la rencontrer un jour.
Néanmoins, on est terre-à-terre. Tout n'est pas rose, parlez-en à mes seins... l'allaitement, c'est naturel, pratique et économique, mais c'est pas facile pour autant. Rosie grossit, mes balles aussi, mais Louif ne peut pas s'en (ré)jouir, parce qu'il n'a même pas le droit de songer à y toucher! Y'a bobo!
Des boire aux heures, lors desquelles je me suis sentie prisonnière de ma chaise berçante, il y en a eu aussi. Ma première soirée seule avec Rosie m'a foutu la chienne et m'a aussi fait apprécier la présence d'un homme à mes côtés. Je plains les parents monoparentaux, sérieux. Je serais déshydratée, sale et mal nourrie si ce n'était de la présence de Louif.
Sans parler de la petite, dont il change presque toutes les couches! Ça chlinguerait chez elle aussi!
On a beaucoup à gérer et, honnêtement, on l'a quand même facile. Rosie est tranquille, boit bien, dort dans le bruit et se laisse prendre par n'importe qui sans chigner ni rechigner. Bien sûr, c'est le plus beau bébé du monde, c'est le nôtre!
Et je vais prendre le temps comme il faut de la connaître. Je n'ai pas beaucoup écrit dernièrement et c'est vraiment faute de temps. Je vais tout simplement arrêter.
Voilà, c'est dit. D'ici à ce qu'on pense à bébé 2, je ne compte pas réécrire, pas de façon régulière en tout cas. J'aurai peut-être un petit coucou à vous faire ici et là, mais sans plus. Le besoin d'écrire est devenu un devoir et l'envie manque un peu à présent. C'est sûr qu'on pense déjà à ce possible retour en clinique externe de fertilité au CHUL qui nous pend au nez. On se croise les doigts pour que cette grossesse ait «ouvert le chemin» pour les prochaines. Ben oui, LES prochaines...!
Je prends congé, un congé de maternité, ou parental, whatever!
Entretemps, je vous souhaite tellement que vos histoires se terminent bien comme la nôtre. Les seules larmes, ou presque, versées à l'hôpital l'ont été à notre sortie, quand nous sommes passés près d'un corridor emprunté mille fois pour nous rendre en fertilité.
Cette fois, nous ne l'avons pas parcouru. On l'a frôlé, on lui a dit au revoir, merci et «Va chez le diable!» au passage.
Je vous souhaite un nouveau corridor.
À la revoyure! Et merci pour tout, votre support a fait une grosse différence dans tout ça.
Odile, Louif et Rose-Anna
Mise à jour: je publie ceci alors que Rosie a sept semaines. L'allaitement pourrait constituer un nouveau blogue à lui tout seul. C'est presque un processus aussi intense que l'accouchement! Sérieux, on ne dit pas tout quand on en fait la promotion...
Pitoune grossit bien, elle a de belles joues rondes, nous voit, nous reconnait et nous jase de plus en plus! C'est génial de ne plus avoir l'impression de se parler à soi-même quand on s'adresse à elle!
J'ai recommencé à «courir» depuis une semaine, ça va vraiment bien! Je m'écoute, car j'ai maintenant conscience de nouvelles parties de mon corps!
Rosie aussi... on se débat avec des coliques presque chaque soir depuis quelques temps... c'est vraiment désarmant de la voir souffrir à ce point sans pouvoir y remédier. On espère que ça se règlera avec ses trois mois.
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