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jpbjazz · 2 months
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LÉGENDES DU JAZZ
MICHEL PETRUCCIANI, UN PIANISTE PAS ORDINAIRE
“Sometimes I think someone upstairs saved me from being ordinary.” - Michel Petrucciani
Né le 28 décembre 1962 à Orange, près de Montpellier, en France, Michel Petrucciani était d’origine italienne (son grand-père était originaire de Naples). Né dans une famille de musiciens (son père Tony jouait de la guitare, son frère Louis de la basse, et un autre de ses frères, Philippe, jouait de la guitare), Petrucciani était atteint depuis la naissance d’une maladie génétique appelée l'ostéogénèse imparfaite (aussi connue sous le nom de maladie des os de verre) qui l’empêchait de marcher et engendrait des fractures constantes à son ossature (à l’adolescence, Petrucciani avait déjà subi plus de cent fractures). En raison de cette maladie qui avait limité sa croissance, Petrucciani mesurait seulement 99cm et pesait à peine 50 livres. Ne pouvant se déplacer lui-même, Petrucciani devait être hissé sur scène artificiellement et devait porter un équipement spécial afin de pouvoir atteindre les pédales de son piano.
Même si Petrucciani avait passé toute sa vie dans la souffrance (il avait déclaré: "I have pain all the time. I'm used to having hurt arms’’), il avait pris la chose avec philosophie, car, avait-il commenté avec humour, cela lui avait permis de demeurer à l’écart de ‘’distractions’’ comme les sports qui passionnaient les jeunes de son âge.
Petrucciani avait commencé à s’intéresser au piano après avoir vu jouer Duke Ellington à la télévision. Le père de Petrucciani, un guitariste de jazz d’origine sicilienne qui travaillait sur une base militaire, avait encouragé la vocation de son fils en lui offrant d’abord un piano-jouet, puis en apportant à la maison un piano qui avait été abandonné par des soldats britanniques. Petrucciani expliquait: “When I was young, I thought the keyboard looked like teeth. It was as though it was laughing at me. You have to be strong enough to make the piano feel little. That took a lot of work. The piano was strictly for classical studies – no jazz – for eight years. Studying orthodox piano teaches discipline and develops technique. You learn to take your instrument seriously.”
Après avoir commencé à étudier le piano classique à l’âge de quatre ans, Petrucciani s’était joint au groupe familial - avec son père Tony à la guitare et son frère Louis à la contrebasse - cinq ans plus tard. Doté d’une excellente oreille, Petrucciani avait commencé à jouer les solos de Wes Montgomery à la même époque où il avait appris à parler. Très influencé par Bill Evans et Chick Corea ainsi que par la musique classique européenne, Petrucciani avait reconnu plus tard qu’il avait développé son sens de l’harmonie, du lyrisme et de la mélodie après avoir été mis en contact avec Evans.
DÉBUTS DE CARRIÈRE
Après avoir décidé d’abandonner la musique classique, Petrucciani avait fait une première apparition à l’âge de treize ans au Festival de jazz de Cliousclat. Le pianiste du groupe ne s’étant pas présenté, Petrucciani avait été invité à prendre la relève. Au début, Petrucciani avait cru qu’il s’agissait d’une plaisanterie. Revenant sur cet événement qui avait lancé sa carrière, Petrucciani avait précisé: “That year’s guest, trumpeter Clark Terry, needed a pianist for his set. Someone sent for me, and Clark thought that I was just a kid and that someone must be playing a joke on him. So, kidding around, he picked up his horn and played mock bullfight music. I said, ‘Let’s play the blues.’ After I’d played for a minute, he said, ‘Give me five!’ and gave me a hug, and that was it.”
Même s’il mesurait à peine plus de trois pieds, Petrucciani avait ébloui tout le monde avec son talent et sa virtuosité. Clark Terry, qui avait découvert Petrucciani alors qu’il se produisait avec l’orchestre d’Alain Brunet, avait commenté: "When I heard him play – oh, man! He was a dwarf, but he played like a giant. I said, 'listen, little guy – don't run away. I'll be back for you.'"
Même s’il était conscient qu’il devrait bientôt s’installer à Paris pour amorcer sa carrière musicale, Petrucciani avait trouvé difficile de quitter la maison. Son père, qui avait toujours été un peu sur-protecteur en raison de la santé précaire de son fils, se préoccupait constamment de son bien-être et désirait le tenir à l’écart de tout danger. Loin d’être tendre envers le père de Petrucciani, le batteur Aldo Romano avait décrit son tempérament de la façon suivante: "[He] was an idiot. He didn't trust anybody. He wanted to keep Petrucciani as a partner, to play music with. He was very jealous. So I had to fight to take him to Paris, because his father didn't want me to, because he wanted to keep him, like you would cage a monster."
Racontant sa première rencontre avec le pianiste, Romano avait expliqué:
‘’J'ai rencontré Michel Petrucciani par hasard, du côté de Toulon. On m'a dit que c'était un grand pianiste. Il avait un tel aspect physique que je me suis dit que c'était impossible {...}. Il m'a invité à faire un disque et quand je l'ai entendu en studio, je me suis dit immédiatement que ce gars-là allait faire le tour du monde. Il y avait une telle expressivité, une telle originalité, une telle force de la part d'un être comme ça, diminué physiquement, c'était très étonnant.’’
Romano poursuivait:
‘’Il y avait chez lui une sorte d'optimisme qui lui permettait de compenser ses lacunes physiques. C'était un grand musicien qui avait compris profondément ce qu'était la façon de faire de la musique avec le jazz. C'était un grand musicien, mais surtout sur scène. Il donnait énormément, c'était très émouvant de le voir.’’
Petrucciani avait fait son premier voyage à Paris à l’âge de quinze ans. À Paris, Petrucciani s’était rapidement produit avec de grands noms du jazz comme Kenny Clarke en 1977 et Clark Terry en 1978.
Petrucciani était sorti transformé de son premier séjour à Paris. Il avait expliqué avec humour: "It was mostly to do with drugs and weird women, but I was lucky and got out safe." En 1980, Petrucciani a enregistré un premier album intitulé ‘’Flash’’ avec Aldo Romano, Mike Zwerin, André Jaume, Bernard Lubat et son frère Louis Petrucciani. L’année suivante, Petrucciani avait récidivé avec un album intitulé Michel Petrucciani Trio, et enregistré avec Romano à la batterie et Jean-François Jenny-Clark à la contrebasse.
Après son séjour à Paris, Petrucciani était brièvement retourné chez lui où il s’était loué un appartement avec le batteur Aldo Romano, ce qui lui avait permis de se libérer de l’emprise de son père et de commencer à vivre une existence vraiment indépendante. Au cours de cette période, Petrucciani avait également commencé à enregistrer avec les disques Owl. C’est dans le cadre de cette collaboration que Petrucciani s’était lié d’amitié avec le propriétaire de la compagnie Jean-Jacques Pussiau. Ce dernier se rappelle que Petrucciani était toujours pressé d’enregistrer, comme s’il savait qu’il vivait sur du temps emprunté. "I don't want to lose time", avait l’habitude de dire Petrucciani. Éventuellement, comme il l’avait fait avec son père, Petrucciani avait également désiré s’affranchir de la tutelle de Romano, qui avait déclaré: "He didn't feel free with me. So he had to kill his second father somehow to move on. He needed to escape. He needed to go very far, as far as he could go, and that was California."
À l’âge de dix-huit ans, Petrucciani s’était donc installé aux États-Unis pour jouer avec le quartet de Charles Lloyd. On ignore si en débarquant aux États-Unis, Petrucciani avait d’abord fait un arrêt à New York. À New York, Petrucciani avait habité avec le batteur Barry Altschul et son épouse française, qui était également la marraine du pianiste. Après avoir remarqué que le jeu de Petrucciani était très influencé par celui de Bill Evans, Altschul lui avait conseillé de développer son propre style. Altschul poursuivait: "The advice I gave him was that every time he heard himself play a Bill Evans lick or phrase, to change it. And within a period of time, he certainly became 'Michel.'"
Comme l’avait fait remarquer le journaliste français Thierry Peremarti, Petrucciani avait le don de brouiller les pistes: "Michel was really into bullshitting...he would lie to your face". Faisant référence à son éventuel séjour à New York, Petrucciani avait notamment déclaré s’être caché à Brooklyn avec l’aide de sa famille sicilienne, et avoir joué du piano dans une maison close du centre-ville. Tout ce qu’on sait avec certitude, c’est que Petrucciani est arrivé en Californie en 1982, où il avait rendu visite au saxophoniste Charles Lloyd. À l’époque, Lloyd avait pris sa retraite, car sa musique était devenue beaucoup moins populaire. Lloyd avait même complètement abandonné le jazz pour t aller travailler avec les Beach Boys. Découragé par l’attitude des compagnies de disques, Lloyd avait été tellement impressionné par le jeu de Petrucciani qu’il avait accepté de partir en tournée avec lui. Lloyd avait déclaré à Petrucciani: "I was here planning to not play again. You triggered me. I heard this beauty in you and I said, 'well I have to take you 'round the world cause there's something so beautiful, it was like providence calling."
La tournée de Petrucciani et de Lloyd sur la Côte ouest avait remporté un grand succès. Le 22 février 1985, dans une scène particulièrement émouvante, Lloyd avait pris Petrucciani dans ses bras à la salle Town Hall de New York et l’avait déposé sur son tabouret de piano. La scène avait été immortalisée plus tard dans le documentaire ‘’One Night with Blue Note’’ du réalisateur John Charles Jopson, qui mettait aussi en vedette le contrebassiste Cecil McBee et le batteur Jack DeJohnette. Dans le film, le quartet avait interprété cinq compositions de Lloyd: “The Blessing”, “Tone Poem”, “Lady Day”, “El Encanto” et “How Long.”
Avec le groupe de Lloyd, Petrucciani avait fait une tournée en Europe et avait enregistré un album live intitulé ‘’Montreux 82.’’ En 1984, Petrucciani avait participé au Festival de jazz de Newport aux côtés de Ray Charles, Dizzy Gillespie, Miles Davis, Dave Brubeck et Stan Getz.
De 1985 à 1994, Petrucciani avait enregistré sept albums pour Blue Note, dont un disque de compositions originales intitulé ‘’Michel Plays Petrucciani’’, qui avait été particulièrement acclamé par la critique. Petrucciani était d’ailleurs devenu le premier musicien français à signer un contrat avec Blue Note. Parmi les autres albums enregistrés par Petrucciani pour Blue Note, on remarquait ‘’Pianism’’, ’’Music’’ et ‘’Playground.’’ Bruce Lundvall, qui dirigeait Blue Note à l’époque, avait décrit ainsi sa collaboration avec Petrucciani: "He has the greatest right hand I have ever heard in the business."
Les deux premiers albums de Petrucciani comme leader ont été produits par Gabreal Franklin pour les disques Concord. Le premier, intitulé ‘’100 Hearts’’, un disque en solo, a été enregistré au célèbre Studio A de RCA. Le second album a été enregistré en trio au légendaire club de Max Gordon au Village Vanguard de New York. Ces deux albums avaient fait partie des premiers disques à utiliser la technologie digitale. Les enregistrements étaient si en avant de leur temps que les manuels d’instruction étaient uniquement disponibles en japonais ! Finalement, Franklin et Tom Arrison étaient parvenus à maîtriser la nouvelle technologie en utilisant une méthode d’essais et erreurs.
En 1984, Petrucciani s’est installé à New York. C’est là qu’il avait passé le reste de son existence. C’est à New York que Petrucciani avait entrepris la période la plus productive de sa carrière, se produisant notamment avec des sommités du jazz comme Dizzy Gillespie. En 1985, un concert de Petrucciani au Village Vanguard avait été enregistré sur vidéo.
DERNIÈRES ANNÉES
Très influencé par Duke Ellington, Petrucciani avait déclaré au sujet du compositeur: “My biggest inspiration is Duke Ellington, because in my very early age, he gave me the inspiration to play the piano.” Petrucciani était d’ailleurs particulièrement fier de son album de 1992 ‘’Promenade With Duke’’ dans lequel il avait rendu hommage à la musique d’Ellington. L'album comprenait une version de sept minutes de la pièce ‘’Caravan.’’
Particulièrement fier de sa carrière solo, Petrucciani avait commenté:
"I really believe a pianist is not complete until he's capable of playing by himself. I started doing solo concerts in February 1993, when I asked my agent to cancel my trio dates for a year in order to play nothing but solo recitals… I had a wonderful time playing alone, and discovering the piano and really studying every night. I felt like I was learning so much about the instrument and about communicating directly with an audience. So it was an incredible experience. I really loved doing that, and afterwards getting on stage with a group again and playing with other people was a piece of cake!"
En plus de sa remarquable carrière solo, Petrucciani était un accompagnateur très apprécié. En plus d’avoir été invité à se joindre au groupe tout-étoile du trompettiste Freddie Hubbard, Petrucciani a également travaillé avec le saxophoniste Joe Henderson. Petrucciani a aussi enregistré avec le saxophoniste alto Lee Konitz (sur l’album ‘’Toot Sweet’’) qui comprenait une version de seize minutes du classique ‘’Round Midnight’’ de Thelonious Monk. Il a aussi enregistré avec le violoniste Stéphane Grappelli. Petrucciani s’est également produit au Festival de Jazz de Montreux avec le chanteur rock Van Morrison en 1984. En 1986, toujours dans le cadre du même festival, Petrucciani s’était joint à Wayne Shorter et Jim Hall pour enregistrer l’album live ‘’Power Of Three.’’
L’une des plus célèbres collaborations de Petrucciani était son travail avec le saxophoniste Joe Lovano dans le cadre de l’album ‘’From The Soul’’, qui a été enregistré le 28 décembre 1991 aux studios Skyline de New York. Le contrebassiste Dave Holland participait également à l’album. Commentant l’enregistrement de l’album, Lovano avait précisé: “We met on my first European tour with Paul Motian, in 1981, when Michel was playing with Charles Lloyd. We played together at different times throughout the 80s, which led to this session. Michel Petrucciani was real virtuoso and a total natural.”
Petrucciani avait dit un jour qu’il ne croyait pas au génie, mais seulement au travail acharné. Petrucciani avait toujours des projets plein la tête lorsqu’il avait été conduit au Beth Israel Hospital de Manhattan au début de 1999. C’est là qu’il est mort d’une infection pulmonaire le 6 janvier à une semaine de son 36e anniversaire de naissance. Petrucciani avait l’habitude de plaisanter en disant qu’il ne dépasserait pas l’âge de vingt ans, mais il avait vécu plus longtemps que Charlie Parker, qui était mort à l’âge de trente-quatre ans. La gérante new-yorkaise de Petrucciani, Mary Ann Topper, avait commenté son décès en déclarant: "[He] embodied the entire spirit of jazz ... He understood the classics from Ellington to the bop era."
Petrucciani a été inhumé au cimetière du Père Lachaise, aux côtés de Frédéric Chopin. Saluant le courage de Petrucciani, le président Jacques Chirac avait déclaré: “Michel Petrucciani was an example for everyone.’’ Le 6 janvier 1999, plusieurs musiciens, dont le saxophoniste Joe Lovano, le batteur Aldo Romano, le pianiste Jacky Terrasson et le batteur Lenny White avaient rendu un hommage posthume à Petrucciani dans le cadre d’un concert présenté à la Seine Musicale, aux portes de Paris.
À la fin des années 1990, les nombreuses performances de Petrucciani avaient contribué à rendre sa santé de plus en plus précaire. À l’époque, Petrucciani donnait plus de 100 concerts par année. Au cours de l’année précédent sa mort, il avait présenté 140 spectacles. Devenu trop faible pour se déplacer en béquilles, Petrucciani avait dû avoir recours à une chaise roulante. Le dernier gérant de Petrucciani avait déclaré: "He was working too much – not only recording and doing concerts, but he was always on television, and he was always doing interviews. He got himself overworked, and you could see it. He pushed too much." Au cours des dernières années de sa vie, Petrucciani était également reconnu pour son abondante consommation d’alcool.
Petrucciani a eu cinq relations personnelles significatives au cours de sa vie. Il a d’abord été marié à Erlinda Montano, puis avec la pianiste italienne Gilda Buttà (le mariage avait duré trois mois et s’était terminé sur un divorce). Petrucciani a également eu des liaisons avec Eugenia Morrison, Marie-Laure Roperch et Isabelle Mailé (avec laquelle il partageait le même caveau funéraire). Petrucciani a eu un fils avec Marie-Laure Roperch, Alexandre. Petrucciani a aussi eu un beau-fils de sa liaison avec Marie-Laure, Rachid. Né le 15 mai 1990 aux Lilas, Alexandre, qui avait deux ans au moment de la séparation de ses parents, a hérité de la maladie de son père. Décrivant la personnalité de son père, Alexandre avait commenté:
‘’Mon père était accessible, ouvert, très sociable. Quand les gens venaient le voir, la plupart du temps il parlait, rigolait avec eux, signait des autographes sans problème. Ce qui était plus extraordinaire à mes yeux, c'est ce qu'on faisait. On avait été déjeuner en haut des tours jumelles... On était retourné à New York juste avant le décès de mon père, à Gramercy Park, à côté de l'Empire State Building. Mon père y avait acheté un appartement un an plus tôt. New York était très accessible pour moi en fauteuil roulant. Les trottoirs étaient très plats, larges, sans pavés. Il était prévu que je m'y réinstalle mais ça n'a pas pu se faire du fait du décès de mon père {...}. C'était un homme normal. Il aimait beaucoup faire rire, être avec ses amis. Je pense qu'il avait besoin d'être toujours entouré. Il détestait la solitude.’’
Résumant sa réaction à l’annonce de la mort de son père, Alexandre avait ajouté:
‘’Quand je suis revenu en France {après un séjour à New York}, j'ai appris qu'il était tombé malade mais je ne m'attendais pas du tout à ça. C'est ma mère, en larmes, qui me l'a annoncé. J'étais en train de réviser une dictée pour l'école. Mon père avait été hospitalisé à New York pour une pneumonie, il a fait un arrêt cardiaque dans la nuit. Quand je l'avais vu, il allait bien mais il était essoufflé, fatigué, il avait pris pas mal de poids à l'époque. Mon père, qui était assez hypocondriaque, avait dit à ma mère au téléphone : "J'ai pas mal toussé, je ne me sens pas bien, je pense que je vais mourir." Elle avait essayé de le rassurer : "Mais non, ça va aller, tu vas t'en sortir." Mon père avait parlé à d'autres gens et leur avait dit : "Je vais m'en sortir, je vais mieux."
Ça a été vraiment un choc. À la base, j'ai du mal à réaliser la mort, à réaliser que je ne reverrai jamais quelqu'un. La mort de mon père était dure à ce moment, et ça l'est encore aujourd'hui. Chaque jour, il me manque comme s'il était mort hier. C'est une peine qui ne s'en va jamais, qui reste en vous. On l'oublie parfois, puis elle revient. Ça vous marque à jamais. Il n'a été présent qu'un tiers de ma vie et il a pourtant influencé ma vie entière. Et du fait de sa notoriété, c'est difficile de faire un deuil. Les gens vous parlent de lui, vous rappellent son souvenir, tous les jours.’’
Petrucciani s’était non seulement marié plusieurs fois, mais il ne s’était pas gêné pour traverser la clôture à de nombreuses reprises. Comme l’avait affirmé le réalisateur Michael Radford, qui avait dressé la biographie de Petrucciani dans un documentaire, "It was not enough for Petrucciani to marry a woman and be with a woman — he had to betray them. They were devastated, but at the same time they sort of understood him."
Petrucciani a remporté de nombreux prix au cours de sa brève carrière, dont le Prix Django Reinhardt. En 1984, son album ‘’100 Hearts’’ s’était également mérité le Grand Prix Du Disque, l’équivalent français des prix Grammy. En 1994, Petrucciani s’était vu décerner la Légion d’Honneur à Paris. Mais malgré tous les prix qu’on lui avait décernés au cours de sa carrière, Petrucciani n’avait jamais vraiment apprécié les honneurs. En effet, Petrucciani avait souvent eu l’impression qu’on lui avait accordé ces prix par pitié, parce qu’il était destiné à mourir jeune.
En 2011, Petrucciani a été l’objet un documentaire du réalisateur britannique Michael Radford. Le film a été présenté en grande première au festival de Cannes. Saluant la carrière de Petrucciani, Radford avait commenté: “Michel symbolizes the combat of the human being. It is the combat that consists in overcoming where we start from and in living to the full, getting everything we can out of life.” Décrivant l’itinéraire du pianise, Radford avait ajouté: "He never went to school, yet was a highly intelligent man. He had a very solitary childhood, but he was very lucky to have that [musical] gift. {...}. He was one of those beings that's put on earth to be musical. Like a UFO. He just arrived filled with music. It was his way of expressing himself."
Dans le cadre du documentaire, on entend Petrucciani se moquer de son handicap en déclarant: «Qui est handicapé? Vous ou moi?’’ Incorrigible optimiste, Petrucciani avait ajouté: ‘’Je suis différent, mais tout va bien.» Abordant sa mort inéluctable, Petrucciani avait ajouté: «Je serai déçu s'il n'y a rien après {...}. Dans ce cas, je crierai: "Je veux revenir!"
En 2012, le musicologue Benjamin Halay a également consacré une biographie à Petrucciani simplement intitulée Michel Petrucciani. L’ouvrage a été publié aux éditions Didier Carpentier. Curieusement, le père de Petrucciani, Tony Petrucciani, avait boycotté la publication des deux hommages. En 2001, le fils et le père s’étaient pourtant retrouvés dans le cadre d’une tournée mondiale à l’issue de laquelle Tony avait déclaré: "Partager une tournée mondiale en duo avec mon fils Michel a été pour moi un moment magnifique. Il existait entre nous un amour musical incomparable. C'est le rêve de tout père que son fils réalise un jour ce qu'il a souhaité qu'il devienne."
Même si de son propre aveu, sa maladie lui avait fait endurer des douleurs constantes, Petrucciani était reconnu pour sa joie de vivre et son intarissable sens de l’humour. Petrucciani avait précisé: "I love humor; I love to laugh, I love jokes, I love silliness. I love that; I think it's great. I think laughter is worth a whole lot of medicine."
Même s’il avait souvent démontré de l’arrogance et qu’il était reconnu pour son tempérament de séducteur, le trait dominant de la personnalité de Petrucciani était sa grande confiance en lui, même lorsqu’il s’agissait d’interpréter un classique aussi exigeant que ‘’Giant Steps’’ de John Coltrane. Michael Zwerin racontait: "We were sitting there wondering what to play. It was kind of hot. And Michel said, 'anybody know "Giant Steps?" Neither Louis nor I wanted to admit we didn't really know it. So there was this great silence. And Michel said, "Well, I do!" and he pounded into a solo version of it at a very fast clip, and it was really amazing. That to me is Michel—'Well, I do!' Man, a confidence you wouldn't believe."
Durant ses dernières années à New York, l’excès de confiance de Petrucciani était devenu particulièrement évident. Un jour, Petrucciani avait dit à son gérant: "I want to have at least five women at once, I want to make a million dollars in one night." La gérante new-yorkaise de Petrucciani, Mary Ann Topper, avait précisé que le pianiste avait souvent l’habitude de mentir et qu’il avait parfois signé des contrats avec deux compagnies de disques différentes simultanément, ce qui lui avait permis de publier deux albums en même temps. Comme Topper l’avait affirmé, "It was very difficult, but one of the most rewarding careers I have ever had."
Petrucciani avait aussi l’habitude de se contredire fréquemment dans ses déclarations. Un jour, Petrucciani avait déclaré vouloir écrire ses mémoires à l’âge de soixante-quinze ans sur son lit de mort. Pourtant, d’autres sources semblent démontrer qu’il était parfaitement conscient qu'il n'en avait plus pour longtemps. Tout ce qu’on sait avec certitude, c’est que Petrucciani était déterminé à profiter de la vie jusqu’à la fin. Il expliquait: "I'm a brat. My philosophy is to have a really good time and never let anything stop me from doing what I want to do. It's like driving a car, waiting for an accident. That's no way to drive a car. If you have an accident, you have an accident—c'est la vie."
Petrucciani était d’ailleurs conscient que sa carrière ne pouvait que le conduire à la tombe. Il avait déclaré: "It might lead me to death… meaning that I'd be on my deathbed saying, too bad I can't live another year, I would have been much better."
Souvent comparé à Bill Evans et Keith Jarrett pour son lyrisme et à Oscar Peterson pour sa virtuosité, Petrucciani s’était parfois attiré les foudres des critiques qui considéraient sa musique trop accessible. Les critiques avaient aussi accusé Petrucciani de complaisance et d’un sens du spectacle excessif. Balayant du revers de la main les commentaires négatif des critiques, Petrucciani avait rétorqué: "I don't play to people's heads, but to their hearts. I like to create laughter and emotion from people — that's my way of working."
Mais Petrucciani était surtout un interprète. Se concentrant sur son jeu au piano, Petrucciani consacrait peu de temps à écrire des harmonies ou à composer des arrangements. Il précisait: "When I play, I play with my heart and my head and my spirit… I don't play to people's heads, but to their hearts. You know sometimes when I play a concert… and I have that right timing… those notes make me feel warm and good… it's like lovemaking, it's like having an orgasm."
Commentant sa collaboration avec Petrucciani, le saxophoniste Wayne Shorter avait précisé:
"There's a lot of people walking around, full-grown and so-called normal—they have everything that they were born with at the right leg length, arm length, and stuff like that. They're symmetrical in every way, but they live their lives like they are armless, legless, brainless, and they live their life with blame. I never heard Michel complain about anything. Michel didn't look in the mirror and complain about what he saw. Michel was a great musician—a great musician—and great, ultimately, because he was a great human being because he had the ability to feel and give to others of that feeling, and he gave to others through his music."
Le guitariste John Abercrombie était un autre admirateur de Petrucciani. Abercrombie avait déclaré: "Michel's sense of swing was powerful. And he really understood harmony very well. He was extremely intelligent. His English was so good. You could say anything to him. Michel was a serious musician who had a great joy in playing music. It was really what he lived for ... he was an extremely funny person and an extremely serious musician." Dans une autre entrevue, Abercrombie avait ajouté: "He was such a strong person and determined to become a really great musician in spite of his problem — which may have made him even stronger. He was unique in all ways."
Abercrombie avait enregistré deux pièces avec Petrucciani dans le cadre de l’album ‘’Michel Plays Petrucciani’’ en 1987. Il avait aussi participé à une brève tournée européenne avec le pianiste. Pour sa gérante Mary Ann Topper, Petrucciani pouvait aussi être ‘’extraordinairement charmant.’’
Considérant Petrucciani, comme un modèle, le réalisateur Michael Radford avait commenté:
"It is about the triumph of the human spirit. It is a life lesson to everybody, not just to handicapped people {...}. Because he was handicapped, he was a curiosity. One had to see him {...}. He managed to communicate music to a lot of people {...}. This is a guy who was born with all the possible handicaps you can imagine, and who beats them."
Décrivant également Petrucciani comme un exemple, son collaborateur de longue date, le batteur Aldo Romano, avait confirmé: ‘’C'était un exemple pour tous les handicapés et un exemple pour le monde entier, de courage, de générosité, de don de soi sur scène. Il aimait le public, il en avait besoin et le public l'aimait énormément.’’
Michel Petrucciani, qui demeure à ce jour un des rares artistes français à avoir réussi à percer aux États-Unis, a enregistré une vingtaine d’albums au cours de sa carrière. Travailleur acharné, Petrucciani avait toujours refusé le qualificatif de ‘’génie.’’ Il expliquait:
“I don’t believe in geniuses. I believe in hard work. Ever since I was a child I knew what I wanted to do and worked for that. “I don’t want to get too intellectual about my music. My philosophy is quite simple. For one thing – too much intellectualising is boring. Too much comedy is boring. Too much of anything is boring. We all need to know when to get off, to simply stop.’’
Au cours de sa carrière, Petrucciani a enregistré avec de nombreuses sommiés du jazz, de Charles Lloyd à Lee Konitz, en passant par Gary Peacock, Jim Hall, Wayne Shorter, Roy Haynes, Freddie Hubbard, Joe Lovano, Dave Holland, Dizzy Gillespie, Kenny Clarke, Clark Terry, Joe Henderson, Ron Carter, John Abercrombie, Charlie Haden, Jack DeJohnette, Bob Brookmeyer, Eddie Louis, Stéphane Grappelli et Didier Lockwood.
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ghostykittenxo · 5 years
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my babygirl. 🥰
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epicjontuazon · 7 years
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Video: https://youtu.be/ppYH_1oZwIw
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subarufans · 7 years
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rumblebros · 7 years
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firehorsetravels · 7 years
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subie monday for lydia!
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smoothshift · 6 years
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Subaru Impreza hood mod?? via /r/cars
Subaru Impreza hood mod??
Daydreaming about my next car. I want the WRX but the gas mileage is awful (17/28). Opinions on the Impreza(28/38)? I'd like to put the WRX style hood on one and call it a day. Or would that wreck the mpg?
Note: I'm just a college chick who has been fangirling over a powder blue STI driving around town. Now I want one!! My first car was a subie (2003 6cyl outback sedan) & it saved my life so I want to go back to them next. Never altered a car, so please be nice ;)
If you have one please list the year as well as any pros or cons! Or I'd love to read recommendations on a similar car!
TLDR: need experienced opinions on Imprezas
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subarufans · 7 years
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