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#enfance perdue
le-panda-chocovore · 1 year
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Je ne serais plus jamais une enfant.
Quoi que je fasse, quoi qu'il se passe, je ne serais plus jamais une enfant.
Debout au milieu de la cour de l'école primaire dans laquelle je travaille
J'observe les murs teints pour définir une cage de foot,
Les dessins à la craies sur le sol qui ne tarderont pas à être effacés par la pluie prochaine,
Les ballons abandonnés sous un banc accompagnés d'un manteau également oublié,
Et le vert des feuilles d'arbres qui s'agitent sous le vent froid d'hiver.
Et je me demande à quel point mon regard est influencé par ma maturité
Comment les enfants dont je m'occupe perçoivent ce monde autrement
Combien Je perçois ça différemment par rapport à l'ancienne Moi.
Et je sais que je ne vivrais plus jamais cette expérience
Ça me brise l'âme de m'en rendre compte
Plus jamais de toute ma vie je vivrai ce décors de la même manière
Les jeux de balles sous le préau
Les conversations dans la cantine
La tension des salles de classe
Les activités périscolaires
Les courses à la sortie de l'école
L'attente de la venue des parents
Les échanges de cartes sous la table
Les sorties du centre aéré
Les colonies de vacances...
Toutes ces choses inhérentes de l'expérience de l'enfant
Sont désormais inaccessible pour l'adulte que je suis devenue.
Bien sûr je pourrais faire des activités, prendre des cours, faire des séjours ,
Mais rien ne sera similaire à ce souvenir d'antan.
Rien ne pourra me faire revenir dans le temps.
Ça me fait mal juste en y pensant :
Je ne serais plus jamais une enfant.
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Tu as tant attendu...
Cet appel qui ne vient pas,
Une personne qui ne revient plus.
Une lettre que tu ne reçois pas,
Une enfance que tu ne vois plus,
Une jeunesse qui n’est plus là,
Un amour qui semble perdu.
Tu t’attardes à faire revivre
Ce passé qui demande à mourir.
Et tu perds ton temps à retenir
Une illusion qui te fait souffrir.
Arrête de t’enfuir dans tes souvenirs,
Et de faire vieillir ton avenir.
Il est temps de te ressaisir,
Et à nouveau, tu te dois de revivre.
Laisse au présent la chance de te séduire,
Et au futur le bonheur de t’épanouir.
Tout ce que la vie a de beau, elle va te l’offrir !
Il suffit de lui sourire et de t’ouvrir.
Le chemin pour y parvenir
Est de lâcher prise, ne plus retenir...
Laisser aller, afin de grandir
Et à nouveau... tout accueillir.
~Richard Migneault
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Psychanalyse, enfance et sexualité …ou sexuation?
(Partie III)
«Si les hommes savaient tirer la leçon de l’observation directe des enfants, il n’aurait pas été utile d’écrire ces trois essais. […] Mais pour ce qui concerne l’“extension” du concept de sexualité nécessitée pour l’analyse des enfants et de ce qu’on appelle des pervers, qu’il nous soit permis de rappeler à tous ceux qui, de leur hauteur, jettent un regard dédaigneux sur la psychanalyse, combien la sexualité élargie de la psychanalyse se rapproche de l’Eros du divin Platon.» Sigmund Freud
35 - Mais de quoi parle donc Freud dans ses Trois essais sur la théorie sexuelle (Drei Abhandlungen zur Sexualtheorie) lorsqu’il évoque la "sexualité infantile" (infantile Sexualtheorien), la satisfaction (Befriedigung), le plaisir (Lust), la jouissance (Genuss)? Gardons-nous d’entendre les mots de Freud autrement que comme des termes qui renvoient à des positions purement psychiques, faute de quoi il est impossible d’entrer dans la forme de la pensée freudienne. Tout terme chez Freud renvoie à une position psychique, dans un contexte singulier d’élaboration psychique, en tant que c’est par l’élaboration psychique que l’enfant se sera efforcé de surmonter sa séparation d’avec le corps maternel en imaginant son propre corps dont la construction est co-extensive de l’autonomie de sa pensée.
36 - Freud note cependant que si la vie sexuelle de l’adulte ne se déduit pas forcément de celle de l’enfant qu’il a été, c’est que d’avoir été définitivement séparé du corps maternel (l’objet sexuel originel perdu à jamais) l’aura fait traverser des errances (Abirrungen) causées par une multiplicité de découpages et de déplacements de l’attrait imputé à l’objet sexuel primordial qui reste unique et irremplaçable, la pulsion dite sexuelle ne visant pas dès lors à créer un objet, mais à retrouver, dans les objets existants, sur les différentes scènes de la réalité, des traces de l’objet originaire.
37 - S’il appert que Freud fait remonter la sexualité à la prime enfance, ses précises investigations sur la sexualité infantile pour la période antérieure à la sortie de l’Œdipe et à la puberté, l’amènent à la nécessité d’inventer nombre de concepts nouveaux, scandaleusement négligés, déformés et trahis par les traductions: parmi lesquels la Geschlechtstrieb (que je traduis donc par «pulsion d’espèce» et la Verlötung (soudure), deux termes qui apparaissent dans le même paragraphe, en conclusion de la première section du premier des Trois Essais: «Il nous apparaît que nous nous représentions le lien (die Verknüpfung) entre la pulsion sexuelle (Sexualtrieb) et l’objet sexuel sous une forme trop étroite. L’expérience des cas considérés comme anormaux nous apprend qu’il existe dans ces cas une soudure (Verlötung) entre pulsion sexuelle et objet sexuel, que nous risquons de ne pas voir en raison de l’uniformité de la conformation normale, dans laquelle la pulsion semble porter en elle l’objet. Nous sommes ainsi mis en demeure de relâcher [ou assouplir: zu lockern] dans nos pensées les liens entre pulsion et objet. Il est vraisemblable que la pulsion sexuelle [traduction fausse: il s’agit ici de la pulsion d’espèce (Geschlechtstrieb)] est d’abord indépendante de son objet et que ce ne sont pas davantage les attraits de ce dernier qui déterminent son apparition.» 
38 - Pour Freud, il n’y a donc pas d’objet adéquat à la pulsion : il repère dans les cas dits "anormaux" une soudure artificielle entre la pulsion et l’objet, mais en vérité c’est la pulsion qui littéralement investit les objets conformément aux tendances du sujet en cours d’émergence. Chaque sujet invente et produit sa propre réalité comme source de plaisir par la médiation de ses fantasmes qui trouvent support dans des objets. La pulsion sexuelle (Sexualtrieb) sera dès lors apparue sous les auspices d’une recherche désormais active et répétée de plaisir [alors que pour le nourrisson, le plaisir ne se prenait que de manière passive, placé sous le signe de la satisfaction (Befriedigung) ou cessation du déplaisir par l’action extérieure du soin maternel].
Quant à la jouissance (Genuss) — qui est à distinguer de son acception lacanienne tirant les conséquences de la lecture de Hegel par Kojève et de la notion de dépense développée par Bataille — elle n’apparaît que corrélativement à la pulsion d’emprise (Bemächtigungstrieb) par laquelle se manifestent toutes les formes de violence à l’égard de l’Autre, que l’enfant sera conduit à sublimer par la pulsion d’élaboration psychique (Bewältigungstrieb) se doublant d’une pulsion de savoir (Wisstrieb) qui l’ouvre au travail de conception psychique en lui permettant d’expérimenter une forme de maîtrise (Bewältigung) sur ce qui lui échappait jusque là et le faisait se sentir impuissant jusqu’à la détresse…
39 - Par ses possibilités d’élaboration psychique, l’enfant peut non seulement compenser l’absence de la mère, mais aussi bien s’absenter de la mère, se retrouver seul, séparé du corps maternel, sans pour autant éprouver cet état de détresse absolue ou de perte d’appui que Freud nomme Hilflosigkeit. Dans Au-delà du principe de plaisir, il raconte ainsi le passage du Fort/Da au miroir: «Un jour où la mère avait été absente pendant de longues heures, elle fut saluée à son retour par le message «Bébé O-O-o-o», qui parut d’abord inintelligible. Mais on ne tarda pas à s’apercevoir que l’enfant avait trouvé pendant sa longue solitude un moyen de se faire disparaître lui-même. Il avait découvert son image dans un miroir qui n’atteignait pas tout à fait le sol et s’était ensuite accroupi de sorte que son image dans le miroir était “partie”.»
De ces jeux de substitution, d’occultation et d’escamotage, Freud puis Lacan tireront patiemment les plus précieux enseignements sur la structure: à savoir la façon dont s’élabore la question de l’identité sur le fond de séparations premières, l’identité imaginaire  et aussi l’identité de jouissance ou de symptôme, en bref l’identité moïque. Car ce sont les conditions de ces séparations primitives qui font l’étoffe d’un sujet et partant feront aussi la cause de son moi, l’ombilic à partir duquel, le sujet humain pourra se figurer lui-même (stade du miroir chez Lacan).
40 - Il est désormais clair que le "sexuel" dont Freud parle dans la "sexualité infantile" est un sexuel qui ne concerne pas encore la sexualité, mais qui est à entendre au sens d’une quête d’identité, en guise de réponses, jamais satisfaisantes à la première question que se pose l’enfant sur son origine : «D’où viennent les enfants ?» (Woher die Kinder kommen ?), «Qu’étais-je avant d’être né?»…
La quête d’identité met en évidence l’importance primordiale et outrageusement négligée de la Geschlechtstrieb par laquelle l’enfant peut déjà s’identifier par l’image du corps à l’espèce humaine, en deçà (ou par delà) la division sexuelle, antérieurement à l’apparition des autres objets, la "pulsion d’espèce" donc, qui est indépendante de tout objet, et dont pour Freud «les cas considérés comme anormaux nous apprennent qu’il existe dans ces cas une soudure (Verlötung) entre pulsion sexuelle et objet sexuel».
C’est donc seulement parce que pour l’enfant se séparant du corps maternel il est impossible de rendre compte d’un lien (die Verknüpfung) entre la pulsion sexuelle (Sexualtrieb) et un objet sexuel sous une forme déterminée que Freud emploie l’expression "polymorphiquement pervers" pour signifier la jouissance non fixée de l’enfant, et comme le souligne avec à propos Jacques Sédat, lecteur attentif de Freud: «Il n’y a pas d’articulation fixe, permanente ou nécessaire, entre la pulsion, c’est-à-dire un sujet, et l’objet investi comme autre sujet sur la scène de la réalité. Autrement dit, la disposition polymorphiquement perverse de la sexualité infantile est pour Freud le contraire de la perversion au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Cette disposition polymorphiquement perverse constate l’inadéquation initiale, originaire, entre la pulsion et les objets disponibles sur la scène de la réalité, que la pulsion va pourtant investir.»
41 - «[…] entre la pulsion, c’est-à-dire un sujet, et l’objet investi comme autre sujet sur la scène de la réalité»: la formulation est ici plus que pertinente pour ce qui définit en propre le Discours Analytique dont Lacan attribue la paternité à Freud: la pulsion est du côté du sujet, comme le souligne Freud, car pour lui la pulsion (Trieb) n'est pas à confondre avec l'instinct (Instinkt): «les pulsions sont des êtres de mythe, grandioses par leur indétermination», la notion de mythe impliquant structure. Alors que l’instinct est un savoir inné qui met en rapport l’animal et son environnement, l’Umwelt de l’homme est toujours déjà médié par le langage, raison pour laquelle le sujet humain déploie ses pulsions (orale, anale, génitale, scopique et invoquante) comme autant de montages langagiers…
Les pulsions dont la source est le corps n’en réfèrent pas moins à la structure, et leur poussée constante ne relève pas de la physiologie, leur objet étant indifférent, leur but la satisfaction…
Pour les trumains, l’Unbewusste (un savoir qui ne se dit pas, un dire qui ne se sait pas) s’est substitué à l’instinct animal. Le langage venu à la place du "rapport sexuel" absent (non rapportable à la structure), une trace de l’instinct perdu reste perceptible dans la reproduction de l’espèce...
42 - Les quatre pulsions mises à jour par Freud à partir de ce moment inaugural de la sexuation en tant qu’arrachement de l’enfant au corps maternel, et tentative de compenser la déchirure qui en résulte par la construction d’un corps propre susceptible d’assumer la séparation, pour résumer, s’articulent donc ainsi:
-la pulsion d’espèce (Geschlechtstrieb) qui n’est ni sexuelle ni sexuée, ni fixée sur un objet extérieur, mais vise l’image du corps de l’Autre en tant que reconnaissance identitaire permettant à l’enfant de se situer dès l’origine comme "sujet pensant" toujours déjà séparé de son être et devant se constituer un corps propre à partir de l’image de l’autre [que Lacan notera i(a)]…
Par les nécessités de l’existence (départ inopiné de la mère, inaccessibilité du corps maternel, sentiment anxiogène d’impuissance…) la Geschlechtstrieb se trouve, destinée à rencontrer
-la pulsion d’emprise (Bemächtigungstrieb) qui pousse l’enfant non pas à investir un objet, mais à arraisonner un objet pour tenter d’établir un lien plus ou moins fixe avec cet objet, le maîtriser assez pour supprimer l’aspecr aléatoire qui caractérise les objets extérieurs, quitte à maltraiter l’objet en lui imposant violemment sa volonté, afin qu’il soit toujours maintenu à disposition, rendu conforme à la visée de la pulsion asexuelle, qui anime son objet…
La Bemächtigungstrieb est celle qui correspond au "Fort", premier moment du Fort/Da (cf. 31) qui en tant que volonté de maîtrise exercée sur l’Autre. Ceux qu’on appelle des "casseurs", par exemple, en restent à ce niveau là de la pulsion d’emprise, cherchant à entrer dans le secret des choses (ou des autres) en les brisant... se double de
-la pulsion d’élaboration psychique (Bewältigungstrieb) qui apparaît comme la seconde étape du Fort/Da, le "Da" en tant qu’il permet la sublimation de la pulsion d’emprise à laquelle la Bewältigungstrieb est directement corrélée, car promettant une maîtrise (Bewältigung) plus complète de l’objet comme de soi-même, en permettant à l’enfant de s’extraire de l’agressivité physique pure en rétablissant l’objet malmené par la pulsion d’emprise, en le faisant revenir, et dans cette restauration de l’objet s’opère non seulement l’élaboration de l’absence de la mère, qu’on n’a plus besoin de détruire, mais surtout un travail psychique sur soi-même, une maîtrise (Bewältigung) psychique de soi qui se substitue à la pulsion d’emprise, maîtrise qui, à ce moment-là, dépasse la destruction et la contrainte de répétition. C’est ce que Freud appelle la pulsion d’élaboration psychique par la possibilité d’articuler la maîtrise psychique de l’objet (jusqu’à là physique, portée jusqu’à la maltraitance…) par une élaboration psychique (représentation) â partir de laquelle l’enfant parvient non seulement à symboliser l’absence de la mère, mais apprend à se séparer lui-même du corps maternel par la médiation de
– la pulsion de savoir (Wisstrieb) qui génère en partie la sublimation de la pulsion d’agression par l’assomption pour le sujet dans ce passage du physique au psychique d’une forme radicale d’altérité fondée sur la perception qu’il y a toujours de l’inconnu chez l’autre et même de l’inconnaissable, que l’altérité de l’autre fait qu’il échappe toujours, au moins partiellement à toute emprise, que le sujet ne peut jamais être sûr des pensées de l’Autre qui lui restent opaques (la cure analytique apprendra au sujet à renoncer à vouloir savoir a priori ce que pense l’autre pour apprendre à l’écouter: puisque les corps sont séparés, les pensées doivent être séparées tout aussi bien).
43 - Rappelons ici que si Freud fait remonter l’activité sexuelle à la prime enfance, c’est qu’il en situe l’origine dans la sexuation opérée avec le corps maternel, ce qui fait de la mère l’objet libidinal primordial toujours déjà perdu pour l’enfant des deux sexes, appelé à structurer cette séparation constitutive par la traversée de plusieurs stades pulsionnels ainsi que du complexe d’Œdipe qui consiste à intégrer la fonction paternelle comme métaphore dans le développement de l’enfant (ce qui le conduira logiquement à choisir son objet dans l’autre sexe…)
Freud note toutefois que «l’activité sexuelle de l’enfant ne se développe pas du même pas que ses autres fonctions; elle entre au contraire, après une brève période de floraison de la deuxième à la cinquième année dans ce qu’on appelle période de latence» durant laquelle, l’activité pulsionnelle donnant lieu à la production d’excitation sexuelle ne serait nullement suspendue mais persisterait et livrerait une provision d’énergie qui serait utilisée en grande partie à des fins autres que sexuelles, à savoir d’une part à la fourniture des composantes sexuelles des sentiments sociaux, d’autre part (moyennant refoulement et formation réactionnelle) à l’édification des barrières sexuelles ultérieures.
Puis Freud ajoute que: «le fait de l’amorce en deux temps du développement sexuel chez
l’homme, soit l’interruption de ce développement par la période de latence, nous a paru mériter une attention particulière, semblant contenir l’une des conditions de l’aptitude de l’homme à développer une culture supérieure, mais aussi de son inclination à la névrose», non sans prendre le soin d’avertir: «Nous avons en outre constaté par des expériences que les influences externes de la séduction peuvent provoquer des brèches prématurées dans la période de latence, voire aller jusqu’à l’abolir, et qu’en l’occurrence la pulsion sexuelle de l’enfant s’avère être de fait de type pervers polymorphe ; également, que toute activité sexuelle prématurée de ce genre porte atteinte à l’éducabilité de l’enfant.»
44 - Insistons en citant une nouvelle fois Freud dans le texte: «Es ist lehrreich, dass das Kind unter dem Einfluss der Verführung polymorph pervers werden, zu allen möglichen Überschreitungen verleitet werden kann. Dies zeigt, dass es die Eignung dazu in seiner Anlage mitbringt.» (Il est instructif que l’enfant puisse devenir, sous l’influence d’une séduction, un pervers polymorphe, et puisse être entraîné ainsi à toutes les
transgressions possibles. Cela montre qu’il apporte cette aptitude avec lui dans sa disposition.)
Ce que Freud vise avec le mot "aptitude" n’est rien d’autre que la jouissance non fixée de l’enfant du fait que les objets ne font leur apparition qu’après la pulsion et lui sont par conséquent toujours inadéquats, la pulsion n’investissant un objet extérieur qu’à partir de l’apparition de la pulsion d’emprise (cf. supra) toujours couplée à une pulsion d’élaboration psychique qui amène le sujet à pouvoir étendre sa maîtrise mais aussi devenir lui-même, par les lois du langage, objet de jouissance (puissance) d’un autre…
Dans la perspective freudienne, la jouissance ne concerne que la pulsion de l’adulte exercée sur l’enfant ou un adulte.
Lorsqu’il s’agit des enfants, le sexuel dont parle Freud est donc bien cette compensation mise en place au plan psychique pour permettre au petit sujet d’assumer sa sexuation, c’est à dire sa séparation d’avec l’objet libidinal primordial qu’est le corps maternel, en se soutenant de son activité pulsionnelle qui est de l’ordre du fantasme et doit rester au strict plan du fantasme.
Pour le dire avec Lacan: «Faire l’amour, comme le nom l’indique, c’est de la poésie. Mais il y a un monde entre la poésie et l’acte. L’acte d’amour, c’est la perversion polymorphe du mâle. Ceci chez l’être parlant, il n’y a rien de plus assuré, de plus cohérent, de plus strict quant au discours freudien.»
45 - Si Freud insiste sur la déliaison fondamentale entre pulsion et objet, ce qui met l’enfant dans la disposition (mal interprétée) d’avoir été dite, par lui, polymorphiquement perverse — à savoir a priori non-fixée sur une jouissance spécifique — il ne manque pas de signaler qu’une séduction précoce et le non-respect de la période de latence chez l’enfant peut provoquer des brèches dans sa construction psychique, jusqu’à l’endommager gravement, rendre l’enfant inéducable, susceptible de développer des troubles sévères de la personnalité, pouvant aller jusqu’aux aptitudes à la prostitution et à toutes les perversions répertoriées par les adultes dont il sera devenu objet. Ce que Freud dénomme chez l’enfant du «polymorphiquement pervers» est le contraire absolu de la perversion telle qu’elle se donne dans le langage courant, où l’acception "pervers" désigne un comportement invasif envers un objet sexuel, pouvant aller jusqu’à l’extrême brutalité et l’asservissement aux sévices qui lui sont infligés…
NB: Dans la perspective psychanalytique, nonobstant le fait que psychose paranoïaque et perversion sont de structure différente, elles visent toutes deux à la maîtrise de l’Autre et gardent un lien étroit avec la sexualité:
-du côté de la paranoïa, on vise à maîtriser l’Autte par le contrôle de ses pensées, en cherchant à les diriger… Nous sommes ici dans le registre de la seconde des théories sexuelles infantiles, la théorie dite cloacale (cf. 19, 20, 21) qui correspond à un état maniaque où il y a deux corps mais un seul appareil psychique, de façon à ce que l’autre ne puisse échapper au sujet parce que ses pensées ne lui sont pas étrangères. Pour Freud, la paranoïa se soutient essentiellement d’une homosexualité refoulée, le persécuteur étant toujours du même sexe…
-dans la perversion (prise dans sa stricte acception psychanalytique, la perversion de structure n’étant pas à confondre avec la perversité, ni les traits pervers…) le pervers se fait l’instrument, et donc l’objet de la jouissance de l’Autre afin de pouvoir s’instaurer en maître et éducateur de sa victime-partenaire, dans la mesure où se sentant exclu de la jouissance, il a pris le parti de dénier l’inadéquation fondamentale de la pulsion à l’objet qui est toujours substituable à un autre… Le pervers avait initié ce procédé enfant, en s'identifiant à sa mère et en faisant d'elle une "mère-phallique" (dans son fantasme, cela ne signifiant pas qu'elle le soit réellement) lorsque, pendant ses absences, il allait dans son armoire humer ses vêtements, essayer ses affaires les plus intimes, imaginant ainsi connaître ses jouissances ; et c'est cette fixation qui l'a conduit à la perversion…
46 - Pour conclure provisoirement: la sexuation (génératrice de la douleur d’ex-sister) force le sujet à passer par une série de compensations fantasmatiques, dont la mise en branle de l’appareil psychique déterminera, en fonction du contexte d’éducation, les motions sexuelles qui l’animeront selon le Lustprinzip (principe de plaisir), dans une dialectique jouissance/séparation, où la jouissance consiste à se fondre dans quelque chose de plus vaste que soi, et la séparation à jouer la limitation de cette jouissance par l’assomption de son destin en tant qu’il définit la singularité du sujet porté par la tension du désir. Il y a donc ici deux pôles et ce qui gît dans l’intervalle, ce qui fait pour le sujet la distance qu’il peut maintenir entre les deux limites pour y respirer pendant le temps qu’il lui reste à vivre, et c’est cela que Lacan appellera le désir.
Le sujet (symbolico-réel) ne peut se construire que dans la séparation d’avec l’objet, mais le moi (imaginaire) souhaite selon Freud: « être en indivis (non séparé) avec l’objet externe».
L’éthique de la psychanalyse se conditionne donc depuis son origine d’une assomption des difficultés de la séparation (Abschiedsschwierigkeiten) et nous sommes en tant que sujet toujours confrontés à l’alternative : séparation ou soumission.
Voilà l’une des façons d’aborder le problème actuel du «Malaise dans la civilisation»…
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rayondelun3 · 9 months
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C'est mon meilleur ami qui m'a fait ça. C'est lui qui m'a fait ça et qui a fait en sorte que les autres m'utilisent aussi.
Je me mutilais déjà, j'avais déjà un pied dans la mort, il le savait. C'est mon meilleur ami un jour de pluie qui m'a fait ça.
Depuis je n'oublie pas. J'y penses. J'y penses tout le temps.
C'était mon meilleur ami. Et puis il y a eu tous les autres. Tant d'autres. Tous des merdes.
Et avant lui qui était ce ? C'étaient des professeurs, professionnels en humiliation et harcèlement.
Je me souviens de ce qu'il y a eu encore avant ça. Je me rappelle l'origine du mal. Au fond de mon cœur que je voulais arracher chaque jour tant j'avais mal. Mal au ventre, mal à la tête, plaques d'eczéma sur les bras, piqûre de la sueur et du sang.
Je me rappelle des bleus des coupures des ongles rongés du sang et des larmes qui coulaient. Le visage n'est pas flou. Je me rappelle le sol froid. Je me rappelle que c'étaient ceux qui voulaient que je les appelle « papa » et « maman ».
J'oublie la plupart des moments de bonheur. Je suis couverte de cicatrices, celles qui se voient et celles qui ne se voient pas.
J'ai tenté d'arracher mon cœur et de vivre sans mais je ne suis pas comme ça. Oui je me suis battue, oui j'ai la haine, oui j'ai encore des larmes, oui ça fait toujours mal et parfois j'ai peur.
Dites-leur qu'ils m'ont presque tuée. Dites-leur que j'ai essayé environ 7 fois et que des autres je ne m'en souviens pas. Dites-leur que ce sont des merdes et qu'ils ont tout intérêt à se faire soigner. Dites-leur que j'ai voulu me venger, dites-leur que je veux leur mort. Dites-leur qu'ils pourrissent en moi, dites-leur qu'ils font partie de moi. Dites-leur que je me suis mise à dire les mêmes choses qu'il me disaient, à me faire ce qu'ils me faisaient, toute seule. Dites-leur que parfois ça revient et que c'est comme un ras de marrée. Dites-leur que j'ai laissé mon corps se faire emporter par la mer un nombre incalculable de fois en plein hiver en pleine tempête. Dites-leur que j'ai perdu des années de ma vie, que je n'ai quasiment pas connu l'innocence. Dites-leur qu'ils ont bousillé une partie de ma vie et de mon enfance et de mon adolescence et de ma vie de jeune femme.
Mais dites-leur que je peux me tenir sur le toit d'un gratte-ciel sans me jeter dans le vide. Dites-leur que je me bats toujours et que je fais le bien autour de moi malgré le mal qu'on me fait encore. Dites-leur que je me suis faite ma propre famille et que je peux aussi la défaire. Dites-leur que je vis ma vie à ma guise. Dites-leur que je danse en boîte de nuit, que j'aime le vin et qu'à n'importe quelle heure j'aide les gens. Dites-leur que j'aime la pluie et que je n'ai plus peur de souffrir.
Dites-leur qu'ils aillent se faire foutre. Que mes amies tueraient pour moi et qu'on est des tarées. Dites-leur que c'est moi la plus dingue parmi mes sœurs. Dites-leur que c'est moi qui ai sauvé une vingtaine de vies du suicide en 5 ans. Dites-leur que je sors des mecs du métro et que je les tabasse. Dites-leur que s'ils s'approchent je n'ai pas renoncé à la violence, dites-leur que je ne renoncerai jamais. Dites-leur que je dois prendre des tonnes de cachets comme une droguée et que si je pouvais je les traumatiserai à mon tour, dites-leur qu'eux ne survivraient pas comme mes sœurs et moi avons pu survivre.
Ou ne leur dites rien. C'est mieux comme ça.
Si vous aussi vous les connaissez, et vous en connaissez forcément, fuyez avant qu'ils ne vous attrapent. Sinon, appelez à l'aide. Appelez moi. Racontez moi.
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perduedansmatete · 1 year
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je mens quand je dis que je n'ai pas de souvenirs de mon enfance, ils sont tous enfouis dans cette grande maison de famille paumée tout en haut d'un village tout aussi perdu au fin fond de la haute marne. tout comme les souvenirs de mon papy, du moins du personnage qu'on a créé, de celui qu'on aime se raconter. tout tournait autour de lui, cette maison c'est lui. pas simplement parce qu'il l'a entièrement retapé, ma mamie m'a dit un jour "j'ai passé ma vie dans des maisons en travaux", il aimait bien ça se casser le dos. mais parce qu'il était l'âme de la maison, l'âme de cette famille ? peut-être que j'exagère. mais c'était lui toutes nos bêtises d'enfant, c'était lui cette maison. c'est un peu le mythe fondateur en fait, quand ils ont été obligés de vendre, je me souviens de nous trois toutes petites pleurant comme des bébés puis allant voir papy et mamie en leur disant "mais on peut vous aider à la payer avec nos économies!" on s'est toujours dit qu'on la rachèterait quand on serait plus grandes, ne serait-ce que pour que mon cousin s'imprègne de ce que c'était, il était encore trop petit pour s'en souvenir.
c'est dans son jardin qu'on faisait des courses d'escargots, qu'on était de travaux d'intérêt général et qu'on montait sur le toit pour remettre des tuiles après l'orage, que mon papy me poussait toujours plus haut sur la balançoire et que je me sentais partir avec les hauts le cœur qui me faisaient tant de bien, qu'on jouait au restaurant dans la cabane qu'il ne cessait d'améliorer, c'est aussi dans le jardin qu'on allait voir tous les jours si on avait pas fini par capturer le petit écureuil qui venait manger les noisettes dans le piège de merde qu'on refaisait inlassablement en haut du coteau, à la lisière de la forêt (la nôtre, j'aimais bien dire ça, qu'on avait une forêt à nous) c'est dans cette même forêt qu'on courait avec nos grandes bottes de pluie pour arriver la première en haut du petit château d'eau, point stratégique pour les batailles de marrons, c'est à cause de cette forêt que ma sœur m'appellera éternellement cochonou, parce que ça faisait rire mon papy de sauter dans les flaques de boue alors que ma mamie, qui ne pouvait pas se balader avec nous, lui faisait promettre de ne pas nous laisser faire n'importe quoi. un jour j'ai glissé dans la flaque et sur le chemin du retour on préparait notre mensonge avec lui pour ne pas se faire engueuler, elle ne nous a pas crus et j'ai dû prendre un long bain toute seule alors qu'ils étaient tous repartis s'amuser. c'est aussi dans cette forêt qu'on est devenues zinzins des grenouilles avec ma sœur, celles-là il ne fallait pas les toucher, elles étaient de toutes les couleurs. et les courses de luge sur les bouses de vache recouvertes de neige en hiver, quand on avait traversé toute la forêt, ou bien dans l'immense potager, puis quand il nous transportait dans la remorque accrochée à sa grosse tondeuse, on rebondissait partout avec les bosses et on riait aux éclats.
quand on courait sur les graviers devant le portillon et qu'on tombait, évidemment. les gravillons dans la chair à vif des genoux, les échardes, les tire-tiques l'été, les longues fouilles aux aoûtats et tous les petits bobos que mamie infirmière soignait toujours (on détestait) puis quand on galopait à toute vitesse, ou qu'on prenait la grosse espace pour aller au tout petit cimetière du bas le soir, avec le petit porche qui résonnait sous lequel on faisait des vocalises pour réveiller les morts. plus bas encore la bibliothèque et le livre "j'aime pas les épinards" de ma cousine. qu'est-ce qu'on aimait les trajets dans la grosse espace, avec les petits chats tricotés par ma mamie sur les poignées en haut des fenêtres. on la prenait surtout pour partir à l'aventure, c'est-à-dire faire les courses, on avait chacun notre mini caddie, on revenait des fois avec les grosses pochettes surprises, et ensuite le jeu préféré de mon papy c'était de nous perdre dans les routes sinueuses, on avait trop peur mais on aimait ça. on se disait, si on ne retrouve pas le chemin, on aura toujours des vichy, du saucisson pour tenir, et de la cancoillotte pour ma cousine, mais on retrouvait toujours le chemin de la maison. et on retrouvait alors l'attente du camion de la boulangère et de son gros pain escargot, le fauteuil de papy et le canapé pour mamie qui a trop mal partout, les après-midi cités d'or quand il pleuvait à torrent, tous ensemble dans le salon, devant l'immense télé, caprice de papy. on sautait partout à chaque fin d'épisode pour ne pas avoir de fourmis dans les fesses (on regardait vraiment très longtemps) et puis les après-midi dessins sur la grosse table en bois du salon, avec des laits grenadine, quand ils en avaient marre de surveiller les devoirs de vacances, et des soupes à la grimace que cela impliquait, ils disaient que c'était pas leur rôle et que nos parents avaient qu'à s'en occuper eux-mêmes.
je crois que d'ailleurs, cette maison c'est aussi la peur du rejet, de l'abandon, un lourd sentiment de solitude depuis toute petite, malgré l'animation et le bruit qui courait partout. c'est ma sœur et ma cousine qui prennent le bain ensemble, c'est moi qui le prend toute seule, ou avec mon cousin, mais c'était pas pareil. c'est ma sœur qui veut toujours jouer avec ma cousine, et pas avec moi. c'est ma sœur et ma cousine qui dorment dans le grand lit ensemble, et qui rigolent jusque tard, quand moi je dors dans le petit lit collé en contrebas, sous ma couverture toute douce (et pleure en silence, je crois) ou bien les deux sur les deux sièges du coffre (j'en rêvais!), et moi devant toute seule. c'est les siestes avec mon cousin pour montrer l'exemple, avant de pouvoir faire comme les plus grandes, et descendre dans la chambre de mes grands-parents, sauter sur le lit qui monte et qui descend puis lire les boule et bill avec elles (mais pas vraiment avec elles). cette maison c'est les prémices de la fascination pour les plus grands, c'est l'impression de devoir en faire beaucoup pour qu'on m'aime, pour avoir de l'attention. l'impression de ne pas être assez, puis d'être toujours de trop, pourquoi vous ne m'aimez pas ? j'ai des souvenirs un peu plus flous de moi très triste, qui descend l'escalier la boule au ventre, qui entend les filles rigoler toutes les deux, qui aimerait bien faire parti d'un truc. c'est peut-être pour ça que j'ai grandi en voulant amuser la galerie. et puis cette impression d'être nulle, ces remarques et ces reproches entendus trop petite, toujours les mêmes, t'es mal barrée dans la vie ma grande, tu vas pas y arriver. bel héritage, toujours dans un coin de ma tête. mais cette maison c'est quand même vagabond puis bambi les chats, tout aussi peureux l'un que l'autre et surtout les excursions à la cave, tout doucement pour regarder les chauves-souris, ça c'était doux. et puis il y a tout ce que j'ai oublié, mais c'était ça la maison, c'est ça mon enfance et c'était un peu ça papy. lui aussi il donnait tout pour qu'on l'aime, et ça marchait vraiment très bien. depuis qu'on est partis la maison a été revendue je ne sais même plus combien de fois, ça me fait de la peine. j'aimerais bien qu'elle soit le havre de paix d'une famille qui veuille comme nous, la garder à tout jamais elle et ses souvenirs.
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carolemm · 9 months
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Lire ou relire des chefs d’œuvre de la littérature ? Ça vous prend parfois comme une évidence.
Pour une fois, je ne mettrai pas d’extraits ou de court résumé de l’histoire mais les premières phrases :
« Ma bien-aimée, mon abandonnée, ma perdue, je l'ai laissée là-bas au fond du monde, j'ai regagné ma chambre d'homme de la ville avec ses meubles familiers sur lesquels j'ai si souvent posé mes mains qui les aimaient, avec ses livres qui m'ont nourri, avec son vieux lit de merisier où a dormi mon enfance et où, cette nuit, j'ai cherché en vain le sommeil. Et tout ce décor qui m'a vu grandir, pousser, devenir moi, me paraît aujourd'hui étranger, impossible. Ce monde qui n'est pas le tien est devenu un monde faux, dans lequel ma place n'a jamais existé.
C'est mon pays pourtant, je l'ai connu. »
Un livre qui vous emmène plus loin que sur les glaces de l’Antarctique…
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mister-snake · 8 months
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Enfance perdue
Je me rappelle que lorsque j'étais jeune et inconscient, j'étais submergé par mes problèmes d'enfant. Deuils, viol, intimidation, disputes avec mes camarades, isolement, fugues, peine d'amour, alcoolisme, dépression, inadaptation sociale, problèmes de comportement.
À cette époque, je pensais naïvement que grandir signifiait forcément liberté, épanouissement et plaisir. Au fil des années, j'ai réalisé que j'avais tort et que je ne cesserai jamais de souffrir.
J'étais cet adolescent qui voulait grandir dans l'espoir d'apprendre à maîtriser ses pulsions et d'avoir une vie stable. Maintenant, je suis ce grand qui aimerait à tout prix s'échapper en redevenant l'enfant des bacs à sable.
Peu importe l'âge ou les moments, on reste la même foutue personne à travers le temps. Un grand dans un corps d'enfant, ayant maturé trop vite à cause des traumatismes. Un enfant dans un corps de grand, demeurant vulnérable et anxieux malgré les expériences.
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alexar60 · 6 months
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Le gouffre (histoire réécrite)
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(J'ai supprimé la précédente histoire parce qu'elle ne me plaisait pas)
Pendant les vacances, je suivais constamment mes potes. On faisait des tours de vélos dans le village ainsi que dans la campagne ou dans les bois. On allait loin, à dix kilomètres de chez mes parents. J’avais dix ans et personne ne s’en souciait. Certainement parce que dans les années quatre-vingt, l’insécurité n’avait pas la même définition. Surtout pour un groupe de garçons.
Ce jour-là, nous suivîmes Christophe dans la forêt. Il avait écouté sa grand-mère parler d’un lieu maudit mais oublié. Il s’agissait d’une grotte au cœur de la forêt, inaccessible par les chemins actuels. Et d’après elle, cet endroit serait maudit. Durant son enfance, il y vivait un ermite qu’on suspectait être un mangeur d’enfants. Alors, il voulait savoir si cette caverne existait réellement.
Nous passâmes une bonne demi-journée à chercher le lieu perdu. On privilégiait les anciennes carrières. Il y en avait quatre, sans trouver d’entrée pouvant correspondre. Je n’avais jamais autant fait de vélo de ma jeune vie, avant cette recherche. Malgré la fatigue, nous continuâmes jusqu’à un lieu appelé le chantoir.
L’endroit n’avait rien d’incommodant. Il n’existait aucune route pour y accéder, pas même de sentier officiel. C’était juste un creux entouré d’arbres. Cependant, une partie était composée de roches formant une sorte de falaise. Nous longeâmes les parois jusqu’à découvrir une faille caché par quelques plantes grimpantes.
C’est là ? demanda Mehdi.
Personne ne répondit. Christophe s’amusait à débarrasser le lierre pendant qu’Arnaud partit pisser contre un arbre. De mon côté, je restais assis sur mon vélo à attendre ce qu’on devait faire. Je regardais la brèche s’agrandir lentement après le nettoyage de mon copain. Il était évident qu’un adulte de taille moyenne pouvait entrer par cet endroit.
Les yeux de Christophe pétillaient devant l’entrée de ce qui ressemblait à une grotte. Nous restâmes derrière lui à attendre la suite. Il surprit le groupe en sortant de son sac à dos une lampe torche. Certain qu’on trouverait le site, il avait tout prévu. Il commença par allumer la lampe, la dirigeant vers la faille afin de voir au plus loin.
Et si l’ermite arrive ? intervint Mehdi.
Il doit être mort, répondit Christophe. Ma grand-mère m’a dit qu’il habitait ici quand elle avait notre âge.
Mais tu es certain que c’est ici ? rétorqua Arnaud.
On a trouvé une grotte, non ?
Puis, il avança. Il toucha du bout des doigts les parois avant de se retourner dans notre direction et d’ajouter :
Alors, vous venez ?
Je descendis de ma bicyclette. Par contre, Arnaud et Mehdi restèrent assis. Ils n’étaient pas convaincus par l’aventure qui s’offrait à nous. Dès lors, Arnaud expliqua qu’il commençait à se faire tard, préférant repartir et éventuellement revenir le lendemain. Je restais donc avec Christophe qui, trouva les mots pour me convaincre :
On entre cinq minutes, puis on revient demain avec les copains.
Ainsi nous pénétrâmes l’entrée de cette grotte inconnue. Nous étions comme Tom Sawyer et Huckleberry Finn à la recherche du trésor des pirates. L’idée de la présence de Joe l’indien titilla mon esprit, avant de disparaitre comme elle était venue.  Ce n’était qu’un dessin animé inspiré d’un livre, après tout.
Nous quittâmes le jour pour entrer dans la nuit. Seule la lampe torche permettait d’avoir un peu de lumière. Elle éclairait faiblement mais suffisamment pour entrevoir une distance de  quelques pas. Nous marchâmes lentement dans un court passage aux parois rugueuses. Je sentais les bords coupants de la roche presser contre mes vêtements. Enfin, nous arrivâmes dans ce qui parut être une salle.
C’est ici ! On a trouvé la grotte ! Cria de joie mon ami.
Je riais, heureux de notre découverte pendant qu’il sautait dans tous les sens. Nos clameurs résonnaient laissant croire que nous étions une centaine de personnes. Je proposais ensuite de rentrer. Soudain, mon pote découvrit un nouveau passage. Dès lors, il m’invita à le suivre.
Juste pour voir et après, promis, on fera demi-tour.
Résigné, je le suivis en pénétrant dans un petit couloir. Je devais légèrement m’accroupir pour éviter au plafond d’essuyer une couche moite sur mes cheveux. Nous marchions dans le noir complet, éclairé uniquement par un faisceau de lumière, lorsque je sentis le sol s’effondrer brutalement.
La chute fut, à la fois, rapide et longue. Nous n’avions pas eu le temps de hurler. Je me retrouvais étendu sur le dos au bord d’un précipice, une jambe pendant dans le vide. J’étais coincé sans savoir à quelle hauteur je me trouvais. Ma hanche ainsi que mon épaule droite faisaient horriblement mal. Chaque mouvement était insupportable.
A ce moment, je regrettais d’avoir suivi Christophe. Perdu dans le noir, je pensais à mes parents, à ma sœur. Je hurlais appelant à l’aide. Mais seul l’écho répondait. Tout à coup, une voix vint à mon oreille.
Ne panique pas, dit calmement Christophe.
Où es-tu ?
En dessous de toi.
Effectivement, sa main toucha mon bras gauche jusqu’à agripper mes doigts pour les serrer. Ce geste rassura mon esprit. Nous parlâmes de mes blessures et de leurs douleurs. Il me dit qu’il ne pensait n’avoir rien de cassé, quelques contusions. Mais il avait perdu la lampe et il ne pouvait nous éclairer. Puis il s’excusa de m’avoir emmené dans ce gouffre. De temps en temps, sa main serrait la mienne dans un geste fraternel.
Pendant des heures, nous restâmes à attendre, sans rien voir de ce qui nous entourait. Parfois, je m’endormais. Seulement au moindre mouvement, l’atroce douleur me réveillait. Christophe ne parlait jamais à moins de répondre à mes appels. Il attendait sagement, persuadé qu’une expédition viendrait pour nous secourir. C’était évident, on allait venir.
Quelle heure est-il ? questionnais-je.
Je ne sais pas… Deux heures, trois heures…
Il fait nuit ?
Oui.
J’ai peur, dis-je.
Il ne répondit qu’en serrant ma main encore une fois. Je ne savais pas où il trouvait cette force à croire en l’espoir. Il était toujours le premier à faire les conneries, on le suivait. Et finalement, on s’en sortait toujours. Il me rassura une dernière fois. Puis je m’endormis en l’entendant dire :
J’aimerais revoir ma mère.
Des murmures nous réveillèrent. Des échos perdus dans la cavité se rapprochaient de nous. Mon pote serra ma main lorsqu’une lumière éclaira mon visage. J’aperçus au loin, à une dizaine de mètres au-dessus de moi, des têtes casquées. Ils crièrent. Deux hommes descendirent en rappel pour me secourir. Je pus souffler. Aussi je fus surpris d’entendre une troisième personne demander si j’étais seul.
C’est trop profond pour continuer de descendre, annonça en criant un des sauveteurs. Il y a au moins cents mètres.
Mais Christ est juste là.
Désolé mais il n’y a que du vide. Tu as eu énormément de chance de tomber sur ce bord.
Comprenant son erreur, il ajouta : T’en fais pas, on va retrouver ton copain.
Il avait raison. Le corps de Christophe était bien plus bas.
J’ai mis plus d’un an à me remettre de mes blessures et dix ans à retrouver le moral sans penser à mon ami. J’ai gardé contact avec Mehdi et Arnaud pendant longtemps. Après cette tragédie, nous avions arrêté nos conneries. Cependant, Je ne les ai jamais remerciés d’avoir donné notre position. Sans eux, je serai aussi mort. De même, je n’ai jamais parlé de nos discussions dans le gouffre avec Christophe. Parce qu’elles n’étaient pas possibles d’après les secours. Le précipice était trop lisse pour qu’il puisse se tenir. Mais il était avec moi pendant tout ce temps, à attendre qu’on vienne me sauver.
Alex@r60 – novembre 2023
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swedesinstockholm · 7 days
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14 avril
rebel wilson l'actrice australienne a perdu sa virginité à 35 ans, je l'ai vu dans mes suggestions youtube rebel wilson talks losing virginity at 35, clickbait suprême s'il en est, je me suis jetée dessus en espérant que ce soit pas une blague ou un coup de marketing. elle l'a révélé dans le cadre de la sortie de son autobiographie. elle a juste mis beaucoup de temps à se rendre compte qu'elle était lesbienne en fait. c'est toujours la même histoire. aujourd'hui elle a 44 ans elle est fiancée et elle a un bébé qu'elle a eu via une mère porteuse. moi je suis à deux ans d'avoir 35 ans et je pleure dans mon lit parce que r. vient de me dire qu'il était attiré par adrianne lenker et que je serai jamais cool et androgyne comme adrianne lenker. il a dit en plus elle est habillée comme moi et j'ai dit t'es attiré par les filles qui s'habillent comme toi? et il a dit eh bien je remarque que oui et j'ai failli lui dire alors je sais comment je vais m'habiller la prochaine fois qu'on se voit mais heureusement je me suis retenue.
après m'avoir dit bonne nuit j'ai vu un moucheron sur ma jambe et j'avais envie qu'il me mange. qu'il fasse un trou dans ma cuisse et me dévore petit à petit jusqu'à ce que j'existe plus. je peux même plus écouter adrianne lenker maintenant. elle est en couple avec une fille en plus, elle est censée être là pour me réconforter. peut être que je ressemble tout simplement pas assez à une lesbienne pour que r. tombe amoureux de moi. j'arrive pas à croire qu'on est attirés par le même type de filles. il manquerait plus qu'il soit attiré par les garçons qui lui ressemblent. et là je peux encore moins concourir. je suis courte sur pattes et dodue j'ai des gros seins et je suis moche avec les cheveux courts.
il va la voir en concert en mai juste après son propre concert, il connait sa violoniste elle lui a filé une place gratuite, j'ai dit ohlala la soirée de rêve et il m'a dit viens!!! mais c'est la veille du mariage de s. et adrianne lenker c'est complet depuis longtemps et surtout SURTOUT hors de question de faire la potiche-groupie amoureuse toute seule dans le public à son concert. et lui il va probablement pas faire comme moi à la maison poème et sacrifier sa vie sociale pour rester discuter avec moi dans un coin. non mais le culot. jamais de la vie j'aurais osé l'embarquer dans une conversation sur les traumas de mon enfance, en pleine gloire de post-représentation, non mais c'est pas vrai. j'en ai marre que notre relation soit déséquilibrée. il représente trop pour moi. pour lui je suis une parmi. pour moi il est le.
cet après-midi je suis partie me promener toute seule le long des champs et à un moment j'étais un peu en hauteur à la croisée de deux chemins et le vent faisait voler mes cheveux au soleil et je me suis rappelé d'un moment de dimanche dernier, juste après la fin des lectures quand je nous ai servi des verres d'eau sur un coin de la scène pendant qu'on se congratulait mutuellement et puis je me suis retournée et j'ai vu r. assis tout seul dans les gradins presque vides et je lui ai souri en lui faisant un pouce en l'air et il m'a répondu en faisant je sais plus quoi et puis il faisait semblant de jouer le solo de guitare qui était en train de passer et je le regardais en souriant, c'était comme si on bouclait la boucle, ou qu'on recommençait depuis le début, mais cette fois tu tombes amoureux de moi ok?
à chaque fois que je croisais des gens pendant ma ballade cet après-midi j'étais l'amoureuse. quand je me promène dehors j'endosse toujours une occupation, selon mes préoccupations du moment. parfois je suis l'écrivaine, parfois je suis la serpillère, parfois je suis la winneuse parfois je suis la loseuse, parfois je suis la paumée, etc. aujourd'hui j'étais l'amoureuse. si mon crâne était transparent les gens que j'ai croisés n'auraient vu que r.
15 avril
j'ai accompagné maman et m. au centre commercial pour me changer les idées cet après-midi mais bof j'étais assise sur un fauteuil mauve avec le regard perdu dans le vide à me demander si je devais arrêter de porter des robes pendant que maman essayait des doudounes fines à petits bourrelés et que m. la conseillait. dans le supermarché j'arrivais tellement plus à me porter que je me suis appuyée contre un bout de rayon en semi catatonie. à chaque fois j'oublie que les centres commerciaux m'aspirent l'âme. en passant devant la librairie j'ai vu deux de mes anciennes collègues. j'ai oublié leurs noms parce que je les mentionne pas dans mon texte. ça m'a rappelé dimanche dernier et ça m'a un peu remonté le moral. quand j'y travaillais je me demandais ce que je pourrais en tirer, artistiquement, je voulais en faire un film, un court-métrage, mais finalement j'en ai fait un poème. mon ancien responsable serait fier de moi.
aujourd'hui je me suis dit que peut être que je devrais arrêter d'écrire. j'ai déjà perdu le raisonnement qui m'a menée à cette conclusion, c'est plutôt que j'ai réalisé que je pouvais pas me contenter d'avoir juste l'écriture dans ma vie. je suis pas comme laura vazquez par exemple. au bout d'un moment ça me monte trop à la tête et je vois plus que des mots et des phrases et des choses qu'on dit et qu'on redit comme ça ou comme ça mais c'est toujours la même chose. au bout d'un moment je sature et tout me semble ridicule. donc il me faut autre chose. pour contrebalancer. qu'est-ce que je ferais si j'arrêtais complètement d'écrire? par quoi je me définirais? il faudrait bien que je me trouve une autre destinée. j'ai envie d'arrêter rien que pour voir ce que je ferais, même si je ferais très probablement rien du tout.
ce matin par exemple j'étais allongée sur mon lit au soleil avec la fenêtre grande ouverte à lire mon journal de 2004 en écoutant le premier album de muse pour me mettre dans le contexte et j'interrompais régulièrement ma lecture pour chanter avec matthew bellamy et aussi avec sa guitare en me tortillant sur mon lit, c'était cathartique, c'était mieux qu'une séance de psy ou n'importe quoi vraiment, peut être que je devrais faire ça tous les matins, pour purifier mon âme. bon mais je lisais mon journal en vue de l'écriture d'un texte sur l'été 2004, donc ça reste une occupation liée à l'écriture.
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jpbjazz · 7 days
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LÉGENDES DU JAZZ
CLORA BRYANT, ‘’THE WOMAN WITH THE HORN’’
“Those male trumpet players guard those positions like a bulldog on a bone. We got a tough row to hoe with the trumpet.”
- Clora Bryant
Née le 30 mai 1927 à  Denison, au Texas, Clora Larea Bryant était la plus jeune des trois enfants de Charles et Eulila Bryant. Bryant avait deux frères, Frederick et Melvin. Le père de Bryant était manoeuvre et sa mère était maîtresse de maison. Bryant avait seulement trois ans lorsqu’elle avait perdu sa mère.
Bryant avait d’abord commencé à apprendre le piano avec son frère Melvin. Bryant avait adopté la trompette après que son high school ait décidé d’établir un orchestre et un ensemble de cors et clairons. Durant son enfance, Bryant avait aussi été membre de la chorale de l’église baptiste locale. Même s’il était peu fortuné, le père de Bryan l’avait toujours encouragée à devenir musicienne et lui avait même payé des cours privés. Comme Bryant l’avait expliqué plusieurs années plus tard, "Nobody ever told me, 'You can't play the trumpet, you're a girl.' Not when I got started in high school and not when I came out to L.A. My father told me, 'It's going to be a challenge, but if you're going to do it, I'm behind you all the way.' And he was."
Lorsque son frère Fred s’était joint à l’armée, il avait laissé sa trompette derrière lui, et Bryant en avait profité pour apprendre à jouer. Durant ses études au high school, fascinée par la musique de jazz qu’elle entendait à la radio, Bryant avait d’ailleurs joué de la trompette avec l’ensemble de cors et clairons de l’école.
Après avoir refusé des bourses pour aller étudier dans les meilleures écoles musicales au pays dont le Oberlin Conservatory et le Bennett College, Bryant avait commencé à fréquenter le Prairie View College de Houston en 1943. Fondée en 1876, Prairie View était la première école entièrement réservée aux étudiants de couleur à avoir été reconnue par l’État du Texas. Bryant avait choisi Prairie View parce que le collège avoir avait un groupe de jazz féminin de seize membres, les Prairie View Co-eds. Comme Bryant l’avait précisé plus tard:  “When I found out they had an all-girl band there, that’s where I was going.”
Devenue membre du groupe, Bryant avait fait le tour du Texas, avant de se produire au célèbre  Apollo de Harlem en 1944. Après que son père ait décroché un emploi dans un chantier naval de Los Angeles, Bryant avait été transférée à UCLA en 1945. Après avoir entendu le trompettiste Howard McGhee jouer au club Down Beat de la Central Avenue, Bryant était immédiatement tombée amoureuse du bebop.
DÉBUTS DE CARRIÈRE
En 1946, Bryant s’était jointe aux International Sweethearts of Rhythm, un big band qui avait été fondé deux ans auparavant par Clarence Love et qui était alors le groupe de swing féminin le plus important au pays. Après avoir obtenu sa carte de l’Union des musiciens, Bryant avait finalement décidé d’abandonner l’université.
Fascinée par le bebop, Bryant avait laissé tomber les International Sweethearts of Rhythm pour se joindre à des jam sessions dans des clubs de Central Avenue comme le Club Alabam, The Downbeat et The Bird in the Basket (aussi connu sous le nom de Jack’s Basket Room). Comme Bryant l’avait expliqué des années plus tard dans le cadre d’une entrevue d’histoire orale: “I would not go without my horn. If I knew there was going to be somebody there, I’d have my horn with me, because I wanted to be a part of it. I wanted to try to learn something.” Un jour, Bryant se produisait dans un club d’Hermosa Beach lorsque Charlie Parker était monté sur scène avec un saxophone qu’il avait emprunté. Pour la mettre en confiance, Parker lui avait alors chuchoté à l’oreille: “Stick to what you can do. And know what you can’t.” “I almost wet my pants”, avait déclaré plus tard Bryant.
Par la suite, Bryant était entrée dans le groupe Queens of Swing (comme batteuse) et était partie en tournée avec la formation. En 1951, le groupe, qui comprenait la saxophoniste Minnie Hightower, s’était produit à la télévision sous le nom des Hollywood Sepia Tones dans le cadre d’une émission de variétés d’une demi-heure diffusée sur les ondes de la station KTLA. La formation était ainsi devenue le groupe de jazz féminin à faire une apparition à la télévision. L’émission avait finalement été annulée auprès six semaines faute de commanditaires. À l’époque du tournage de l’émission, Bryant était enceinte de sept ou huit mois. Après la naissance de sa fille, Bryant s’était jointe à la revue entièrement féminine d’Ada Leonard. Malheureusement, Bryant avait dû quitter la revue après seulement une semaine après que la direction ait reçu des plaintes des spectateurs réclamant son congédiement en raison de la couleur de sa peau...
Durant la majeure partie des années 1950, Bryant avait dirigé régulièrement des jam sessions dans les environs de Los Angeles. En 1951, Bryant avait fait partie du groupe-maison du club Alabam, ce qui lui avait permis d’accompagner des chanteuses comme Josephine Baker et Billie Holiday. Toujours en 1951, Bryant avait été membre d’un sextet entièrement féminin dirigé par Ginger Smock avec lequel elle avait joué, non de la trompette, mais du violon. Le groupe, qui s’était produit durant six semaines dans le cadre d’une émission diffusée sur le réseau CBS, était ainsi devenu le premier groupe entièrement de couleur à animer une émission de télévision.
En 1954, Bryant était retournée à New York, car elle n’avait plus le goût de jouer avec des groupes. Deux ans plus tard, une autre pionnière du jazz féminin, la tromboniste Melba Liston, qui faisait alors partie du groupe de Dizzy Gillespie, l’avait présenté à ce dernier. Ébloui par le talent de Bryant, Gillespie était devenu son mentor et lui avait obtenu du travail. Gillespie avait même fait cadeau à Bryant d’une de ses embouchures qu’elle avait utilisée par la suite durant des années. Comme Gillespie l’avait expliqué en 1989 dans le documentaire “Trumpetistically, Clora Bryant”: “If you close your eyes, you’ll say it’s a man playing. She has the feeling of the trumpet. The feeling, not just the notes.”
En 1957, Bryant avait enregistré son premier et seul album comme leader, ‘’Gal with a Horn’’ À la demande de la compagnie de disques Mode Records, mais contre son gré, Bryant avait chanté sur les huit pièces de l’album, même si c’est son talent à la trompette qui avait surtout impressionné, révélant les influences tant de Louis Armstrong que de pionniers du bebop comme Dizzy Gillespie et Fats Navarro. Pour obtenir plus de contrats, Bryant avait même commencé à imiter la voix d’Armstrong dans le cadre de ses concerts. Et ça avait fonctionné. Comme Bryant l’avait expliqué en 2014 dans le cadre du documentaire The Girls in the Band: “And I was a hit, honey. They loved me!”
Au milieu des années 1950, Bryant était retournée à la vie de musicienne itinérante, se produisant particulièrement dans les clubs de Chicago et de Denver. Bryant s’était également produite à Las Vegas avec Louis Armstrong et Harry James. En fait, Armstrong avait été tellement impressionné après avoir entendu Bryant jouer dans un club qu’il avait insisté pour monter sur scène avec elle dans un club de Las Vegas en 1960. Bryant précisait: “He was in the big room and I was in the lounge, where he’d been catching my act in the back. And one day, here comes Louis with his whole band, coming from the big room, walking through the entire casino and coming up on stage and singing and playing with me!”
À la fin des années 1950 et durant les années 1960, Bryant avait fait la tournée des principales villes américaines, souvent dans le cadre d’un hommage à Louis Armstrong. À Las Vegas, Bryant avait aussi joué avec Damita Jo, Harry James, et Sammy Davis Jr., avec qui elle avait fait une apparition dans le film ‘’Pepe’’ en 1960. Dans les années 1960, Bryant avait également fait un séjour à La Nouvelle-Orléans avec le groupe d’Horace Henderson.
De 1962 à 1964, Bryant avait collaboré avec le chanteur Billy Williams à Las Vegas avec qui elle avait participé au Ed Sullivan Show. Bryant avait même composé une pièce de l’album “The Billy Williams Revue.” De 1964 à 1966, Bryant avait fait équipe avec son frère Melvin, qui était chanteur, acteur et danseur, dans le cadre d’une tournée autour du monde. Ils avaient même eu leur propre émission de télévision en Australie. Après la naissance de son quatrième enfant en 1969, Bryant s’était inscrite à un baccalauréat en musique à UCLA, s’intéressant plus particulièrement à l’histoire de la musique afro-américaine.
À la fin des années 1970, Bryant s’était produite avec différents groupes de Los Angeles, dont le Bill Berry’s LA Band. En 1975, Bryant avait rendu hommage à son idole et mentor Dizzy Gillespie dans le cadre de la suite “To Dizzy with Love”. En 1993, Bryant avait de nouveau rendu hommage à Gillespie en dirigeant le concert Trumpet Summit aux côtés de Clark Terry, Jon Faddis, Freddie Hubbard et plusieurs autres trompettistes. Vers 1980, Bryant avait également assuré la relève de Blue Mitchell dans le big band de Bill Berry.
Souvent victime de discrimination en raison de son sexe et de la couleur de sa peau, Bryant n’avait créé son propre groupe qu’après son retour à Los Angeles en 1979. Tout en dirigeant le groupe Swi-Bop (son fils Kevin avait même été le batteur de la formation à la fin des années 1980), Bryant avait terminé son baccalauréat en musique à UCLA et travaillé avec le sextet du saxophoniste Teddy Edwards. Elle avait aussi joué  du Dixieland avec les New Orleanians de Roger Jamieson. Au cours de la même période, Bryant avait également collaboré avec le big band de Gerald Wilson, tout en travaillant avec Jeannie et Jimmy Cheatham, la chanteuse Nellie Lutcher et le pionnier du rhythm & blues Johnny Otis.
En 1982, Bryant avait enregistré un dernier album avec la chanteuse de blues Linda Hopkins. Parallèlement, Bryant avait continué de se produire sur scène, participant notamment au North Sea Jazz Festival avec le Sweet Baby Blues Band de Jeannie Jeannie et Jimmy Cheatham en 1987 ainsi qu’à plusieurs festivals de Los Angeles.
Loin de se décourager du peu d’occasions qui lui étaient offertes d’enregistrer et de se produire sur scène, Bryant avait même écrit personnellement au président Mikhail Gorbachev en 1989 en lui proposant de devenir “the first lady horn player to be invited to your country to perform”. Sans doute pour plaisanter, Gorbatchev avait fait parvenir à Bryant une invitation formelle de venir jouer en URSS. Prenant Gorbatchev au mot, Bryant avait financé son voyage grâce à l’aide de la communauté musicale de Los Angeles. Un an plus tard, Bryant avait fait la tournée du pays avec ses fils, devenant ainsi la première musicienne de jazz à faire une tournée en URSS.
DERNIÈRES ANNÉES
Au début des années 1990, les contrats étant devenus de plus en plus rares, Bryant avait été contrainte de vivre sur la sécurité sociale. Elle avait même dû céder deux de ses trompettes à un prêteur sur gages afin de pouvoir survivre. La majorité de ses biens avait également brûlé lors des émeutes de Rodney King en 1992 qui avaient emporté la plus grande partie de sa maison.
Après avoir été victime d’une crise cardiaque et avoir fait l’objet d’un quadruple pontage coronarien en 1996, Bryant avait dû cesser de jouer de la trompette. Elle avait cependant continué à chanter. Bryant avait aussi commencé à donner des lectures sur l’histoire du jazz dans les collèges et des universités. Bryant avait également co-dirigé un livre sur l’histoire du jazz à Los Angeles intitulé ‘’Central Avenue Sounds: Jazz In Los Angeles (1921-1956)’’, dans lequel elle avait évoqué la glorieuse époque du jazz sur Central Avenue. Elle avait aussi écrit deux livres pour enfants et travaillé dans les écoles élémentaires de Los Angeles. Une des plus grandes satisfactions de Bryant était cependant d’avoir réussi à obtenir une étoile pour son idole Dizzy Gillespie au Hollywood Walk of Fame en 1991.
Consciente de la nécessité de transmettre ses connaissances aux futures générations, Bryant avait précisé: ‘’When I grew up there were legends everywhere, and now the legends don't make themselves available to young people anymore… these days people just get in their limos and away they go, and it hurts my heart."
Le 6 mai 2002, la carrière de Bryant avait été couronnée par la remise du Mary Lou Williams Women in Jazz Award décerné par le Kennedy Center de Washington, D.C.  C’est le légendaire pianiste Billy Taylor qui lui avait remis son prix. Bryant avait même chanté quelques-unes de ses compositions dans le cadre de l’événement. Le Conseil municipal de la ville de Los Angeles avait également décerné à Bryant le titre de légende du jazz et d’ambassadrice de bonne volonté en 2018. Bryant avait aussi remporté deux prix de composition et de performance de la National Endowment for the Arts.
En 1989, la cinéaste Zeinabu Irene Davis a consacré à Bryant un documentaire intitulé ‘’Trumpetistically, Clora Bryant.’’ En 2014, la trompettiste avait également été en vedette dans le film de  Judy Chaikin intitulé ‘’The Girls in the Band’’
Bryant avait épousé le contrebassiste Joe Stone en 1948. Stone, qui voyageait souvent en tournée avec T-Bone Walker et Jimmy Witherspoon, avait rencontré Bryant alors qu’elle se produisait dans les environs de Los Angeles. Le couple avait eu deux enfants: April et Charles Stone. Le mariage s’était terminé sur un divorce. Bryant avait eu deux autres enfants de sa liaison avec le batteur Leslie Milton, Kevin et Darrin Milton.
Clora Bryant est morte le 25 août 2019 au Cedars-Sinai Medical Center de Los Angeles après avoir été victime d’une crise cardiaque à sa résidence. Elle était âgée de quatre-vingt-douze ans. Ont survécu à Bryant ses quatre enfants, April, Charles, Darrin et Kevin, neuf petits-enfants et cinq arrrière-petits-enfants. Ses frères Frederick et Melvin étaient déjà décédés au moment de sa mort.
Avant même d’amorcer sa carrière, Bryant avait toujours su que le double handicap posé par son sexe et sa couleur serait un obstacle à sa reconnaissance comme trompettiste de jazz. De fait, mis à part la période où elle avait accompagné Billie Holiday au club Alabam de Los Angeles, Bryan avait souvent été reléguée dans des groupes exclusivement féminins comme les Queens of Rhythm avec lesquels elle avait même joué de la trompette et de la batterie simultanément après que la batteuse en titre ait quitté la formation. C’est seulement au milieu de sa carrière que Bryant avait été considérée comme une musicienne à part entière dans les groupes et les big bands de la région de Los Angeles. Faisant référence au peu de reconnaissance dont Bryant avait été l’objet au cours de sa carrière, le saxophoniste Teddy Edwards avait déclaré: “You know, she’s as good as any man. She has range and ideas and enough talent to go to the top.” 
Décrivant le style de Bryant, le journaliste Dick Wagner avait écrit dans le Los Angeles Times en 1992: “When Bryant plays the blues, the sound is low, almost guttural, a smoldering fire. When she plays a fast tune, the sound is piercing — the fire erupts.” 
Consciente de toutes les épreuves qu’elle avait dû traverser au cours de sa carrière, Bryant ne s’était pas gênée pour comparer les trompettistes à un ‘’Boy’s Club’’ au cours d’une entrevue qu’elle avait accordée au réseau NPR en 1993. Bryant avait déclaré: “Those male trumpet players guard those positions like a bulldog on a bone. We got a tough row to hoe with the trumpet.” L’un des fils de Bryant avait confirmé: “It was a man’s world and that made it hard for her. But it only fueled her fire, made her more determined.”
Même si à la fin de sa carrière, les autres musiciens de jazz lui avaient démontré beaucoup plus de respect, tel n’avait pas toujours été le cas des propriétaires de clubs. Comme Bryant l’avait déclaré au cours d’une entrevue qu’elle avait accordée au New York Times en 1998, “When you put that iron in your mouth, you run into problems. The other horn players gave me respect, but the men who ran the clubs considered me a novelty.”
Se considérant simplement fière d’avoir pu jouer la musique qu’elle aimait, Bryant avait ajouté: “I’m sitting here broke as the Ten Commandments, but I’m still rich. With love and friendship and music. And I’m rich in life.” 
Évoquant ses débuts sur la Central Avenue de Los Angeles, qui était un peu l’équivalent de la 52e rue pour New York dans les années 1950, Bryant avait commenté: “When I came out here, there weren’t any girls playing in jam sessions on Central Avenue. Hey, I had nerve! I’d get my horn and just walk up there and start playing. And I was the only female who did that. I had antennae like you wouldn’t believe.”
Un peu comme sa grande amie la tromboniste Melba Liston, Bryant avait servi de modèle à plusieurs musiciennes de jazz qui avaient été trop souvent confinées à un rôle de pianistes et de chanteuses. Comme l’avait déclaré la trompettiste canadienne Rachel Therrien, “Clora Bryant was an unforgettable and powerful role model. She’s inspired me to push forward as a jazz trumpeter and a bandleader. While I never got the opportunity to meet her personally, I am forever grateful for all her hard work, which opened the path for future generations of women like myself.” 
Malheureusement, Bryant n’avait jamais obtenu toute les chances qu’elle méritait, non seulement parce qu’elle était une Noire, mais aussi parce qu’elle était une femme.
©-2024, tous droits réservés, Les Productions de l’Imaginaire historique
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jloisse · 11 months
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⚠️⚠️ CLIMAT – LA STATION DE RECHERCHE SOVIÉTIQUE DU PÔLE SUD, EN ANTARCTIQUE, EST PRESQUE ENTIÈREMENT RECOUVERTE DE NEIGE 65 ANS APRÈS SA CONSTRUCTION ⚠️⚠️
Qu'est-il arrivé au réchauffement climatique ?
Gretha a-t-elle perdu son enfance pour rien ?!
Le réchauffement climatique est une vaste fumisterie 🤡.
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tournevole · 1 month
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Enfance (A Jacques Charpentreau)
Lorsque l'enfant a peur de perdre son enfance,
il consulte parfois son amie la girafe,
qui soudain le soulève et l'assoit sur son cou
pour faire dans le parc un rapide galop
ressemblant au tangage ; et l'enfant se promène
à bord de ce navire où l'étoile est si proche,
l'étang si renversé, la montagne si basse ...
Les lois de la nature, ô miracle ! s'annulent
dans une grande fête, et les vieilles personnes,
perdues par la raison, n'osent plus s'immiscer
dans le bonheur qui d'arbre en arbre s'improvise
comme un bal costumé parmi les ballons rouges.
La girafe est légère en sa longue tendresse,
et l'enfant rassuré peut devenir adulte.
(Alain Bosquet, Sonnets pour une fin de siècle, Éditions Gallimard, 1982)
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arypurple · 9 months
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Shuu Sakamaki
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Nom: Sakamaki.
Prénom: Shuu.
Parents: Karlheinz et Beatrix.
Âge: 19 ans (physiquement)
Race: Vampire.
Taille: 1m80
Date de naissance: 18 octobre.
Signe astrologique: Balance.
Nourriture favorite: Steak saignant.
Hobbies(s): Écouter de la musique et jouer du violon.
Physique: Shuu est un jeune homme aux cheveux blonds légèrement bouclés, et aux yeux bleu océan dont il a hérité de sa mère. Il a des clous noirs aux deux oreilles. Shuu est toujours vu avec son mp3 attaché à un fil qui est enroulé autour de son cou et avec les écouteurs toujours aux oreilles.
Caractère: Shuu est un vrai dormeur et est vu en général en train de dormir dans le salon ou dans la salle de musique de l'école. Il sèche souvent les cours et a été retenu une fois en tant que senior du lycée. Selon d'autres étudiants, il est le propriétaire de la salle de musique. Apathique et paresseux, Shuu n'aime rien d'autre que la musique. Il écoute toujours de la musique, même dans son bain, aimant la musique classique allant du violon au piano. Il manque de motivation et est assez paresseux pour ne presque rien faire, s'ennuyant de la vie à cause de tous les événements de son enfance traumatisante. Bien que Shuu soit le fils aîné, il ne prend pas la responsabilité de s'occuper de ses cinq frères ou de la maison, poussant principalement le travail à Reiji. Shuu est également un peu pervers. En raison de son passé avec Edgar, il est pyrophobe.
Histoire: Shuu se sent étouffé par l'attention, les restrictions et les responsabilités qui lui ont été imposées, le conduisant à fuir sa maison. Il a ensuite rencontré Edgar, un garçon humain d'un village éloigné dans le monde des humains. Shuu l'atteignit à travers les passages souterrains qui reliaient les mondes démon et humain. Ils sont vite devenus les meilleurs amis. Parce que Shuu a pris l'habitude de s'enfuir pour jouer avec Edgar, Reiji a détruit le village dans un incendie dans une tentative malavisée d'impressionner et d'aider sa mère qui souffrait à chaque fugue de la part de son fils, et d'enlever le bonheur de Shuu par jalousie. Voulant sauver ses parents malgré les protestations de Shuu, Edgar alla dans le feu et "mourut". En raison de la "mort" d'Edgar, Shuu s'est blâmé et a développé un traumatisme grave de l'incident. Avec les propres caprices de Reiji que Shuu était inutile et ne pouvait rien faire de lui-même, mais surtout à cause de la pression de Beatrix, Shuu se retira et perdit tout intérêt à faire quoi que ce soit, sauf si Reiji le provoquait. Comme punition d'avoir échoué à son examen et devoir répéter une année scolaire, Karlheinz l'a envoyé en exil dans le pôle Nord. Il devait faire attention à ne pas tomber dans l'océan et devait combattre les ours polaires. Il a même été griffé quand il est revenu à la maison.
Bonus:
Il redouble la troisième année de lycée.
Il est gaucher.
Il déteste la nourriture trop sucrée.
Sa taille de pied est de 27,5cm.
Shuu a peur du feu depuis l'enfance, car il a supposé que son meilleur ami Edgar soit mort dans un incendie.
Shuu aime la musique classique.
Il joue le violon et le piano.
Il avait un chien.
Il déteste les vers.
Son père lui a donné un violon, mais Shuu l'a perdu et on soupçonne que Reiji l'ait cassé. Ensuite, dans Dark Fate, il a été révélé que Cordelia a cassé ce violon avec l'aide de Richter.
Il est révélé dans Dark Fate de Yuma Mukami que le vrai nom de Shuu est Ririe.
Shuu a déjà travaillé comme caissier.
Une fois il a dormi sur Shin sous sa forme de loup.
Il a déjà proposé à Kou de devenir son frère cadet, bien que ce dernier ait rejeté cette offre.
Quand ils étaient enfants. Laito a mangé tous les bonbons dans le réfrigérateur, mais caché les emballages de bonbons dans les poches de pantalon de Shuu donc Reiji a fini par gronder Shuu au lieu de Laito... Shuu dit qu'il est toujours en colère contre Laito à ce sujet.
Son endroit préféré où sucer le sang est la poitrine.
Chanson thème: 🎵
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guesswhogotaname · 1 year
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Here we go again... 
Ça faisait loooooongtemps l'équipe ! Me revoilà après avoir ouvert un dossier perdu sur le bordel de mon ordi intitulé "FICS" et boum je tombe sur cette pépite hehehe! On est toujours sur cet ✨AU multilanguage kt ✨j'espère que ça va vous plaire, n'hésitez pas à partager vos idées et vos critiques ! 🤟 Voilà, kiffez bien votre lecture les djeunes !
Le jour qu'elle avait tant attendu arrivait enfin.
Son cœur battait à la chamade dans sa poitrine, tout le monde la regardait s’avancer vers l’autel. Elle souriait, ravie, impatiente, nerveuse. Tous les représentants des terres celtes étaient venus en Carmélide pour son mariage ; elle était épiée, chaque geste, chaque pas étaient méticuleusement observés, détailler. Elle n’était pas belle, elle le savait, mais elle se sentait fière. Fière d'être la digne fille de sa mère et de son père ; celle qu'on avait choisi pour l'Élu des Dieux. En silence elle leur adressa une prière ancienne, espérant être à la hauteur de ce qu'on attendait d'elle. Son fiancé était là, habillé d’une tunique bleu ciel, la couronne de fleur posée sur sa tête, son air bougon, agacé, ses cheveux noirs, coupé court, tellement différent des hommes d’ici. 
Elle arriva à sa hauteur, mais n’osa pas rencontrer son regard. C'était encore un geste trop démesuré pour elle. Devant eux, le prêtre s’avança, vêtu d’une longue robe sombre, et d’une lourde croix pendant à son cou. Il avait un calice doré entre ses mains. 
« Au commencement, le Seigneur Dieu dit : il n’est pas bon que l’homme soit seul. » Il prononça lentement, pesant contre sa langue le poids de ses mots. 
Ghenifar ne connaissait pas les rites ou les coutumes des chrétiens. Sa mère crachait sur leur pratiques barbare et austère. Son père n’en pensait pas mieux. Son enfance avait été bercée de contes et de légendes ; des Dieux puissants qui se transformaient en rivières ou en forêt, des géants qui siégeaient au sommet des plus hautes montagnes, et qui observaient les Hommes avec compassion et une certaine forme de sévérité. Créatures omniprésentes, toujours parmi eux, témoins silencieux. Ils étaient impétueux et sa famille lui avait appris à craindre la foudre, à lire les signes des sécheresses, les corbeaux morts qui annoncent la peste, les hivers trop rudes qui présagent la guerre. Elle obéissait aux croyances de sa mère et de son peuple. 
Le prêtre continuait son sermon dans cette langue bizarre, aux sonorités écorchées, aigües ; la dévotion dans ses paroles et dans ses yeux rendait son discours presque touchant. 
Ghenifar s’agita, inconfortable ; elle tritura nerveusement la manche de sa robe de noce, inquiète de ce que les Dieux pensèrent d’elle. Ils la foudroieraient sur place si elle prêtait un serment à une icône factice. Elle essaya discrètement de faire signe à sa mère qui se tenait à sa gauche. Cette dernière hocha la tête, grande Reine-Guerrière, elle ne fléchira pas devant les envahisseurs et leur idole de bois. Mais aujourd’hui, les Éternels feront exception pour le bien du peuple celte. 
Ghenifar retourna son attention sur la cérémonie. L’homme, qui se fait appeler « Père » par les invités, approcha le verre des lèvres de son époux. Il prit une gorgée, avant un soupir. 
« Le sang du Christ. » Confia le prêtre devant elle, lui tendant la coupe où reposait un breuvage odorant et ocre à l’intérieur. 
Ghenifar ne comprenait pas les mots, mais elle obéit. Les druides de son pays faisaient ça aussi, ils partageaient dans une jatte plate le sang d’un animal sacrifié et ils le buvaient chacun leur tour, subissant la prophétie envoyée. Dans ces croyances, ce n'était pas anodin, le sacrifice d'un être vivant était nécessaire seulement pour mes fêtes importantes ou avant les batailles décisives. Ici, les gens boivent du sang comme d'autres boiraient-ils du vin ou du lait... Les druides ne prenaient jamais part, ils n'avaient pas de chef, ils servaient les Dieux. Pourquoi alors cet homme que tous appelle "Père" est au service du Roi ? Ghenifar eu soudainement une boulé d'angoisse logée au dessus de sa poitrine, le prêtre était peut-être un mauvais présage, il apporte le dieu usurpateur... Mais tout le monde attendait, impatiemment, elle devait faire comme eux.
Elle fut surprise quand elle prit une lampée du liquide âpre qui puait le vinaigre. C’était du vin. Elle ne put retenir une grimace, le goût infect restait sur sa langue et descendait dans sa gorge. Ce n'était pas du sang. Son futur époux l’observa, étonné de sa réaction, mais il eut un demi-sourire amusé. 
Ghenifar ne put s’empêcher de rougir. 
Le prêtre reprit, dans une voix monotone et solennelle. « Vous avez écouté La parole de Dieu qui a révélé aux Hommes le sens de l’amour et du mariage. Vous allez vous engager l’un envers l’autre. » 
Son époux leva les yeux au ciel, marmonna quelque chose entre ses dents, ses iris sombres ne masquant rien de son agacement absolu. « Oui, bon, allez, grouillez-vous, on n’a pas toute la journée… » 
« Je peux pas aller plus vite c’est les codes ! » 
« Vous savez où je les mets vos codes à la con ? » Il menaça, la mâchoire crispée par sa colère contenue.  
Des murmures se propagèrent dans l’assemblée. Outré, le prêtre semblait avoir les yeux qui sortaient de son crâne. Il souffla un « Enfin Sire ! » en faisant un signe de croix sur son cœur. 
Ghenifar restait muette, elle observait la scène sans en saisir le sens. Les coutumes chrétiennes étaient particulières. Dans sa famille, la foi était pratiquée par des chants et des danses. On appelait les Dieux à rejoindre les festivités, les gens voulaient les honorés par des jeux et d’immense banquet. 
Arthrhy se tourna vers elle et enfin leurs yeux se rencontrèrent. Ghenifar resta suspendue à ses lèvres, observant méticuleusement son futur époux prononcé des mots en brittonique pour que tous ici puis comprendre son affection. Tous allaient être témoins du début de la plus belle histoire d’amour jamais écrite. Elle était si heureuse d’entendre ses vœux, et son cœur s’envolait comme un oiseau libre et fou. 
« Aujourd’hui, Naofa Gwenhwÿfar… » Il n’arriva pas à terminer sa phrase ; les mots avaient pourri sur sa langue et l’odeur amère de la trahison emplissait ses narines. Il la regarda un instant. Elle était d’une beauté attendrissante, presque triste. Elle aussi portait une couronne de fleurs sur ses cheveux bruns, quelques pétales s’étaient perdues dans ses boucles, son visage rond à peine sorti de l’adolescence, ses grands yeux noisette, pétillant d’une joie immense. Elle était trop jeune pour être une épouse, pour être Reine. En déclarant ses vœux d’un mariage éternel et heureux, Arthrhy la condamnait à une vie bien malheureuse. Il avait honte. « Je vous prends pour être ma femme. » Il eut le temps d’une inspiration, les mensonges collaient à sa langue et son palais, il avait l’impression de s’étouffer. La dernière fois qu’il avait prononcé ses mots, c’était par amour et non par devoir. Il trahissait Aconia, et il trahissait cette jeune femme dont il ne connaissait que le nom. Tout les Dieux, anciens et nouveau, devraient le maudirent à l’instant pour son impunité. « Je promets de vous aimer pour le meilleur, pour le pire, dans la maladie ou dans la santé, jusqu’à ce que la mort nous sépare. » Il termina rapidement son scandaleux mensonge, le cœur serré dans sa poitrine.
Lui qui avait cru être un homme intègre, loyal et juste… Il était comme tous les autres ; avide de pouvoir, ce mariage n’était qu’une passerelle pour affermir son privilège sur le trône de Bretagne. Il n’était qu’un menteur, un lâche. Il n’avait rien de l’étoffe des héros et des rois de légende. Ses poings se serrèrent, et sa mâchoire se crispa. Il aurait voulu hurler de rage, mais il resta droit, digne de l’image que le peuple avait d’un souverain. Son règne commençait et le poids sur ses épaules était déjà incommensurable. 
Le roi Léodagan se racla la gorge, il était légèrement embarrassé. 
« Ma fille ne parle pas brittonique, sire. » 
« Elle peut le dire en sa langue natale, ce n’est pas important. » Répondit le Roi, indifférent. 
Les mots rassurants, mais autoritaires de son père lui parvinrent ; un ordre força le serment hors de sa bouche. C’était à son tour de prononcer les vœux qui l’uniraient à jamais à cet homme. 
Ghenifar était terrorisée, ses lèvres tremblèrent, le sang pulsait dans ses veines à une cadence vertigineuse. Elle n’avait pas la force d’élever les yeux, elle fixa le médaillon de son époux, et elle serrait si fort le bouquet dans ses mains que les fleurs elles-mêmes vacillaient. Ce n'était que des mots, elle les avait apprit par cœur dès son enfance, sa mère lui récitait en coiffant ses cheveux indociles, elle répétait "un jour, ma fille, tu épousera un homme, et tu nous rendra fière." Elle avait vécu avec cette épée au bord de la gorge. Elle était une fille, elle devinerait femme et mère, c'était son devoir. Maintenant, elle devait prouver son héritage de femme. Rendre ses parents fiers, être digne. Elle avait presque envie de pleurer et s'enfuir en courant.
« Tha mi… Tha mi… » Elle regarda ses parents qui lui firent un signe impatient de continuer. « Tha mi a' mionnachadh… » Ghenifar balbutia, effrayée du son de sa propre voix dans le silence respectueux de la cérémonie. Toutes ces hommes et ces femmes qui écoutaient son élocution bancale, incertaine, proférer des paroles sacrées, elle était indigne de ce qu’on lui donnait. Elle devina son visage écarlate, ses joues en feu. Ses yeux se levèrent, acte absurde et maladroit, mais elle vit le regard de son époux, sincère et patient. Quelque chose se dénoua dans ses entrailles, libéra sa gorge, et elle sentit les mots coulés hors de ses lèvres avec sérénité et douceur. 
« ‘S mi-mionnachadh air sith 's air gaol a bhi seasamh. Cridhe gu cridhe 's làmh an làimh. Gus an diugh, gu m’ anail mu dheireadh, cha bhi mi ach leatsa. » Elle lui jura un dévouement éternel avec une conviction troublante, Arthrhy en avait mal au cœur. 
L’épouse qu’on lui avait promise était une âme douce, innocente, charmante. Il regrettait de ne jamais pouvoir l’aimer ni de lui offrir ce qu’elle désirait. 
Le prêtre posa sa paume à plat sur sa croix, sans dissimuler son émotion. C’était un mariage réussi, contrairement au précédent qu’il avait eu le malheur d'officier… 
«Le Créateur dit : Voilà pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. » Il déclama à l’assemblée, captive par les Saintes Écritures. «  Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! »
Des invités applaudirent, des convertis chrétiens, ou des amateurs de belles paroles. La famille de la mariée ne semblait pas autant ravie par ces déclarations. Le Roi de Carmélide maugréait dans sa barbe et tapait du pied. Un païen reste un païen. Les paroles des chrétiens ne valaient rien, et le Roi de Carmélide ne se laisserai pas duper. Il cracha derrière son épaule, ces Dieux à lui maudissaient déjà cette union. Mais pour le pouvoir, il fallait faire des sacrifices, même si c'était sa fille qu'il déposait devant l'autel du jugement. C'était elle qui subirait les conséquences de l'avarice de ses parents...
« Vous pouvez embrasser la mariée. » Le prêtre Blaise frappa dans ses mains joyeusement. 
« Hein ? Quoi ? »  Demandèrent à l’unisson Arthrhy ainsi que le père de l’épousée. 
« Bah, c’est dans le livre, il faut que… »
« Devant tout le monde ? » Le Roi s’exclama, le bout des oreilles rouges, et il essaya de toutes ses forces de ne pas prendre compte du fou rire de Léodagan.
« Bah Sire… C’est pour prouver que votre amour est — »
« Ah non, ne commencez pas ! Bon bah… »
Arthrhy ne savait plus où poser son regard, déconcerté, il marmonna une insulte envers le prêtre, ou Dieu, ou peut-être lui-même. 
Ghenifar tourna la tête vers ses parents, cherchant une réponse auprès d’eux, mais son père se tenait les côtes pour ne pas rire, sa figure transformée par une grimace. Sa mère, avec une discrétion immense, murmura de sorte que tous les invités pouvaient l’entendre « Feumaidh tu pòg ris  ! » Ghenifar était rouge jusqu’à la racine de ses cheveux. 
Arthrhy prit les mains de sa femme dans les siennes. Ce n’était qu’un baiser, rien de bien compliqué. Il avança légèrement son visage vers elle, et il avait l’impression que son cœur tremblait. C’était elle qui franchit la dernière limite, un peu brutalement, leurs bouches se rencontrèrent, comme un choc. Le monde se mit à gronder des hurrahs et autres acclamations des invités. Ghenifar sentait le soleil fondre dans son ventre et l’irradier de lumière et de bonheur. 
Arthrhy s’éloigna rapidement sans considérer celle qui venait de devenir sienne, son visage fermé dans une expression rude. Il gagnait un royaume, un peuple obéissant et soumis à son pouvoir indiscutable. Son destin était lancé, et pourtant il était vaincu. Il avait perdu. 
Elle le suivit du regard, interdite devant l’autel, son bouquet à la main, ses rêves plein les yeux. Elle comprit sa place : aux premières loges du début d’une tragédie. 
Les paroles du prêtre résonnaient dans sa tête comme un avertissement, un oracle ombrageux. Les dés étaient jetés ; elle eut comme un vertige, au fond d'elle-même, elle sombrait. Elle devait enterrer cette enfance candide et son adolescence naïve, pour devenir Autre. Elle s’était liée à un homme, le peuple voulait d’elle la bénédiction de porter ses héritiers, cette figure fidèle et inébranlable aux côtés d’un roi tout puissant. Voilà son rôle, épouse et mère. Un devoir qui lui semblait effroyable, impossible. Le monde comptait sur elle pour accomplir une tâche épouvantable et colossale. Elle prit une profonde inspiration, essayant vainement de calmer les battements hystériques de son cœur. Elle savait ce qui l’attendait désormais. 
La nuit de noces. 
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urfavnaoko · 3 months
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TW SENSIBLE SUBJECT
- Lila Stark : anorexique
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Lila est une jeune mannequin, à cause de la pression de son job et des normes des mannequins elle a perdu confiance en elle.
Elle a d’abord commencé par baisser les calories de ses repas, jusqu’à complètement arrêtée de se nourrir. À force de se laisser aller elle faisait de nombreux manège jusqu’à que son frère la fasse être prise en charge, depuis elle est revenue à un poids bon pour elle.
- Jean Grey : trouble borderline
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Jean est une femme qui s’est toujours senti à part et différente, elle en a beaucoup souffert et a subis du harcèlement.
Elle décide à ses 18 ans de consulter un psychiatre qui l’a déclare borderline. Ses symptômes sont surtout la colère, peur de l’abandon, changement d’humeur.
Cette maladie lui cause énormément de problèmes au point qu’elle n’a jamais eu de relation amoureuse du à son comportement.
- Taylor Blake : Stress post traumatique
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Taylor a était battu par son père durant son enfance, suite à ça sa mère a divorcé avec lui mais les violences on continué dans son collège a cause de son homosexualité.
Depuis il a une peur de la violence, il cache son homosexualité car il a peur de ce qui lui arrive.
Il déteste les gens qui crient fort ou les gestes brusques.
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mrlafont · 11 months
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Gosse, j’étais fou de gaieté, fou de joie, plein à ras bord de conneries, survolté, déchainé, chaque matin était événement plein de promesses que le jour tenait. Je sentais, véritablement, que la vie avait une importance, une valeur réelle, objective. J’ai grandi dans un environnement familial où jamais je ne me suis senti brimé, contrôlé, surveillé, où l’on attendait de moi que je devienne comme ceci ou comme cela. J’étais un cheval sauvage livré à la pure folie d’une jeunesse libre. On m’a foutu la paix, depuis toujours. On ne m’a jamais cassé les couilles. Mon père était là comme un garde-fou, discret, pourtant bien présent, justement sévère quand il fallait l’être. Sinon, libre, libre totalement. Je n’étais pas aussi timide, réservé, fatigué, résigné qu’aujourd’hui. Au collège, j’ai eu beaucoup de petites amies, j’attirais beaucoup de filles, j’avais quelque chose que j’ai perdu aujourd’hui, je séduisais car j’étais bête et sans honte, j’étais éblouissant de vie, d’énergie, et ça plaisait beaucoup forcément. Quand je tombais amoureux, c’était, littéralement, passionnément, je me souviens que je ressentais à l’intérieur de moi, de mon corps, des sensations absolument merveilleuses. C’était du délire, car j’étais un enfant, d’une vitalité magnifique... Que s’est-il passé ensuite ? Pourquoi suis-je devenu si froid ? J’ai du vider toute la réserve de bonheur que la vie accorde à un homme, n’est-ce pas ? J’ai vraiment été fou de vie ! hahaha ! Quel plaisir tout de même ! Moi, je peux le dire, que mon corps a hurlé de vie, de religieuse insolence, de liberté... Tous les seins tripotés, léchés, les mains dans les culottes, tout jeune que j’étais ! hahaha ! Mon dieu que c’était beau. Mon dieu que c’était bon. Nous sommes devenus tous chiants, tous compliqués... Il y a une telle sincérité dans la société des enfants... “La société des enfants”, qu’est-ce que ça sonne bien ! C’est probablement la seule société qui vaille, aussi impitoyable soit-elle. Mon incapacité à devenir adulte est peut-être mon refus éclairé de quitter la pureté et la spontanéité de l’enfance. C’est pourquoi j’aime tant la trilogie de la vie de Pasolini, car j’y retrouve tous les délires amoureux de mon enfance.
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