In extremis avant la fin de l’année, j’ai un de mes plus gros coups de cœur de lecture de 2023 avec -encore- Audur Ava Ólafsdóttir et son Éden !
Il s’agit de cultiver son jardin… comme Voltaire le préconisait il y a longtemps, phrase qu’elle paraphrase et prête à d’autres écrivains dans le roman… (ou bien ces autres citations existent vraiment et je ne les connaissais pas ? Hypothèse plus crédible)
Plus libre que jamais, l’autrice nous emmène dans un genre de fable enchantée. Elle a l’air de se promener avec son héroïne placide (tout le monde lui parle mais elle répond très peu, ce qui est déconcertant, comique et assez puissant à l’arrivée, j’ai trouvé), de passer du coq-à-l’âne, de digresser, mais un vrai itinéraire se trace, mine de rien.
Alba, l’héroïne assez taiseuse et pourtant amoureuse des mots (elle est linguiste et attache un intérêt infini à ceux-ci, leur étymologie, leur évolution, leur déclinaison, leurs échos…), évolue grandement du début à la fin du récit. Le langage et ses racines, les arbres et les leurs… drôle d’écho et de paradoxe. Au début du récit, Alba parcours le monde en avion pour participer à des colloques sur les langues menacées d’extinction. Mais dans ce monde, très moderne, le dérèglement climatique s’impose à elle. L’Islande a trop de vent pour posséder beaucoup d’arbres, et ceux qui ont peu de racines sont vite menacés. Et pour sauver des langues, elle alourdit son empreinte carbone ! Elle procède à un calcul et réalise qu’il lui faut planter 5600 arbres pour compenser ce qu’elle inflige à la planète. Elle aime toujours les mots, mais elle semble aimer de façon croissante le silence. Hop, changement de vie, face à son père perplexe et à sa sœur bavarde et assommante de questions. Elle garde le cap. Fait fi de rumeurs concernant une liaison tapageuse. Se tait, agit.
Avec beaucoup d’humour, de poésie et une forme d’optimisme résolu (bienvenu en ces temps catastrophistes anxiogènes), on assiste à sa mutation. Elle devient semeuse ; semeuse de mots : dans son nouveau hameau où elle a acheté une petite maison (plus petite que son appartement de la capitale !), elle dépose ses livres de linguistique à l’épicerie solidaire. Contre toute attente, ses livres séduisent et circulent ; tous ces gens prétendument peu cultivés se passionnent pour les mots et en redemandent). Elle sème aussi dans son jardin, ou plutôt elle plante bouleaux et mélèzes, un érable symboliquement important, répare une serre pour d’autres cultures, construit lentement mais sûrement un mur de pierres pour protéger ses plants du vent. Elle sème la langue islandaise au hameau qui a accueilli des migrants, et se prend d’affection pour un jeune homme qu’elle va prendre sous son aile. Par ces petits gestes, elle réenchante sa vie et celle de ceux qui l’entourent sans perdre de son œil acéré. Elle se réinvente et donne au lecteur une immense bouffée d’air frais, extrêmement appréciable, revigorante. Elle se place au centre de son existence comme si elle arrangeait son environnement autour d’elle. Pas pour être importante, mais pour être au cœur de quelque chose de vivant, en faire partie, être à l’intérieur d’un tout.
Cette lecture fait du bien, à partager sans modération, on est loin de risquer l’overdose d’optimisme en ce moment, ce serait bête de se priver.
L'Islande du haut Moyen Âge, la colonie viking, était une société démocratique et égalitaire, mais la rareté des ressources et la rudesse de l'environnement créèrent une concurrence qui conduisit les chefs locaux à recourir à différentes tactiques pour acquérir des richesses et de l'argent, qu'il s'agisse d'utiliser leur avantage en tant qu'hommes de loi et représentants du peuple ou des relations sociales souvent complexes qu'ils entretenaient avec leurs partisans.
La maison la plus isolée au monde se trouve en Islande elle à été construite pour les scientifiques qui viennent étudier les nombreux oiseaux. Le ravitaillement se fait par bateau ou avion. L'hiver est très long et il y a peu de lumière.