Les nouvelles expériences d’une vie sans fin (9.2/15)
La grande salle était baignée par le soleil de midi, l’aura dorée contrastant à merveille avec le vert des plantes alentours, les spores de coton voletant dans l’air ne faisant qu’ajouter à la féérie de la scène... Un décor aux antipodes de l’humeur de ses occupants.
Maître Joris avait fait convoquer une assemblée extraordinaire dès que le Tofu messager s’était posé à la volière. La missive était relativement longue, fourmillant de détails que seuls des administratifs pouvaient trouver attrayants, mais l’on pouvait aisément la résumer en quelques mots. Des mots terribles…
« Bien, je vous remercie d’être venu aussi vite. Comme vous le savez très certainement, des nouvelles de Bonta nous sont parvenues il y a moins d’une heure… » Commença l’émissaire, l’air indéchiffrable tant sa capuche voilait son regard. « Et… Je suis au regret de vous... de vous annoncer que-
- Non ! »
Adamaï s’était relevé de sa chaise pour frapper la table. Au coin des écailles bleutées, des larmes avaient commencé à se former.
« Ce n’est pas possible ! I-il doit y avoir une erreur, jamais il- !
- Ad’… » Son frère avait posé sa main sur la sienne. « S’il te plait… »
Les yeux encore emplis d’une rage aveugle, le dragonnet se laissa choir à nouveau, laissant Yugo masser ses phalanges dans l’espoir d’en desserrer la terrible étreinte. Les autres membres de la Confrérie et de la famille Royale compatirent, chacun à leur manière, à la souffrance des deux plus jeunes qui venaient à nouveau de perdre quelqu’un de cher. De l’autre côté de la salle, là où Ruel l’avait fait s’asseoir après une marche éprouvante depuis le laboratoire, Qilby observait les jumeaux. D’après leur réaction, leur Wakfu ne semblait pas les avoir alerté de « la rupture »… Ou du moins, pas de manière aussi brutale qu’il avait pu en faire l’expérience. Tant mieux. Non pas qu’apprendre le décès d’un proche par la bouche d’un autre ne soit plus aisé, bien sûr que non, mais si cela avait au moins pu leur éviter la… la douleur… alors ce n’était pas plus mal. Soudain, son cadet croisa son regard, le forçant à se recentrer sur Maître Joris. Celui-ci reprit :
« Je… Je suis désolé pour votre perte. Je sais bien que cela ne représente que peu de chose en une période si… difficile, mais sachez que Bonta vous sera toujours reconnaissante. » Relevant la tête. « Et que je vous le serai également.
- Humpf ! A-au moins… ! » Tenta le dragonnet, désormais seul représentant de son espèce sur ce plan d’existence. « A-au moins d-dites nous qu’il est parvenu à… !
- O-oui ! » Renchérit Tristepin, qui s’était rapproché de son camarade d’entraînement, tout aussi ému. « Il l’a e-eu, ce Népharien, pas vrai ? Il a dû livrer la plus b-belle des batailles !
- Pinpin… » Murmura Évangéline. « Je ne sais pas si c’est le bon moment pour…
- Maître Joris ? »
Tous se retournèrent à la question de la Princesse Amalia. L’intéressé ne répondit pas. Le scientifique commençait à goûter le fer : ses dents avaient entamé la chair tendre de ses lèvres.
L’antidote que vous étiez en train de concevoir…
Je suis un scientifique !
Même pas certain qu’il soit efficace…
Il y a toujours des chances que- !
« J-je ne peux rien affirmer avec certitude. Aucun… Aucun cadavre n’a été retrouvé aux côtés de… » Soupir. « … de Sir Phaéris. »
Devant le silence, l’émissaire déplia le parchemin qu’il tenait, serti d’un sceau de cire frappé de l’emblème du chêne.
« À l’aube, la patrouille Bronze, en charge d’inspecter les prairies de Montay, a découvert le… Sir Phaéris, sévèrement blessé et… inconscient. Une fiole ouverte mais également brisée se trouvait à ses côtés. Des traces d’une lutte bestiale ont pu être relevée. De son acheminement par les équipes de secours à sa prise en charge par les Éniripsas disponibles, Sir Phaéris n’a pas regagné conscience. Les blessures physiques étaient larges, multiples et profondes, notamment une au niveau du torse et deux sur le flanc gauche… Des signes et symptômes d’une forte fièvre ont commencé à faire leur apparition une heure après son arrivée au poste frontière. Malgré toutes les tentatives du personnel présent ce jour, la… la « disparition » du sujet en un flux de Wakfu a été constaté peu de temps après… »
Le vieil Éliatrope ferma les yeux, la simple luminosité ambiante, pourtant filtrée par les lianes tombantes servant de rideaux, lui donnait la nausée. Toutefois, quelque chose en son for intérieur le dérangeait : un détail du discours qui… ne collait pas. Un sentiment horrible qui lui irritait la peau. Un souvenir. Il lui fallait juste un peu de temps pour…
« Tout ça c’est de ta faute !! »
Adamaï en avait décidé autrement. Sans avoir la chance de voir l’attaque arriver, le scientifique se retrouva projeté au sol. Il parvint à réprimer de justesse le juron provoqué par son propre côté endommagé, qui n’avait que peu apprécié le contact brutal avec le plancher, mais était désormais bien en peine de retenir la furie du dragonnet dans son état. Son unique bras valide tentait en vain de protéger son visage des assauts répétés de griffes.
« C’est toi qui a planifié tout ça, hein ?! L’antidote n’a pas fonctionné : tu l’as fait exprès !!
- A-Adamaï ! J-je te jure que- !
- Tais-toi ! Tu mens !! Tu n’as jamais cessé de mentir !
- Ad’ ! » Essaya à nouveau son frère qui le maintenait à présent. « Arrête ! Ç-ça n’arrangera rien !
- Il a raison, bonhomme. » C’était le mineur, qui aidait le savant à se redresser. « O-on va en discuter, d’accord ?
- Tout le monde ici sait que tu détestais Phaéris ! » Continuait-il d’asséner. « Ça serait vraiment si étonnant que tu aies voulu en profiter pour… ! Pour l’éliminer ?! »
Ce furent les mots de trop.
« Suffit ! » Hurla soudain le scientifique, provoquant la stupeur générale. « Tu ne sais absolument rien de ce dont tu parles ! Comment oses-tu m’accuser de… ?! Après tout ce que j’ai fait pour vous !?
- Ce n’est pas comme si cela serait la première récidive. » Contra le Prince Armand.
« Et qu’est-ce que j’aurai à y gagner, hein ?! Phaéris et moi portons pas mal de différents, mais ce n’est pas comme si cela ne faisait pas déjà des millénaires que je les supportais ! Tout ça pour quoi, je vous prie… ? Risquer de retourner dans cet… cet enfer ?! »
Plutôt crever !
« Ouais, enfin… ça n’explique pas pourquoi la potion n’a pas fait effet. Ni pourquoi vous avez envoûté Évangéline en la forçant à venir vous voir tous les soirs… »
L’attention se reporta sur le guerrier roux, alors resté en retrait du tumulte.
- Pa… Pardon ? » Interrogea le Prince, une once de violence dans la voix.
« Pinpin ! Je t’ai déjà dit que- !
- Oui, oui, je sais. » Balaya l’autre. « Mais rien ne prouve que tu n’es pas sous l’emprise d’un maléfice ou je ne sais quoi, et que tout ça ne sont que des excuses. Tu ne peux pas dire que tout ça n’est pas louche ! Pourquoi tu voudrais parler à ce… à ce… !
- Ce traître ! » Conclut Adamaï.
La douce chaleur de la matinée avait été remplacée par un froid glacial. Dans son dos, Qilby sentait l’Énutrof osciller d’une jambe sur l’autre, visiblement indécis de ses prochaines actions. Un regard jeté vers l’archère lui confirma qu’il ne pourrait pas non plus compter sur le soutien de sa confidente : celle-ci était trop occupée à vouloir rassurer son futur époux de sa bonne foi… Chose qui semblait peine perdue d’après sa moue déterminée. Ne restait plus alors que…
« Yugo… ? »
L’intéressé leva la tête. Qilby n’était pas, ou plus assez optimiste pour croire que son frère lui avait déjà pardonné tous ses méfaits : il avait beau être jeune, il n’en demeurait pas moins doté d’une certaine intelligence… ainsi que d’une rancune tenace.
Cependant… Le script avait changé, non ? Combien de fois n’avaient-ils pas joué une scène différente de celles que sa mémoire lui avait fournies ? Combien de fois avait-il deviné le remord, la gêne, la compassion même, derrière ces grands iris noisette ? Voilà bien longtemps qu’ils n’avaient pas été aussi proches ; cela devait bien remonter à l’Odyssée ! Sûrement il-
« Eh bien… Je ne suis pas sûr… »
Il fallait s’y attendre. Mais tout de même…
Le Roi Sadida s’avança, écartant les querelleurs sur son passage, le regard soucieux. La « Grand Salade » n’était pas d’humeur à plaisanter dans les situations où son peuple était à risque.
« N’y aurait-il pas moyen de démêler cette histoire alors ? Bien que cette solution ne me plaise guère nous pouvons, si besoin est, perquisitionner la chambre de notre invité… »
De la sueur froide commença à se former le long de l’échine du scientifique.
Tesla !
Finalement, même s’il ne s’agissait pas de l’objet de leurs accusations, les autres n’avaient pas totalement tors non plus : il avait bien des choses à se reprocher ! Pourquoi avait-il fallu qu’il cherche à… ? Voulait-il toujours… ? Quoiqu’il en soit, si l’on découvrait quoique ce soit de compromettant, ne serait-ce qu’un misérable boulon au fond d’un placard, le moindre papier calciné au fond de sa corbeille, alors… !
« Si Sa Majesté me le permet… » Intervint subitement Maître Joris. « Il se peut que j’aie une meilleure solution à vous proposer. »
D’une sacoche relativement imposante, l’émissaire sortit alors un bien curieux objet, comme nul autre en ce monde… Un prototype.
« Il se trouve que… Sir Phaéris et moi-même avons fait la connaissance d’un certain marchand lors de notre dernière expédition à la Foire de la Science. Ce-dernier nous a assuré que sa création permettait de « lire les souvenirs », d’où le nom de « Lectanima » qui lui a été donné. Nous n’avons jamais eu l’opportunité de le tester, et je pensais d’ailleurs l’envoyer bientôt chez un antiquaire de ma connaissance, mais… Le Seigneur Phaéris semblait persuadé que nous en aurons l’utilité un jour. » Le regard qu’il lança au scientifique était dénué de toute émotion. « Peut-être ce jour est-il arrivé…
- Et comment fonctionne-t-il ? » S’enquit le Roi, perplexe devant l’engin qui, à son goût, ressemblait un peu trop à un outil de torture.
« De ce que j’en ai compris… Comme un projecteur de souvenirs. Les lunettes à l’avant sont empreintes de magie Xélor : elles permettraient de récupérer les images enfouies dans la mémoire des sujets.
- M-mais c’est sans danger ? » S’enquit la Princesse, également perturbée par l’appareil de cuir et de métal.
« Ça ne devrait pas l’être… » Répondit l’émissaire. « Pas d’après ce que nous en a dit son concepteur en tous cas… »
La coiffe crème se retrouva centre de tous les regards. On attendait visiblement son aval, ou, a minima, sa pensée sur la chose. À partir du moment où le sujet acceptait de se soumettre à l’expérience, alors la responsabilité de cette dernière n’était plus du ressort du scientifique, n’est-ce pas ? Ou de celle du tortionnaire dans ce cas… Mais avait-il encore le choix ? Refuser serait perçu comme un signe de faiblesse… Une preuve supplémentaire. Un aveu. Et qui sait, peut-être pourrait-il garder un minimum de contrôle sur ce qui serait diffusé : l’objet pouvait peut-être lire dans les souvenirs, mais il en demeurait l’écrivain et donc le maître. C’était tricher, oui, mais toujours mieux que de laisser le doute planer.
Tout ça doit avoir un sens.
Je...
Je ne repartirai pas là-bas.
« Soit… Finissons-en. »
Les Lectanima étaient bien plus impressionnantes à observer qu’horribles à porter. Certes, le cerclage métallique aurait mérité quelques ajustements pour ne pas vous écraser les tempes et la sangle de cuir ne conviendrait pas aux plus larges têtes, mais la morphologie du scientifique lui permettait de s’y accommoder sans trop de mal. On aurait presque pu dire qu’elles avaient été conçues sur mesure… La pensée lui provoqua un soubresaut involontaire, arrachant par mégarde une mèche de cheveux prise entre deux boucles d’acier.
« Ne bougez pas autant je vous prie : le manuel stipule clairement que l’appareil doit être correctement fixer pour éviter toute-
- Comme si cela était de ma faute si son inventeur n’a pas été capable de prévoir que la plupart de sa clientèle n’était pas chauve ! » Préféra rétorquer l’Éliatrope.
Cette remarque fit néanmoins s’arrêter Maître Joris un instant, celui-ci contemplant un peu trop longuement la tignasse brune qui venait une fois de plus de s’emmêler. À ses côtés, se trouvait toujours une paire de ciseaux à peine dégrossie ayant servi à débarrasser les différentes pièces de leur emballage. Qilby déglutit.
« V-vous n’oseriez pas... »
Heureusement pour lui, l’archère Crâ, restée jusqu’alors en retrait avec le reste de la troupe pour installer la petite salle dans laquelle ils avaient décidé de s’installer, prit les devant. D’une de ses nombreuses poches, elle sortit un fin bandeau noir, un de ceux qu’elle utilisait elle-même pour attacher ses propres mèches blondes par le passé. L’émissaire la remercia sobrement avant d’aller superviser le reste des opérations.
Dès son départ, Évangéline s’affaira à cette nouvelle tâche, prenant, pour les plus attentifs, grand soin de ne pas arracher davantage le scalp du scientifique. Profitant de l’agitation ambiante comme de leur mise à l’écart temporaire, elle se pencha à son oreille pour lui murmurer quelques mots. Sa voix trahissait une certaine inquiétude :
« Comment… Comment vous sentez-vous… ?
- À votre avis ? » Soupira-t-il.
« Écoutez, je ne sais pas ce que cette… machine du diable peut réellement faire, mais j’ai appris à me méfier des inventions Xélor comme de la peste. »
Qilby émit un discret grognement affirmatif à cela. Il savait ce que son frère, Adamaï et leurs amis avaient dû affronter lors de leur rencontre avec Nox, le « Xélor Fou ». Plus qu’une bande de joyeux lurons, cette quête et ces batailles avaient demandé de véritables aventuriers…
« Pensez-vous qu’il… que Yugo pourra voir… ?
- Je ne l’espère pas. » Répondit-il, sombre. « Mais vous comprendrez que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour qu’il-
- Hey ! Éva ! » Interpella soudain son petit-ami Iop. « T’as bientôt fini ?
- Je comprends. » Chuchota l’archère en finissant d’attacher les cheveux du savant en une queue de cheval lâche. « Sincèrement. Je… Bon courage… Major. »
Elle se leva, visiblement en manque de temps… ou de paroles rassurantes. Lui dut se retenir de pouffer de rire à l’usage de ce titre ridicule : décidément, relater leurs campagnes d’extension sur leur planète d’origine avait eu des retombées déplorables. Enfin, au moins était-elle parvenue à le faire sourire avant le début de cette… « expérience » en somme. Toutefois, avant qu’il ne balaye à nouveau la pièce du regard, il eut le temps d’apercevoir celui du Roi Sadida, lui aussi observateur de la scène.
Merde…
Les avait-il vu échanger ? Lui qui voulait éviter d’attirer les soupçons… Qilby n’eut néanmoins pas le loisir de réfléchir davantage que Maître Joris appelait au rassemblement de ceux encore libres de leur mouvement. La chambre privée était enfin prête, avec ses grands rideaux de lianes tirés, ses couvertures de soie blanche suspendues en lieu et place d’une tapisserie, ainsi que de plusieurs coussins et tapis étalés à même le sol pour ceux et celles qui seraient pris de fatigue durant « l’interrogatoire ». Étrangement, l’accusé serait tourné dans le même sens que les présupposées victimes… La seule différence résidant dans la rude chaise en bois, les lianes maintenant son poignet droit immobile contre son dossier, ce pour empêcher toute tentative de retirer les imposantes lunettes de métal durant la « projection ». Elles ressemblaient presque à celles qu’employaient les forgerons pour se protéger des étincelles et autres éclats aveuglants, mais possédaient cette aura malsaine que seuls les bourreaux et tortionnaires savaient vous instiller.
« Bien ! Nous allons commencer l’interrogatoire. » Enonça Maître Joris, protocolaire à son habitude. « Messire Qilby, avez-vous- ?
- Oui, j’ai bien compris mes droits et obligations, petit gardien de l’ordre. »
Le dénommé leva un sourcil interrogateur sous sa capuche : il n’était pas dans les habitudes du scientifique d’en venir aux sobriquets et autres formules dégradantes, ce autant pour leur cible que pour leur créateur. L’Éliatrope était acculé ; le voilà à s’en remettre à de maigres attaques verbales. Intriguant. Dangereux…
« Et acceptez-vous toujours de vous soumettre aux questions que nous vous poserons ? » S’enquit le Prince Armand. « Jurez-vous de nous montrer la vérité, et seulement la vérité ?
- La vérité est un concept bien trop complexe pour des âmes aussi juvéniles que- !
- Doc’… » Grommela Ruel, une plainte silencieuse dans le regard.
Tous s’étaient réunis au centre de la pièce. Maugréant, il finit par concéder :
« Disons que je ferai de mon mieux. Les souvenirs ne sont pas forcément quelque chose… d’aisé à plier à notre volonté. » Soupir. « Et les miens, aussi précis et justes soient-ils… n’y font pas exception.
- Ne vous inquiétez pas, mon cher. » Le Roi Sadida avait posé une main sur son épaule, prenant soin qu’il s’agisse de la bonne. « Je veillerai personnellement à ce que leurs limites soient respectées. »
Cette dernière phrase, si elle fut appuyée d’une moue sévère à l’encontre du Prince, ne sembla pas apaiser le scientifique pour autant. Après tout, La Source ne connaissait pas de limites. Un puit d’encre infini dont les murs laissaient chaque jour s’envoler davantage de notes, parchemins et gravures vers Les Cimes, qui trieraient, numéroteraient… archiveraient. Ce pour les siècles et millénaires à venir.
« Qilby… ? »
C’était Yugo, qui s’était enfin approché de lui depuis le début de ce procès infernal. Cela lui rappelait d’ailleurs… Non ! Il ne fallait pas y penser. Enfouir. Enfouir loin ! Il ne pouvait pas prendre le risque que celui-là resurgisse.
« Je… J’aurai préféré que l’on fasse autrement, mais… Mais j’ai peur que les autres ne parviennent pas à croire… » Ses yeux cherchaient ses mots. « … juste des paroles. Tu comprends, n’est-ce pas ? »
Yugo, petit Yugo, naïf Yugo… Comme s’il n’y avait pas eu d’alternatives à cette farce. Aussi jeune soit-il, son frère n’en demeurait pas moins un membre estimé de la Confrérie du Tofu, un défenseur émérite du Monde des Douze. Eut-il ordonné que l’on offre le bénéfice du doute à son fou de frère, ne serait-ce qu’une enquête soit menée en premier lieu, les autres auraient bien été en mal de lui résister. Mais c’était là la différence majeure qui se tenait entre les deux Éliatropes :
Tu te croies toujours au service des autres,
là où, moi, fatigué de donner…
« Parce que toi, tu y croirais… » Demanda-t-il, un léger rire dans la voix. « … Mon Roi ? »
J’ai fini par exiger que l’on me rende la pareille.
« Bien sûr. »
Son visage enfantin était ouvert. Déterminé. Ce n’était pas la promesse d’une foi aveugle, comme il avait pu l’avoir lors de leur première rencontre dans cette vie, c’était… Du temps laissé pour s’expliquer. Écouter puis juger. S’excuser, pardonner ou demander réparation si nécessaire. C’était… de la conf- ?
« Prenez place je vous prie ! Nous allons revenir sur les évènements des deux dernières semaines. Pour rappel, une fois la machine lancée, il n’existe pas de moyens de revenir ou d’arrêter le processus de lecture : soyez donc attentifs à chaque détail. Messire Qilby ? » L’intéressé releva la tête, désormais enserrée par le cuir, le métal et le verre. « Je vous sais assez intelligent, mais aussi animé par la curiosité, pour tenter de tester les limites de cette… création. Mais je dois vous informer que le Xélor nous a mis en garde : tenter d’aller à l’encontre du « flot mémoriel », comme décrit par son inventeur, pourrait mener à… disons, des souffrances inutiles.
- Pardon ? » Les regards inquiets de plusieurs membres de la Confrérie vinrent seconder l’exclamation du Roi Sheran Sharm. « Il me semblait que vous aviez dit que la procédure ne comportait aucun ri- ?
- Elle n’en présentera aucun, Votre Majesté… Si la personne concernée se plie à son mode d’emploi. »
« Si vous ne faîtes pas de vagues » fut l’implicite. La tentative de réassurance ne sembla pas convaincre le père des Sadidas, qui, s’il s’écarta raisonnablement pour laisser place à la « projection », demeura néanmoins à une liane de distance de leur hôte. Aucune torture inutile n’aurait lieu sous son toit… Du moins espérait-il qu’elle ne le deviendrait pas.
« Tout le monde est-il prêt ? » Demanda une dernière fois l’émissaire pour bonne mesure. « Bien, dans ce cas… »
Dans sa nuque, Qilby put sentir un loquet se fermer, tandis que l’on tirait le cadre d’une chenille un peu plus haut. Contre le verre noir qui lui bloquait alors la vue, une lumière se mit à danser, créant un tunnel qui ne cessait de croître à mesure que le chaîne contre sa tempe déroulait ses maillons. Une vingtaine : un pour chaque jour que ses utilisateurs souhaitaient visionner. L’effet avait de quoi vous rendre nauséeux. Le cliquetis s’interrompit… Avant de reprendre de plus belle, mais cette fois-ci, dans le sens inverse. La lumière se rapprocha. Le tunnel rétrécissait. Encore. Encore… Encore.
Oh Déesse,
Faites donc au moins que cela soit cou- !
Soudain… La lumière le frappa en plein cœur. En plein dans ses souvenirs…
Hey ! Le Traître !
« Ah ! Ça commence !
- Apparemment, il s’agit d’une altercation entre les deux intéressés peu après notre retour de la Foire… »
Tss… Bonjour à toi aussi, Pha-…
Silence ! Phaeris n’a pas de temps à perdre avec tes paroles mielleuses, Qilby !
« Mais… ! Pourquoi… ?
- Chut ! On n’entend rien avec vos commentaires ! »
Le poison contre la créature : quand l’auras-tu terminé ?
Écoute, je ne sais vraiment pas ce qu’il te prend, mais saches que je ne pourrai pas t’en dire plus qu’à l’autre encapuchonné : le mélange n’est pas encore prêt, point final.
« Hum, outre la dénomination, voilà qui est intéressant. Alors il semblerait que Sir Phaéris ait reçu les mêmes informations que nous. »
Et pourquoi donc ?! Toi qui te vantes sans cesse de ton géni, comment se peut-il que cela ne soit pas déjà prêt ? Et ce pour une recette que tu connais déjà ?!
Ce n’est pas la formule qui fait défaut, imbécile, mais les ingrédients ! ! C’est comme si tout reprenait de zéro !
Essayerais-tu maintenant de rejeter tes fautes en plus de ton incompétence sur Phaeris, Traître ?
Ce n’est pas la peine de vouloir réendosser ton ancien rôle, Phaeris « le &X$*/+ », tu sais tout comme moi que je ne fais que dire la véri-Aaaartch ! »
« Que… ? Non…
- Hey, qu’est-ce qu’il a dit ? Phaéris le … ?
- Messire Qilby : n’essayez pas de résister au Lectanima.
- Cette… c-conversation est…
- Tout aussi importante que les autres. Merci de ne pas chercher à en supprimer des éléments qui pourraient se révéler clefs dans leur compréhension. »
Dans une d-dizaine de jours. Je devrai avoir fini dans une dizaine de jours…
Tu en es certain ? Tu n’as pas intérêt à vouloir nous berner !
Tu as intérêt à tenir ce délai. Nous ne pourrons probablement pas nous permettre d’attendre plus longtemps.
Que… ? Quelque chose est-il… ?
Contente-toi de remplir la tâche que l’on t’a confiée.
« Sire Phaéris savait. La rencontre avec le faux émissaire avait donc déjà eu lieu : les éléments concordent pour l’instant, n’êtes-vous pas d’accord Maître Joris ? »
Et pour le poison ? Pardonnez-moi de revenir toujours à notre problème initial, mais…
Je vous promets qu’il sera mis au point à temps.
« Ha ! Quand on parle du Mulou…
- Ruel ! »
J-j’y arrive pas !
Encore un effort : ouvre tes épaules davantage, ralentis ton souffle et-…
Ça marche pas ! Je vais jamais- !
Yugo, calme-toi, ce n’est qu’une question de temps avant que toi aussi tu ne-…
Non ! Tais-toi !!
« C-c’est… moi ?
- Messire Q- !
- Non, attendez. C’était… le jour de l’entraînement. Ceci est donc un… souvenir ? Peut-être que cette perspective, disons, « récente », a provoqué une vision plus ancienne ? »
Comme tu le sais très certainement, le Wakfu se nourrit des flux d’énergies traversant tous les êtres vivants, tels le sang, la lymphe, ou tout simplement l’eau…
Hey, Tristepin ! Intéressé par un petit match amical ?!
« Nous avons visiblement avancé jusqu’à l’après-midi. »
[ Quelque chose ne va pas.
Je pourrais jurer que… Mais non, ce n’est pos-
C’est comme lorsque…
Elle a su se rattraper : la chute n’a pas été violente. ]
Pourquoi donc t’es-tu interposé de la sorte ? Te rends-tu compte du danger que tu as provoqué pour Dame Évangéline ?!
J’ai dit. Regarde-la.
Il semblerait que Dame Évangéline ne soit pas en posture de continuer le combat. Nous ferions mieux de la laisser se reposer pour aujourd’hui et reprendre notre entraînement plus tard.
« Cet épisode était… particulièrement étrange.
- Il a été capable de voir que quelque chose n’allait pas donc.
- C’est pas un Doc’ pour rien : lui sait faire des observations utiles.
- Comment os- ?!
- Armand, assis-toi. »
Hey ! Je sais que vous êtes là !
Ah, vous m’en voyez vraiment désolé, ma chère…
« Voilà ! Le moment de vérité !
- Pinpin… »
Vous êtes un scientifique, non ? J’ai pensé que cela pourrait vous faire plaisir.
« …
- Maître Joris… ?
-Hum ? Non, rien… »
Le collier fonctionne. Je ne peux pas utiliser mes pouvoirs. Je suis simplement plus adepte à sentir les flux de Wakfu.
« Comme à la séance d’entraînement… »
Yugo est mon ami, j’irai même à dire que… je le considère comme un frère. Vous comprendrez donc que je ne peux pas vous laisser agir à votre guise.
Vous… Vous ne partirez pas… hum ?
« Je… Merci, Éva.
- De rien, Yugo. »
Je suis contente d’avoir eu cette discussion : je vous remercie pour votre honnêteté. J’aurai encore plusieurs questions à vous poser.
Malgré le plaisir de votre présence… je ne peux pas me permettre de délayer davantage mes travaux sur l’antidote. Mais peut-être seriez-vous intéressée pour partager une autre tasse de thé, disons… Après-demain, vers 15 heures ?
« Donc… Tu voulais juste le surveiller de plus près Éva ? Tu aurais pu me le dire quand même : tu sais quel mal j’ai eu à distraire les gardes durant tout ce temps !
- Pardon ?! Distraire les g- ?!
- Plus tard, Armand. Plus tard. »
Ad’ s’interroge beaucoup ces derniers temps… Il s’est rendu compte que… il, enfin nous – les Éliatropes et les dragons – avons des pouvoirs incroyables. Mais que cela signifie également que nous devons apprendre à les contrôler pour éviter des accidents… de blesser les autres.
« Hey !
- Je devais en parler, Ad’. Il fallait bien commencer quelque part… »
Eh bien, je vous remercie pour cet après-midi. J’espère, cette fois-ci, vous voir manger davantage qu’au diner d’hier soir. Vous ferez plaisir à Yugo en avalant plus que trois feuilles de salade…
Oserai-je voir du souci pour ma santé dans cette requête ?
Pensez donc à faire corriger vos lunettes…
J’y veillerai…
« Et toi qui doutais… »
Qilby ?!
Hum… ? Oh, Yugo : c’est toi ! Déjà debout ? Je me suis simplement retrouvé à cours de thé et cette charmante personne s’est proposée pour m’accompagner jusqu’à la réserve !
Tu es disponible cet après-midi ?
Disponible est un bien grand mot. Je serai présent dans ma cellule jusqu’au souper si c’est que tu souhaites savoir.
Ah, Yugo ! Comment ça va aujourd’hui, gamin ? Et vous, Doc’ ? C’est rare de vous voir ici-bas dès le réveil ! Vous ne vous êtes pas trop fait mal en tombant d’vot’ lit j’espère ?
« C’était il y a une semaine. Le jour où… »
Sir Phaéris ne nous a pas encore rejoint ?
[ Hey ! Le Traître !
Le poison contre la créature : quand l’auras-tu terminé ?
Un Nephylis…
Dans une d-dizaine de jours. Je devrai avoir fini dans une dizaine de jours…
J’imagine certainement, à l’image de certains ici présents, que ceux-ci se sont lancés tête baissée dans la bataille, hum ?
La bête les as r-ravagées.
Or, il s’agit là exactement de ce que la créature désire…
.
Nous ne pourrons probablement pas nous permettre d’attendre plus longtemps.
.
.
Déjà debout ?
C’est plutôt moi qui devrais te faire la remarque ! ]
L’a-antidote. Phaéris est parti avec l’antidote.
« Il avait déjà compris avant nous ce qu’il se tramait. Mais cela demeure logique compte-tenu de leurs interactions passées. »
Combien de temps avant qu’il n’atteigne votre Cité ?
Un jour… Peut-être deux-
C’est beaucoup trop long. Et les Zaaps ? Vous n’en avez pas à disposition ?
Messire Qilby… ? L’antidote que vous étiez en train de concevoir, n’avez-vous pas dit que sa confection en était presque achevée ?
« Il…
- Oui, on dirait bien, Ad’. »
En théorie, oui. Mais il restait encore à réaliser les tests de contrôle : cette formule n’est pas la même que celle que j’avais pu développer à l’époque ! Tout était à refaire. Il pourrait y avoir un délai d’action à prendre en compte, voire même des effets secondaires ! Je ne suis même pas certain que… !
[ Même pas certain qu’il soit efficace… ]
Messire Qilby. Vous n’êtes pas responsable pour ce qui est arrivé aujourd’hui.
[ C’est moi qui étais responsable de… ]
« Ne serait-ce pas… Sir Phaéris ?
- Ooooh ! Il est vraiment adorable comme ça !
- Oui, mais… C’est une vision du passé, n’est-ce pas ? »
Et je suis certain que Sire Phaéris nous reviendra… Sain et sauf.
Je vais vous laisser… Messieurs.
Vous souhaitiez me voir… les garçons ?
Si les Éliatropes sont faits d’énergie, et que le collier la bloque, même de manière incomplète… N’y-a-t-il pas un risque que… ?
Ouais, et donc… avec Yugo, étant donné que l’on n’a pas grand-chose de prévu pour aujourd’hui, on voulait te poser quelques questions concernant la langue draconique.
« Ah oui, c’est vrai que plus tard, on était allé lui rendre visite. Pour… tuer le temps. »
Tss… Bon tous les deux, on peut reprendre… ?
Les désirs de Sa Majesté sont des ordres.
Pah ! Touché !
« En tous cas, vous aviez l’air de bien vous amuser. Faudra qu’vous m’invitiez la prochaine fois ! »
Tu… Tu leur en veux ?
Le prix à payer aurait été trop élevé. Vous… Vous devez comprendre de quoi je veux parler, non ?
« Hum, Maître Joris, cette conversation me semble plutôt… privée.
- Nous arrivons bientôt à la fin, Vôtre Majesté. »
Dites doc’, vous allez finir par la poser cette fiole ?
Hum ? Pas tant que la décoction n’aura pas pris des tons orangés, non…
-oc’ ? Vous ê- là ? Doc’ ! Par les Douze, mais qu’est-ce qui vous a- ?
Pha-é-ris - il - Pha-éris est… Phaéris est mort…
« Alors c’était ça, ce qui vous arrivait ce matin, Doc’.
- L-les Éliatropes peuvent… vivre la mort des autres ?
- Comment ça se fait que nous on n’a rien ressenti ?!
- Effrayant… »
Bien, je vous remercie d’être venu aussi vite. Comme vous le savez très certainement, des nouvelles de Bonta nous s-
« Et voilà qui conclue notre histoire. »
Il pouvait à nouveau respirer. Il avait réussi. Ses premières tentatives pour modifier l’incessant flot de souvenirs avaient été grossières, perçues directement par leurs spectateurs. Toutefois, dès qu’il eut compris qu’il valait mieux les réarranger, quitte à déformer l’histoire originale, ce plutôt que les censurer, alors la projection avait pu se dérouler sans accrocs… Pour lui comme pour les intérêts qu’il se devait de protéger. Finalement, cela ne changeait pas de ce qu’il avait déjà eu à faire par le passé : ne pas dire la vérité, mais ne pas mentir non plus. Il avait masqué les entrevues avec l’archère par des sessions d’étude, celles avec Ayssla par des heures passées dans son laboratoire. Le scientifique espérait seulement que ses efforts seraient récompensés. Étrangement, il avait du mal à s’en convaincre.
« Bon, après ce visionnage… instructif, je pense que nous pouvons, sans trop nous tromper, rejeter les accusations initialement prononcées à l’encontre de notre hôte. » Le ton du Roi se voulait aussi diplomatique que ferme. « N’est-ce pas ?
- En effet. » Appuya l’émissaire de Bonta. « Je n’y vois pas d’inconvénients. Il paraît désormais très peu probable que Messire Qilby ait volontairement cherché à nous nuire. »
Il aurait aimé leur rétorquer que le soupçonner en premier lieu avait été une aberration, qu’il aurait eu trop à perdre dans ce pari, que si la fin pouvait parfois justifier les moyens, il n’en était pas à sacrifier ses cartes par pur plaisir sadique… Mais après les évènements qui avaient suivi son premier retour, il se voyait bien en peine de jeter la pierre aux Douziens. Déesse, les rôles auraient-il été inversés, nul doute aurait-il réagi de la même manière.
Peut-être même aurai-je été pire qu’eux…
Très certainement.
« On… peut peut-être lui retirer l’appareil, non ? Maintenant que c’est fini. »
La voix de son cadet lui fit presque chaud au cœur. Elle semblait si énergique en comparaison aux échos qu’il avait été forcé d’écouter ces trente dernières minutes ! La source conservait les faits, mais n’avait que faire des sens : rares étaient les souvenirs qu’il était encore capable de ranimer à leur plein potentiel. Il manquait toujours cette odeur de printemps, cette voix aux notes cristallines, cette caresse d’un vêtement fraichement repassé… Une pièce de théâtre où les acteurs se voyaient progressivement changés en mannequins dénués de toute expression. De toute vie.
« C’est vrai qu’on doit pas y voir grand-chose avec ce machin sur le nez ! » Déclara une autre, à n’en point douter son ami mineur à son accent tranché. « Bougez pas, Doc’, j’me charge de- ! »
Très honnêtement, cette histoire aurait dû s’arrêter ici. On le libérait de cette machine du diable, le disculpait de cette affaire, voire, avec un peu de chance, lui présentait des excuses… Repas, tasse de thé, nuit blanche.
« Eh bien moi, je ne suis pas d’accord !
- Pinpin ? Qu’est-ce que- ?
- Éva n’est pas allée qu’une fois le voir et pourtant, on n’a vu qu’une seule visite ! Et on ne sait toujours pas ce que Phaéris et lui ont vu chez elle : il y a quelque chose qui cloche là-dedans et je vais faire la lumière sur toute cette affaire !
- Non, Messire Tristepin ! Il ne faut pas- ! »
Tout ce qu’il sentit, ce fut la chaine partir, accompagnée de quelques mèches de cheveux sauvagement empoignées dans le mouvement… à la différence que les maillons ne furent pas soigneusement comptés. Le défilement métallique résonna comme une avalanche à ses oreilles, ne s’arrêtant qu’avec les cris d’alarme et les grognements des personnes à ses côtés, visiblement aux prises avec le guerrier Iop qui continuait de réclamer de savoir « pourquoi ».
Et ô comme il allait être servi…
Car là-bas, dans les entrailles de ces méninges retorses, il allait trouver toutes les réponses qu’il n’aurait jamais imaginé révéler… Et plus encore celles qu’il n’aurait jamais désiré voir.
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Celles que tu aurais préféré garder pour toi seul, pas vrai… ?
~ Fin du chapitre 9
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Buick Encore GS et quelques autres sujets...
Le 18 avril 2024
Dès son lancement il y a quelques années, la toute petite Buick Encore a connu un certain succès et plus encore lorsque sa version GX en a été mise en marché. Tout récemment, jouissant d’une sorte de renouveau de la marque, les designers de Buick ont reçu la commande de réviser cette sous-compacte originaire de Corée du Sud. En effet, c’est là que l’Encore GX est assemblée (du moins pour les véhicules destinés à l’Amérique du Nord alors qu’en Chine, là où la marque est encore plus populaire, voire même légendaire, elle est construite sur place). Le résultat, comme vous pouvez le voir, est assez réussi, merci!
Le redesign de la petite Buick Encore GX est très réussi, n’est-ce pas? (Photo Éric Descarries)
En effet, la toute dernière Encore GX adopte le style New Look de Buick inspiré de la superbe étude de style Wildcat qui fut la vedette du Salon de l’Auto de Montréal l’année passée. En plus de ses phares effilés et de sa calandre agressive, la nouvelle Encore affiche le nouveau logo de la marque à l’avant. L’arrière est plus effilé que dans le passé et il contribue vraiment au look spectaculaire de cette « petite » auto (car, si on la compare à plusieurs de ses concurrentes et même de ses prédécesseurs, force nous est d’admettre qu’elle est plutôt imposante, cette « petite » auto!). Fait cocasse, plusieurs observateurs que j’ai rencontrés n’ont pu l’identifier immédiatement, certains pensant même que c’était un petit VUM Porsche, d’autres croyant que c’était un véhicule de marque coréenne! Bien entendu, je vous laisse le soin de juger par vous-même. Quant à moi, je persiste à dire que c’est un des plus beaux véhicules sur nos routes!
Même de l’arrière, le redesign de l’Encore GX est remarquable! (Photo Éric Descarries)
Et le véritable renouveau de l’Encore GX se poursuit à l’intérieur du véhicule en commençant par un tableau de bord très moderne avec un grand écran qui s’étend du milieu de la planche de bord jusqu’à la gauche du poste de pilotage. Évidemment, le conducteur pourra profiter d’un groupe d’instruments et de commandes presque tous numériques (quoique j’ai trouvé l’indicateur du niveau d’essence un peu difficile à voir vu qu’il est très petit). Toutefois, petit bémol, pour respecter la loi canadienne de conduite diurne avec les phares allumés GM a choisi de « verrouiller » la commande des phares en position allumée ce qui diminue l’intensité de l’illumination de l’écran principal ce qui rend certaines commandes difficiles à retrouver (sauf le soir, bien sûr !).
Le nouveau tableau de bord a également subi un redesign mérité. (Photo Éric Descarries)
Autrement, on ne peut qu’apprécier la qualité de la finition et de la sellerie de la Buick Encore GX y compris le design élaboré mais agréable à l’œil. On trouve entre les deux sièges d’avant une petite console avec un levier de vitesses qui comprend la possibilité de manipuler la boîte automatique manuellement. En fait, toutes les commandes sont d’opération plutôt simple.
Les places arrière sont tout aussi belles mais on y est un peu à l’étroit. (Photo Éric Descarries)
Même si mon véhicule d’essai n’était pas de la variante haut de gamme Avenir (c’était un modèle Sport), la finition intérieure était agréable à regarder avec une sellerie qui affichait beaucoup de coutures fantaisistes. Les places avant sont plutôt confortables alors qu’à l’arrière, c’est plutôt accueillant même si c’est un peu serré pour le débattement des jambes. Malheureusement, la format réduit du véhicule ne correspond pas avec la présentation d’un coffre très volumineux. Disons qu’il est utile pour de petits bagages. Si un couple veut y faire un voyage plus long, le propriétaire devra abaisser le dossier des sièges arrière pour des articles plus grands. Enfin, le toit ouvrant vitré est une option intéressante si l’on veut plus de lumière à l’intérieur.
Étant de catégorie sous-compacte, il ne faut pas s’attendre à ce que la Buick Encore GS nous propose un coffre très grand…(Photo Éric Descarries)
Du côté mécanique, sachez que les Encore sont mues par un choix de deux moteurs à trois cylindres (attention, certaines publications mentionnent qu’il y a un quatre cylindres optionnel au catalogue…pas vrai!), celui de base de 1,2 litres et 137 chevaux et la version de 1,3 litres turbocompressé de 155 chevaux. Les deux nous arrivent avec une boîte automatique à neuf rapports alors que mon modèle d’essai était à traction intégrale (ce qui explique la présence du moteur plus puissant). Les pneus qui équipaient cette Encore étaient des Continental ProContact TX 245/45-19 toutes saisons. L’auto affichait un poids de presque 3400 livres (à sec). Sa capacité de remorquage ne dépasse pas les 1000 livres.
Impressions de conduite
Au départ, je dois vous avertir. Quoique ce soit une petite voiture qui pourrait intéresser les amateurs de sportives, c’est plutôt une presque luxueuse avec peu de prétention à la performance. Le petit moteur n’est pas des plus rapides au monde alors que les accélérations de 0 à 100 km/h peuvent demander presque 10 secondes. De plus, le moteur est très grognon lorsqu’il est fortement sollicité mais, à sa défense, il est plutôt doux et silencieux en opération normale. Plus encore, il n’émet aucune vibration!
Le petit moulin turbocompressé à trois cylindres de mon modèle d’essai à trois cylindres faisait 155 chevaux. (Photo Éric Descarries)
Avouons-le tout de suite, la Buick Encore GX se qualifierait plus comme voiture de ville que grande routière malgré que sa tenue de route soit appréciable. Toutefois, même sur les rues mal entretenues de ma ville ou de Montréal, on y constate une belle qualité de construction qui n’émet aucun son agaçant ni de bruits d’un assemblage bâclé. Néanmoins, cette Buick s’est avérée très agréable à conduire en toutes circonstances, Ce n’est pas une voiture excitante mais c’est une auto confortable et agréable. Incidemment, j’ai eu un peu de difficulté à y trouver des concurrentes avec un intérieur aussi beau! Oh! Même si elle est à traction intégrale, ce n’est pas une 4 x 4. Mais cette Buick devrait être très fiable et rassurante dans la neige et sur la glace si elle est équipée des pneus appropriés.
Question de consommation, j’ai été un peu déçu. Peut-être que ça s’explique par une majorité de déplacements urbains mais 10,0 l./100 km (alors que l’ordinateur de bord indiquait 9,1…), pour moi, c’est trop. Au moins, la fiche de General Motors affiche le même rendement, soit de 9,1 en ville et 8,4 sur route pour une moyenne de 8,8 l./100 km. Vivement les configurations hybrides.
Enfin, le prix m’a paru sensé au départ, soit 33 299 $ de base mais avec 1895 $ de toit ouvrant et autres fantaisies, 1295 $ de technologie dite de pointe, 495 $ pour le toit noir, 495 $ pour la peinture rouge, 195 $ pour le chauffe-bloc (moins 165 $ pour l’avertisseur de marche arrière retiré), 100 $ de cette stupide taxe supplémentaire pour le climatiseur (notre gouvernement vit toujours à l’ère 1974) et les 2000 $ de transport et préparation, on en arrive à un total de 39 609 $. Ouf!
J’ai bien aimé conduire et vivre avec cette petite Buick. Ce n’est certes pas un véhicule de performance ni, pour autant une grande routière mais, c’est peut-être le petit véhicule idéal pour celui ou celle qui désire se déplacer dans un certain luxe et confort en toute quiétude. Et pourquoi pas?
Et maintenant la plus grosse Buick, la nouvelle Enclave
La Buick Enclave fait peau neuve pour 2025…(Photo GM)
Ironie du sort, alors que je profitais de la plus élégante petite Buick, son constructeur a choisi ce même moment pour dévoiler la nouvelle génération de sa plus grande voiture, soit l’Enclave 2025. Sans trop entrer dans les détails, on voit très bien que ce grand VUM à trois rangées de sièges est issu du même bureau de design que la plus petite Encore analysée ici, voire même que l’Envista dont il a été question dans ce blogue il y a quelques semaines. Et, aussi drôle que cela puisse paraître, il n’y a plus de V6 au catalogue des Enclave mais qu’un quatre cylindres turbocompressé de 2,5 litres à 328 chevaux…on s’en reparle plus tard!
La folie des Mustang
Une Mustang Mach-e de police à San Diego. (Photo via Denis Lecavalier)
Vous avez certainement vu cet article dit « choc » d’un grand journal montréalais (trop spécialisé dans le hockey à mon goût) qui « dévoilait » que la Ville de Laval avait une dizaine de Mustang Mach-e électriques qui allaient rejoindre le parc des auto-patrouilles de police. « Gros scandale » alors qu’il y a un peu plus d’un an, ce même journal « célébrait » l’arrivée d’une Mustang électrique de police à Repentigny près de Montréal. Ironiquement, mon bon ami Denis Lecavalier, un Québécois qui vit depuis une dizaine d’années à San Diego en Californie (et qui m’envoie régulièrement des photos de « hot-rods » et « customs » de sa région) m’a, presqu’en même temps, envoyé la photo qu’un de ses amis a prise d’une Mustang de police affectée aux stationnements de San Diego…quelque chose me dit qu’on n’a pas fini de voir de telles Mustang, n’est-ce pas?
La preuve…!
Où sont les lignes? (Photo Éric Descarries)
La semaine dernière, je me plaignais de l’effacement des lignes sur les routes et les rues de Laval (en passant, mon « expert » a voulu me corriger, ce ne serait pas une peinture « soluble à l’eau » mais basée sur l’eau). Je ne voulais pas attaquer la Ville mais plutôt souligner que cette manie d’opter pour le soumissionnaire le moins coûteux n’est pas toujours le meilleur choix. Et maintenant, pour appuyer mes observations, j’ai réussi à prendre des photos convaincantes sur le boulevard Saint-Martin à une intersection assez occupée où les véhicules arrivent à trois voies sur Saint-Martin et doivent composer avec la sortie de l’autoroute 19 et, en même temps, une piste cyclable à un coin de rue achalandé (de la Mauricie) où il y a également un très populaire poste d’essence (où les policiers doivent ravitailler leurs auto-patrouilles) …Regardez, plus de lignes! Tout pour causer de la confusion et…pas de danger, n’est-ce pas?
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