vivre dans la douceur disparue ; le soleil a trouvé une voie parmi le ciel ; ses rayons qui sont entrés un instant jusqu’ici pour me dire de recroire ; le plus simple arrive encore à me pousser vers ta vie qui vacille ; je me dis encore que tout est possible l’espace de cette lumière
Quelle joie profonde, en longeant les vitrines du monde, de m'apercevoir que rien ne me fait plus envie. Plus aucune tentation, plus aucun besoin de désirer des choses : je n'ai besoin de rien de matériel, j'ai déjà l'essentiel. Qu'est-ce qui me ferait plaisir, qu'aurais-je envie d'avoir, d'acquérir, de rapporter chez moi ? Rien, sincèrement, profondément, absolument rien, désolé je ne suis plus client. Besoin d'autres choses, besoin de paysages, besoin de voir la mer ou un beau visage, oui, ça oui. Besoin de profiter du silence ou d'une belle voix, oui, ça oui. Besoin du mouvement de la rivière et de l'odeur des sous-bois, oui, ça oui. Besoin de voir l'ocre d'une belle façade sous le soleil, la profondeur d'une ruelle déserte baignée de nuit, oui ça, oui. Besoin de laisser naître en moi une belle idée et peut-être d'en faire trois lignes qui se perdront elles aussi : oui, ça oui, cent fois oui. Pire encore ou mieux encore —c'est au choix : depuis peu je n'attends plus rien, ni personne. Et pourtant... si "plus rien, ni personne" frappaient à ma porte, j'irais ouvrir et je serais heureux de ce qui suivrait. Je les accueillerais avec plaisir "rien, ni personne", même si à nouveau ils venaient à disparaître. J'en suis arrivé là, je suis capable de ça. Capable de laisser arriver ce qui arrive. Et si cet état devait disparaître avec les acteurs responsables de cet état, ce ne serait pas un drame. Je ne regarde plus dans les vitrines, j'oublie, c'est comme si je gardais les yeux fermés en marchant. Je ne fabrique plus aucune attente, ni aucun de ses produits dérivés : le manque, les frustrations, les désirs incomblés et tout cet inassouvi ravageur qui en découle. Je prends ce qui veut bien venir à moi et me reconnaître. Et sans jamais l'attendre je sais qu'elle existe la minuscule tribu de ceux qui finissent un jour par arriver, s'ils arrivent. L'âge offre ça, ce cadeau, quel cadeau, quelle paix, quel pied (de randonneur) ; ça doit s'appeler finalement le détachement, ça doit s'appeler finalement la Liberté.
'' I whose rays make the lines of thunder, And whose altars the universe worships; I whose greatest gods would fear war, Can I take mortals without dishonour?
I attack in spite of myself their proud envy, Their audacity overcame my nature and fate; For my virtue which is only to give life, Is now forced to kill them.
I free my altars from these troublesome obstacles, And trampling on these brigands whom my darts will punish, From now on everyone will come to my oracles, And prevent the harm that may befall him.
It is I who penetrate the hardness of the trees, Tear from their hearts a learned voice, Who silences the winds, who makes the marbles speak, And who traces to fate the conduct of kings.
It is I whose warmth gives life to roses, And raise up the buried fruits, I give duration and color to things, And bring to life the radiance of the whiteness of the lilies.
So little that I am absent, a cloak of darkness Holds with cold horror heaven and earth covered, The most beautiful orchards are funereal objects, And when my eye is closed everything dies in the universe.''
''Apollon Champion'', Théophile de Viau, (french poet, 1590-1626)
J'ai tout digéré du monde et bientôt je serai digéré par lui. Gibier du temps, proie fragile oxydée d'émotions. Lutter contre quoi ? Vous avez inventé la roue, le canon, le parapluie, le planeur mais rien qui empêche ou guérisse des disparitions. De mon côté je n'aurais fait que des mots ; ils ne seront parvenus ni à faire basculer un amour, ni à convaincre d'un retour les âmes en allées. Des phrases éphémères relâchées dans la nature, sur la toile, comme des souris de labratoire. Des mots sauvés ou perdus d'avance : confettis, éclats de clarinette, sourire en douce. À la fin, c'est le point qui clos la recherche du sens et des frissons ; pas d'autre issue pour l'écrit, la pensée, l'existence ; tout s'arrête à cette ponctuation ... Et puis l'écho d'une suspension, d'une errance, d'un silence et son oubli magnifique ; point final au-delà du point.